• BLAISE Christine épouse VILLEMIN
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    ASSASSINAT
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    NO 32/93
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    Non-lieu C/ Christine BLAISE épouse VILLEMIN
    I -Faits & procédures

    II – Résultat de l'information et discussion des charges

    A – Charges pesant sur Christine VILLEMIN 
    B – Charges pesant sur Bernard LAROCHE
    C - Charges pesant sur Murielle BOLLE 
    D – Charges pesant sur Marie-Ange LAROCHE
    E - Charges pesant sur d'autres personnes

    III - Demande de supplément d'information
    Par ces motifs, la cours

    VU, par la Cour d'Appel de DIJON, Chambre d'Accusation, réunie en la Chambre du Conseil, les pièces de l'information suivie au Tribunal de Grande Instance d'EPINAL (Vosges), du chef d'assassinat, contre x... devenu LAROCHE Bernard, né le 23 mars 1955 à EPINAL (Vosges), demeurant à AUMONTZEY (Vosges), décédé à AUMONTZEY le 29 mars 1985 (non-lieu intervenu à son égard par ordonnance du 18 avril 1985 en application de l'article 6 du Code de Procédure Pénale) puis contre x... devenu BLAISE Christine Jeanne Gilberte, épouse VILLEMIN, née le 13 juillet 1960 à PETITMONT (Meurthe-et-Moselle), fille de Lucien et de CHATEL Gilberte, domiciliée 40, rue de la Pâture à SAINT- CHERON (Essonne), mariée, deux enfants, sans profession, de nationalité française, jamais condamnée, détenue du 5 au 16 juillet 1985, en liberté sous contrôle judiciaire, ayant pour avocats Maîtres Henri-René GARAUD et Marie- Christine CHASTANT-MORAND, 17, rue de la Ville-l'Evêque à PARIS 8ème, Maître François ROBINET, 27, avenue Foch à NANCY (Meurthe-et-Moselle) et Maître Thierry MOSER, résidence Marigny, 33, boulevard de l'Europe à MULHOUSE (Haut- Rhin),avec constitution de parties civiles de :
    - Monsieur Albert Emmanuel VILLEMIN et de Madame Monique Jeanne JACOB, son épouse, domiciliés 109, route de Frambéménil à AUMONTZEY (Vosges), ayant pour avocats Maître Jacques LEAUTE, 3, rue Gazan à PARIS 14ème, Maître Paul LOMBARD, 24, Cours Pierre Puget à MARSEILLE 6ème, et Maître Joël LAGRANGE, 2,rue Saint Nicolas à NANCY,
    - Madame Gilberte CHATEL, veuve BLAISE, domiciliée 16, rue Alix-Leclerc à NANCY, ayant pour avocat Maître François ROBINET du barreau de NANCY,
    - Monsieur Jean-Marie VILLEMIN, domicilié 40, rue de la pâture à SAINT-CHERON (Essonne), ayant pour avocats Maîtres GARAUD et CHASTANT-MORAND du barreau de PARIS, Maître ROBINET du barreau de NANCY et Maître MOSER du barreau de MULHOUSE,
    Vu l'ordonnance de transmission des pièces de la procédure à Monsieur le Procureur Général près la Cour d'Appel de NANCY rendue le 11 septembre 1986 par le juge d'instruction au tribunal de grande instance d'EPINAL ;
    Vu l'arrêt de la Chambre d'Accusation de la Cour d'Appel de NANCY du 9 décembre 1986 ayant renvoyé Christine VILLEMIN devant la cour d'assises du département des Vosges sous l'accusation d'assassinat ;
    Vu l'arrêt rendu le 17 MARS 1987 par la Chambre Criminelle de la Cour de Cassation ayant annulé en ses dispositions relatives à Christine BLAISE, épouse VILLEMIN, l'arrêt de la Chambre d'accusation de la Cour d'Appel de NANCY du 9 DECEMBRE 1986, ayant renvoyé la cause et les parties devant la Chambre d'Accusation de la Cour d'Appel de DIJON et, pour le cas où cette Chambre d'Accusation déclarerait qu'il existe des charges suffisantes et qu'il y a lieu à accusation contre Christine VILLEMIN, ayant réglé de juges par avance et ordonné que la Chambre d'Accusation de céans renverrait Christine VILLEMIN devant la Cour d'Assises du département de la Côte d'Or ;
    Vu l'arrêt du 25 JUIN 1987 par lequel la Cour d'Appel de DIJON, Chambre d'Accusation, a notamment ordonné, avant dire droit au fond sur la suite à réserver à l'inculpation d'assassinat notifiée le 5 JUILLET 1985 à Christine BLAISE, épouse VILLEMIN, un supplément d'information et a désigné, pour y procéder, Monsieur Maurice SIMON, Président de la Chambre d Accusation ,
    Vu l'arrêté de Monsieur le Garde des Sceaux, Ministre de la Justice, en date du 8 JANVIER 1988, publié au Journal Officiel de la République Française le 14 janvier suivant, ayant admis
    Monsieur Maurice SIMON, Président de Chambre à la Cour d'Appel de DIJON, à faire valoir ses droits à la retraite à compter du 17 FEVRIER 1988 mais l'ayant maintenu en activité en qualité de Conseiller à partir du même jour jusqu'au 16 FEVRIER 1991 ;
    Vu l'arrêt du 11 février 1988 par lequel la Cour d'Appel de DIJON, Chambre d'Accusation, a désigné à compter du 17 février 1988 Monsieur le Conseiller Maurice SIMON pour continuer le supplément d'information ordonné par l'arrêt susvisé du 25 JUIN 1987 ;
    Vu l'arrêt du 19 SEPTEMBRE 1990 par lequel la Cour d'Appel de DIJON, Chambre d'Accusation, a commis Monsieur Jean-Paul MARTIN, Président de ladite chambre, pour procéder, en remplacement de Monsieur le Conseiller SIMON empêché, au supplément d'information ordonné par l'arrêt susvisé du 25 JUIN 1987 ;
    Vu les pièces du supplément d'information ;
    Vu l'arrêt de dépôt des pièces de la procédure en date du 3 JUIN 1992 ;
    Vu les réquisitions écrites de Monsieur le Procureur Général près la Cour d'Appel de DIJON en date du 22 JUIN 1992 tendant au prononcé d'un arrêt de non- lieu;
    Vu les notifications de la date de l'audience faites en conformité de l'article 197 du Code de procédure pénale ;
    Vu le mémoire déposé le 9 septembre 1992 par Maître ROBINET, avocat de Christine BLAISE, épouse VILLEMIN ;
    Vu Le mémoire déposé le 9 septembre 1992 par Maître ROBINET, avocat de Gilberte BLAISE, veuve CHATEL, partie civile ;
    Vu le mémoire déposé le 11 septembre 1992 par Maître MOSER, avocat, au nom de Christine BLAISE, épouse VILLEMIN et de la partie civile, Jean-Marie VILLEMIN ;
    Vu le mémoire déposé le 16 septembre 1992 par Maître CHASTANT-MORAND, avocat de
    Christine BLAISE, épouse VILLEMIN ;
    Vu le mémoire déposé le 17 septembre 1992 par Maître GARAUD, avocat de Christine BLAISE, épouse VILLEMIN et de la partie civile Jean-Marie VILLEMIN ;
    Vu les mémoires déposés le 18 septembre 1992 par Maître LAGRANGE, Maître LEAUTE et Maître LOMBARD, avocats des parties civiles époux Albert VILLEMIN ;
    Ouï, à l'audience de cette Chambre, tenue en la Chambre du Conseil en présence de l'inculpée et de toutes les parties civiles à l'exception de Madame Gilberte CHATEL, veuve BLAISE, le lundi vingt-et-un septembre mil neuf cent quatre vingt douze à neuf heures :
    Monsieur le Président MARTIN en son rapport ;
    Maître LEAUTE, avocat des époux Albert VILLEMIN, parties civiles, en ses observations ;
    Maître LAGRANGE, avocat des époux Albert VILLEMIN, parties civiles, en ses observations ;
    Maître LOMBARD, avocat des époux Albert VILLEMIN, parties civiles, en ses observations ;
    Monsieur l'Avocat Général KOHN, en ses réquisitions orales ;
    Maître MOSER, avocat de Christine VILLEMIN, en ses observations ;
    SUR CE, l'audience a été suspendue à douze heures quinze minutes pour être reprise le même jour à quatorze heures ;
    Ouï, à l'audience de cette Chambre, tenue en la Chambre du Conseil, le lundi 21 septembre 1992 à 14 heures, :a Chambre d'Accusation étant composée des mêmes magistrats que le matin :
    Maître ROBINET, avocat de Christine VILLEMIN, en ses observations ;
    Maître CHASTANT-MORAND, avocat de Christine VILLEMIN, en ses observations ;
    Maître GARAUD, avocat de Christine VILLEMIN, en ses observations ;
    Maître LEAUTE, avocat des parties civiles époux Albert VILLEMIN, a, sur sa demande, présenté des observations complémentaires tendant à faire constater l'absence de toute charge contre l'inculpée ;
    Monsieur l'Avocat Général KOHN a été également entendu ;l’inculpée et ses avocats ont eu la parole en dernier.
    SUR QUOI, les débats étant terminés, la Chambre d'Accusation de la Cour a mis l'affaire en délibéré sans précision de date.
    Et le MERCREDI TROIS FEVRIER MIL -NEUF CENT QUATRE-VINGT TREIZE, la Chambre d'Accusation, après en avoir délibéré conformément aux dispositions de l'article 200 du Code de procédure pénale, étant composée des mêmes magistrats qu'à l'audience du lundi 21 septembre 1992, vidant son délibéré, a rendu, en Chambre du Conseil, l'arrêt dont la teneur suit :


    I -FAITS ET PROCEDURE
    A partir du mois de septembre 1981, Albert VILLEMIN, ouvrier de filature, et son épouse Monique JACOB, demeurant à AUMONTZEY dans les Vosges, leurs enfants Jacky, Jacqueline, Michel, Jean-Marie et Gilbert, ainsi que les conjoints de ceux-ci et certains de leurs parents et alliés furent harcelés de centaines d'appels téléphoniques anonymes malveillants, parfois muets ou moqueurs, souvent insultants ou menaçants, qui tendaient, semble-t-il, à déstabiliser cette famille, à la diviser, à pousser son chef à se détruire en lui rappelant que son père s'était suicidé et en annonçant des accidents imaginaires. Une plainte pour violence et voies de fait déposée le premier décembre 1982 à la gendarmerie de CORCIEUX par Albert VILLEMIN, qui avait reçu la veille vingt sept communications anonymes, fut suivie d'une information judiciaire contre x. Elle resta sans effet. Les appels persistèrent et le 26 janvier 1983, il en reçut encore dix-sept. Leur auteur, qui semblait très bien renseigné sur les faits et gestes des destinataires, ne fut jamais identifié. Néanmoins ces agissements cessèrent le 17 mai 1983 quand la ligne téléphonique du plaignant eut été mise sous écoute. D'autres membres de sa famille continuèrent à recevoir des appels. I1 yen aurait eu un notamment le 8 avril 1984. Ces communications paraissaient émaner tantôt d'un homme à la voix rauque et essoufflée, tantôt d'une femme.
    A l'occasion de l'une d'elles, le correspondant inconnu avait annoncé qu'il brûlerait la maison de Jean-Marie VILLEMIN, contremaître à l'usine AUTO-COUSSIN de LACHAPELLE-devant- BRUYERES. Celui-ci avait répondu "Je m'en fous". Le Corbeau avait alors dit qu’il s’en prendrait à sa femme. Jean-Marie VILLEMIN avait répliqué “ j’en trouverai une autre ”. Le Corbeau avait enfin menacé d'enlever Grégory. Jean-Marie VILLEMIN qui idolâtrait son fils, avait rétorqué "Ne fais jamais ça" , montrant ainsi à son interlocuteur quel était le meilleur moyen de l'atteindre.
    Les membres de la famille VILLEMIN, notamment Albert. et Jean-Marie, furent. Également victimes de diverses persécutions: fausses commandes passées en leur nom, dégradations d'immeubles et de voitures (vitres cassées, pneus crevés) .
    En outre, au cours de l'année 1983, trois lettres anonymes, deux en caractères typographiques, une en écriture cursive hormis les quatre derniers mots, furent adressées à des membres de la famille VILLEMIN. La première, destinée à Jean-Marie VILLEMIN, fut découverte le 4 mars 1983, dans les volets de sa maison. Les deux autres furent respectivement adressées le 27 avril et le 17 mai 1983 de BRUYERES aux époux Albert et Monique VILLEMIN.
    L'auteur de ces appels et de ces écrits, désigné par ses victimes sous le nom de Corbeau, prenait souvent la défense de Jacky VILLEMIN, fils aîné de Monique JACOB, né avant le mariage de celle-ci et qu'Albert VILLEMIN avait légitimé bien qu'il n'en fût pas le père. Il était reproché à la famille VILLEMIN de le tenir à l'écart et de le traiter moins bien que les autres enfants. Albert VILLEMIN et Jean-Marie, qui de tous ses fils avait le mieux réussi, étaient particulièrement visés par les menaces.
    La première lettre était ainsi conçue "Je vous ferez votre peau à la famille VILLEMAIN".
    La seconde était rédigée en ces termes : "Si vous voulez que je m'arrête je vous propose une solution. Vous ne devez plus fréquenter le chef. Vous devez le considéré lui aussi comme un bâtard, le mettre entièrement de côté, pour vous et ses frères et soeur. Si vous ne le faites pas, j'exécuterai mes menaces que j'ai fait au chef pour lui et sa petite famille. Jacky et sa petite famille a été assez mis de côté. Au tour du chef d'être considéré comme un bâtard. Il se consolera avec son argent. A vous de choisir. La vie ou la mort. "
    La troisième lettre, sensiblement plus longue, se terminait par les mots suivants: "Eh oui le vieux, j'arrête et tu ne sauras jamais qui t'as fait chié pendant deux ans. Je me suis vengé car je vois que tu te rumines, tu ne te pendras peut-être pas mais je m'en fou car ma vengeance est faite. Je te hais au point d'aller cracher sur ta tombe le jour où tu crèveras. Jacky n'est peut-être pas plus estimé, mais je m'en fou je me suis venger. Ceci est ma dernière lettre et vous n'aurez plus aucune nouvelle de moi. Vous vous demanderez qui j'étais, mais vous ne trouverez jamais. Que le tout fou d'à côté arrête de frimer car il prend un coup de poing dans la gueule et il se sauve. Adieu mes chers cons" .

    Le 16 octobre 1984 à seize heures trente, Grégory Gilbert VILLEMIN, âgé d'un peu plus de quatre ans comme étant né le 24 août 1980 à SAINT-DIE, fils de Jean-Marie VILLEMIN, fut recueilli à sa sortie de l'école maternelle de LEPANGES-sur-VOLOGNE, commune des Vosges où ses parents habitaient, par Madame Christine MATHIEU épouse JACQUOT, demeurant en cette localité, HLM Gais Champs, bâtiment 4 n° 19, qui avait mission de le garder en attendant que sa mère, Christine BLAISE épouse VILLEMIN, alors âgée de vingt-quatre ans, couturière à la Manufacture de Confection Vosgienne, dite MCV, vienne le prendre en charge après son travail. L'enfant était vêtu d'un anorak bleu et d'un pantalon en velours vert foncé et avait la tête nue car le temps était très beau ce jour-là.
    Vers seize heures cinquante, Christine VILLEMIN vint chercher son fils. Après avoir bavardé quelques minutes avec la gardienne à laquelle elle raconta qu'elle était pressée parce qu'elle devait repasser du linge, elle fit monter Grégory dans son automobile Renault 5 noire à deux portes et regagna son domicile, 4, rue des Champs, en un lieu écarté, sur une colline dominant la vallée de la Vologne, à la lisière d'une forêt où elle et son mari avaient fait bâtir un pavillon confortable en 1981. Il y avait alors en cet endroit deux autres habitations mais l'une d'elles était inoccupée.
    Entre dix-sept heures quinze et dix-sept heures trente, Christine VILLEMIN qui, selon ses dires, avait laissé l'enfant jouer sur un tas de sable devant la maison après l'avoir coiffé d'un bonnet de laine, tandis qu'elle-même repassait du linge dans une pièce située à l'arrière de son logement, sortit pour le surveiller mais ne le vit pas. Après l'avoir appelé et cherché en vain, elle interpella Madame Marcelle DROUOT épouse CLAUDON qui, venant d'une pâture située un peu en dessous de la demeure des époux VILLEMIN, regagnait sa ferme sise à quelques centaines de mètres de distance en conduisant un troupeau de trente six vaches, puis son voisin Gilbert MELINE, occupé à balayer ces gravillons au bord de la route et leur demanda s'ils avaient aperçu Grégory. Madame CLAUDON et Monsieur MELINE répondirent par la négative et ce dernier chargea un promeneur de passage, Monsieur Bernard COLIN, d'interroger sa femme qui cousait dans son logement tout proche. Celle-ci n'ayant rien vu, la mère repartit au volant de sa voiture aux HLM Gais Champs et chez les parents d'Aurélien PARISSE, camarade de son fils, près de la poste de LEPANGES, en pensant que celui-ci avait peut-être voulu rejoindre ses compagnons de jeux habituels. Cette recherche, effectuée à vive allure, étant restée vaine, Christine VILLEMIN regagna son domicile en empruntant la rue des Bosquets. Arrivée devant la ferme des époux CLAUDON, elle fut immobilisée quelques minutes par leur troupeau de vaches qui barrait la chaussée. A cet instant, survenait un autobus de ramassage scolaire conduit par Christian CLAUDON, fils de ces exploitants agricoles.
    Le même jour, peu après dix-sept heures trente, Michel VILLEMIN, frère de Jean-Marie VILLEMIN, habitant AUMONTZEY (Vosges), village situé à une douzaine de kilomètres de LEPANGES-sur-VOLOGNE, sortit de son domicile sis à proximité de la maison de ses parents Albert et Monique VILLEMIN, héla son jeune frère Lionel, âgé de douze ans et l'invita à chercher d'urgence leur mère qui était allée, en compagnie de son mari, rendre visite à l'une de ses soeurs à peu de distance. A l'arrivée de ses parents, quelques minutes plus tard, il leur raconta qu'il venait de recevoir une communication téléphonique du Corbeau à la voix rauque et déguisée. Selon sa première déposition aux gendarmes, cet interlocuteur inconnu aurait tenu les propos suivants :
    "Je te téléphone car cela ne répond pas à côté. Je me suis vengé du chef et j'ai kidnappé son fils. Je l'ai étranglé et je l'ai jeté à la Vologne. Sa mère est en train de le rechercher mais elle ne le trouvera pas. Ma vengeance est faite. "
    Monique VILLEMIN téléphona aussitôt à sa bru pour la mettre en garde. Ne réussissant pas à la joindre, elle alerta successivement son fils Jean-Marie à l'usine AUTO-COUSSIN de LACHAPELLE-devant-BRUYERES, Gilberte CHATEL veuve BLAISE, mère de Christine VILLEMIN, demeurant à BRUYERES, et la gendarmerie de cette localité. Il était alors environ dix-sept heures quarante cinq. cinq minutes plus tard, les gendarmes furent à nouveau prévenus par la mère de l'enfant qui semblait au comble de la détresse.
    A l'annonce de la disparition de son fils, Jean-Marie VILLEMIN regagna en hâte sa maison, saisit une carabine et se précipita à GRANGES-sur-VOLOGNE au domicile de Roger JACQUEL, beau-père de son frère aîné Jacky VILLEMIN, qu'il soupçonnait d'être le Corbeau et d'avoir enlevé l'enfant, afin de délivrer celui-ci ou de le venger, mais la vue d'une voiture qu'il prit pour celle des gendarmes le fit renoncer à son projet.
    A LEPANGES où Gilberte BLAISE, les époux Albert VILLEMIN et leur fils Michel étaient arrivés ainsi que les gendarmes de BRUYERES, les recherches s'organisèrent aussitôt. Les bois des alentours, puis la vallée de la Vologne furent explorés. A vingt et une heures quinze des pompiers découvrirent le cadavre de Grégory VILLEMIN dans la Vologne, au lieu-dit Derrière le Moncey, au centre de l'agglomération de DOCELLES, village d'un millier d'habitants situé à six ou sept kilomètres en aval de LEPANGES. Le corps, dont la tête émergeait de l'eau, était adossé à un barrage déversoir à une dizaine de mètres au-delà d'une passerelle dite Pont Bailey, franchissant la rivière pour relier la rue de la Vologne à la rue du Moncey, un peu après la jonction de ce cours d'eau avec son affluent le Barba et avec le canal d'une papeterie voisine.
    L'enfant portait son anorak bleu à parements verts et oranges, son pantalon vert foncé et ses souliers bleus. Sa tête était coiffée de son bonnet de laine bleu marine, blanc et bleu roi, enfoncé jusqu'à la base du cou. Ses chevilles et ses poignets étaient liés au moyen de cordelettes mal serrées par des noeuds de tisserand, ressemblant à des noeuds à flot mais d'une facture plus compliquée. Une autre cordelette semblable entourait le cou de l'enfant.
    Celui-ci, dont les membres étaient encore souples, semblait dormir paisiblement. Aucune trace de violence n'était visible.
    Le lendemain, une lettre postée à LEPANGES le 16 octobre 1984 et portant le cachet de 17 heures l5 fut distribuée par le facteur au domicile de Jean-Marie VILLEMIN. Elle était adressée à celui-ci et son texte était le suivant :
    "J'espère que tu mourras de chagrin le chef. Ce n'est pas ton argent qui pourra te redonner ton fils. Voilà ma vengeance, pauvre con. "

    Les premières investigations de la gendarmerie étant restées infructueuses le parquet d'EPINAL ouvrit, le 17 octobre 1984, une information judiciaire contre X pour assassinat.
    Dans le cadre de cette procédure, Jean-Marie et Christine VILLEMIN, puis Gilberte CHATEL veuve BLAISE, enfin plus tard Albert et Monique VILLEMIN ainsi que leurs fils Jacky et Michel et les épouses de ceux-ci se constituèrent parties civiles.
    Le juge d'instruction d'EPINAL donna aussitôt commission rogatoire à la gendarmerie section de recherches de NANCY et Compagnie de gendarmerie d'EPINAL de procéder à une enquête et chargea le professeur Gérard DEREN et le docteur Elisabeth PAGEL, médecins légistes à NANCY, de pratiquer une autopsie, laquelle, selon le rapport de ces deux experts, démontra :
    - que Grégory VILLEMIN, qui était très beau, ne portait aucune trace apparente de violence, si ce n'est une ecchymose d'un centimètre de diamètre au milieu du front, à la racine des cheveux, visible seulement après décollement du cuir chevelu,
    - qu'il n'existait notamment ni égratignures, ni griffures, ni ecchymoses sous-jacentes aux cordelettes, ni strangulation, la cordelette du cou étant vraisemblablement destinée à maintenir le bonnet sur le visage de l'enfant,
    - qu'il y avait au niveau des narines et de la bouche un très important champignon de mousse montrant que la victime avait respiré dans l'eau,
    - que les lèvres étaient cyanosées, que les poumons étaient distendus et présentaient de nombreuses taches de TARDIEU, que les bronches et les bronchioles étaient remplies de spume hydroaérique, que l'oreillette droite du coeur contenait un sang fluide, que le foie et les reins étaient congestifs,
    - que l'estomac renfermait de l'eau en faible quantité et des résidus alimentaires ressemblant
    à des morceaux de pomme incomplètement digérés que les experts attribuèrent au repas de
    midi, mais qui, en réalité, devaient provenir du goûter de l'enfant, aux dires de la mère de celui-ci.
    Les experts conclurent à une mort par submersion vitale à double origine à la fois asphyxique et inhibitrice par arrêt du coeur au contact de l'eau froide.
    Le pharmacien METAIZEAU ne trouva pas d'alcool dans le sang de la victime.
    Le docteur LE BRETON, expert national en toxicologie, auquel, il est vrai, n'avait été fourni qu'un très faible échantillon de sang centrifugé, ce qui risquait d'en éliminer certains produits volatils, n'y décela pas de traces d'anesthésiques comme l'éther, le chloroforme et le trichloréthylène, d'hypnotiques barbituriques et de dérivés de la benzodiazepine.
    Le docteur DUPREZ, professeur d'anatomopathologie à la Faculté de médecine de NANCY, chargé d'examiner les poumons de l'enfant, constata un oedème important mais ne découvrit pas de corps étrangers végétaux ou minéraux dans les bronchioles et alvéoles malgré une inspection très attentive des différents lobes au microscope.
    Le 9 novembre 1984 le sieur Noël GRANDJEAN, ouvrier communal à DOCELLES, qui était occupé à tailler des sapins bordant le Barba, à proximité du monument aux morts de cette localité, découvrit sur les branches de l'un d'eux, à environ un mètre cinquante du sol, une boîte en carton marquée "NOVO INDUSTRIE PHARMACEUTIQUE 10 ml Insuline NOVO LENTE RMC 40 UI suspension injectable d'insuline zinc mixte" renfermant un flacon de verre transparent obturé à l'aide d'un caoutchouc rouge et une seringue en plastique translucide de marque BD avec piston, aiguille et protège aiguille ainsi que l'emballage de celle-ci. Pensant que ces objets pouvaient être en relation avec l'assassinat de Grégory VILLEMIN, il les apporta au maire de la commune qui les remit à la gendarmerie.
    Une enquête du service régional de police judiciaire de NANCY révéla ultérieurement que le flacon portait le numéro 0605 et mentionnait comme date de péremption mars 1986 tandis que son emballage portait le numéro 0613 et que sa date de péremption était juin 1986. Ils n'appartenaient donc pas au même lot et avaient été distribués à des époques différentes aux dires du fabricant de ce produit.
    Une expertise confiée le 22 janvier 1990 à Madame Michèle RUDLER, directeur des laboratoires de toxicologie et de police scientifique de la préfecture de police de PARIS, établit que le flacon ne contenait plus d'insuline, produit instable à température ambiante, mais renfermait du sodium et du zinc, éléments minéraux entrant dans la composition de l'insuline, que la membrane en caoutchouc de ce flacon avait été percée par un objet cylindrique à extrémité taillée en biseau, telle que l'aiguille faisant l'objet de l'autre scellé. Aucune trace de substance toxique ne fut trouvée dans le flacon ou la seringue.

    Après le crime, de nouvelles communications téléphoniques anonymes parvinrent aux époux Albert VILLEMIN. Certaines particulièrement odieuses décrivaient les circonstances prétendues de la mort de Grégory VILLEMIN, noyé dans une baignoire et les souffrances qu'il aurait endurées. Leur auteur ne fut jamais identifié.
    Une autre lettre anonyme rédigée en caractères typographiques apparemment semblables à ceux des lettres de l'année 1983 et ainsi libellée "Je vous ferez à nouveau votre peau à la famille VILLEMAIN, prochaine victime MONIQUE" fut adressée le 24 juillet 1985 à Albert VILLEMIN de la poste de DARNIEULLES, village situé à une dizaine de kilomètres à l'ouest d'EPINAL.

    Les menaces verbales et écrites reçues par les consorts VILLEMIN, dont l'assassinat semblait l'aboutissement, orientèrent l'enquête en direction de leurs proches. Roger JACQUEL, Jacky VILLEMIN et Michel VILLEMIN, d'abord soupçonnés, furent rapidement mis hors de cause après vérification de leur emploi du temps.
    Eu égard à certaines lacunes et contradictions dans ses déclarations et surtout à la suite du récit de sa belle-soeur Murielle BOLLE, alors âgée de quinze ans, qui après des dépositions contraires, l'avait accusé d'avoir enlevé l'enfant au cours d'une promenade effectuée ensemble et de l'avoir conduit à DOCELLES, Bernard LAROCHE, âgé de vingt neuf ans, fils d'une soeur de Monique JACOB épouse VILLEMIN et comme tel cousin germain de Jean-Marie VILLEMIN, fut inculpé le 5 novembre 1984 d'assassinat et placé le même jour sous mandat de dépôt. Il refusa d'abord de s'expliquer puis nia catégoriquement les faits qui lui étaient reprochés. Murielle BOLLE ayant ultérieurement rétracté ses accusations et les charges réunies contre l'inculpé lui ayant paru trop fragiles, le juge d'instruction d'EPINAL remit en liberté Bernard LAROCHE le 4 février 1985 contre l'avis du ministère public. Par une lettre du même jour, l'un des conseils des époux Jean-Marie VILLEMIN demanda au magistrat instructeur de confier l'enquête au Service régional de police judiciaire de NANCY, ce que le juge, Monsieur LAMBERT, fit le 20 février suivant.
    Le 29 mars 1985, Bernard LAROCHE fut abattu d'un coup de fusil devant son domicile par son cousin Jean-Marie VILLEMIN qui lui imputait l'assassinat de son fils.
    Le 18 avril 1985, le juge d'instruction d'EPINAL rendit une ordonnance déclarant l'action publique éteinte à l'égard de LAROCHE à compter du 29 mars 1985 et disant que 1.' information serait désormais suivie contre x.
    Au vu du résultat des investigations du Service régional de police judiciaire de NANCY qui tendaient à convaincre la mère de Grégory VILLEMIN d'avoir assassiné son fils, le même magistrat inculpa Christine VILLEMIN de ce crime le 5 juillet 1985 et la plaça sous mandat de dépôt contre l'avis du parquet. Mais, sur appel de l'inculpée, la chambre d'accusation de NANCY la libéra et la plaça sous contrôle judiciaire le 16 juillet suivant en considérant qu'en dépit de certaines charges troublantes, trop d'incertitudes subsistaient.
    Le 11 septembre 1986, le juge d'instruction d'EPINAL rendit, conformément aux réquisitions du ministère public, une ordonnance de transmission des pièces de la procédure au Procureur général qui, le 17 octobre, requit le renvoi de l'inculpée devant la Cour d'assises des Vosges.
    Par un arrêt du 9 décembre 1986, la Chambre d'accusation de NANCY:
    - déclara irrecevables les constitutions de partie civile des époux Jacky et Michel VILLEMIN au motif qu'ils ne justifiaient pas d'un préjudice moral,
    - prononça la nullité de plusieurs pièces du dossier, notamment de procès-verbaux et d'écrits faisant état d'actes annulés et de plusieurs procès-verbaux de transport,
    - rejeta diverses demandes d'annulation de la procédure,
    - renvoya Christine BLAISE épouse VILLEMIN devant la Cour d'assises des Vosges sous l'accusation d'assassinat et décerna contre. elle une ordonnance de prise de corps en se fondant sur un faisceau de vingt- cinq éléments à charge qui seront ultérieurement examinés en détail.

    Sur pourvoi de l'accusée, la Chambre criminelle de la Cour de Cassation a, par arrêt du 17 mars 1987, annulé l'arrêt de la Chambre d'accusation de NANCY en ses dispositions relatives à Christine VILLEMIN et a renvoyé la cause et les parties devant la Chambre d'accusation de la Cour d'appel de DIJON :
    1) au motif que la juridiction d'instruction du second degré avait refusé d'annuler un rapport déposé le 21 janvier 1989 par les experts CECCALDI et CLEMENT concernant bl'examen des cordelettes et l'analyse de la salive déposée sur des timbres et des enveloppes bien qu'aucune pièce du dossier n'indiquât que ce dernier expert, non inscrit sur l'une des listes prévues par l'article 157 du Code de procédure pénale, eût prêté serment,
    2) au motif que la Chambre d'accusation de NANCY avait refusé d'annuler le rapport des docteurs WERNER et KOHLER de l'Office fédéral allemand de police criminelle bien que ce rapport n'eût pas été signé par le second expert au mépris de l'article 166 du Code de procédure pénale,
    3) au motif qu'aucun texte n'autorisait la Chambre d'accusation de NANCY à ordonner le retrait du dossier d'écritures des parties faisant référence à des actes de la procédure antérieurement annulés.
    La Cour de cassation a décidé en outre que pour le cas où la Chambre d'accusation de céans déclarerait qu'il existe contre Christine VILLEMIN des charges suffisantes d'avoir commis le crime qui lui est imputé, elle renverrait cette inculpée devant la Cour d'assises de la Côte d’Or.

    Saisie par le Procureur général près la Cour d'appel de DIJON de réquisitions écrites tendant au renvoi de l'inculpée devant la Cour d'assises de la Côte d'Or sur le fondement des mêmes charges que celles retenues par la Cour de NANCY et à l'annulation de certaines pièces, la Chambre d'accusation de DIJON a, par arrêt du 25 juin 1987, annulé de nombreux actes de la procédure, non seulement les expertises visées par la Cour de cassation dans les motifs de l'arrêt du 17 mars 1987, mais encore la plupart des procès-verbaux de transport du juge d'instruction d'EPINAL.
    Considérant que du fait de ces annulations la procédure n'était pas complète, qu'en outre il ne résultait pas du dossier que Christine VILLEMIN fût la seule personne ayant pu commettre le crime litigieux, enfin qu'aucun mobile expliquant l'assassinat de Grégory VILLEMIN par sa mère n'avait été découvert, la Chambre d'accusation de céans a ordonné un supplément d'information et a désigné pour y procéder son président d'alors, Monsieur Maurice SIMON. Elle a de nouveau commis celui-ci aux mêmes fins lorsqu'ayant atteint l'âge de soixante cinq ans, il est devenu conseiller en surnombre.

    Ce magistrat s'est attaché à combler les lacunes résultant des annulations prononcées par les chambres d'accusation de NANCY et de DIJON, a réétudié très attentivement la plupart des charges pesant sur l'inculpée et a entrepris des recherches dans des directions jusque là négligées. L'ampleur du travail qu'il a accompli est telle qu'il est impossible d'en rendre compte en détail.
    Mais frappé par la maladie, il a dû interrompre son activité et la Chambre d'accusation a désigné en ses lieu et place son président, par arrêt du 19 septembre 1990, pour continuer le supplément d'information.
    C'est alors que les révélations d'un témoin, Madame CONREAUX, ont donné un nouvel essor à l'enquête. Après l'exploitation des renseignements recueillis, une nouvelle audition de Murielle BOLLE, une confrontation des époux Jean-Marie VILLEMIN et Albert VILLEMIN, l'exploration d'autres pistes de recherches non encore étudiées et l'organisation de nouvelles expertises en écritures, un arrêt de dépôt a été rendu par cette chambre le 3 juin 1992.

    Estimant que l'information n’avait pas permis de découvrir l'auteur ou les auteurs de l'assassinat de Grégory V:LLEMIN et que les charges rassemblées contre Christine VILLEMIN avaient été affaiblies et souvent anéanties par le supplément d'information, qu'en tout cas elles étaient insuffisantes, Monsieur le Procureur général a requis non lieu en faveur de celleci le 22 juin 1992.

    Le 9 septembre 1992, Maître ROBINET a déposé deux mémoires concluant l'un et l'autre au prononcé d'un arrêt de non-lieu :
    - le premier pour le compte de Madame Gilberte BLAISE veuve CHATEL qui tend à démontrer l'absence de mobile de Christine VILLEMIN et la culpabilité de LAROCHE,
    - le second, dans l'intérêt de Christine et de Jean- Marie VILLEMIN qui s'attache :
    * à prouver au vu du résultat du supplément d'information :

    .la fausseté des dépositions des témoins qui prétendent avoir vu Christine VILLEMIN poster à LEPANGES,

    .le 16 octobre 1984, une lettre supposée être celle revendiquant le crime, le caractère contestable des saisies, au domicile des époux Jean-Marie VILLEMIN, de cordelettes semblables à celles ayant servi à ligoter leur fils Grégory,
    * à mettre en évidence les contradictions des experts en écritures,
    * et à attribuer à Bernard LAROCHE la lettre du 17 mai 1983 et la lettre de revendication du crime au vu des rapports des experts Denis KLEIN et Isabelle DAVIDSON.

    Le 11 septembre 1992, Maître MOSER a déposé au nom ce Jean-Marie et de Christine VILLEMIN un mémoire par lequel il sollicite l'inculpation de Murielle BOLLE du chef de complicité d'enlèvement d'un enfant de moins de quinze ans et la poursuite des investigations destinées à rechercher les complices et les co-auteurs de l'assassinat de Grégory VILLEMIN. Ils'efforce :
    - de démontrer la culpabilité de Bernard LAROCHE,
    - de prouver la participation de Murielle BOLLE, sinon à l'assassinat, du moins à l'enlèvement de l'enfant, de diriger des soupçons sur Marie-Ange BOLLE épouse de Bernard LAROCHE et soeur de Murielle BOLLE.

    Maître CHASTANT-MORAND a déposé, le 16 septembre 1992, un mémoire ayant pour objet d'établir :
    - que Christine VILLEMIN ne pouvait être le Corbeau, qu'elle n'a pas disposé du temps nécessaire pour commettre le crime qui lui est imputé,
    - qu'aucun mobile pouvant expliquer l'assassinat de l'enfant par sa mère n'a été découvert.

    Dans un mémoire déposé le 17 septembre 1992, Maître GARAUD critique très vivement l'information conduite par le juge d'instruction d'EPINAL et l'enquête menée sur commission rogatoire de celui-ci par le Service régional de police judiciaire de NANCY. Il réclame le prononcé d'une décision de non-lieu en faveur de l'inculpée et la poursuite de l'instruction en vue d'aboutir à la découverte et au châtiment des coupables.

    Dans deux mémoires déposés le 18 septembre 1992, l'un complétant et rectifiant l'autre, les conseils des époux Albert VILLEMIN, parties civiles, concluent eux aussi à un non-lieu en faveur de Christine BLAISE épouse VILLEMIN.
    Après avoir sollicité l'organisation d'une nouvelle expertise destinée à décrypter les cassettes d'enregistrement de la voix du Corbeau ou des Corbeaux, ils renoncent à cette mesure d'instruction.

    II - RESULTAT DE L'INFORMATION ET DISCUSSION DES CHARGES

    A l'issue de l'information judiciaire menée à EPINAL et de l'instruction complémentaire confiée à la Chambre d'accusation de DIJON qui furent rendues très difficiles :

    - par le grand nombre de personnes pouvant être soupçonnées d'avoir commis le crime,
    - par les lacunes et les insuffisances de l'enquête initiale,
    - par des erreurs de procédure qui provoquèrent, de manière souvent irrémédiable, l'annulation de beaucoup d'actes par les arrêts de la Chambre d'accusation de NANCY des 19 décembre 1984 et 9 décembre 1986 et par l'arrêt de la Chambre d'accusation de DIJON du 25 juin 1987,
    - par des dissensions au sein de la famille de la victime,
    - par la rivalité qui opposa le Service régional de police judiciaire de NANCY à la gendarmerie,
    - par les liens gui unissaient certains enquêteurs à des témoins et à des journalistes,
    - par des querelles d'experts,
    - par des violations répétées du secret de l'instruction,
    - enfin par la médiatisation extrême de cette affaire mystérieuse dont les presses écrite et télévisée s'emparèrent quelques instants seulement après l'enlèvement de l'enfant et à laquelle elles donnèrent un retentissement exceptionnel qui
    .divisa l'opinion publique souvent en fonction de critères politiques semblant sans rapport avec la réalité,
    .influença de nombreux témoins, en dissuada plusieurs de révéler ce qu'ils savaient de crainte de voir leur vie privée et leurs faits et gestes étalés au grand jour,
    .et à l'inverse, incita maintes personnes à fournir des renseignements dénués de fondement ayant eu pour seul effet de brouiller les pistes et d'allonger inutilement les recherches, de multiples interrogations restent sans réponse malgré les investigations innombrables et les efforts immenses accomplis pour découvrir la vérité.

    C'est ainsi que l'heure du décès de Grégory VILLEMIN demeure ignorée. Le docteur Alain PETIT, médecin à DOCELLES, qui examina le corps le 16 octobre 1984 à 21 heures 30, aussitôt après sa découverte, estima que la mort avait eu lieu aux environs de dix huit heures. Entendu le 18 novembre 1987 par Monsieur le Président SIMON, il précisa que le corps était souple, que la mâchoire était fermée et la peau déjà un peu dure, surtout au niveau des muscles masséter, ce qui signifiait qu'il y avait un petit début de contracture. A son avis le corps avait séjourné dans l'eau pendant un temps assez long dont il ne put toutefois évaluer la durée.
    Dans leur rapport d'autopsie les médecins légistes ne se hasardèrent pas à fixer l'heure de la mort. Dans une lettre du 20 novembre 1984, ils écrivirent au juge d'instruction d'EPINAL que l'aspect des résidus alimentaires trouvés dans l'estomac de la victime ne pouvait fournir aucune indication à ce sujet et en réponse à une nouvelle demande du magistrat instructeur, le professeur DE REN confirma qu'il lui était impossible de situer l'heure du décès. Il ajouta qu'à son avis l'enfant n'avait pas séjourné longtemps dans l'eau. Lors de son audition par Monsieur le Président SIMON le 24 octobre 1989, il estima cette durée à deux ou trois heures.
    Les professeurs MARIN et GISSELMANN, médecins experts consultés au cours du supplément d'information, indiquèrent que le décès de l'enfant avait pu se produire dans un laps de temps de deux à quatre heures avant la découverte du cadavre. Il aurait donc eu lieu, selon cette opinion, entre dix sept heures quinze et dix neuf heures quinze.
    Une dame Josiane LAHAYE épouse GUYOT qui, le 16 octobre 1984 vers 17 heures 30 avait franchi la Vologne en empruntant le pont Bailey, avait aperçu une forme bleue retenue par des pierres. La prenant pour un sac d'ordures en matière plastique, elle n'y avait pas pas prêté attention. Par la suite, les enquêteurs émirent l'hypothèse qu'il s'agissait de Grégory VILLEMIN enveloppé dans son anorak bleu. C'est possible, mais entendue à nouveau le 4 juin 1989 par des officiers de police judiciaire qui lui ont montré les vêtements de l'enfant, elle ne put certifier que c'était bien lui qu'elle avait vu.

    De même la cause du décès est incertaine. Dans un premier temps, les médecins légistes DE REN et PAGEL l'ont attribué à une asphyxie par submersion suivie, au contact de l'eau froide, d'une asphyxie par inhibition ayant entraîné un arrêt de la respiration et du coeur, les deux phénomènes s'étant succédés en l'espace de quelques secondes. Cette conclusion leur était dictée par l'absence de toute lésion au niveau des liens, ce qui semblait prouver que l'enfant ne s'était pas débattu. Leur avis a été contesté par les professeurs MARIN et GISSELMANN qui estiment qu'une hydrocution n'est nullement établie et privilégient l'hypothèse d'une noyade exclusivement asphyxique.
    Il se pourrait en effet :
    - que l'enfant n'ait été ligoté qu'après sa mort,
    - ou qu'il ait été assommé préalablement à celle-ci, violence qui aurait pu passer inaperçue lors de l'autopsie en l'absence d'incisions systématiques destinées à déceler des hématomes profonds extérieurement invisibles,
    - ou qu'il ait été endormi par des produits anesthésiques, éventualité qui ne saurait être entièrement exclue dès lors que ses viscères n'ont pas été prélevés et analysés,
    - ou enfin qu'il ait subi une piqûre d'insuline au moyen de la seringue et du flacon découverts par le garde champêtre Noël GRANDJEAN. Une injection de ce produit aurait pu plonger la victime dans le coma et rendre sa noyade aisée.
    Le délai d'action de l'insuline a fait l'objet de controverses. Le docteur Dominique MESSIN, médecin à GRANGES-sur-VOLOGNE, entendu le 3 décembre 1984 par la gendarmerie, a estimé qu'il ne fallait pas plus d'une demi-heure pour qu'apparaissent les premiers signes d'hypoglycémie alors que selon les experts DE REN, PAGEL, MARIN et GISSELMANN, il faudrait une heure et demie avant que l'insuline commence à agir. En l'absence d'expérimentation possible ces opinions divergentes sont difficiles à étayer. Il apparaît que l'effet d'un tel produit varie suivant le sujet qui le reçoit, la quantité utilisée et le mode d'injection, la voie intraveineuse ayant une action beaucoup plus rapide que les piqûres sous-cutanées ou intramusculaires.
    Les médecins légistes DE REN et PAGEL ont fait observer qu'une injection intraveineuse aurait été difficile à pratiquer et aurait certainement laissé des traces qui n'auraient pu échapper à leur attention lors de l'autopsie. En revanche ils ont admis qu'il aurait été aisé d'effectuer une piqûre intramusculaire au travers des vêtements, qu'elle aurait fort bien pu passer inaperçue et que les examens ultérieurs n'auraient pas permis de la déceler.
    Lors de son audition par Monsieur le Président SIMON, le 24 octobre 1989, le professeur DE REN a également considéré comme possible l'électrocution de Grégory VILLEMIN dans une baignoire.

    L'eau dans laquelle l'enfant a été asphyxié n'est pas davantage connue. Au début de l'enquête il paraissait admis que Grégory VILLEMIN avait été noyé dans la Vologne, mais le résultat de l'examen pratiqué par le professeur DUPREZ. permet d'en douter puisqu'aucune des particules minérales et végétales que cette rivière devait nécessairement charrier n'a été retrouvée dans les poumons de la victime. Il n'est dès lors pas exclu que la suffocation de celle-ci ait eu lieu dans une eau de ville, par exemple dans une baignoire ou dans un seau, hypothèse que les experts MARIN et GISSELMANN ont envisagée dans leurs rapports des 1er et 16 octobre 1987 et du 22 juin 1988, et qu'après l'avoir initialement écartée le professeur DE REN a admise comme plausible.

    Le lieu d'immersion de Grégory VILLEMIN n'a pu être déterminé avec certitude. Au départ de l'information, les enquêteurs l'ont situé au bord de la Volcgne, à environ quatre cents mètres en amont du pont Bailey, en un lieu qui fut qualifié de "point privilégié" parce qu'à proximité de la route départementale 44 reliant DEYCIMONT à DOCELLES des traces de passage dans l'herbe et notamment l'empreinte d'une chaussure de femme avaient été relevées dans un pré situé entre la voie ferrée LEPANGES-DOCELLES et la Vologne auquel on pouvait accéder facilement par un chemin de terre, que des traces de pneus avaient également été constatées dans le chemin et que des témoins, les époux GODFROY, avaient observé le 16 octobre 1984 vers 17 heures 20 les traces d'eau laissées par une voiture ayant quitté le petit chemin de terre pour reprendre la direction DEYCIMONT-LEPANGES sur la route 44.
    La mise à l'eau de Grégory VILLEMIN à cet endroit ne saurait être entièrement exclue, mais elle se heurte à de sérieuses objections :
    - il est surprenant qu'après avoir parcouru plusieurs centaines de mètres dans une rivière au courant impétueux, semée de roches et franchi un barrage en amont de DOCELLES le corps et les vêtements de l'enfant soient restés intacts ;
    - lors de l'instruction menée à EPINAL, les gendarmes ont procédé à plusieurs expériences au moyen d'un mannequin pesant douze kilogrammes, poids voisin de celui de la victime. Il n'arrivait au lieu de découverte du cadavre que s'il était jeté à proximité du ruisseau le Barba, derrière le local des pompiers de DOCELLES, non loin du lieu de découverte de la seringue et du flacon d'insuline et lieu également désigné par Murielle BOLLE comme étant celui où son beau-frère LAROCHE serait descendu de voiture en compagnie de Grégory VILLEMIN. En revanche si le mannequin était précipité dans l'eau au point privilégié il restait bloqué sur la crête du barrage situé environ deux cents mètres plus loin.
    En vue de découvrir la vérité, la Chambre d'accusation de DIJON s'est transportée sur les lieux le 17 novembre 1987 et a procédé sous la direction de son président d'alors à une longue et minutieuse reconstitution du trajet éventuellement suivi par le corps de l'enfant jusqu'au lieu de sa découverte. Cette mesure d'instruction n'a malheureusement pas donné de résultat probant, non seulement parce qu'un mannequin, si bien imité fût-il, n'a pas le même comportement qu'un corps humain, mais aussi et surtout parce que d'importants travaux, accomplis postérieurement au crime, avaient modifié le cours de la Vologne.

    La réalité de l'appel téléphonique qui aurait été adressé le 16 octobre 1984 après dix sept heures, d'abord en vain aux époux Albert VILLEMIN, puis à leur fils et voisin Michel, son origine et sa teneur ont été mises en doute, notamment par Madame Paulette KINET épouse JACQUEL, belle-mère de Jacky VILLEMIN, ainsi que par les époux Jean-Marie VILLEMIN. Hormis les déclarations de Michel VILLEMIN, il n'en existe aucune preuve. Lionel VILLEMIN, dernier des enfants d1Albert et de Monique VILLEMIN, âgé à l'époque de douze ans, a certes prétendu, lors de son audition par Monsieur le Président SIMON le 20 janvier 1988, qu'il avait entendu le téléphone sonner chez ses parents, pendant qu'il jouait aux abords de leur maison avec son camarade Savas ALICI, mais celui-ci ne l'a pas confirmé et Lionel avait dit le contraire aux gendarmes le 19 octobre 1984.
    L'interlocuteur anonyme qui depuis des années tracassait la famille VILLEMIN avait coutume de répandre de fausses nouvelles concernant des accidents ou des décès imaginaires de sorte qu'instruits par l'expérience, ses correspondants avaient pris l'habitude de vérifier, avant d'intervenir, l'exactitude de l'information qui leur était donnée. Or, quand l'enlèvement et l'assassinat de Grégory VILLEMIN ont été annoncés, il semble que cet avertissement ait été immédiatement pris au sérieux.

    L'heure à laquelle la lettre de revendication du crime a été déposée à la poste de LEPANGES, le 16 octobre 1984, est, elle aussi, problématique. Ce pli porte la mention d'oblitération de dix sept heures quinze, ce qui, selon le receveur, implique qu'elle a été déposée avant 17 heures, car en principe, le courrier expédié plus tard porte soit un cachet différent apposé à la main, soit le timbre du lendemain. Toutefois l'audition d'employées des postes et des expériences réalisées au cours du supplément d'information ont établi que le changement de compostage n'avait pas lieu à une heure rigoureusement fixe et qu'en fait le pli destiné à Jean-Marie VILLEMIN avait pu être déposé dans la boîte aux lettres entre 13 heures 55 et 17 heures 20 et qu'il avait été plus vraisemblablement expédié entre 16 heures 40 et 17 heures 15.

    Beaucoup d'autres incertitudes subsistent concernant notamment l'auteur des appels téléphoniques et celui des lettres anonymes, l'auteur du crime et le mobile de celui-ci. Ces problèmes seront examinés à propos de l'étude détaillée des charges pesant sur les deux inculpés successifs et sur les autres personnes pouvant avoir été mêlées à l'assassinat de Grégory VILLEMIN.

    A - CHARGES PESANT SUR CHRISTINE VILLEMIN
    Elles sont énumérées dans l'arrêt de renvoi devant la Cour d'assises des Vosges rendu le 9 décembre 1986 par la Chambre d'accusation de NANCY et elles ont été reprises par le réquisitoire de Monsieur le Procureur général près la Cour d'appel de céans du 28 avril 1987.


    PREMIERE CHARGE
    Elle tient à l'absence prétendue de toute allée et venue suspecte aux abords de la maison des époux Jean-Marie VILLEMIN et sur l'itinéraire, pourtant en terrain largement découvert, et en
    plein jour qu'un ravisseur aurait dû emprunter.. Il s'ensuivrait, selon la thèse initiale du ministère public, que l'inculpée serait la seule à avoir pu enlever son fils.

    Dès l'origine cette allégation semblait inexacte puisqu'un sieur Claude GREMILLET, demeurant rue de Bellevue à LEPANGES-sur-VOLOGNE, avait déclaré à la police judiciaire de NANCY que, de son domicile, il avait aperçu le 16 octobre 1984, vers dix sept heures cinq ou dix sept heures dix une automobile qui montait la rue des Champs en direction de la maison des époux Jean-Marie VILLEMIN. Lors du supplément d'information ce témoin dont la déposition a été confirmée par celle de son épouse, a précisé qu'en raison de l'éloignement et de la configuration des lieux il n'avait pu distinguer le type et la couleur de cette voiture et qu'il ne l'avait pas vu redescendre la côte. Cet élément important fut corroboré beaucoup plus tard par les révélations d'un témoin courageux, Madame CONREAUX née Charlotte REICHENAUER, au civisme de laquelle la Cour se plait à rendre hommage.
    A la fin de l'année 1985 les époux CONREAUX avaient acheté à Jean-Marie et à Christine VILLEMIN leur maison de LEPANGES-sur-VOLOGNE. Ils s'y étaient installés d'abord pour de brefs séjours puis, au mois de mars 1987, à demeure et ils avaient noué de bonnes relations
    avec leurs voisins. A l'occasion d'un litige l'opposant aux locataires d'une auberge dont elle était propriétaire dans le Haut-Rhin, Madame CONREAUX fut amenée, le 26 octobre 1990, à consulter Maître MOSER, avocat à MULHOUSE, qui était aussi l'un des conseils des époux Jean-Marie VILLEMIN. A l'issue de cette entrevue la conversation s'engagea sur l'assassinat de Grégory VILLEMIN et Madame CONREAUX demanda à son interlocuteur si Madame CLAUDON avait enfin dit ce qu'elle savait. Elle fit alors état de confidences qu'elle avait reçues de cette voisine et accepta d'en signer sur le champ une relation écrite qui fut aussitôt transmise au président de cette chambre par Maître MOSER.
    Entendue le 31 octobre 1990 par la gendarmerie sous la foi du serment, Madame CONREAUX raconta qu'au mois de juillet 1986 Madame Marcelle DROUOT épouse CLAUDON lui avait révélé que le jour de l'enlèvement de l'enfant, en fin d'après-midi, elle était passée devant la maison des époux Jean-Marie VILLEMIN pour se rendre dans une pâture située en dessous de celle-ci. Au cours du trajet effectué à bord d'une automobile GOLF blanche conduite par son ami Claude COLIN, contrôleur des lignes d'autobus de la Société des transports automobiles des Hautes Vosges dite STAHV, employeur de son fils Christian CLAUDON, elle avait croisé une voiture verte conduite par Bernard LAROCHE accompagné d'une autre personne. Afin de ne pas créer d'ennui à Monsieur COLIN qui désirait garder secrète sa présence à LEPANGES ce jour-là, elle avait laissé croire que c'était son mari Jean-Louis CLAUDON qui l'avait menée à sa pâture au volant de leur voiture MEHARI. Madame CLAUDON lui avait expliqué son silence par des menaces d'incendie de sa maison qu'elle avait reçues après le crime. Madame CONREAUX avait fait part à sa voisine Marie-Noëlle REMY épouse ROLLOT et à la fille de celle- ci Séverine ROLLOT des confidences de Madame CLAUDON et ces trois femmes avaient envisagé, ainsi qu'elle le confirmèrent, de porter cette information à la connaissance de Monsieur le Président SIMON au moyen d'une lettre anonyme que Séverine ROLLOT devait dactylographier, mais ayant cru que Monsieur SIMON savait la vérité, elles avaient finalement renoncé à leur projet.
    La section de recherches du groupement de gendarmerie de la Côte d'Or réussit à retrouver à EPINAL Monsieur Claude COLIN, né le 16 février 1926, ancien adjudant-chef devenu contrôleur de la STAHV, mais maintenant en retraite et à prouver par une enquête au siège de cette entreprise que le l6 octobre 1984 il avait eu à sa disposition une automobile de service VOLKSWAGEN GOLF blanche. Après quelques hésitations Claude COLIN reconnut que le 16 octobre 1984 il s'était arrêté vers 16 heures 30 au domicile des époux CLAUDON pour y boire un café et qu'au moment de son départ qu'il situa aux environs de dix-sept heures, Madame CLAUDON lui avait demandé de la conduire à son parc à bestiaux. Il l'avait prise à bord de sa voiture dont il ne se souvenait plus si c'était une Renault 4L ou une Golf blanche et l'avait déposée rue des Champs. Alors qu'ils se trouvaient entre la ferme CLAUDON et la maison VILLEMIN, sur le chemin dit de la Bure qui est étroit, ils avaient croisé une voiture venant de la rue des Champs dont le conducteur avait dû se garer à l'entrée d'un pré où était implantée une éolienne pour les laisser passer. Au moment où les deux véhicules se faisaient face, presqu’à l'arrêt, à cinq ou six mètres l'un de l'autre, Madame CLAUDON qui était pressée, avait dit à l'autre chauffeur "Dégage" et avait accompagné ce verbe d'un geste énergique du bras. Le conducteur était un homme assez corpulent et la passagère, assise sur le siège avant droit, était une femme aux cheveux roux, .signalements pouvant correspondre à ceux de Bernard LAROCHE et de Murielle BOLLE. Le témoin avait pensé que Madame CLAUDON connaissait ce couple que lui n'avait encore jamais vu. Ayant appris le crime le lendemain, Claude COLIN était revenu chez les époux CLAUDON et leur avait demandé de dissimuler sa présence à LEPANGES le 16 octobre 1984, au lieu et à l'heure de l'enlèvement de l'enfant, car il craignait, semble-t-il, que son employeur et son épouse n'en prissent ombrage. Il avait été convenu entre eux que l'on dirait que c'était Jean-Louis CLAUDON qui avait conduit son épouse à sa pâture dans leur voiture MEHARI. Marcelle CLAUDON lui aurait dit que c'était Bernard LAROCHE et Murielle BOLLE qui se trouvaient dans l'automobile rencontrée en chemin.
    Le 7 février 1991 Claude COLIN montra sur place aux adjudants DEFIX et BESSON de la section de recherches de DIJON l'endroit précis où le croisement s'était produit. Les enquêteurs constatèrent que les lieux étaient semblables à la description que le témoin en avait donnée et que le croisement de deux voitures sur le chemin de la Bure dont la configuration n'avait pas changé depuis le crime, était difficile.
    Questionnés à leur tour, Jean-Louis CLAUDON et son fils Christian reconnurent qu'ils avaient menti pour rendre service à Monsieur COLIN. Le père ajouta que Claude COLIN et son épouse lui avaient rapporté qu'ils avaient dû croiser plusieurs voitures durant leur trajet. Plus tard il prétendit que cette rencontre avait eu lieu près de la ferme CAPELLE, à proximité de sa maison.
    Entendue le 22 novembre 1990 par la gendarmerie Marcelle DROUOT épouse CLAUDON commença par nier avoir été conduite vers son troupeau de vaches par Claude COLIN, mais avertie des déclarations de celui- ci, elle admit avoir été emmenée dans l'automobile VOLKSWAGEN blanche de son ami, le 16 octobre 1984 entre 17 heures 10 et 17 heures 20. Elle affirma que durant le trajet aucun croisement n'avait eu lieu. La déposition de Monsieur COLIN apparait toutefois conforme à la réalité parce qu'elle est corroborée par les confidences de Madame CLAUDON non seulement à Madame CONREAUX,
    mais encore à d'autres personnes de son entourage, Monsieur Alfred GOFFENEY et les époux MELINE. Ces derniers, proches voisins des époux Jean-Marie VILLEMIN et amis des époux CLAUDON, avaient été précédemment entendus à plusieurs reprises et n'avaient rien révélé.
    Bien au contraire Gilbert MELINE avait jusque-là prétendu que Marcelle CLAUDON avait été conduite à sa pâture par son mari dans leur voiture MEHARI. Après bien des hésitations et des réticences les époux MELINE finirent par reconnaître qu'au cours d'un voyage effectué en leur compagnie à REMIREMONT, elle leur avait raconté les circonstances véritables du croisement mais qu'ils n'en avaient jusqu'alors pas fait mention parce qu'entre voisins on ne se critique pas et que quand on vous confie un secret, on le garde". Madame MELINE qui avait reçu par deux fois les confidences de Marcelle CLAUDON précisa que celle-ci, parlant du conducteur de la voiture qu'elle avait rencontrée, lui avait dit: "Il portait un pull-over jacquard et avait des moustaches. On aurait dit LAROCHE."
    Le gendarme LACHAUSSEE de la brigade d'YZEURE (Allier) avait été affecté de 1977 à 1987 à la brigade de BRUYERES et avait participé à l'enquête relative à l'assassinat de Grégory VILLEMIN. Bien avant le crime il avait lié connaissance avec les époux CLAUDON qui étaient des informateurs habituels de cette brigade et il était devenu leur ami. Entendu le 18 décembre 1990 sur commission rogatoire du président de cette chambre, il déclara qu'au début de l'année 1985 il avait appris qu'une personne amie des CLAUDON et travaillant à EPINAL avait vu quelque chose d'important ce jour de l'enlèvement de Grégory VILLEMIN et aurait notamment croisé une voiture sombre conduite par un homme qui circulait sur le chemin de la Bure reliant le chalet des époux VILLEMIN à la rue des Bosquets où se trouvait la ferme de la famille CLAUDON. Ayant su que ce témoin était Claude COLIN, il l'avait rencontré mais celui-ci n'avait jamais accepté de déposer parce que le jour des faits il n'aurait pas dû se trouver sur cet itinéraire. Aux dires du gendarme LACHAUSSEE, Claude COLIN était, selon la rumeur publique, l'amant de Marcelle CLAUDON .
    Le gendarme LACHAUSSEE prétendit qu'il avait communiqué à ses supérieurs les renseignements qu'il avait recueillis mais aucune trace de cette transmission ne fut retrouvée dans les pièces de la procédure et dans les archives de la gendarmerie qui avait été dessaisie de l'enquête par le juge d'instruction d'EPINAL le 20 février 1985.
    Mise en présence des témoins qui contredisaient sa version des faits, Madame CLAUDON persista à soutenir qu'elle n'avait croisé aucune voiture sur le chemin de la Bure. A l'entendre elle aurait seulement dit à ses interlocuteurs que quelqu'un avait vu une voiture le jour des faits. Son attitude s'explique, semble-t-il, par des menaces qu'elle aurait reçues peu après le crime. Leur réalité a été attestée par Claude COLIN et par tous les témoins auxquels elle s'était confiée ainsi que par le journaliste PRADIER qui s'était lié à la famille CLAUDON au cours de son enquête sur le crime. Elle aurait également subi des pressions de sa famille qui redoutait que leur ferme, laquelle est très vulnérable, ne fût incendiée. Le 15 octobre 1987, lors d'un transport de Monsieur le Président SIMON sur le lieu de l'enlèvement, Madame CLAUDON avait paru très agitée aux autres témoins qui avaient cru qu'elle allait dire ce qu'elle savait, mais son fils lui avait ordonné de se taire. En l'état la première des charges pesant sur Christine VILLEMIN se trouve donc anéantie.

    DEUXIEME CHARGE
    A proximité du point privilégié une empreinte de chaussure de femme a été découverte dans l'herbe, le 17 octobre 1984.

    Cet indice ne saurait être retenu contre Christine VILLEMIN :
    - d'une part parce qu'il n'est nullement prouvé que Grégory VILLEMIN ait été précipité dans la Vologne en ce lieu,
    - d'autre part parce qu'il n'est pas davantage établi que cette empreinte provienne d'une chaussure de l'inculpée. Celle-ci a prétendu, sans être contredite, que le 16 octobre 1984 elle était chaussée d'espadrilles et la seule paire de chaussures lui appartenant qui ait été saisie, était différente de l'empreinte.

    TROISIEME ET QUATRIEME CHARGES
    Sur un chemin de terre longeant la voie ferrée DEYCIMONT-LEPANGES, à proximité du point dit privilégié, des traces de pneus zx de calibre 135 x 14, différents de celles des roues de la voiture de LAROCHE, mais analogues à celles des pneus de la voiture de Christine VILLEMIN ont été relevées le 17 octobre 1984 par les enquêteurs.

    En outre, le 16 octobre vers 17 heures 20 des témoins, les époux GODFROY, ont remarqué sur la route départementale 44 reliant DEYCIMONT à DOCELLES, à sa jonction avec ledit chemin de terre, des traces d'eau laissées par les roues d'un véhicule court comme l'était celui de Christine VILLEMIN, qui aurait repris la direction de DEYCIMONT et de LEPANGES.

    Ces constatations se heurtent à la même objection que la charge numéro 2 puisqu'il est très douteux que Grégory VILLEMIN ait pu être jeté dans la Vologne en amont de DOCELLES. Au surplus l'automobile et les pneus de Christine VILLEMIN étaient d'un modèle répandu à de nombreux exemplaires.
    Enfin une expertise réalisée seulement en décembre 1985 et janvier 1986 alors que la voiture de l'inculpée avait parcouru depuis lors quatre mille kilomètres, n'a pas permis au techniciens commis d'affirmer que les traces provenaient du véhicule de celle-ci :
    - d'une part parce qu'ils ne possédaient pas un moulage de toute la bande de roulement,
    - d'autre part parce qu’il existait une légère différence dans la largeur des crampons.

    CINQUIEME CHARGE
    Il existe une discordance entre les déclarations de Christine VILLEMIN sur son emploi du temps le 16 octobre 1984, peu avant dix sept heures, à sa sortie de la manufacture vosgienne de confection où elle travaillait et celles de très nombreux témoins. L'inculpée a prétendu qu'après son travail elle avait pris la direction de DOCELLES pour se rendre aux HLM Gais Champs où habitait la gardienne de Grégory. Les dames Maria PEREIRA épouse LEITE et Maria DE SOUSA FERNANDES ont au contraire affirmé qu'elles avaient vu Christine VILLEMIN se diriger non vers DOCELLES, mais vers BRUYERES à 16 heures 52, c'està- dire vers la poste de LEPANGES. A 16 heures 55 trois autres collègues de l'inculpée l'auraient aperçue devant la poste de cette localité. Anne-Marie TEXEIRA l'aurait vu mettre un pli dans la boîte aux lettres ; Sandrine LOUPS l'aurait vu monter en voiture devant la poste et
    Marie-Lise BLONDEL épouse PEREIRA l'aurait vu faire demi-tour devant la poste avec sa voiture R5 noire.
    La Cour de NANCY a noté dans son arrêt que ces témoins avaient été entendus à plusieurs reprises, qu'ils n'avaient pas varié dans leurs explications, qu'ils avaient donné des points de repère, que leurs dépositions avaient été corroborées par celles de Laurence LOUPS, de Gisèle BALLERY épouse LOUPS, de Stéphane PAUCHARD, de Gisèle VILLEMAIN, d'Annie POIROT, de Marie-France FLEURANCE, de Sylvie BATAILLE et de Véronique SCHALLER auxquels les témoins visuels avaient rapporté ce qu'ils avaient constaté. Elle a estimé que toutes ces personnes n'avaient pu se tromper et qu'aucune confusion n'était possible avec la lettre destinée aux établissements VERT-BAUDET que l'inculpée avait expédiée la veille du crime; qu'il était donc établi que Christine VILLEMIN avait posté une lettre à l'instant même où l'assassin avait posté son sinistre message.

    L'inculpée ayant toujours nié être passée devant la poste de LEPANGES le jour du crime, si ce n'est à 17 heures 30, quand elle recherchait son fils, Monsieur le Président SIMON a réentendu toutes les ouvrières qui soutenaient le contraire.
    Anne-Marie TEXEIRA et Danielle CORDIER, seuls témoins l'ayant vu mettre une lettre dans la boîte de la poste de LEPANGES, étaient les passagères d'une automobile pilotée par leur collègue Nicole MARTIN dans laquelle avait également pris place Laurence CLAUDEL. Cette dernière et la conductrice n'avaient rien remarqué. Anne-Marie TEXEIRA a finalement reconnu qu'elle ne savait pas si elle avait vu Christine VILLEMIN poster une lettre le quinze ou le seize octobre 1984 et a admis que ce doute était né dans son esprit dès le mois de novembre 1984. Danielle CORDIER a déclaré qu'elle était sûre qu'une autre couturière de la manufacture vosgienne de confection Annie MOUGENEL qui était habituellement transportée dans la voiture de Nicole MARTIN, s'y trouvait lorsqu'elle avait vu l'inculpée devant la poste de LEPANGES. Or l'enquête a révélé qu'exceptionnellement Annie MOUGENEL n'était pas montée dans cette automobile le 16 octobre 1984. Le 19 janvier 1988, Danielle CORDIER a reconnu son erreur. Déjà lors de son audition par la police judiciaire, le 20 mars 1985, elle avait indiqué qu'elle n'était pas sûre de la date de ses constatations. Mais le 14 octobre 1987 au cours d'une reconstitution effectuée par l'ancien président de cette chambre, elle avait affirmé la date du 16 octobre. Selon ses dernières déclarations il se serait agi d'un malentendu. Il est donc vraisemblable qu'Anne-Marie TEXEIRA et Danielle CORDIER ont vu la scène qu'elles décrivent le 15 octobre 1984 puisqu'il est démontré que l'inculpée a posté ce jour-là une lettre destinée à l'entreprise de vente par correspondance LE VERT-BAUDET.
    Les autres témoins sur la déposition desquels la Cour de NANCY avait fondé sa décision, ont en revanche maintenu leurs assertions précédentes en disant respectivement :
    - Maria PEREIRA épouse LEITE qu'à sa sortie de la manufacture vosgienne de confection le 16 octobre 1984, elle avait vu Christine VILLEMIN partir au volant de sa voiture vers BRUYERES - direction de la poste -et qu'elle avait cru qu'elle se rendait chez sa mère,
    - Maria FERNANDES que le même jour, peu avant 17 heures, elle avait vu Christine VILLEMIN rouler en direction de BRUYERES puis un instant plus tard revenir en sens inverse,
    - Marie-Lise BLONDEL épouse PEREIRA qu'elle avait aperçu l'automobile de l'inculpée amorcer un demi-tour devant la poste de LEPANGES le 16 octobre 1984 vers 17 heures,
    - Sandrine LOUPS que le même soir, peu après sa sortie de l'usine, Christine VILLEMIN avait contourné son automobile arrêtée, porte ouverte, devant la poste de LEPANGES et qu'elle avait entendu le bruit du moteur de ce véhicule qui démarrait.
    Les reconstitutions des faits accomplies par Monsieur le Président SIMON ont établi qu'eu égard à la configuration des lieux Marie-Lise BLONDEL épouse PEREIRA aurait dû voir le demi-tour de Christine VILLEMIN devant la poste de LEPANGES en son entier et non en partie seulement et que si la mère de Grégory était descendue de voiture pour déposer une lettre à la poste, Maria FERNANDES qui se rendait à la gare, n'aurait pas dû la voir de nouveau roulant cette fois en direction de DOCELLES pour aller aux HLM Gais Champs.
    Le supplément d'information a également démontré :
    - que Christine VILLEMIN n'avait pas l'habitude de faire demi-tour devant la poste de LEPANGES, manoeuvre qui était dangereuse en raison d'un manque de visibilité mais qu'elle contournait une maison située en face de la poste ainsi que l'a attesté une dame REMY, boulangère à LEPANGES, qui l'a vu opérer de cette façon le lundi l5 octobre 1984,
    - et que Sandrine LOUPS qui, la première avait prétendu dix jours après le crime, qu'elle avait vu Christine VILLEMIN le 16 octobre 1984 vers 17 heures devant la poste de LEPANGES, était en mauvais termes avec l'inculpée à laquelle elle n'adressait pas la parole. Reste le témoignage de Maria PEREIRA épouse LEITE qui étant une amie de Christine VILLEMIN n'avait aucune raison de lui nuire et dont la déposition ne se heurte à aucune impossibilité. Si rien n'autorise à l'écarter il convient toutefois d'observer :
    - que le point de repère qu'elle a donné n'est pas convaincant dans la mesure où il se situe non le 16 octobre 1984, mais le lendemain,
    - qu'elle ne se souvient pas avoir vu Christine VILLEMIN se rendre à la poste de LEPANGES le 15 octobre 1984 alors qu'il est prouvé que l'inculpée y est allée ce jour-là,
    - que d'autres témoins de bonne foi, tels Anne-Marie TEXEIRA et Danielle CORDIER ont commis une erreur de date,
    - qu'il n'est pas certain que la lettre de revendication du crime ait été déposée à la poste de LEPANGES le 16 octobre 1984 aux environs de 16 heures 55.
    Plusieurs des témoignages qui accusaient l'inculpée ont donc été détruits et le crédit qui s'attache aux autres se trouve grandement fragilisé. La Cour n’a pas trouver utile de parler du blouson de Christine VILLEMIN

    SIXIEME CHARGE
    Le soir du crime les volets de la maison des époux Jean-Marie VILLEMIN étaient fermés malgré le soleil qui brillait encore. Monsieur Bernard COLIN qui était passé devant leur domicile peu après dix sept heures l'avait remarqué et à indiqué que les volets du salon étaient habituellement ouverts.

    Sa déposition s'est trouvée contredite par celles des dames Andrée GREMILLET veuve GRANDIDIER et Marie-Noëlle REMY épouse ROLLOT, voisines des époux VILLEMIN, qui ont déclaré que les volets de leur pavillon restaient très souvent clos, même par beau temps. Leur fermeture le 16 octobre 1984 n'avait donc rien d'insolite.

    SEPTIEME CHARGE
    Le sieur Bernard COLIN, invalide demeurant à LEPANGES, était allé promener son chien le 16 octobre 1984, dans la forêt située au-delà du domicile des époux VILLEMIN. A dix sept heures il avait été dépassé, rue des Champs par la voiture de Christine VILLEMIN qui rentrait chez elle en compagnie de son fils. Deux cents mètres plus loin, en passant devant leur maison il n'avait remarqué ni la voiture de l'inculpée, ni l'enfant, qui pourtant venait souvent caresser son chien.

    Cette relation des faits qui résulte de la déposition du sieur Bernard COLIN recueillie le 19 mars 1985 par le service régional de police judiciaire de NANCY n'apparaît nullement déterminante parce que, lors de sa première audition par la gendarmerie, le 22 novembre 1984, ce témoin s'était borné à déclarer qu'il n'avait "pas fait attention" à la présence de la voiture dont il n'est dès lors pas établi qu'elle ne stationnait pas dans le garage. En outre Grégory VILLEMIN pouvait fort bien se trouver à l'intérieur de ce local ou jouer derrière la maison de ses parents lors du passage de ce promeneur, ainsi que celui-ci l'a admis devant le juge d'instruction d'EPINAL.

    HUITIEME CHARGE
    Christine VILLEMIN n'a pas été en mesure de préciser le contenu de l'émission radiophonique "Les Grosses Têtes" qu'elle dit avoir écoutée à son retour à son domicile le 16 octobre 1984 après 17 heures et a donné une indication inexacte sur une publicité de la Vache Grosjean.

    Cet oubli et cette erreur peuvent s'expliquer aisément dès lors que l'inculpée, si l'on tient sa thèse pour exacte, était occupée à des tâches ménagères exigeant une certaine attention comme le repassage, qu'elle ne se tenait pas dans la pièce où se trouvait le poste de TSF, qu'il s'agissait d'émissions banales et sans grand intérêt, et qu'elle a été gravement perturbée par les évènements dramatiques de cette journée et des semaines suivantes.

    NEUVIEME CHARGE
    Selon les accusateurs de Christine VILLEMIN le ravisseur aurait revendiqué son crime avant de l'avoir commis. Il fallait donc qu'il fût sûr de pouvoir disposer de l'enfant et de parvenir à ses fins sans être inquiété. Or seule une personne très proche de Grégory pouvait facilement l'emmener car cet enfant était très méfiant. Sa mère réunissait de telles conditions.

    Cette argumentation n'est nullement convaincante si l'on considère :
    - que le ou les auteurs de l'enlèvement s'ils ont pris l'enfant entre 17 heures 05 et 17 heures 15, ont eu la possibilité de déposer la lettre de revendication du crime à la poste de LEPANGES le 16 octobre 1984 avant la dernière levée du courrier,
    - que cette hypothèse est corroborée par le récit de Murielle BOLLE qui, avant de se rétracter, a déclaré que Bernard LAROCHE, après avoir fait monter le jeune VILLEMIN dans son automobile, s'était arrêté au centre du village de LEPANGES et était descendu de voiture un bref instant puis avait repris le volant,
    - que Grégory connaissait son oncle Bernard LAROCHE, venu en août et en septembre 1984 au domicile de ses parents, sous le surnom de Popof, et qu'il avait déjà eu l'occasion de jouer chez Michel VILLEMIN avec son petit cousin Sébastien LAROCHE, qui avait presque le même âge que lui, en présence de Murielle BOLLE,
    - qu'aux dires des époux MELINE, voisins de ses parents, et du sieur Bernard COLIN dont il venait caresser le chien, Grégory VILLEMIN n'était pas méfiant.

    DIXIEME ET ONZIEME CHARGES
    La Chambre d'accusation de Nancy a estimé qu'il était singulier qu'à 17 heures 32, quand Michel VILLEMIN a reçu un appel téléphonique du Corbeau, celui-ci ait pu savoir que la mère recherchait son enfant, car elle aurait pu ne sortir de son domicile que plus tard ou faire rechercher Grégory par un tiers. Elle a également trouvé surprenant que le Corbeau n'ait pas téléphoné à la mère qu'il savait chez elle.

    Ces opinions manquent de pertinence. En effet rien ne prouve que le Corbeau n'ait pas téléphoné à Christine VILLEMIN. S'il n'a obtenu aucune réponse, il a pu en déduire qu'elle cherchait son fils, prévision conforme à la réalité.

    DOUZIEME CHARGE
    Selon la Cour de NANCY les chronométrages auraient démontré que Christine VILLEMIN avait disposé du temps nécessaire pour assassiner son fils entre 17 heures et 17 heures 30, heure à laquelle elle aurait quitté son domicile pour effectuer des recherches et qu'elle aurait pu téléphoner de son domicile à son beau-frère Michel VILLEMIN.

    A titre liminaire il convient d'observer que le fait pour l'inculpée d'avoir eu matériellement le temps de commettre le crime litigieux ne constitue pas en soi une charge de culpabilité.
    Selon les calculs de la police judiciaire il aurait suffi à Christine VILLEMIN de vingt neuf minutes cinquante sept secondes pour quitter à seize heures cinquante deux la manufacture de confection vosgienne, se rendre à la poste de LEPANGES, puis aux HLM Gais Champs, regagner son domicile, aller de là jusqu'au passage à niveau de DOCELLES, jeter l'enfant dans la Vologne et revenir à LEPANGES. Elle aurait pu être de retour rue des Champs à 17 heures 21 minutes 57 secondes, se montrer aux témoins Marce1le CLAUDON, Gilbert MELINE et Bernard COLIN, rechercher en leur présence son fils, repartir au domicile de la gardienne Christine JACQUOT, y être vue par les dames ORY et PLUTON à 17 heures 40 aux dires de celles-ci et retourner rue des Champs vers 17 heures 45 ou 50 pour alerter la gendarmerie. Bien qu'il suppose un enchaînement d'actions accomplies avec une extrême célérité, sans aucun temps mort, sans le moindre incident de parcours, sans la plus légère hésitation et qu'il ne tienne pas compte de l'obstacle résultant de la présence à proximité du point privilégié, d'un ruisseau malaisé à franchir dans la prairie longeant cette rivière, dont l'existence, négligée par les premiers enquêteurs, a été découverte par Monsieur le Président SIMON, ce minutage, qui n'a pas été infirmé par le supplément d'information, apparaît théoriquement possible bien qu'en pratique la commission du crime dans un si bref délai eût été très difficilement réalisable.
    Cet emploi du temps de l'inculpée se heurte toutefois, sinon aux dépositions imprécises et divergentes des témoins Bernard et Claude COLIN, Gilbert MELINE et Marcelle CLAUDON dont les évaluations horaires peuvent être sujettes à erreur quand il s'agit de reconstituer des évènements à la minute près, du moins à un élément objectif très solide, les indications du contrôlographe de l'autobus de ramassage scolaire conduit par Christian CLAUDON qui rentrait habituellement chez ses parents vers 17 heures 30.
    Cet appareil dont le parfait état de fonctionnement a été démontré par des rapports d'expertise des 11 et 15 février 1986 révèle que le 16 octobre 1984 l'autobus était de retour à la ferme des époux CLAUDON à 17 heures 32 minutes 41 secondes. Or il est établi qu'à cet instant Christine VILLEMIN qui revenait des HLM Gais Champs et du domicile des parents d'Aurélien PARISSE par la rue des Bosquets se trouvait immobilisée dans cette voie au niveau de la ferme des époux CLAUDON par leur troupeau de vaches qui barrait la chaussée.
    Elle ne pouvait donc être l'auteur de l'appel téléphonique adressé au même instant à Michel VILLEMIN et, compte-tenu de la durée des recherches de son fils qu'elle avait entreprises au préalable dans sa maison, aux abords de celle-ci, chez ses voisins qu'elle avait interrogés puis au centre de l'agglomération de LEPANGES et qui avaient certainement duré plus de dix minutes, il apparaît impossible qu'elle ait disposé du temps nécessaire pour commettre le crime qui lui est imputé.
    Il convient en outre d'observer qu'elle avait annoncé à Christine JACQUOT son intention de repasser du linge et que du linge repassé a été vu à son domicile par le gendarme Michel HENRY, par le capitaine Etienne SESMAT et par sa belle-mère, ce qui, sauf une mise en scène ou des complicités dont il n'existe pas le moindre commencement de preuve, tend à démontrer qu'elle n'a pas quitté sa maison aussitôt après l'avoir rejointe à dix-sept heures.

    TREIZIEME ~ QUATORZIEME CHARGES
    Les manifestations téléphoniques du Corbeau dont le crime paraît l'aboutissement, semblaient émaner d'une voix de femme à laquelle succédait une voix rauque paraissant celle d'un homme. Selon les experts MANOUX et CANTAU les voix enregistrées par les membres de la famille VILLEMIN sur des cassettes proviendraient d'une seule et même personne et leur déguisement tendrait à rapprocher voix masculine et voix féminine.
    Les experts PINEL et LIENARD, dans un rapport du 13 janvier 1986, pensent que la voix du Corbeau est presque certainement celle d'une femme. Ils n'ont toutefois pas dit que c'était la voix de Christine VILLEMIN mais eu égard à la teneur des communications anonymes dont il sera question ci-après, la Cour de NANCY en a déduit que leur auteur était une femme de la famille VILLEMIN.

    En raison de la divergence des avis des experts commis par le juge d'instruction d'EPINAL et compte-tenu des protestations de l'inculpée dont les avocats avaient fait valoir que de précédents experts, Messieurs YANA et PFAUWADEL, dont le rapport, déposé le 28 novembre 1984, avait été annulé pour des vices de procédure, avaient exprimé une opinion différente de celle de leurs successeurs, une nouvelle étude des voix enregistrées a été confiée, au cours du supplément d'information à l'ingénieur JONESCO, expert près la Cour d'appel de LYON.
    Celui-ci a écouté pendant des centaines d'heures des cassettes enregistrées avant et après le crime. En s'appuyant sur les timbres et le rythme des voix ainsi que sur la teneur des propos et la manière de les exprimer il a estimé que les communications anonymes émanaient de deux personnes différentes. La première voix, celle des appels antérieurs à l'assassinat, appartiendrait à un individu de sexe masculin d'âge moyen entre quarante cinq et cinquante cinq ans. Certaines intonations lentes pourraient faire penser à la voix d'une femme du même âge légèrement modifiée. Cette seconde éventualité a paru toutefois improbable à l'expert.
    L'autre voix serait celle d'un homme plus jeune, entre trente et quarante ans. Les propos tenus aussi bien par la première voix que par la seconde laissent supposer que les correspondants anonymes connaissaient bien la famille VILLEMIN. Malgré l'ampleur des investigations effectuées, cette dernière mesure d'instruction, comme d'ailleurs les précédentes, n'a apporté aucun élément déterminant contre Christine VILLEMIN.

    QUINZIEME CHARGE
    Une cassette a été enregistrée par l'inculpée. Cet enregistrement permet d'entendre une voix d'enfant que Jean-Marie et Christine VILLEMIN ont attribuée à leur neveu Daniel, fils de Michel VILLEMIN. Christine VILLEMIN se serait. mise en colère quand ses beaux-parents avaient refusé de reconnaître la voix de leur petit fils Daniel. Or les experts MAMOUX et CANTAU, de même que les experts PINEL et LIENARD, ont estimé que l'enfant dont on entendait la voix se trouvait dans la pièce où l'enregistrement était effectué et que sa voix n'était pas passée par le canal du téléphone. L’inculpée a fini par admettre devant le juge d'instruction d'EPINAL que la voix enregistrée était celle de son fils Grégory, ce qui démontrerait qu'elle était précédemment de mauvaise foi.

    Il est à noter que Christine VILLEMIN a ultérieurement rétracté cet aveu qu'à l'entendre, elle aurait passé par lassitude.
    Quoiqu’il en soit, le supplément d'information a montré que les époux Jean-Marie VILLEMIN étaient persuadés, à tort ou à raison, que leur frère et beau-frère Michel VILLEMIN et Ginette LECOMTE son épouse, lesquels étaient les plus proches voisins d'Albert et de Monique VILLEMIN et les mieux renseignés sur leurs faits et gestes dont le Corbeau faisait très souvent mention, étaient soit les auteurs des appels téléphoniques anonymes, soit les informateurs du Corbeau.
    Il n'est pas exclu qu'ils aient tenté, au moyen d'une supercherie, de faire partager leur conviction par leurs parents et surtout par Monique VILLEMIN qui refusait d'admettre que son fils Michel pût être impliqué de près ou de loin dans ces communications malveillantes. On ne saurait dès lors tirer de cet élément d'appréciation une preuve ou présomption de la participation de l'inculpée à l'assassinat de son fils.

    SEIZIEME ET DIX-SEPTIEME CHARGES
    Christine VILLEMIN serait, selon ses accusateurs, l'une des rares personnes et parfois la seule à connaître les faits rapportés par le Corbeau tels :
    - le déplacement à AUMONTZEY de Gilbert VILLEMIN qui avait été avisé le 14 septembre 1982 à GRANGES-sur-VOLOGNE d'un accident prétendument subi le même jour par sa mère,
    - l'intervention le 13 décembre 1982 au soir de Monique et d'Albert VILLEMIN, ce dernier armé d'une carabine, au domicile de Christine VILLEMIN qui aurait été victime de menaces,
    - le projet de tendre un piège à André JACOB, soupçonné au mois de mars 1983 d'être le Corbeau,
    - l'installation de rétroviseurs au domicile des époux Albert VILLEMIN en janvier 1982,
    - la crevaison de trois pneumatiques de la voiture de Jacky VILLEMIN par son frère Jean- Marie au mois de novembre 1982.

    En outre l'inculpée serait la seule, eu égard à son emploi du temps, à pouvoir être l'auteur des quatre vingt sept appels téléphoniques anonymes recensés par les enquêteurs.

    Ces charges, au premier abord impressionnantes, sont dépourvues de consistance si l'on considère :
    - qu'il y a eu environ un millier d'appels du Corbeau ; qu'à eux seuls, Albert et Monique VILLEMIN en ont reçu près de huit cents et que les membres de leur famille et de leur entourage en ont reçu également un grand nombre, alors que le Service régional de police judiciaire de NANCY n'en a répertorié que quatre vingt sept,
    - que le cahier sur lequel Monique VILLEMIN notait les communications téléphoniques anonymes, s'est révélé très incomplet; que beaucoup d'entre elles n'y figuraient pas et qu'au cours du supplément d'information ce cahier est apparu tronqué, la majorité de ses feuillets ayant disparu,
    - que dans son tableau récapitulatif des appels du Corbeau la police judiciaire s'est bornée à étudier la disponibilité d'Albert VILLEMIN, ce qui ne se justifiait guère, des époux Jean-Marie VILLEMIN, des époux Bernard LAROCHE, des époux Michel VILLEMIN et des époux Jacky VILLEMIN, alors qu'il existait beaucoup d'autres suspects parmi les membres des familles JACOB, BOLLE, VERDU, HOLLARD, DELAITE et d'autres encore,
    - que les vérifications effectuées au cours du supplément d'information ont montré que des dates et des heures retenues par les auteurs de ce tableau étaient incertaines, par exemple celles des appels reçus par le garagiste POIRAT et par le docteur Daniel LAMBERT de LEPANGES-SUR-VOLOGNE ,
    - que cette nouvelle instruction a permis de situer dans le temps beaucoup d'autres appels qui ne pouvaient émaner de l'inculpée, compte-tenu de ses horaires de travail ou de ses occupations; qu'il en est ainsi parmi d'autres :
    *des appels reçus le lundi 25 janvier ou le mardi 26 janvier 1982 par Albert VILLEMIN et par Michel VILLEMIN entre 14 heures et 14 heures 15 puisque Christine VILLEMIN se trouvait alors à la Manufacture de confection vosgienne,
    *de l'appel enregistré le 21 mars 1983 à dix heures du matin par Jean-Marie VILLEMIN pour la même raison,
    *de l'appel reçu ~e 16 octobre 1984 par Michel VILLEMIN alors que l'inculpée se trouvait immobilisée devant la ferme des époux CLAUDON,
    - que l'imputation à la mère de Grégory de plusieurs communications est incompatible avec les bruits de fond perçus par leurs destinataires :
    *cliquetis d'un métier à tisser,
    *sifflement d'une machine en rotation,
    *coups de marteau clouant une caisse,
    *bruits de pas d'une personne gravissant un escalier alors qu'il n'y en avait pas dans le pavillon de la rue des Champs à LEPANGES,
    - que lors d'un des premiers appels anonymes Monique VILLEMIN a cru reconnaître les rires et la voix de sa nièce Valérie JACOB, fille de son frère Marcel, et d'une amie de celle-ci, Isabelle BOLLE, belle-soeur de Bernard LAROCHE,
    - que Christine VILLEMIN ignorait certains des évènements relatés par le Corbeau ou mis à profit par lui :
    *promenade de ses beaux-parents aux environs d'AUMONTZEY le 17 juillet 1982 ,
    *signature par Jacky et Liliane VILLEMIN de l'acte d'achat d'une maison chez un notaire le 8 mars ou avril 1984,
    *déplacements de Monique VILLEMIN à heures variables pour aller faire le ménage chez les époux HOMEYDE en 1981 et 1982, moments que choisissait le Corbeau pour troubler la sieste d'Albert VILLEMIN,
    *venue des gendarmes au domicile des époux Albert VILLEMIN à AUMONTZEY mentionnée une demi-heure plus tard par l'interlocuteur inconnu... Quant aux faits rapportés par le Corbeau et que Christine VILLEMIN aurait été seule à connaître, le supplément d'information a établi :
    - que les voisins d'Albert VILLEMIN ou les personnes dominant l'habitation de celui-ci avaient pu constater la venue de Gilbert VILLEMIN de GRANGES-sur-VOLOGNE à AUMONTZEY chez ses parents,
    - que Michel VILLEMIN a eu connaissance du déplacement de son père et de sa mère le 13 décembre 1982 à LEPANGES pour secourir sa belle-soeur, à telle enseigne qu'il avait été chargé de lui annoncer par téléphone leur arrivée prochaine,
    - que c'est Monique VILLEMIN qui, après avoir consulté une cartomancienne, avait soupçonné André JACOB d'être le Corbeau; qu'eu égard à son comportement habituel il serait surprenant qu'elle n'ait pas fait part du projet destiné à démasquer le suspect aux personnes de son entourage,
    - que l'essai d'installation de rétroviseurs au domicile d'Albert VILLEMIN a eu plusieurs témoins, non seulement son fils Michel VILLEMIN et sa femme qui habitaient à côté de leur père et beau-père, mais encore son gendre Bernard NOEL et Bernard LAROCHE.
    Enfin pour ce qui est de la crevaison des pneus de la voiture de Jacky VILLEMIN, son frère Jean- Marie a déclaré, le 21 mars 1985, aux fonctionnaires du Service régional de police judiciaire de NANCY qu'il en avait parlé à son père. L'inculpée n'était donc pas la seule personne informée de cette dégradation.
    Il convient encore de noter que si Christine VILLEMIN appréciait médiocrement sa belle-mère qu'elle jugeait fausse, elle n'avait en revanche aucun grief contre son beau-père et que c'est essentiellement sur celui-ci que le Corbeau s'est acharné.

    DIX -HUITIEME CHARGE
    Le nombre des unités de base de la consommation téléphonique des époux Jean-Marie VILLEMIN aurait augmenté de manière considérable et inexpliquée lors des périodes de grande activité du Corbeau, notamment en janvier et février 1982, en novembre et décembre 1982 et de janvier à avril 1983.

    Cette considération n'apparaît nullement décisive parce que l'activité du Corbeau n'a pas été limitée à ces périodes. Elle s'est exercée de manière continue de 1981 à 1984 et même audelàs. Elle a certes été intense à la fin de l'année 1982 mais le nombre des unités de base des époux Jean-Marie VILLEMIN pour le sixième bimestre de cette année là, 208, ne dépasse pas de manière très sensible la consommation de beaucoup d'autres bimestres, par exemple le dernier de 1981, 170, ou le troisième de 1982, 179. Elle est inférieure à celle des troisième et quatrième bimestres de 1983, 283 et 286.
    Seuls trois bimestres intéressant l'inculpée présentent une augmentation notable par rapport à la moyenne de leur usage du téléphone, le premier bimestre de 1982 : 376 taxes de base et les deux premiers bimestres de 1983, à savoir 411 et 608 taxes de base.
    Au cours des deux premiers mois de 1982 la consommation téléphonique de Michel VILLEMIN a été elle aussi en augmentation: 216 unités de base alors qu'à cette époque elle dépassait rarement et de peu la centaine et elle a été relativement importante au cours des deux premiers bimestres de 1983 : 163 et 148. Il en est de même de Jacky VILLEMIN : 218 taxes de base pour le premier bimestre de 1982 alors que dans l'ensemble ses factures concernaient un nombre d’unités bien moindre.
    Quant à la consommation de Bernard LAROCHE à la même époque, elle était assez importante: 247 taxes.
    C'est essentiellement la facturation des deux premiers bimestres de 1983 respectivement calculée sur 411 et sur 608 unités de base qui est surprenante chez l'inculpée et son mari, mais le Corbeau a eu beaucoup d'autres périodes d'intense activité.
    Les époux Jean-Marie VILLEMIN ont paru eux-mêmes surpris de cette hausse soudaine et ont protesté auprès de l'administration des postes et télécommunications. Leur réclamation est restée sans suite parce que le système de commutation en vigueur à cette époque ne permettait pas d'identifier les destinataires des communications ce que le supplément d'information a confirmé lors de la recherche des correspondants des familles VILLEMIN et LAROCHE et des époux Marcel JACOB qui est restée de ce fait infructueuse.
    Il convient en outre d'observer :
    - que la plupart des abonnés au téléphone dont les factures ont été étudiées ont eu à une certaine époque des consommations anormales :
    *Bernard LAROCHE au deuxième bimestre 1984 : 844 taxes de base, soit environ quatre fois plus qu'en temps normal,
    *Albert VILLEMIN au quatrième bimestre 1981: 405 unités de base, soit plus du double de sa consommation à cette époque,
    *Marcel JACOB au cinquième bimestre 1982 : 317 unités de base, soit quatre fois plus que d'habitude,
    *Jacky VILLEMIN au deuxième bimestre 1982 : 248 11nités de base, environ le double de sa consommation habituelle,
    *Roger JACQUEL pendant le quatrième bimestre 1984 : 110 unités de base, soit également le double ;
    - que les appels du Corbeau provoquaient d'autres appels de ses interlocuteurs destinés soit à vérifier si les informations données étaient réelles ou mensongères, soit à tenter de l'identifier,
    - que les époux Jean-Marie VILLEMIN s'étaient inscrits sur la liste rouge en 1983, ce qui les obligeait à appeler leurs correspondants qui ne pouvaient pas les joindre et qu'ils téléphonaient beaucoup à AUMONTZEY, localité située dans une circonscription différente de la leur. Les facturations du téléphone ne constituent dès lors pas une charge significative à l'encontre de Christine VILLEMIN.

    DIX-NEUVIEME CHARGE
    Des appels téléphoniques anonymes malveillants au préjudice de l'entourage professionnel de Christine VILLEMIN coïncideraient avec les périodes où les relations de celle-ci avec les victimes étaient mauvaises .

    Christine VILLEMIN a nié avoir adressé de telles communications à ses collègues hormis quelques appels muets à Monique COLIN et à Claudine BOULAY. Cette dernière a prétendu qu'elle avait reconnu la voix de Christine VILLEMIN parce que son interlocutrice avait un léger "cheveu sur la langue" .Or l'existence d'un défaut de prononciation de l'inculpée, même léger, n'a jamais été constatée par les magistrats chargés du supplément d'information, singulièrement par Monsieur le Président SIMON qui l'a pourtant entendue à maintes reprises et fort longuement.
    En outre il convient de noter qu'avant le crime aucune accusation de cette nature n'avait été portée contre elle et qu'il serait surprenant que vis-à-vis de ses collègues elle n'ait pas déguisé sa voix, si elle possédait effectivement le talent de la modifier.
    A supposer même que Christine VILLEMIN soit l'auteur de certaines communications malveillantes, ce qui n'est pas exclu, car pendant plusieurs années les appels anonymes sévissaient de toutes parts dans cette contrée des Vosges, il n'en résulterait pas qu'elle soit le Corbeau qui tracassait la famille VILLEMIN et a fortiori l'assassin de son fils.

    VINGTIEME, VINGT-ET-UNIEME ET VINGT-DEUXIEME CHARGES :
    Ayant examiné les lettres anonymes écrites par le Corbeau les 4 mars 1983, 27 avril 1983, 17 mai 1983 et 16 octobre 1984, les experts Alain BUQUET et Françoise DE RICCI D'ARNOUX, agréés par la Cour de cassation, ont mis hors de cause Bernard LAROCHE et ont accusé Christine VILLEMIN d'être l'auteur de ces écrits.

    Les experts Jean GLENISSON et Roger LAUFER, eux aussi agréés par la Cour de cassation, ont accusé formellement Christine VILLEMIN d'être le scripteur de ces documents.

    Les experts Geneviève GILLE, Eliane PETIT DE MIRBECK et Paul OURLIAC, tous trois figurant sur la liste de la Cour de cassation, chargés d'étudier exclusivement la lettre du 16 octobre 1984, c'est-à-dire celle revendiquant le crime, et l'enveloppe dans laquelle elle était insérée, ont également mis hors de cause Bernard LAROCHE et les ont attribuées à Christine VILLEMIN.

    L'imputation à l'inculpée de ces écrits dont les thèmes étaient les mêmes que ceux du Corbeau : allusions à des différends familiaux, à la situation de Jacky "le bâtard", à la pendaison probable d'Albert V1LLEM1N, critiques du "chef", menaces contre celui-ci et sa famille, manifestations de haine et désir de vengeance ainsi que l'apparente concordance de ces trois rapports rédigés par des experts éminents constituaient à l'évidence contre Christine
    V1LLEM1N une charge particulièrement accablante.
    Le supplément d'information a toutefois remis cette opinion en question. Il a d'abord contribué à montrer les difficultés de l'expertise en écriture qui ne relève pas d'une science exacte, donne des résultats souvent aléatoires et incertains, notamment dans une affaire comme celle-ci où les techniciens commis devaient se prononcer :
    - sur des écrits en caractères typographiques et par suite impersonnels et faciles à modifier ou imiter,
    - sur des écritures déguisées,
    - sur des pièces de comparaison très nombreuses émanant de scripteurs :
    *originaires de la même contrée,
    *d'âges souvent très voisins,
    *appartenant au même milieu social,
    *et ayant reçu la même formation scolaire, ce qui multipliait les risques d'erreurs. A ces considérations de nature générale qui conduisent à accueillir avec beaucoup de circonspection les avis émis en une telle matière, s'ajoutent en l'espèce beaucoup d'autres raisons de douter.
    Les experts BUQUET et DE RICCI D'ARNOUX ont utilisé une méthode statistique de comparaison des concordances et des discordances des différents caractères de l'écriture qui a ses limites et est controversée parce qu'elle ne tient pas compte d'autres facteurs tels le mouvement et la vie de l'écriture. Ils ont effectué un premier calcul de probabilité selon lequel c'est l'écriture de Christine VILLEM1N qui, avec un taux de discordances de 25,71 %, présenterait le moins de différences avec celle du Corbeau. Pour plus de sûreté, ils ont réclamé des pièces de comparaison complémentaires et dans le dernier état de leurs travaux la proportion des discordances serait de 29,69 % tandis que chez Marie-Christine JACQUES, épouse de Gilbert V1LLEM1N, qui vient en seconde position elle serait de 51,11%.
    Cet avis lui étant apparu insuffisant, le juge d'instruction d'EP1NAL a désigné Messieurs Jean GLENISSON et Roger LAUFER qui ont estimé que les quatre écrits litigieux émanaient d'un auteur unique. En conclusion de leur rapport ils ont désigné celui-ci de manière catégorique comme étant Christine VILLEMIN. M1ais par une contradiction assez singulière qui affaiblit beaucoup leur avis, ils ont noté, dans le corps de leurs développements, que les lettres de question tracées en caractères cursifs présentaient d'importantes similitudes avec l'écriture de Bernard LAROCHE, "compensées il est vrai par des divergences de détail". Les derniers experts, Mesdames Geneviève GILLE et Eliane PETIT DE MIRBECK et Monsieur Paul OURLIAC, dont la mission était cantonnée à l'examen de la lettre du 16 octobre 1984 et de son enveloppe, ont mis hors de cause tous les auteurs des pièces de comparaison, y compris Bernard LAROCHE, mais à l'exception de Christine VILLEMIN. Tout en exprimant certaines réserves tenant à la brièveté des pièces de question et à la mutilation des pièces de comparaison qui leur avaient été remises, ils ont déduit de leurs constatations des présomptions suffisamment graves et concordantes pour attribuer les écrits litigieux à l'inculpée.
    En vue de combattre les accusations issues de ces rapports les défenseurs de celle-ci ont relevé certaines divergences d'appréciation de ces sept experts judiciaires et ont produit deux mémoires, l'un de Monsieur Jacques MATHYER, professeur honoraire à l'université de LAUSANNE, qui critique le rapport de Monsieur BUQUET et de Madame DE RICCI D'ARNOUX auxquels il impute diverses erreurs, l'autre de Madame Francine COLPIN, expert près la Cour d'appel de DOUAI, qui fait observer avec pertinence que des constantes de l'écriture de Christine VILLEMIN, tel un trait d'attaque des lettres en forme d'ove, ne se retrouvent dans aucune des pièces de question.
    Au départ de l'enquête, le juge d'instruction d'EPINAL et la gendarmerie qui ne savaient de quel côté orienter leurs recherches, avaient décidé de consulter deux experts en écritures, Mesdames JACQUIN-KELLER, inscrite sur la liste de la Cour d'appel de COLMAR puis sur celle de la Cour de cassation et Madame BERRICHON- SEDEYN, inscrite sur la liste de la Cour d'appel de PARIS et qui était également graphologue. Elles ont été reçues le 30 octobre 1984 au matin par le juge d'instruction LAMBERT, le Commandant CHAILLAN et le Capitaine SESMAT à l'état-major de la gendarmerie de NANCY où les enquêteurs leur ont montré les quatre lettres anonymes et les enveloppes ainsi que de nombreuses pièces de comparaison.
    Ces deux spécialistes de haut niveau et à la compétence reconnue ayant travaillé une journée entière, séparément et sans se concerter afin de ne pas s'influencer mutuellement, ont toutes deux désigné avec beaucoup de force Bernard LAROCHE comme étant l'auteur probable des écrits anonymes alors qu'à l'époque Murielle BOLLE ne l'avait pas encore mis en cause, qu'il n'était pas sérieusement soupçonné et que l'une d'elles au moins, Madame BERRICHONSEDEYN, ne possédait aucun renseignement sur le crime.
    Cette dernière a en outre brossé de l'auteur des écrits litigieux un portrait pouvant correspondre à Bernard LAROCHE, individu intelligent sans être un intellectuel tel qu'un agent de maîtrise. Et aux gendarmes qui paraissaient confiants dans l'issue de l'enquête, elle a prédit que le coupable n'avouerait jamais.
    Mesdames JACQUIN-KELLER et BERRICHON-SEDEYN ont été par la suite requises par la gendarmerie de procéder à une expertise en écriture, mais faute d'avoir été désignées par le magistrat instructeur, leur rapport a été annulé de sorte qu'il n'est plus possible d'en faire état. Elles ont néanmoins consenti à relater à Monsieur WAULTIER, premier juge d'instruction au tribunal de grande instance de DIJON, saisi d'une information judiciaire contre X pour faux et usage de faux, sur plainte avec constitution de parties civiles des consorts BOLLE et LAROCHE, dont certains procès-verbaux ont été régulièrement joints au présent dossier, ainsi qu'à Monsieur le Président SIMON les consultations qui leur avaient été demandées le 30 octobre 1984 et les avis qu'elles avaient alors exprimés.
    Ce même jour 30 octobre 1984, à la réunion organisée à NANCY par Monsieur LAMBERT, assistait le gendarme Denis KLEIN, de la section des recherches de la légion de gendarmerie de METZ, spécialiste des problèmes d'écritures et de foulages qui devait être inscrit en 1986 sur la liste des experts de la Cour d'appel de METZ. Mesdames BERRICHON-SEDEYN et JACQUIN- KELLER ayant décelé sur la lettre de revendication du crime des traces de foulage, c'est-à-dire des sillons imprimés sur la feuille de papier par l'auteur d'un autre écrit, ont demandé à Monsieur KLEIN d'examiner cet indice. En s'aidant d'une lumière rasante ce gendarme a réussi à lire sur cette pièce capitale les lettres L B, correspondant aux initiales de Bernard LAROCHE qui signait habituellement ses lettres en plaçant son nom patronymique avant son prénom, la première en caractère calligraphique majuscule, la seconde en caractère typographique majuscule ressemblant à l'écriture de Bernard LAROCHE. Monsieur KLEIN a pris des photographies de ce foulage et les a transmises au juge d'instruction d'EPINAL qui a prétendu ne les avoir jamais reçues et qui en tout cas ne les a pas exploitées.
    Le 12 septembre 1988, au cours du supplément d'information, Monsieur KLEIN a remis au magistrat instructeur une pellicule qu'il avait conservée, trois photographies contrastées du foulage et un double de la fiche de gendarmerie 815/2 du 12 novembre 1984 qui ont été annexés au procès-verbal de son audition.
    Les experts BUQUET et DE RICCI D'ARNOUX ont eux aussi constaté la présence de foulages sur la lettre du 16 octobre 1984, mais en raison des nombreuses manipulations que ce document avait subies, ils n'ont pu les déchiffrer.
    Ces éléments d'appréciation, pour très importants qu'ils fussent, n'étaient pas suffisants ; aussi d'autres expertises en écritures furent-elles organisées au cours du supplément d'information.
    Monique JACOB épouse VILLEMIN avait reçu une lettre anonyme de menaces postée à DARNIEULLES qui présentait beaucoup d'analogies avec la première lettre adressée à Jean- Marie VILLEMIN, tant par la teneur que par l'aspect. Elle fut soumise à l'expert Denis KLEIN, qui, dans un rapport du 6 décembre 1989 considéra qu'elle était de la même main que la première lettre anonyme, ce qui tendait à disculper Bernard LAROCHE puisque lors de son expédition il était décédé et pouvait faire suspecter Christine VILLEMIN bien qu'elle fût alors tenue de résider chez sa grand-mère maternelle à PETITMONT en Meurthe-et-Moselle et étroitement surveillée. En effet l'inculpée était à cette époque en mauvais termes "avec sa belle-mère qui avait pris le parti de son neveu Bernard LAROCHE et s'était constituée partie civile contre elle.
    Par la suite l'expert KLEIN qui disposait de moyens d'investigation nouveaux et plus performants, a demandé à réexaminer cette pièce et il a été chargé, concurremment avec un autre expert messin, Madame Isabelle DAVIDSON, d'étudier la lettre postée à DARNIEULLES et de la comparer ainsi que les autres lettes anonymes à des écrits de Christine VILLEMIN, de Bernard LAROCHE dont plusieurs spontanés et contemporains des pièces de question, ainsi qu'à des échantillons spontanés et provoqués des écritures de Michel VILLEMIN, de Ginette LECOMTE épouse de celui-ci, de Marcel JACOB, jeune frère de Monique VILLEMIN et de son épouse née Jacqueline THURIOT dont le graphisme n'avait jamais encore été soumis à expertise bien qu'il y ait eu certaines raisons de penser qu'ils n'étaient pas étrangers à l'assassinat de Grégory VILLEMIN ou du moins aux agissements du Corbeau.
    Au terme d'une étude très approfondie et minutieuse illustrée par de nombreuses photographies, les experts KLEIN et DAVIDSON ont fait connaître en conclusion de deux rapports du 10 décembre 1991 :
    - qu'eu égard à la présence de plusieurs sillons de foulage la lettre postée à DARNIEULLES semblait une imitation de modèles préexistants réalisée au moyen d'un calque (étant observé que la presse avait publié à maintes reprises des reproductions des écrits du Corbeau),
    - que Michel VILLEMIN, Ginette LECOMTE son épouse et Marcel JACOB devaient être mis hors de cause en l'absence d'analogies entre leurs écrits et les pièces de question ;
    - qu'il y avait des similitudes troublantes entre les lettre anonymes rédigées en caractères typographiques d'une part et les écritures de Jacqueline THURIOT épouse de Marcel JACOB ainsi que de Christine VILLEMIN d'autre part, singulièrement entre le graphisme de cette dernière et la lettre Q4, c'est-à-d

    ire celle commençant par les mots "SI VOUS VOULER QUE JE M'ARRETE" mais qu'il y avait également des discordances qui n'autorisaient pas à leur en imputer la rédaction.
    - que les documents en caractères d'imprimerie ne paraissaient pas l’oeuvre de Bernard LAROCHE ; qu'en revanche, malgré quelques rares divergences, de nombreuses concordances de forme permettaient d'attribuer les lettres en écriture cursive, à savoir la lettre du 17 mai 1983 commençant par les mots "je vois que rien à changer..." et la lettre postée à LEPANGES le 16 octobre 1984 ainsi que leurs enveloppes, documents rédigés par une main gauche particulièrement habile, à Bernard LAROCHE qui possédait une grande maîtrise du geste graphique de la main gauche.
    Cet avis qui contredit les conclusions des précédents experts, qui est corroboré par la découverte d'un foulage et qui rejoint, au moins en partie, les opinions exprimées par Mesdames JACQUIN-KELLER et BERRICHON-SEDEYN et certaines énonciations du rapport des experts LAUFER et GLENISSON, interdit en l'état, d'accuser Christine VILLEMIN d'avoir écrit les lettres litigieuses.

    VINGT-TROISIEME ET VINGT-QUATRIEME CHARGES

    Le 15 avril 1985 le service régional de police judiciaire de NANCY a découvert au domicile de Jean-Marie et de Christine VILLEMIN des cordelettes semblables à celles ayant servi à ligoter leur fils Grégory et le 23 avril suivant, les policiers ont découvert chez une dame BILLIET, à GRANDVILLERS (Vosges) un tuyau d'arrosage lié par deux morceaux d'une cordelette également semblable provenant du domicile de Jean-Marie VILLEMIN. Or ce type de ficelle serait peu courant dans la région. Seul Georges JACOB, frère de Monique VILLEMIN, aurait possédé une pelote de la même cordelette dont ni le fabricant ni le distributeur n'ont pu être identifiés. Dans un rapport du 4 juillet 1985, les experts ROCHAS et DAVID ont indiqué que ces cordelettes étaient rigoureusement identiques aux liens de la victime.

    Jean-Marie VILLEMIN a prétendu que cette cordelette lui avait été donnée par son père, ce que celui-ci a formellement contesté. Il a soutenu qu'il avait remis un morceau de cette cordelette à Bernard LAROCHE pour lui permettre d'attacher une règle de maçon sur le toit de sa voiture, mais il a été démenti sur ce point par son père Albert VILLEMIN et par son frère Gilbert VILLEMIN. Il s'ensuivrait que l'inculpée serait la seule personne à avoir disposé à portée de la main d'une ficelle semblable à celle utilisée par l'assassin.

    Une telle conclusion apparaît hâtive si l'on considère :
    - qu'au début de l'enquête les gendarmes n'avaient découvert aucune cordelette au domicile des époux Jean- Marie VILLEMIN,
    - que si Christine VILLEMIN était l'assassin de son fils, il serait surprenant que cette femme intelligente et d'une grande présence d'esprit n'ait pas fait disparaître, alors qu'elle en avait eu le loisir, un indice aussi compromettant pour elle,
    - que les perquisitions du service régional de police judiciaire de NANCY ont eu lieu les 15 et 25 avril 1985 à une époque où Jean-Marie VILLEMIN était incarcéré pour l'assassinat de son cousin Bernard LAROCHE, où Christine VILLEMIN résidait chez sa grand-mère Jeanne BLAISE à PETITMONT (Meurthe-et-Moselle) et où leur maison de LEPANGES était inoccupée,
    - que le sieur Martial DAVIDE, ami des époux VILLEMIN, avait déménagé leur pavillon au cours de la semaine ayant suivi le meurtre de Bernard LAROCHE et qu'il n'y restait plus rien sauf quelques objets dans le grenier,
    - que néanmoins les enquêteurs et des témoins ont alors constaté à l'extérieur et à l'intérieur de cette maison et de ses dépendances, de la cave au grenier et jusque dans des chéneaux un grand nombre de ficelles et de cordelettes de toutes sortes,
    - que les seuls fragments présentant une parfaite similitude avec les liens de Grégory VILLEMIN sont un cordeau prélevé dans le jardin de Georges JACOB, l'un des deux morceaux de ficelle ayant servi à attacher le tuyau d'arrosage de Jean-Marie VILLEMIN, découvert chez la dame BILLIET et deux morceaux de cordelettes trouvés dans la cave du pavillon de la rue des Champs, que Georges JACOB qui possédait une quantité importante de cordelette de cette nature en a utilisé une partie pour aligner les plantations de son jardin, en a donné des segments à plusieurs journalistes au mois de février 1988 et qu'il en avait fourni une longueur de plus de cinquante centimètres à des fonctionnaires du service régional de police judiciaire de NANCY au mois de juillet 1985 ainsi que l'a révélé le supplément d'information,
    - qu'il n'est pas exclu qu'il en ait donné à d'autres personnes ou que des tiers aient pu s'en procurer chez lui à son insu, ou à d'autres sources,
    - que les témoins Gilbert et Colette MELINE, Martial DAVIDE et Marie-José BILLIET qui, les trois premiers ont été requis d'assister à des perquisitions à l'ancienne demeure des époux Jean-Marie VILLEMIN et au domicile de laquelle, s'agissant de la dernière, une perquisition a été effectuée parce que des meubles ayant appartenu à l'inculpée et à son mari avaient été entreposés dans son grenier, ont affirmé très catégoriquement que les cordelettes saisies par les fonctionnaires du service régional de police judiciaire de NANCY n'avaient pas été placées sous scellés en leur présence; que Marie-José BILLIET a même contesté être l'auteur de la signature figurant sur l'étiquette du scellé concernant les cordelettes entourant le tuyau d'arrosage et a déclaré qu'elle n'était pas sûre qu'il y en ait eu deux ;
    - que les enquêteurs de la police judiciaire ont certes déclaré que leur procédure avait été parfaitement régulière, mais qu'un doute est néanmoins permis à ce sujet en raison de la concordance des affirmations contraires ;
    - que le 19 novembre 1987 Gérard DITTINGER, mari d'une soeur de Christine VILLEMIN, longuement entendu par Monsieur le Président SIMON, a raconté qu'au mois d'avril 1985 il avait été requis par le Commissaire CORAZZI, du service régional de police judiciaire de NANCY, d'assister à une perquisition dans le pavillon des époux Jean-Marie VILLEMIN à LEPANGES, que toutefois les policiers lui avaient interdit d'entrer dans la maison, qu'à cette occasion il avait remarqué que deux tuiles du toit avaient été enlevées et posées l'une sur l'autre; qu'il l'avait signalé aux policiers mais que ceux-ci avaient refusé de le noter dans leur procès-verbal en prétendant qu'elles avaient été déplacées par le vent, alors pourtant qu'elles n'étaient pas exposées au vent dominant et qu'elles étaient empilées; qu'ils avaient néanmoins accepté de lui faire la courte échelle pour les remettre en place, qu'il avait également attiré leur attention sur la présence d'un long morceau de cordelette dans une gouttière du toit mais qu'ils avaient répondu qu'elle ne les intéressait pas,
    - qu'entendu environ un an plus tard le Commissaire CORAZZI a prétendu que les deux tuiles étaient seulement soulevées, vraisemblablement par un coup de vent.
    Certains journalistes ont accusé le service régional de police judiciaire de NANCY d'avoir fabriqué des preuves pour accabler l'inculpée. Ce n'est pas établi, mais on peut supposer que l'assassin, s'il n'est pas Christine VILLEMIN, des personnes de son entourage ou des tiers ayant la vocation de justiciers comme il y en eut des multitudes dans la présente affaire, se sont introduits subrepticement dans la maison des époux VILLEMIN et dans ses dépendances qui étaient aisément accessibles, pour y déposer des cordelettes accusatrices. Cette hypothèse se trouve corroborée par le témoignage d'une dame Régine THELLIER qui a vu un homme sur le toit de leur pavillon.
    Quant aux contradictions et peut-être aux mensonges de Jean-Marie VILLEMIN au sujet de l'origine des cordelettes qu'il avait détenues et de l'emploi qu'il en avait fait, ils peuvent s'expliquer par son désir de fortifier les charges pesant sur Bernard LAROCHE et de disculper son épouse, mais ils ne sauraient constituer une présomption de culpabilité à l'encontre de celle-ci.
    En définitive il est, en l'état, impossible d'affirmer que Christine VILLEMIN détenait au moment du crime une cordelette semblable à celle ayant ligoté son fils et qu'elle était la seule à la posséder.

    VINGT-CINQUIEME CHARGE

    Selon la Cour de NANCY et les réquisitions initiales du ministère public, Christine VILLEMIN aurait menti le 10 octobre 1984 en racontant à sa contremaîtresse, pour excuser une absence, qu'elle avait dû se rendre à la gendarmerie à la suite d'appels du Corbeau.

    Elle a reconnu avoir effectivement inventé ce prétexte. Son mari a prétendu que c'était sur son conseil. Isolé d'autres charges un tel mensonge ne saurait servir à prouver la culpabilité de la mère de Grégory VILLEMIN.

    En définitive aucun des vingt-cinq éléments de conviction initialement retenus par le ministère public à l'encontre de l'inculpée ne justifie le renvoi de celle-ci devant la juridiction de jugement.
    Et la longue instruction complémentaire menée à DIJON, bien qu'elle ait été conduite dans toutes les directions possibles, sans parti pris, non seulement n'a pas apporté de charges nouvelles contre Christine VILLEMIN, mais a mis encore davantage en évidence l'une des faiblesses de l'accusation, à savoir l'absence de mobile du crime qui lui est imputé.
    La vie privée de la mère de Grégory qui avait déjà été étudiée à EPINAL, a été de nouveau explorée avec une extrême minutie. Toutes les personnes l'ayant connue, des plus proches aux plus éloignées, les membres de sa famille et de sa belle-famille, ses voisins, ses compagnes de travail, tous ceux ayant été en relation avec elle à des titres divers ont été questionnés. Nul n'a pu fournir une explication valable.
    Après une brève liaison de jeunesse avec son condisciple Bruno MAGRON qui l'avait abandonnée pour une autre fille et qu'elle n'avait jamais revu, Christine BLAISE avait rencontré à l'âge de seize ans Jean-Marie VILLEMIN dont elle était tombée amoureuse et s'était attachée à lui. Le seul incident survenu entre eux en 1979, une gifle de Jean-Marie suivie d'une fugue de Christine chez sa mère durant quarante-huit heures et d'une réconciliation, était resté sans lendemain. Les deux jeunes gens qui étaient très épris l'un de l'autre, s'étaient mariés le 20 janvier 1979 après avoir vécu en concubinage à partir du mois de septembre précédent et ils sont restés depuis lors très unis, même dans les pires épreuves. Aucune infidélité de l'un ou de l'autre n'a pu être établie.
    Certaines personnes ont prétendu que Christine VILLEMIN avait été la maîtresse de Bernard LAROCHE parce que, selon ses propres déclarations, celui-ci lui aurait fait des avances qu'elle avait repoussées le 11 juin 1977 à l'occasion du mariage de la soeur de Jean-Marie. Un sieur
    Michel CORNILLIE, tenancier de l'Hôtel de la Poste à DOCELLES, a soutenu qu'un chauffeur routier lui avait rapporté avoir vu Christine VILLEMIN rejoindre Bernard LAROCHE en forêt afin d'entretenir avec lui des relations intimes. Mais ce chauffeur, Bruno BONTEMPS, entendu puis confronté à CORNILLIE, a formellement démenti les allégations de celui-ci qui apparaissent sans le moindre fondement.
    Selon d'autres hypothèses Grégory VILLEMIN serait né d'une liaison illégitime et cette situation serait devenue à ce point intolérable à l'inculpée qu'elle aurait voulu supprimer le fruit de son adultère. Rien n'est venu accréditer une telle supposition. Bien au contraire le supplément d'information a révélé que Grégory VILLEMIN présentait aux pieds une particularité anatomique héritée de son père et de son grand-père paternel.
    Certains ont imaginé que cet enfant avait surpris des rapports de sa mère avec un tiers et que celle-ci aurait pu avoir intérêt à éliminer un témoin gênant. Il s'agit là d'une supposition gratuite qu'aucun indice ne vient étayer. Il en est de même d'une prétendue jalousie de Christine VILLEMIN qui aurait pris ombrage de l'amour de son mari pour Grégory. Toutes les personnes entendues, particulièrement celles qui étaient les mieux placées pour observer le comportement de l'inculpée, telles la nourrice Christine JACQUOT et l'institutrice de la victime, ont souligné l'intérêt qu'elle portait à son fils, les gestes et les mots d'affection qu'elle lui prodiguait tout en sachant se montrer ferme quand il le fallait. Une compagne de travail de Christine VILLEMIN a relaté la fierté amusée avec laquelle elle racontait les espiègleries de Grégory. Celui-ci qui a été qualifié d"'enfant roi" était en avance pour son âge, plein de vie, intelligent, épanoui et donnait l'impression d'être heureux et choyé, ce qui n'eût pas été le cas s'il avait été mal aimé.
    Le couple, qui gagnait largement sa vie et était bien logé, n'avait pas de problème financier ou familial qui aurait pu inciter l'épouse à faire disparaître son fils. Suivant certaines rumeurs Christine VILLEMIN aurait été lasse de vivre dans une contrée froide et austère comme les Vosges et aurait souhaité s'installer dans le midi de la France. L'existence d'un tel projet, nié par l'inculpée et rendu invraisemblable par son attachement à sa mère, fixée à BRUYERES, et par les avantages de sa situation à LEPANGES-sur-VOLOGNE, n'est pas. établie. Au surplus sa réalisation n'impliquait nullement la disparition de Grégory. Les détracteurs de l'inculpée ayant soutenu que l'affliction de celle-ci après le crime était simulée, Monsieur le Président SIMON s'est efforcé de recueillir des renseignements à ce sujet. La sincérité et la profondeur de la détresse puis de l'accablement de Christine VILLEMIN ont été certifiés par les témoins les plus dignes de foi, tels les premiers enquêteurs, Monsieur Jean-Jacques LECOMTE, Conseiller à la Cour d'appel d'AIX-en-PROVENCE qui en 1984 et 1985 était procureur de la République à EPINAL, Madame Françoise THIRIET, directrice de l'école maternelle de LEPANGES, par ses beaux-frères Lionel VILLEMIN et Bernard NOEL, par Martial DAVIDE et bien d'autres encore. Cette absence de mobile à l'assassinat de l'enfant par sa mère dont le commissaire CORAZZI du service régional de police judiciaire de NANCY, principal artisan des accusations portées contre l'inculpée, a dû convenir au cours du supplément d'information, a conduit la presse, l'opinion publique et les magistrats chargés de l'affaire à envisager d'autres éventualités, tout d'abord crise de folie ou d'un moment d'aberration.

    L'étrangeté du crime imputé à cette jeune femme, épouse et mère en apparence irréprochable, a déterminé le juge d'instruction d'EPINAL à ordonner successivement deux expertises psychiatriques et trois expertises médico-psychologiques. Les onze experts parisiens et lyonnais, dont plusieurs étaient inscrits sur la liste de la Cour de cassation, chargés de visiter Christine VILLEMIN n'ont pas constaté chez elle un état de démence ou une anomalie mentale et ont indiqué que sa personnalité présentait l'aspect de la banalité. Tous ont admis son bon niveau intellectuel. Certains ont estimé qu'elle était immature et semblait encore adolescente, mais qu'elle était néanmoins parfaitement maîtresse d'elle-même. Ils ont noté une certaine anxiété, ce qui n'avait rien de surprenant de la part d'une femme qui venait de perdre son fils unique dans des circonstances dramatiques, qui malgré ses protestations d'innocence était accusée de l'avoir tué, et dont le mari était emprisonné pour l'assassinat d'un de ses cousins. Aucun n'a décelé chez elle des troubles mentaux ou des traits de caractère pouvant rendre compte des manifestations d'une haine implacable et du crime monstrueux qui lui étaient imputés. Deux psychologues ont écrit, il est vrai, que le meurtre d'un enfant par sa mère était le crime le plus naturel qui soit et n'impliquait pas de constitution psychopathologique spécifique, assertion qualifiée d'absurde par l'inculpée.
    Les appréciations des experts ont été dans l'ensemble confirmées par les enquêtes relatives à sa personnalité. L'enfance, la scolarité, la vie conjugale et professionnelle de l'inculpée ne recèlent rien d'anormal ou de pervers et donnent l'image d'une jeune femme équilibrée. Les renseignements recueillis à son sujet sont favorables bien que plusieurs de ses collègues lui aient reproché d'être fière et moqueuse, ce qui lui attirait certaines antipathies. Très tôt orpheline de père, elle a été élevée par sa mère. C'était une élève moyenne et elle a échoué au BEPC faute de s'être réveillée à temps le matin d'une des épreuves. Son ménage était bien tenu et sa contremaîtresse la considérait comme une très bonne couturière.
    La seconde explication proposée, en l'absence de mobile, est celle d'un accident déguisé en crime. Grégory se serait noyé ou aurait été électrocuté en prenant un bain et sa mère, afin d'échapper au reproche de l'avoir mal surveillé, aurait mis à profit l'existence du Corbeau pour tenter d'attribuer à celui- ci un assassinat. Une telle hypothèse doit être écartée car, malgré sa présence d'esprit, Christine VILLEMIN, prise au dépourvu par un tel évènement, n'aurait pas eu le temps, après avoir d'abord préparé le bain de son fils et tenté de le ranimer, d'effacer les traces de l'accident, de concevoir un tel scénario, d'habiller et de ligoter le cadavre, de le transporter dans la Vologne aux abords de DOCELLES, d'écrire une lettre, de la poster, de simuler des recherches et de téléphoner à son beau-frère Michel. VILLEMIN après avoir tenté de joindre ses beaux-parents, le tout en l'espace de vingt-cinq ou trente minutes. Toutes les investigations menées en direction de Christine VILLEMIN étant demeurées infructueuses et tendant au contraire à rendre à la fois invraisemblable et impossible sa participation à l'assassinat litigieux, la Cour doit examiner les charges pesant sur des tiers.

    B - CHARGES PESANT SUR BERNARD LAROCHE
    Il n'est pas question de proclamer la culpabilité de Bernard LAROCHE. Ce n'est pas le rôle de la Chambre d'accusation, juridiction d'instruction, et l'extinction de l'action publique mise en mouvement contre cet inculpé l'interdit. Il est toutefois nécessaire d'examiner les charges pesant sur celui-ci puisque la Chambre d'accusation de NANCY dont le ministère public avait, un temps, adopté les motifs, a considéré qu'elles étaient inexistantes afin de concentrer tous les soupçons sur Christine VILLEMIN et, le cas échéant, en vue de rechercher s'il n'aurait pas eu des complices ou ces coauteurs qui resteraient à découvrir.

    Après que Jacky VILLEMIN, sa femme et ses beaux-parents, les époux JACQUEL eurent été mis hors de cause à la suite de la vérification de leurs alibis, les enquêteurs qui étaient convaincus que le crime provenait de l'entourage des parties civiles, entendirent systématiquement tous les membres des familles VILLEMIN et JACOB. Les gendarmes questionnèrent notamment Bernard Albert LAROCHE, né le 23 mars 1955 à EPINAL, neveu de Monique JACOB épouse d'Albert VILLEMIN, qui habitait à AUMONTZEY (Vosges) un pavillon édifié à flanc de coteau, à environ un kilomètre de la maison de ses oncle et tante qu'il dominait.
    Bernard LAROCHE, devenu orphelin le lendemain de sa naissance à la suite du décès de sa mère, Thérèse JACOB, avait été élevé à AUMONTZEY par ses grands-parents maternels Léon et Adeline JACOB chez lesquels son père, Marcel LAROCHE, homme très bon, d'une parfaite droiture et unanimement estimé, s'était installé jusqu'à son décès survenu en 1981. Depuis une douzaine d'années Bernard LAROCHE travaillait au tissage ANCEL de GRANGES-sur- VOLOGNE à trois kilomètres de son domicile et il avait été récemment promu contremaître. En 1976 il avait épousé Marie-Ange BOLLE, née le 2 mai 1957 à CIREY-sur-VEZOUZE (Meurtheet-Moselle), ouvrière à la Société vosgienne de profilage, mais son entente avec celle-ci semblait médiocre. De leur union était issu, le 4 septembre 1980, un fils, Sébastien, légèrement handicapé par un kyste à la tempe droite ayant nécessité la pose d'un drain derrière l'oreille. Son père était très attaché à cet enfant dont il s'occupait beaucoup. A leur foyer vivait depuis plusieurs mois sa jeune belle-soeur Murielle BOLLE, surnommée Bouboule, née le 15 juin 1969, élève au CES de BRUYERES, qui était chargée de garder Sébastien dont la santé exigeait une surveillance constante. Durant la journée, les membres de la famille LAROCHE se rendaient très souvent à deux cents mètres de leur domicile chez une soeur de Thérèse JACOB, Louisette JACOB, femme un peu simple d'esprit mais très dévouée à sonn neveu Bernard auquel elle rendait de nombreux services.
    Bernard LAROCHE était, apparemment du moins , en excellents termes avec son oncle Albert et sa tante Monique VILLEMIN, qui le considéraient un peu comme un fils, et avec ses cousins germains, surtout avec Jacky, l'enfant naturel légitimé en compagnie duquel il avait été élevé durant les premières années de son enfance, chez ses grands-parents, et plus encore avec Michel VILLEMIN et l'épouse de celui-ci, née Ginette LECOMTE, qu'il fréquentait tous deux très assidûment.

    Entendu le 25 octobre 1984, puis réentendu de manière plus détaillée le 31 octobre en raison des soupçons dirigés sur lui par Mesdames JACQUIN-KELLER et BERRICHON-SEDEYN, Bernard LAROCHE se déclara étranger au crime et donna de son emploi du temps au cours de l'aprèsmidi du 16 octobre 1984 le compte-rendu suivant:
    Il s'était levé à treize heures car il travaillait de nuit. En l'absence de sa femme retenue par son travail à l'usine PROFIL de GERARDMER jusqu'à vingt et une heures, il avait rentré du bois de treize heures à quinze heures trente avec l'aide de sa tante Louisette JACOB. Vers quinze heures quarante ou seize heures il s'était rendu en voiture au domicile de son cousin et ami intime Michel VILLEMIN à AUMONTZEY pour y consulter un catalogue. A seize heures trente il avait regagné le domicile de Louisette JACOB et y avait attendu jusqu'à dix-sept heures quinze son camarade de travail Jean-Pierre ZONCA avec lequel il devait acheter du vin en promotion au supermarché CHAMPION de LAVAL-sur-VOLOGNE. Cet ami n'étant pas venu, il s'était rendu à son domicile, à GRANGES-sur-VOLOGNE, en compagnie de son fils Sébastien, mais n'y avait trouvé personne. De retour chez sa tante Louisette à dix-sept heures trente il y avait rencontré sa belle-soeur Murielle BOLLE qui, sortie du collège de BRUYERES à dix-sept heures, venait d'arriver par l'autobus de ramassage scolaire et regardait la télévision. Dix minutes ou un quart d'heure plus tard il était reparti en compagnie de Sébastien au magasin CHAMPION où vers dix-huit heures il avait acheté cent cinquante bouteilles de vin, puis de là il s'était rendu un peu après dix-huit heures à BRUYERES au café de la Renaissance qui était habituellement fermé ce jour de semaine, mais où il avait néanmoins réussi à percevoir le produit d'un pari-tiercé gagnant. Au retour vers dix-huit heures trente, il avait croisé à LAVELINE-devant-BRUYERES la voiture d'Albert VILLEMIN conduite par Michel VILLEMIN ( qui se rendait à LEPANGES pour participer à la recherche de Grégory) .Il avait ensuite déposé son fils chez Louisette JACOB, avait déchargé le vin dans sa maison, était revenu dîner chez sa tante. A vingt heures il était allé coucher Sébastien et était resté à son domicile jusqu'à son départ pour l'usine à vingt heures quarante cinq.
    Entendue à son tour le 31 octobre, puis le 1er novembre 1984, Murielle BOLLE déclara que le 16 octobre précédent à dix-sept heures, lors de sa sortie du CES de BRUYERES, elle était montée dans l'autobus de ramassage scolaire dont le chauffeur avait un petit bouc et des moustaches et qu'elle était arrivée à dix-sept heures vingt à AUMONTZEY. Elle s'était rendue directement au domicile de Louisette JACOB pour y faire ses devoirs de classe. A son entrée, vers dix-sept heures vingt cinq, Bernard LAROCHE était assis dans la cuisine avec son fils sur les genoux et regardait la télévision. Dix minutes plus tard Bernard et Sébastien étaient partis pour aller chercher du vin au magasin CHAMPION de LAVAL .Ils étaient revenus peu après dix-huit heures. Après le dîner elle avait regagné le domicile de son beau-frère en compagnie de celui-ci. Intrigués par la divergence entre le récit de Bernard LAROCHE et celui de sa belle-soeur quant à l'ordre de leur arrivée au domicile de Louisette JACOB et par la discordance entre les déclarations de la jeune fille et celles de quatre de ses camarades de classe ayant affirmé qu'elle n'était pas montée dans l'autobus scolaire mais dans une voiture qui l'attendait à la sortie du collège, les gendarmes entendirent à nouveau de manière plus complète Murielle BOLLE le 2 novembre 1984. Elle commença par maintenir sa précédente version des faits, concernant notamment le chauffeur de l'autobus, laquelle était inexacte, car le 16 octobre 1984 ce véhicule avait été piloté par un chauffeur occasionnel, Jean-Marie GALMICHE, qui ne portait pas de moustaches et avait des lunettes. Confondue par ce mensonge Murielle BOLLE admit qu'elle n'avait pas dit la vérité et donna des faits la relation suivante :
    A la sortie du CES elle était effectivement montée, non dans le car scolaire, mais dans l'automobile Peugeot 305 gris vert de son beau-frère Bernard LAROCHE. Elle s'était assise à la droite de celui-ci, Sébastien se tenant à l'arrière. Ils étaient passés à CHAMP-le-DUC, à BEAUMENIL et étaient arrivés à LEPANGES-sur-VOLOGNE, localité où elle n'était jamais allée auparavant. Bernard LAROCHE s'y était arrêté deux minutes, était descendu de voiture et était revenu en compagnie d'un petit garçon inconnu, du même âge que Sébastien et coiffé d'un bonnet qu'il avait fait monter à l'arrière. Ils étaient repartis en direction de BRUYERES et s'étaient arrêtés à nouveau à LEPANGES. Son beau-frère s'était absenté un instant. Il ne tenait rien à la main et elle ignorait ce qu'il avait fait. Ils étaient repartis dans l'autre sens et après un trajet d'environ cinq minutes ils étaient parvenus dans un autre village qui, elle l'avait su le lendemain, s'appelait DOCELLES. Bernard LAROCHE était sorti avec l'enfant au bonnet tandis qu'elle-même était restée dans la voiture en compagnie de son neveu Sébastien. Au terme d'un laps de temps dont elle ne put préciser la durée, Bernard LAROCHE était revenu seul et ils étaient rentrés chez Louisette JACOB à AUMONTZEY en passant par BRUYERES. Il était alors environ dix-sept heures trente. Bernard LAROCHE était reparti cinq minutes plus tard en disant qu'il allait acheter du vin à LAVAL-sur-VOLOGNE. Il avait pris Sébastien avec lui et était revenu une demi-heure après. Pendant ce temps elle avait accompli ses devoirs au domicile de Louisette JACOB. Une photographie de Grégory VILLEMIN lui ayant été montrée, elle reconnut qu'il s'agissait bien de l'enfant qui était monté à bord de leur automobile.
    Placée en garde à vue à treize heures trente à l'issue de son audition Murielle BOLLE fut entendue à nouveau le même jour de dix-huit heures quinze à dix-huit heures quarante cinq. Elle ajouta quelques détails à son précédent récit: Arrivé à un carrefour dans les hauts de LEPANGES, Bernard LAROCHE lui avait dit, en descendant de voiture "Fais attention à Bibiche", surnom de Sébastien. Au retour ils avaient d'abord pris une route barrée dans l'agglomération de LEPANGES; précision dont l'enquête confirma l'exactitude. Au cours du trajet Grégory avait parlé à Sébastien. A DOCELLES, localité qu'elle ne connaissait pas jusqu'alors, son beau-frère avait garé sa voiture sur une place, avait ouvert la porte arrière et avait appelé l'enfant par son prénom de Grégory. Elle les avait vu partir et ne savait pas où ils étaient allés. Elle avait pensé qu'il emmenait Grégory chez un ami de sa famille. Le lendemain, 3 novembre 1984 à huit heures trente, après une nuit de repos, Murielle BOLLE maintient ses dernières déclarations et mentionna sur un croquis l'endroit où la voiture de Bernard LAROCHE était stationnée à la sortie du CES et l'emplacement de l'autobus de ramassage scolaire puis l'itinéraire qu'ils avaient suivi jusqu'à LEPANGES. Dans cette localité ils avaient grimpé une grande côte. Lorsqu'ils s'étaient arrêtés la première fois elle avait aperçu le toit d'une maison qui se trouvait plus haut sur la colline. Elle avait pensé le 17 octobre 1984, en apprenant chez Louisette JACOB l'assassinat de Grégory VILLEMIN et en voyant sur un journal la photographie de l'enfant que LAROCHE était l'auteur du crime. Mais elle n'avait rien osé dire car elle avait peur. A son avis son beau-frère était venu la chercher à la sortie du collège, ce qui ne s'était encore jamais produit, pour qu'elle garde Sébastien qui ne pouvait rester seul en raison de son handicap. Elle expliqua qu'elle avait menti au sujet de l'autobus de crainte que sa soeur et son beau-frère ne fussent inquiétés et aussi parce qu'elle avait un peu peur de ce dernier bien qu'il ne l'eût jamais menacée. Elle se déclara soulagée d'avoir dit la vérité "car c'était une chose trop grave pour la cacher." Le même jour à dix heures quinze elle affirma que sa déposition était conforme à la réalité et se dit prête à la renouveler devant le juge d'instruction. Au maréchal des logis chef BOUQUOT qui attirait son attention sur l'importance de sa déposition et sur la gravité de ses conséquences, elle répondit: "Oui c'est vrai. Je m'en souviens parfaitement. Je m'en souviendrai toute ma vie." Le 3 novembre 1984 à l'issue de sa dernière audition elle fut examinée par un médecin et elle regagna le domicile de ses parents à LAVELINE-devant- BRUYERES dès la fin de sa garde à vue qui avait cessé à dix heures trente. Son père, Lucien BOLLE, informé en fin de matinée par les gendarmes des révélations de sa fille, s'engagea sous serment à ne pas les divulguer et tient sa promesse .
    Le lundi 5 novembre 1984 la jeune fille, entendue par Monsieur LAMBERT de neuf heures quinze à dix heures trente, confirma entièrement ses déclarations aux gendarmes des 2 et 3 novembre précédents et le récit de l'enlèvement de Grégory VILLEMIN. Elle précisa que celuici était souriant et que Bernard LAROCHE était gentil avec lui. Selon ses dires ils auraient fait demi-tour à l'endroit de leur premier stationnement à LEPANGES et ils ne seraient point passés devant la maison dont elle avait vu le toit. Elle ne put décrire la place de DOCELLES où leur voiture s'était garée et prétendit n'avoir pas vu de rivière à proximité. Questionnée par le juge d'instruction, hors la présence des gendarmes, au sujet de l'attitude de ceux-ci à son égard, elle répondit "qu’ils avaient été gentils" , qu'ils ne lui avaient jamais dicté ses réponses et qu'elle avait pu parler librement. Elle assura de nouveau qu'elle avait dit la vérité et renouvela sa déposition lors d'un transport sur les lieux organisé par le magistrat instructeur auquel elle montra l'emplacement où le véhicule de LAROCHE était stationné près du collège de BRUYERES et le lieu où il s'était arrêté sur les hauts de LEPANGES, mais elle fut incapable de retrouver ensuite l'itinéraire qu'ils avaient suivi. Il est vrai qu'elle connaissait mal la région car ses parents n'avaient pas de voiture. A l'issue de ce transport sur les lieux elle rejoignit sa famille à LAVELINE-devant-BRUYERES.

    Bernard LAROCHE ayant été le même jour, 5 novembre 1984, inculpé d'assassinat et placé sous mandat de dépôt, Murielle BOLLE se rendit le lendemain au Cabinet du juge d'instruction d'EPINAL accompagnée de sa mère, Jeannine LAVALLEE épouse BOLLE, et, en présence de celle-ci, rétracta les accusations qu'elle avait portées contre son beau-frère. Revenant à sa première version des faits, elle soutient qu'elle était montée dans l'autobus scolaire le 16 octobre précédent à dix-sept heures et elle prétendit que les gendarmes l'avaient trompée en lui faisant croire que Bernard LAROCHE avait passé des aveux et l'avaient menacée d'un placement en maison de correction et d'une inculpation de complicité d'assassinat si elle n'acceptait pas de le mettre en cause.
    Ebranlés par cette rétractation et ultérieurement par les plaintes avec constitution de partie civile déposées le 24 Janvier 1985 par Bernard LAROCHE contre les gendarmes enquêteurs pour faux et usage de faux en écritures publiques, subornation de témoin, menaces de mort et diffusion de fausses nouvelles susceptibles de porter atteinte à la paix publique et le 22 juillet 1985 par les parents de Murielle BOLLE contre les militaires de la gendarmerie ayant entendu leur fille pour faux, usage de faux et subornation de témoin et induits en erreur par les investigations de certains fonctionnaires du service régional de police judiciaire de NANCY
    qui tendaient à discréditer les témoignages recueillis par leurs prédécesseurs, le juge d'instruction d'EPINAL et, après lui, les magistrats du ministère public et ceux de la Cour d'appel de NANCY écartèrent une éventuelle culpabilité de Bernard LAROCHE en considérant :
    - que Murielle BOLLE avait un psychisme fragile et avait craint d'être placée dans une maison de correction,
    - qu'elle avait rétracté les accusations portées contre son beau-frère et s'était plainte d'avoir subi des pressions et d'avoir été trompée par les gendarmes,
    - que l'itinéraire décrit par elle était incohérent et fantaisiste,
    - que les dépositions des témoins qui avaient dit avoir vu Murielle BOLLE monter dans la voiture de LAROCHE le 16 octobre 1984 ou qui avaient constaté son absence dans l'autobus de ramassage scolaire, n'étaient pas crédibles parce qu'à l'exception d'un seul ils avaient fourni des points de repère inexacts ou commis des erreurs,
    - qu'il était difficile de concevoir que Grégory VILLEMIN, enfant craintif qui ne suivait pas les adultes, ait pu se laisser prendre par un inconnu et se laisser ligoter sans se défendre et sans crier,
    - que LAROCHE ne pouvait avoir la certitude de trouver Grégory VILLEMIN seul devant la maison de ses parents et de ne rencontrer aucun témoin de son rapt,
    - qu'il était invraisemblable qu'un assassin se fit accompagner par un tiers pour commettre son crime,
    - qu'aucun indice matériel ne désignait LAROCHE comme l'assassin et que les investigations du service régional de police judiciaire de NANCY n'avaient apporté aucun élément nouveau contre lui,
    - que selon sept experts nationaux il n'était pas le scripteur de la lettre du 16 octobre 1984 et des autres écrits anonymes,
    - qu'il n'avait jamais passé d'aveu,
    - que son activité professionnelle était incompatible avec les appels du Corbeau,
    - qu'il n'avait aucune raison de tuer Grégory VILLEMIN.

    L'information judiciaire provoquée par les plaintes des consorts LAROCHE et BOLLE dont le juge d'instruction de DIJON avait été chargé par un arrêt de la Cour de cassation en date du 27 février 1985 et qui s'est terminée le 23 juin 1988 par une ordonnance de non-lieu confirmée par un arrêt de cette chambre en date du 24 novembre 1988 versé au présent dossier et le supplément d'information ordonné par l'arrêt de ce siège rendu le 25 Juin 1987 ont démontré la faiblesse de cette argumentation et ont apporté contre Bernard LAROCHE des charges nouvelles de culpabilité. Il en résulte en effet que Murielle BOLLE est d'une intelligence moyenne mais normale, qu'en dépit de sa jeunesse elle présentait déjà en 1984 une maturité certaine, que selon son entourage, famille, amis, instituteurs, elle avait une personnalité bien affirmée et était digne de foi. C'est ce que sa soeur Marie-Ange LAROCHE elle-même a déclaré au début de l'enquête. Après la mise en cause de Bernard LAROCHE les gendarmes ont questionné son père Lucien BOLLE au sujet de la fiabilité du témoignage de sa fille. Il leur a répondu que Murielle était saine d'esprit et pouvait être crue et qu'elle était en bons termes avec sa soeur Marie-Ange et le mari de celle-ci. Rien n'autorise donc à soutenir qu'elle était fragile et influençable ou qu'elle avait des tendances à la fabulation.
    Les gendarmes incriminés par les familles BOLLE et LAROCHE se sont défendus d'avoir exercé
    des pressions sur Murielle BOLLE ou d'avoir manqué de loyauté à son égard et rien de tel n'a été prouvé à leur encontre. Les investigations du juge d'instruction de DIJON ont au contraire contribué à prouver que les enquêteurs avaient usé de beaucoup de prudence et de ménagements avec elle, que pendant sa garde à vue elle avait non seulement bénéficié de temps de repos et pu se restaurer mais qu'elle avait été admise à regarder des émissions de télévision et qu'elle avait passé la nuit non dans les locaux de la brigade de BRUYERES mais au domicile d'un gendarme. Son père étant venu s'enquérir de son sort, elle lui a dit "Ca va bien. Les gendarmes c'est mes copains. Il n'y a pas de problème." Elle a été examinée pendant sa garde à vue par le docteur ROUSSEAU qui était son médecin de famille, qu'elle connaissait bien et qui la connaissait. Il lui a demandé si les gendarmes avaient été corrects avec elle. Elle lui a répondu "Oh oui. Ils ont été vachement sympas." Le docteur ROUSSEAU a constaté qu'elle ne paraissait nullement traumatisée ou émue par sa garde à vue et qu'elle était au contraire souriante et détendue.
    Au surplus si depuis le 30 octobre 1984 les enquêteurs avaient quelques soupçons touchant, Bernard LAROCHE, ils ignoraient ce qui avait pu se passer, notamment plusieurs des détails fournis par le jeune témoin, telle l'existence d'un barrage à LEPANGES en raison de travaux de reconstruction du pont de la Vologne sur le chemin départemental 30, indication dont le transport sur les lieux a révélé l'exactitude. Enfin Murielle BOLLE n'a exprimé aucune doléance contre les gendarmes lors de son audition par le juge d'instruction d'EPINAL et, mise en confiance par ce magistrat, a très librement et hors de toute influence extérieure, réitéré ses accusations contre son beau-frère.
    Quant à l'itinéraire, il est vrai que seul l'emplacement de l'autobus et de la voiture de LAROCHE ont été dessinés par elle et que c'est un gendarme qui a tracé un plan approximatif de LEPANGES qu'elle aurait été incapable de dresser de mémoire, mais c'est elle qui a indiqué avec un stylographe le chemin suivi, lequel n'apparaît pas incohérent ou fantaisiste. Si des déclarations sont très suspectes de fausseté, ce sont à l'évidence celles passées le 6 novembre 1984 devant le juge d'instruction d'EPINAL et plus tard devant les divers magistrats qui l'ont entendue. Le greffier de Monsieur LAMBERT a déclaré à Monsieur le Président SIMON qu'elle n'avait plus la spontanéité de la veille et qu'elle semblait réciter une leçon. Le supplément d'information a établi que le 5 novembre 1984, à son retour dans sa famille et à l'annonce de l'arrestation et de l'inculpation de son beau-frère elle avait été malmenée, notamment par sa soeur Marie-Ange qui l'avait violemment secouée en lui disant "Pourquoi tu as dit ça ? Pourquoi tu as dit ça?" à tel point qu'elle s'était enfuie en pleurant et avait fait une crise de nerfs. ainsi que l'ont révélé ses soeurs Francine BOLLE épouse HULING et Marie-Thérèse BOLLE épouse LAMBOLEY. Le même soir il y a eu une longue discussion entre Murielle BOLLE et sa mère.

    Le sieur Benoît BARTHEROTTE, président directeur général de la société ANCEL, employeur de Bernard LAROCHE, a signalé à Monsieur le Président SIMON l'existence d'une dame GOLBAIN, infirmière qui avait soigné pendant six ou sept ans, jusqu'à sa mort, Jeannine LAVALLEE, mère de Murielle BOLLE et de Marie-Ange LAROCHE et qui était très bien renseignée sur la famille de sa cliente, mais qui n'avait été jusque là entendue qu'une seule fois et sommairement par le commissaire CORAZZI, sous son nom de jeune fille de Jacqueline
    TAILBUIS, à propos du comportement de Christine VILLEMIN à laquelle elle avait également
    donné des soins. Cette infirmière qui voyait matin et soir Madame BOLLE, atteinte d'un grave diabète, s'était liée d'amitié à cette femme malade et malheureuse et avait reçu ses confidences. Aux dires de ce témoin, Madame BOLLE qui avait posé à sa fille toutes les questions qui la préoccupaient, avait acquis la conviction que Murielle n'avait pas menti, que Bernard LAROCHE était venu la chercher à BRUYERES, l'avait conduite à LEPANGES et avait enlevé l'enfant. Elle était toutefois persuadée que Murielle n'avait rien fait de mal et elle se refusait à croire que Bernard LAROCHE ait pu tuer lui-même l'enfant. Elle pensait qu'il avait été manipulé et peut-être relayé par un tiers. L'annonce de la mise en liberté de Jean-Marie VILLEMIN ordonnée le 24 décembre 1987 par la chambre d'accusation de DIJON qu'elle avait sans doute interprétée comme un signe de la culpabilité de son gendre, avait précipité la fin de cette femme, prématurément vieillie par vingt et une grossesses et minée par la maladie et l'inquiétude. Elle était morte une semaine plus tard.
    Madame GOLBAIN a confirmé la réalité des pressions exercées par la famille BOLLE sur Murielle, non seulement au moment de sa première rétractation, mais depuis lors. Une autre preuve de l'apparente sincérité des accusations portées par Murielle BOLLE contre son beau- frère a été acquise grâce au supplément d'information. Monsieur le Président SIMON ayant appris par une multitude de témoins, y compris Marie-Ange LAROCHE, que Louisette JACOB dont :'audition avait été négligée en raison de sa débilité mentale était, malgré sa simplicité d'esprit, douée de bon sens et d'une excellente mémoire et incapable de mentir, décida de la faire entendre d'abord par les gendarmes de la section de recherches de DIJON, puis de recueillir lui-même sa déposition et ce, à deux reprises. Par trois fois Louisette JACOB raconta que Murielle lui avait confié après le crime "en pleurant beaucoup, beaucoup" qu'elle s'était trouvée dans la voiture de Bernard LAROCHE avec Sébastien et Grégory, que Bernard était descendu avec ce dernier et était revenu seul. Le juge d'instruction et le procureur de la République d'EPINAL avaient douté de la fiabilité des témoignages du chauffeur de l'autobus de ramassage scolaire et des compagnes de classe de Murielle BOLLE parce que certains d'entre eux contenaient quelques inexactitudes. Ces témoignages auraient pourtant mérité d'être pris en considération dans la première phase de l'information car ils présentent une convergence totale sur un point essentiel: Murielle BOLLE n'était pas dans le car de ramassage scolaire quand il a quitté BRUYERES le 16 octobre 1984 vers dix-sept heures. Ce fait a été affirmé à de multiples reprises par ces témoins. Sonia PIERSON avait précisé que Murielle, au lieu de prendre le car, s'était dirigée vers une automobile vert kaki garée à côté du parc de stationnement des professeurs, au volant de laquelle se trouvait un homme, véhicule qu'elle avait vu dans les instants suivants, se diriger vers LAVAL-sur-VOLOGNE, c'est-à-dire vers LEPANGES. Claude RICHARD avait fait une déclaration semblable en donnant des précisions particulières : "J'ai vu Murielle monter à l'avant d'une 305 dont je ne me rappelle plus la couleur... j'ai vu la voiture démarrer et prendre à gauche au bout du parking. En arrivant en haut de l'escalier, j'ai revu la voiture avec Murielle dedans passer sur la route en direction de LEPANGES... je n'ai pas vu le conducteur..." .."c'est la première fois que je voyais Murielle partir en voiture". Quatre de ces témoignages ont été à nouveau recueillis avec un soin extrême au cours du supplément d'information.

    Le chauffeur Jean-Marie GALMICHE, qui n'avait jamais été entendu par la police judiciaire de
    NANCY, a longuement déposé le 26 janvier 1988 devant Monsieur le Président SIMON: Il a soutenu à nouveau que Murielle BOLLE, dont la chevelure rousse attirait les regards, n'était pas dans le car le 16 octobre 1984. C'est pour lui "une certitude" .Comme il avait dit également qu'elle y était le 23 octobre, alors que ce jour-là elle avait été absente de sa classe, ce qui avait fait douter de la solidité de son témoignage, il a ajouté : "je suis absolument sûr de ce que je dis. La petite BOLLE pouvait très bien être au collège le 16 et être rentrée chez elle par je ne sais quel moyen et n'être pas allée en classe le 23 mais être rentrée quand même à AUMONTZEY par le car que je conduisais. " Véronique DIDIERLAURENT, également entendue le 25 janvier 1988, a confirmé "qu'elle avait la conviction que Murielle BOLLE n'était pas dans le car le 16 octobre 1984". Parmi d'autres précisions, elle a ajouté ..."j'ai eu le sentiment lorsque j'ai été entendue par les gendarmes qu'ils auraient plutôt souhaité que je leur dise que Murielle était dans le car le 16 octobre... je ne reviens pas sur ce que j'ai dit." Claude RICHARD a affirmé qu'elle était absolument certaine que le 16 octobre 1984, Murielle BOLLE n'était pas montée dans l'autobus à la sortie des cours, vers cinq -heures du soir, et qu'elle s'était dirigée vers une voiture arrêtée à droite par rapport à la sortie du collège. Les gendarmes n'ayant pas mentionné sur leur procès-verbal, en novembre 1984, quelle voiture elle avait reconnue, la planche photographique D 448 lui a été présentée par l'ancien président de la chambre d'accusation. Claude RICHARD, après un examen très attentif, a désigné le véhicule n°5, c'est-à-dire la Peugeot 305 de Bernard LAROCHE ; le témoin a confirmé que c'était la première fois qu'elle voyait cette voiture qui était passée ensuite avenue de Lattre de Tassigny. Murielle était assise à l'avant droit et le véhicule se dirigeait vers LAVAL- sur-VOLOGNE, étant précisé que depuis LAVAL, et en continuant tout droit, on va à LEPANGES, DEYCIMONT et DOCELLES, mais qu'en tournant à gauche dans LAVAL, on peut rejoindre LAVELlNE ou AUMONTZEY.
    Sonia PIERSON, qui n'avait jamais été entendue par la police judiciaire, mais seulement par les gendarmes et par le juge d'instruction LAMBERT, et qui habite avenue de Lattre de Tassigny à BRUYERES, a confirmé que le 16 octobre 1984, vers seize heures cinquante cinq, elle avait dit au revoir à Murielle qui, au lieu d'aller vers l'autobus de ramassage, s'était dirigée à droite vers une automobile garée sur l'aire de stationnement des professeurs. Cette voiture était de couleur vert "neutre" et en tout cas pas d'une teinte de vert éclatant. Le témoin a précisé qu'après avoir monté des escaliers situés entre des HLM et menant à l'avenue Maréchal de Lattre, elle et sa camarade Claude RICHARD avaient vu une voiture passer devant elles en direction de LAVAL et LEPANGES. Elle avait parfaitement reconnu Murielle BOLLE dans cette automobile, mais elle n'a pu donner le signalement du conducteur. Sa camarade et elle-même s'étaient dit : "tiens, Murielle vient de passer". Au cours de cette audition Sonia PIERSON a expliqué pourquoi elle avait une certitude sur la date du 16 octobre: ..."c'est le lendemain que j'ai appris l'assassinat du petit Grégory..." En ce qui concerne le fait que précédemment elle avait donné comme autre repère, une opération chirurgicale subie par son père, elle a déclaré: "je dis très sincèrement que sur l'entrée de mon père à l'hôpital, je me suis trompée... ; j'étais très émue et impressionnée. En réalité mon père devait entrer ce jour-là à l'hôpital pour se faire opérer d'un oeil, mais il y est entré un peu plus tard. .." .Monsieur PIERSON a été hospitalisé le 12 septembre 1984 pour une blessure et il est retourné à l'hôpital les 12 et 24 octobre 1984. La planche photographique cotée D 448 a été présentée au témoin par Monsieur le Président SIMON qui lui a demandé si elle reconnaissait la voiture dans laquelle elle avait vu passer Murielle BOLLE. Sonia PIERSON a montré immédiatement la photographie n°5 en disant: "c'est celle-là" : il s'agissait de la Peugeot 3O5 de LAROCHE.
    Au cours d'un transport sur les lieux, le magistrat instructeur s'est attaché à vérifier la crédibilité des témoignages de Claude RICHARD et de Sonia PIERSON. A BRUYERES, il a chronométré le temps qu'il fallait depuis la sortie du CES pour gagner à pied l'avenue Maréchal de Lattre de Tassigny en traversant le parc de stationnement du CES et en gravissant les escaliers ainsi que la pente qui conduit au bord de l'avenue Maréchal de Lattre : ce temps est de deux minutes cinquante quatre secondes; il a parcouru, en automobile, le trajet qu'auraient pu parcourir LAROCHE et Murielle BOLLE depuis ce même parc jusqu'à l'avenue Maréchal de Lattre en direction de LEPANGES et il a chronométré ce parcours: le temps est de quatre minutes cinquante six secondes.

    Il ressort de ces vérifications que les deux jeunes filles ont pu voir le véhicule de LAROCHE sur l'aire de stationnement et le voir, à nouveau, avenue de Lattre de Tassigny. Entendue au sujet de ses contradictions, des invraisemblances de sa rétractation et des témoignages qui la démentaient, Murielle BOLLE s'est obstinée à nier sa présence dans la voiture de LAROCHE lors de l'enlèvement de Grégory VILLEMIN et à rester muette quand une question trop embarrassante lui était posée par les magistrats chargés du supplément d'information. Cette attitude s'explique, semble-t-il, par les pressions de ses proches qui, à partir de l'inculpation de son beau-frère, lui ont toujours imposé le silence. Il en fut ainsi notamment lors de l'enquête provoquée par la lettre adressée au juge d'instruction d'EPINAL par une certaine "Corinne" se disant l'amie de Murielle et relatant des confidences de celle-ci ayant trait à l'affaire, dont il sera question ci-après. Quand elle vint à DIJON le 8 février 1991 pour être entendue par le président de cette chambre; elle était escortée par l'un de ses beaux-frères et par deux de ses frères, individus réputés violents et craints de leur entourage.

    La présence de Murielle BOLLE et de Sébastien LAROCHE dans la voiture du ravisseur, jugée initialement invraisemblable par le ministère public, peut s'expliquer par la nécessité de rassurer Grégory VILLEMIN qui connaissait la première pour avoir déjà été gardé par elle, bien que celle-ci n'ait pas semblé en avoir conservé le souvenir et qui aimait jouer avec le second. En outre, au cas où Christine VILLEMIN serait sortie de sa maison au moment de l'enlèvement de l'enfant, Bernard LAROCHE aurait pu expliquer de manière très plausible que passant dans le quartier avec sa jeune belle-soeur et son fils il avait invité Grégory à se promener quelques instants en compagnie de son petit cousin, ce qui aurait pu paraître très naturel eu égard aux liens de parenté unissant les deux familles.

    Quant à la prétendue méfiance de la jeune victime il a déjà été fait justice de cet argument. Grégory VILLEMIN, enfant très vif, très éveillé, n'était nullement timide et n'avait aucune raison de craindre son oncle Bernard, Murielle BOLLE et Sébastien LAROCHE qu'il connaissait déjà.

    Les investigations du Service régional de police judiciaire n'ont certes apporté aucune charge nouvelle contre LAROCHE car elles ont été essentiellement orientées en direction de Christine VILLEMIN. Il y en avait pourtant à d'autres que la première enquête avait découvertes mais avait négligées et que le supplément d'information a exploitées et fortifiées.

    Mesdames Thérèse JACOB épouse BONATO, cousine de Jean-Marie VILLEMIN et de Bernard LAROCHE, et Françoise HATTON épouse MASSON, employées à l'usine SEB de BEAUMENIL ont rapporté les 8 et 9 novembre 1984 aux gendarmes de BRUYERES que leur compagne de travail Isabelle BOLLE, soeur de Marie-Ange LAROCHE et de Murielle BOLLE, avait déclaré le 6 novembre 1984 vers quinze heures quarante cinq à la première d'entre elles, puis un peu plus tard à toutes deux que Bernard LAROCHE était allé chercher sa belle-soeur Murielle au CES, qu'il était descendu à DOCELLES, qu'il avait arrêté sa voiture, avait ouvert le coffre et "qu'il l'avait mis à l'eau", sans autre précision ou "qu'il avait mis quelque chose à l'eau". Questionnée sur la source de cette information, Isabelle BOLLE aurait répondu qu'elle avait entendu raconter cela chez ses parents. Les deux témoins ont réitéré leurs déclarations le 20 mai 1988 devant Monsieur le Président SIMON bien qu'Isabelle BOLLE ait contesté avoir tenu de tels propos.

    Madame Simone HATTON, retraitée, demeurant aux HLM Gais Champs à LEPANGES-sur-VOLOGNE, a raconté le 13 mai 1985 au commissaire principal CORAZZI, le 21 octobre 1985 au juge d'instruction LAMBERT, le 15 mars 1989 aux adjudants DEFIX et BESSON de la Section de recherches de DIJON et le 7 juin 1989 à Monsieur le Président SIMON, qu'au cours de la semaine ayant précédé le crime, elle avait remarqué par trois fois un homme de taille moyenne, aux moustaches tombantes, aux cheveux mi-longs ondulés, aux yeux globuleux, vêtu d'une chemise gris clair et d'un blouson ou d'une veste bleu foncé, circulant tantôt dans une voiture gris vert immatriculé dans la Moselle, tantôt dans une voiture d'un vert plus foncé portant le numéro QQ 88, qui observait les enfants à la sortie de l'école de LEPANGES et scrutait les fenêtres de Madame Christine JACQUOT, gardienne de Grégory VILLEMIN. Lorsque le portrait de Bernard LAROCHE fut publié dans la presse elle avait reconnu celui-ci. L'enquête a établi qu'au cours de la semaine ayant précédé le crime Bernard LAROCHE travaillait de nuit et qu'il était donc disponible aux heures de sortie de l'école de LEPANGES.

    Le nommé Michel DERUDER, chômeur, demeurant 4, rue des Bosquets à LEPANGES-sur-VOLOGNE, qui conduisait ses enfants dans cette école et allait les y chercher, a lui aussi remarqué le vendredi, le samedi et le lundi ayant précédé le crime un homme de tailleb moyenne, au visage rond, aux moustaches tombantes et aux gros favoris circulant dans une voiture verte dont il n'avait pas relevé l'immatriculation, qui semblait guetter les enfants à l'entrée ou à la sortie des classes et s'éloignait ensuite seul, tantôt en direction de DEYCIMONT et DOCELLES, tantôt vers BRUYERES. Il l'a encore vu le lundi 15 octobre 1984 entre dix-sept heures et dix-sept heures trente assis sous deux gros hêtres à environ trois cents mètres de la maison de Jean-Marie VILLEMIN. IL tenait un fusil de chasse à la main et avait paru gêné par la présence du témoin. Celui-ci l'a encore aperçu le 16 octobre 1984 à treize heures vingt qui roulait lentement rue de l'Eglise à LEPANGES et qui s'était éloigné à vive allure à la vue du témoin qui ne l'avait plus jamais revu. Michel DERUDER dont l'épouse, Evelyne JACOB, était une cousine de Jean-Marie VILLEMIN et de Bernard LAROCHE, a prétendu qu'il n'avait pas reconnu ce dernier. Toutefois le portrait robot établi sur ses indications ressemblait à tel point à la physionomie de Bernard LAROCHE qu'une ancienne voisine de celui-ci, Madame Elise CARLIER, a cru aussitôt le reconnaître. Bernard LAROCHE, avant même la diffusion de ce portrait, avait coupé ses favoris, ce qui a paru surprenant à son entourage.

    Jean-Pierre ZONCA, collègue et ami de Bernard LAROCHE, avait déclaré le 6 novembre 1984 aux gendarmes de la section de recherches de NANCY que tous deux avaient envisagé d'acheter du vin en promotion au magasin CHAMPION de LAVAL-sur-VOLOGNE jusqu'au 20 octobre 1984 mais qu'aucun rendez-vous n'avait été fixé au 16 octobre 1984 à seize heures trente à son domicile ou à celui de Louisette JACOB. En revanche il avait dit ou semblait avoir dit le contraire aux fonctionnaires du Service régional de police judiciaire de NANCY et au juge d'instruction d'EPINAL, ce qui tendait à accréditer l'emploi du temps donné par le premier inculpé.
    Réentendu de manière approfondie le 9 février 1988 par Monsieur le Président SIMON, Jean- Pierre ZONCA a formellement démenti avoir donné rendez-vous à son ami le 16 octobre 1984 à seize heures trente. S'il en avait été ainsi il ne serait pas allé ensiler du maïs chez son ami WILMANN à CHAMPDRAY jusqu'au soir comme il l'avait fait ou, du moins, il aurait prévenu LAROCHE de son empêchement.
    De même Jean-Pierre ZONCA a émis des doutes au sujet de la venue de Bernard LAROCHE à son domicile le 16 octobre 1984 après seize heures et demie. Il a trouvé surprenant qu'aucun de ses voisins ne l'ait vu. Au terme des enquêtes Bernard LAROCHE ne pourrait se prévaloir d'aucun alibi entre sa sortie de la maison de Michel VILLEMIN à seize heures trente et son départ pour le magasin CHAMPION à dix-sept heures trente, soit pendant une heure, temps suffisant pour aller chercher Murielle BOLLE à BRUYERES, enlever l'enfant à LEPANGES et le conduire à DOCELLES.
    Il en est de même pour la période comprise le 16 octobre 1984 entre dix-huit heures vingt cinq ou trente, lorsqu'il a croisé à LAVELINE-devant-BRUYERES, entre AUMONTZEY et BRUYERES, la voiture des époux Albert VILLEMIN conduite par leur fils Michel, et la prise de son travail au tissage ANCEL de GRANGES-sur-VOLOGNE à vingt et une heures. Il a prétendu avoir passé cet espace de temps soit à son domicile, soit chez sa tante Louisette JACOB, mais il n'y a que les dépositions de sa belle-soeur Murielle BOLLE pour confirmer ses allégations dont la preuve n'est pas rapportée avec certitude.

    A ces charges anciennes, jusqu'alors méconnues, se sont ajoutés au cours du supplément d'information :
    - la redécouverte du foulage L B,
    - les conclusions du rapport des experts en écriture Denis KLEIN et Isabelle DAVIDSON, même si elles doivent être accueillies avec la prudence qui est de rigueur en pareille matière,
    - le résultat de l'enquête provoquée par les révélations de Madame CONREAUX, longuement relatée à propos de l'examen des charges pesant sur Christine VILLEMIN, éléments qui tous tendent non seulement à disculper celle-ci mais corrélativement à accabler Bernard LAROCHE.

    Aucun indice ne le désigne, il est vrai, comme l'assassin mais d'une part il a pu enlever l'enfant sans être l'assassin, d'autre part, n'ayant pas été immédiatement soupçonné, il a eu le temps de faire disparaître des preuves.

    Il n'a certes jamais passé d'aveu. Il convient toutefois de noter qu'il a été assassiné par son cousin Jean-Marie VILLEMIN cinq mois et demi après son inculpation et après seulement trois mois de détention. En outre le supplément d'information a révélé qu'ayant dégradé au cours de son adolescence, des panneaux de signalisation au moyen de fléchettes en compagnie de ses cousins VILLEMIN, il avait toujours contesté sa participation, pourtant certaine, à ce petit méfait alors que Jacky et Jean-Marie VILLEMIN avaient reconnu leurs fautes avec franchise. Ses dénégations dans la présente affaire ne sont donc pas déterminantes.

    Enfin le réexamen très minutieux des activités du Corbeau n'autorise nullement à mettre hors de cause Bernard LAROCHE car les investigations de la police judiciaire en ce domaine ont été trop sommaires et fragmentaires. Il appert du supplément d'information :
    - que Bernard LAROCHE pouvait, de sa maison, observer sinon à l’oeil nu du moins à l'aide d'une longue vue découverte le 31 octobre 1984 dans un placard de son vestibule, ce qui se passait au domicile des époux Albert VILLEMIN,
    - qu'il était informé par son cousin Michel de tout ce qui se passait dans la famille VILLEMIN ainsi qu'il l'a reconnu après avoir d'abord tenté de le dissimuler,
    - qu'il a été lui-même personnellement témoin ou averti de certains faits mentionnés par le Corbeau, telle la pose de rétroviseurs par son oncle Albert et la signature de l'acte d'achat de la maison de ses cousins Jacky et Liliane VILLEMIN,
    - que sa jeune belle-soeur Isabelle BOLLE qui avait habité un temps chez lui, a été soupçonnée par Monique VILLEMIN, qui avait cru reconnaître son rire et sa voix, d'être l'auteur d'une communication anonyme,
    - que lors d'un appel téléphonique reçu par les époux Jean-Marie VILLEMIN ceux-ci ont entendu une chanson intitulée "Chef on a soif" et qu'une cassette de cette chanson a été découverte au domicile du premier inculpé,
    - que l'amitié qui l'avait uni à Jacky VILLEMIN pouvait l'inciter à prendre la défense de celuici,
    - que le Corbeau a tenté de diriger les soupçons sur la famille JACQUEL et y a d'ailleurs longtemps réussi et que Bernard LAROCHE avait courtisé Liliane JACQUEL et avait été éconduit par elle,
    - que Bernard LAROCHE a été soupçonné d'être le Corbeau par Monique VILLEMIN et par Jacky VILLEMIN ; qu'il avait en effet téléphoné à ce dernier pour l'inviter à dîner aussitôt après un appel du Corbeau, ce qui démontrait qu'il était bien en mesure de téléphoner à ce moment là,
    - que lors de certaines communications le cliquetis d'un métier à tisser a été perçu et qu'il travaillait dans un tissage,
    - que sa maison comportait un escalier et que les destinataires de certains appels téléphoniques ont entendu, en bruit de fond, les pas d'une personne gravissant des degrés. En l'état il n'est pas démontré que Bernard LAROCHE soit le Corbeau mais, contrairement à l'opinion du juge d'instruction d'EPINAL, il n'est pas exclu qu'il le soit ou qu'il soit l'un des Corbeaux s'il y en a eu plusieurs.

    Reste, comme pour Christine VILLEMIN, la question des mobiles du crime qui lui fut imputé. Les premiers enquêteurs ont supposé que Bernard LAROCHE était jaloux de Jean-Marie VILLEMIN parce que celui-ci avait été nommé contremaître avant lui, avait une situation financière plus prospère, une meilleure entente conjugale, un enfant plus doué que Sébastien et qu'il avait été dépité du refus opposé par Christine BLAISE à ses avances. Son aigreur aurait pu être également alimentée par les vantardises de Jean- Marie VILLEMIN qui se complaisait un peu trop à faire étalage de ses succès et par la rancoeur de certains membres de son entourage, tels Michel et Ginette VILLEMIN, Jacky VILLEMIN, Marcel et Jacqueline JACOB qui enviaient eux aussi les parents de Grégory et les dénigraient peut-être auprès de lui.
    Le 6 août 1985, une lettre signée "Corinne" dont l'auteur disait avoir seize ans, être en vacances chez une marraine et devoir regagner LEPANGES le 19 août suivant, fut expédiée de PUY-L'EVEQUE, département du Lot, au juge d'instruction d'EPINAL. Le signataire qui se disait une amie de Murielle BOLLE, prétendait que celle-ci lui aurait confié sous le sceau du secret qu'elle était bien dans la voiture de son beau-frère le 16 octobre 1984 mais qu'elle avait dit le contraire par peur de ses parents. Elle accusait Bernard LAROCHE d'être le Corbeau, de savoir très bien imiter les écritures et d'avoir acheté des faux témoins, notamment Anne-Marie TEXEIRA, amie de sa femme. A l'en croire Bernard LAROCHE, amoureux depuis toujours de Christine VILLEMIN, aurait été à nouveau éconduit, peu avant le crime, par celle-ci qui lui aurait dit qu'elle était heureuse de ne pas l'avoir épousé car elle aurait eu un enfant taré comme le sien alors qu'elle avait un beau garçon. Bernard LAROCHE aurait répondu: "T'inquiète pas. Il ne sera pas beau longtemps. "
    Les nombreuses investigations auxquelles cette lettre a donné lieu n'ont pas permis d'en identifier l'auteur et d'établir si son contenu avait une part de réalité ou était totalement imaginaire. Christine VILLEMIN a contesté avoir tenu les propos qui lui étaient prêtés. Il convient toutefois d'observer que cette lettre a particulièrement inquiété la famille BOLLE qui, depuis le crime, vivait, il est vrai, en état d'alerte permanente selon l'expression de Madame GOLBAIN.
    Même si la réussite familiale et professionnelle de Jean-Marie VILLEMIN était supérieure à celle de Bernard LAROCHE, il n'y avait toutefois pas une différence suffisante entre eux pour justifier une haine aussi implacable et l'assassinat d'un enfant. En outre, le premier inculpé qui bénéficiait de l'estime et de l'affection de son oncle Albert et de sa tante Monique VILLEMIN n'avait, semble-t-il, aucune raison de les persécuter comme le fit le Corbeau.
    Monsieur le Président SIMON a supposé que les agissements de cet être malfaisant et le crime litigieux tiraient leur source de torts très graves que la famille VILLEMIN aurait eus envers la famille LAROCHE ou d'autres personnes et qui expliqueraient la vengeance dont elle avait été victime. Des années durant il s'est efforcé, sans y parvenir, de percer un éventuel secret familial.
    A certaines époques de son existence Albert VILLEMIN s'était attiré beaucoup d'inimitiés par son intempérance, sa dureté et des aventures sentimentales réelles ou supposées, mais pas au point, semble-t-il, de justifier pareille vengeance. Certains l'ont accusé d'avoir extorqué de l'argent à Marcel LAROCHE, mais cela n'a pas été démontré et il est même probable que le coupable soit un autre membre de la famille prénommé lui aussi Albert et d'avoir eu avec Thérèse JACOB, mère de Bernard LAROCHE, une liaison qui n'a pas été davantage prouvée. En 1981, après la mort de Marcel LAROCHE, Monique VILLEMIN et ses soeurs Yvette et Suzanne JACOB se seraient introduites au domicile du défunt et auraient fouillé ses affaires afin d'y récupérer, a-t-on pensé, des documents compromettants, mais elles auraient été surprises par Bernard et Marie-Ange LAROCHE qui les auraient chassées. Monique VILLEMIN et ses soeurs l'ont nié et cet épisode n'a pu être élucidé. Il a également été question d'un second bâtard dans la famille. Monique VILLEMIN a contesté cette autre naissance illégitime qui n'a jamais été démontrée. A la supposer réelle sa relation avec le crime ne serait pas établie. Monique VILLEMIN a été soupçonnée par beaucoup de ses proches de détenir la clef de l'énigme. Elle a toujours affirmé qu'il n'en était rien.
    En définitive, à l'issue de l'instruction, il existe contre Bernard LAROCHE des charges très sérieuses d'avoir enlevé Grégory VILLEMIN le 16 octobre 1984. En revanche les raisons profondes de la haine qui semble avoir dicté ce crime demeurent incertaines pour ne pas dire inconnues et en l'état il est impossible d'affirmer que Grégory VILLEMIN dont la mort demeure toujours entourée de mystère, a été tué par Bernard LAROCHE sur lequel d'excellents renseignements ont été recueillis et que ses proches disent incapable d'avoir assassiné un enfant.

    C -CHARGES PESANT SUR MURIELLE BOLLE
    Il est indispensable de les examiner puisque deux des parties civiles demandent qu'elle soit inculpée sinon d'assassinat, du moins d'enlèvement d'un mineur âgé de moins de quinze ans. L'étude des charges rassemblées contre Bernard LAROCHE à laquelle il vient d'être procédé tend à démontrer que Murielle BOLLE, en dépit de ses dénégations initiales et finales, a bien assisté à l'enlèvement de Grégory VILLEMIN et qu'en gardant son neveu Sébastien et en rassurant la victime par sa présence elle a facilité cet enlèvement. En revanche il n'est pas établi qu'elle ait su, avant d'apprendre le lendemain par la lecture des journaux, la mort de Grégory VILLEMIN, le but de l'expédition à laquelle elle avait participé.
    Rien dans ses aveux à la gendarmerie, au juge LAMBERT et à Louisette JACOB ne permet de penser qu'elle ait eu conscience de favoriser le rapt d'un enfant et son assassinat. Les confidences de Jeannine BOLLE à son infirmière et les renseignements fournis par celle-ci confortent cette opinion. Murielle BOLLE aimait en effet beaucoup les enfants et elle a été bouleversée à l'annonce du décès de Grégory VILLEMIN.
    L'intention criminelle, élément constitutif de l'infraction qui lui est reprochée, n'étant pas en l'état démontrée et semblant au contraire exclue, l'inculpation sollicitée ne saurait être envisagée. Au surplus elle serait impossible parce que la Cour n'est pas saisie du crime d'enlèvement de mineur de quinze ans mais seulement de celui d'assassinat. Les parents de Grégory VILLEMIN et sa grand-mère maternelle soupçonnent, il est vrai, Murielle BOLLE d'avoir pris une part active à la disparition de leur fils et petit-fils en lui injectant une dose d'insuline peut-être mortelle, en tout cas suffisante pour l'avoir plongé dans un coma ayant facilité sa noyade.
    Il ressort en effet des renseignements fournis le 21 novembre 1989 par Madame GOLBAIN :
    - qu'en 1984 cette infirmière administrait chaque jour à Jeannine LAVALLEE épouse BOLLE des piqûres d'un mélange d'insuline rapide et d'insuline lente de la marque figurant sur le flacon et sur l'emballage découverts au bord du Barba au moyen d'une seringue semblable à
    celle qui a été saisie, laquelle n'était pas, à l'époque, en vente courante dans les pharmacies,
    - que cette seringue n'avait, semble-t-il, pas été retirée de son conditionnement par un
    profane, mais de la manière dont elle-même procédait,

    - qu'elle laissait chez ses malades des seringues et des flacons à' insuline et que I’insuline était en vente libre dans les pharmacies,
    - que le flacon ramassé par le garde-champêtre GRANDJEAN n'était peut-être pas plein lorsqu'il avait été utilisé parce qu'il fallait remplir cinq seringues pour le vider,
    - que l'injection d'une seringue complète d'insuline à un enfant de quatre ans non diabétique aurait entraîné un coma et un état de mort apparente,
    - que deux années environ avant la mort ce sa mère survenue le 31 décembre 1987, Murielle BOLLE avait appris à faire des piqûres à celle-ci.
    Il se pourrait donc, selon les parties civiles, que Bernard LAROCHE, informé des propriétés de l'insuline, ait conçu le projet d'anesthésier l'enfant en utilisant les produits pharmaceutiques de sa belle- mère et la compétence de sa belle-soeur.
    Cette hypothèse ne saurait être écartée du fait de la découverte du flacon d'insuline et de la seringue ci-dessus décrits à proximité du lieu d'immersion possible de la victime, mais en l'absence d'autres indices et de témoignages il est impossible d'imputer une telle injection à Murielle BOLLE qui, à s'en tenir à la déposition de Madame GOLBAIN, ne savait pas encore faire des piqûres à sa mère au mois d'octobre 1984. Même si elle avait piqué Grégory VILLEMIN, il est douteux que cette jeune fille de quinze ans, peu instruite, ait compris. le but et les conséquences de l'acte demandé par son beau-frère.
    Enfin sur plainte avec constitution de partie civile déposée le 25 Novembre 1985 entre les mains du doyen des juges d'instruction d'EPINAL par les époux Jean-Marie VILLEMIN
    auxquels s'était jointe ultérieurement Gilberte CHATEL veuve BLAISE, contre Murielle BOLLE pour complicité d'assassinat, non opposition à la réalisation d'un crime, non assistance à personne en danger, abstention volontaire de témoigner et non dénonciation de crime, une information judiciaire a été ouverte de ces chefs contre personne non dénommée. Après diverses péripéties procédurales, elle a été renvoyée le 14 septembre 1987 par la chambre criminelle de la Cour de cassation devant le juge d'instruction de DIJON dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice. Elle s'est terminée le 25 avril 1988 par une ordonnance de non-lieu qui a été confirmée le 11 octobre suivant par un arrêt de ce siège. Or le ministère public, seul habilité par l'article 190 du Code de procédure pénale à requérir la réouverture de cette information ne l'a pas fait.
    Sous quelque aspect qu'on l'envisage, une inculpation de Murielle BOLLE apparaît en l'état impossible.

    D - CHARGES PESANT SUR MARIE-ANGE LAROCHE
    Les époux Jean-Marie VILLEMIN et veuve BLAISE ont également porté leurs soupçons sur Marie-Ange BOLLE, épouse du premier inculpé, en faisant observer, ce qui est vrai :
    - qu'elle n'a pas travaillé le 15 octobre 1984, veille du crime, sans raison apparemment valable,
    - qu'elle a veillé le corps de Grégory VILLEMIN avant ses obsèques plus, semble-t-il, par curiosité qu'en raison de la sympathie que lui inspiraient cet enfant et ses parents auxquels elle n'était pas intimement liée,
    - qu'au départ de l'enquête elle a téléphoné aux gendarmes de BRUYERES, le 22 octobre 1984, pour annoncer des révélations importantes: qu'en fait elle n'a fourni aucun renseignement intéressant et a, au contraire, tenté de mener les militaires de l'arme sur de fausses pistes, notamment en direction des époux Jacky VILLEMIN et des époux HOLLARD, cousins d'Albert VILLEMIN,
    - que le 4 mai 1986, elle a demandé la mise sous tutelle de sa tante par alliance Louisette JACOB, peut-être afin d'empêcher que les déclarations de celle-ci ne fussent prises en considération, qu'elle aurait tenté d'avoir accès au dossier de l'assassinat de Grégory VILLEMIN en suscitant la constitution de partie civile de certains de ses proches,
    - qu'au cours du supplément d'information elle a refusé de déposer en qualité de témoin et n'a finalement comparu qu'avec beaucoup de réticence devant Monsieur le Président SIMON,
    - qu'elle aurait annoncé de manière étonnante la mort de Grégory VILLEMIN à son mari,
    - que les époux LAROCHE formaient un couple chancelant.
    Aucune de ces considérations ne constitue à son encontre une présomption de culpabilité. L'instruction a établi que le 16 octobre 1984 Marie-Ange LAROCHE avait travaillé à l'usine PROFIL de GERARDMER jusqu'à vingt et une heures et n'a pas démontré qu'elle se fût absentée de son travail durant la journée. Sauf fausseté des dépositions recueillies ou lacunes de l'enquête elle n'a donc pu participer matériellement à l'enlèvement et à l'assassinat de Grégory VILLEMIN. Eu égard à la médiocre entente des époux LAROCHE il est peu probable que son mari, homme secret, prudent et calculateur, l'ait associée à un éventuel projet criminel. Rien ne démontre non plus qu'elle soit l'un des Corbeaux bien que ce ne soit pas impossible.
    Marie-Ange BOLLE a pu, si elle connaissait les ressentiments de son mari envers les membres de la famille VILLEMIN - en admettant qu'il les ait éprouvés et manifestés - supposer qu’il n'était pas étranger à l'assassinat de l'enfant et s'efforcer de découvrir une Vérité dont elle avait l'intuition et de détourner les soupçons qui auraient pu peser sur son conjoint et par ricochet sur elle, sans pour autant être impliquée de près ou de loin dans l'affaire.
    L'assassinat de son mari par Jean-Marie VILLEMIN n'a pu que la conforter dans ce réflexe de défense et cette quête des informations qui ne constituent pas contre elle des éléments à charge.
    Même si elle a percé tout ou partie du secret de la mort de Grégory VILLEMIN, il serait vain d'espérer en obtenir la révélation par de nouvelles auditions de ce témoin. A l'heure actuelle aucune investigation ne saurait être entreprise utilement dans sa direction.

    E -CHARGES PESANT SUR D'AUTRES PERSONNES
    Michel VILLEMIN et son épouse née Ginette LECOMTE ont été suspectés l'un et l'autre d'être les Corbeaux ou à tout le moins les informateurs du Corbeau eu égard à leur proximité des époux Albert VILLEMIN dont aucun des faits et gestes ne leur échappait, à l'animosité de Michel envers son père qui lui reprochait son analphabétisme et au caractère aigri et jaloux de ce fils déshérité par la nature, peu intelligent, presque illettré et sujet à des crises nerveuses. En outre, c'est lui qui a été le messager du Corbeau le jour du crime et, le soir du 16 octobre 1984, il était dans un tel état d'agitation que les gendarmes de BRUYERES l'avaient placé en garde à vue.
    L'information originaire et son supplément ont mis en évidence les liens très étroits qui unissaient les époux Michel VILLEMIN à Bernard et Marie-Ange LAROCHE bien que ceux-ci se fussent efforcés, tout au début de l'enquête, de taire cette intimité. Ils se rendaient de très nombreuses visites et Bernard LAROCHE avait courtisé Ginette LECOMTE à telle enseigne que certains lui ont attribué, à tort semble-t-il, le deuxième enfant de celle-ci. Elle avait été très affectée par la détention et par le décès de Bernard LAROCHE alors que d'autres drames familiaux - assassinat de Grégory VILLEMIN, mort accidentelle de son jeune beau-frère Lionel VILLEMIN - l'avaient laissée, du moins en apparence, beaucoup plus indifférente.
    Les très nombreuses investigations menées autour de ce couple n'ont toutefois pas permis d'attribuer à l'un ou l'autre de ses membres, qui étaient tous deux indisponibles au moment du crime, une participation à sa préparation ou à son exécution.
    Il se peut qu'ils aient été les auteurs de certaines communications anonymes et il est certain qu'ils ont fourni des renseignements à Bernard LAROCHE au sujet des événements de leur famille mais il n'est pas prouvé qu'ils l'aient fait en connaissance du but éventuellement poursuivi par leur cousin.
    A supposer que celui-ci soit l'auteur du crime, il était trop avisé pour avoir associé à ses agissements un homme aussi dépourvu de sang-froid que Michel VILLEMIN dont le comportement était imprévisible.
    Le 25 août 1991 Ginette LECOMTE a abandonné son mari, qui avait tenté peu auparavant de mettre le feu à leur maison, en emmenant avec elle ses deux enfants. De nouvelles auditions des conjoints après leur séparation sont restées sans résultat.

    Marcel JACOB, jeune frère de Monique VILLEMIN, et Jacqueline THURIOT son épouse, étaient en mauvais termes avec Albert VILLEMIN et ses fils, singulièrement Jean-Marie, mais excepté Jacky lequel n'était pas, en fait, le fils d'Albert. En 1972 Marcel JACOB aurait craché au visage de son beau-frère. Au mois de décembre 1982 à la suite d'un dépassement imprudent de leur voiture par celle de Gilbert VILLEMIN, les époux JACOB-THURIOT avaient insulté Albert, Gilbert, Jean-Marie et Christine VILLEMIN et auraient même menacé de les frapper avec une matraque. Marcel JACOB qui avait pris ombrage de la promotion de Jean-Marie VILLEMIN au rang de contremaître, lui avait dit "Je ne serre pas la main à un chef" et l'avait accusé de ramper devant ses supérieurs. Valérie JACOB, leur fille, a été soupçonnée par sa tante Monique VILLEMIN, qui avait cru reconnaître sa voix et son rire, d'être l'auteur d'une communication téléphonique anonyme. Elle était une amie d'Isabelle BOLLE qui avait habité chez son beau-frère Bernard LAROCHE. Marcel JACOB a été soupçonné lui aussi d'être le Corbeau parce que celui-ci avait fait mention dans l'une des lettres anonymes d'une altercation dont lui, Marcel, avait été témoin entre Jacky et Michel VILLEMIN. Son téléphone se trouvait en haut d'un escalier sonore et Albert VILLEMIN avait entendu, en bruit de fond lors d'un appel anonyme, les pas d'une personne gravissant un escalier. Les époux Marcel JACOB étaient les plus proches voisins des époux LAROCHE et l'on pouvait aller d'une maison à l'autre sans être vu par des tiers. De même que le pavillon de celui-ci, leur habitation dominait celle d'Albert VILLEMIN à AUMONTZEY. Bernard LAROCHE et Marcel JACOB, très proches par l'âge bien que le premier fût le neveu du second, avaient été élevés ensemble et étaient très liés mais au début de l'enquête Marcel JACOB s'était efforcé de dissimuler cette amitié. Invitée à comparaître le 12 décembre 1989 devant Monsieur le Président SIMON au poste de gendarmerie de XONRUPT-LONGEMER, Jacqueline THURIOT qui n'avait encore jamais été entendue, s'est abstenue de comparaître sans fournir d'explication. Entendue de manière approfondie le 24 septembre 1991 par les adjudants DEFIX et BESSON de la section de recherches de DIJON, elle a été réticente pour répondre à leurs questions. L'expertise en écriture de Monsieur Denis KLEIN et de Madame Isabelle DAVIDSON a mis en évidence certaines concordances troublantes entre son écriture en lettres d'imprimerie et les deux premières pièces de question en caractères typographiques. Marcel JACOB ressemble beaucoup à son neveu Bernard LAROCHE et après la diffusion du portrait-robot un témoin a cru le reconnaître.
    En raison de ces divers éléments de suspicion, des recherches ont été menées en direction de ce couple dont l'emploi du temps le 16 octobre 1984 n'a pu être établi avec une totale certitude. A priori ils n'étaient pas disponibles à l'heure du crime mais l'éventualité d'une absence momentanée de leur lieu de travail ne saurait être exclue. L'enquête les concernant a été entreprise trop tardivement pour avoir des chances sérieuses d'aboutir à un résultat incontestable. En l'état, il n'existe pas contre eux de présomption suffisantes pour justifier de nouvelles investigations et a fortiori une inculpation.

    Le juge d'instruction d'EPINAL avait reçu, par l'intermédiaire du journal "La liberté de l'Est" une lettre expédiée de THIONVILLE le 29 mars 1986 dont l'auteur qui l'avait signée des initiales RH disait se trouver dans un village de la Moselle, travailler dans les Vosges au service de la société PEAUDOUCE de THUNIMONT où il avait conduit le camion n° 6376 HY 59. Se prétendant atteint d'une maladie incurable il s'accusait d'avoir été payé par Bernard LAROCHE, rencontré au café "Le Salut de la Truite chez DURANT" pour tuer Grégory VILLEMIN.
    Le commissaire CORAZZI du Service régional de police judiciaire de NANCY, chargé d'exploiter les renseignements contenus dans cet écrit, avait rendu compte de ses recherches infructueuses dans un procès- verbal très sommaire du 18 avril 1986. Au cours du supplément d'information cet élément a paru mériter de plus amples investigations parce que Madame Simone HATTON, dont la déposition a été plus haut relatée, avait remarqué durant la semaine ayant précédé le crime le comportement suspect d'un automobiliste circulant dans une voiture immatriculée en Moselle.
    Une enquête plus approfondie des adjudants DEFIX et BESSON de la section de recherches de DIJON a révélé :
    - qu'il existait, à l'époque des faits, une société PEAUDOUCE à THUNIMONT (Vosges) et qu'elle était propriétaire d'un camion immatriculé 6376 HY 59,
    - qu'un restaurant à l'enseigne "Le Saut de la Truite" sis à THUNIMONT MONT était le rendezvous habituel de nombreux chauffeurs routiers et que son tenancier s'appelait René DURANT,
    - que la société PEAUDOUCE avait eu à son service un chauffeur nommé René HAIRAY qui était maladif et était mort d'un cancer le 4 juillet 1989,
    - que le camion 6376 HY 59 était conduit le plus souvent par le beau-frère de René HAIRAY qui travaillait lui aussi dans la même entreprise.
    En revanche il n'est pas établi que René HAIRAY ait eu des attaches en Moselle et ait écrit la lettre du 29 mars 1986. Les personnes de son entourage n'ont pas reconnu son écriture et l'ont estimé incapable de commettre un crime.

    Un adjudant de gendarmerie en retraite, Monsieur LE PIPEC, qui a conduit une enquête parallèle à celle de la gendarmerie et de la police judiciaire, s'est transporté sur les lieux du crime et a procédé à diverses investigations. Dans plusieurs mémoires, illustrés de plans, adressés à Monsieur le Président SIMON et lors de son audition par ce magistrat, il a émis l'hypothèse que Grégory VILLEMIN avait été victime d'un jeu d'enfants, jeu d'indiens ou transport dans une petite charrette tirée par une bicyclette, au cours duquel il serait tombé accidentellement dans la VOLOGNE. Le Corbeau qu'il situait à LEPANGES, témoin de cette chute, l'aurait aussitôt exploitée en écrivant une lettre et en téléphonant à la famille VILLEMIN afin d'assouvir sa vengeance.
    Il est exact qu'un groupe d'enfants jouait à LEPANGES et que Christine VILLEMIN avait pensé, au début des recherches, que son fils avait pu les rejoindre, mais l'enquête n'a nullement confirmé cette supposition.

    Michel CORNILLIE, tenancier à l'époque du crime de l'hôtel restaurant bar de la Poste à DOCELLES, situé non loin du lieu de découverte du cadavre de Grégory VILLEMIN, a remarqué le 16 octobre 1984, entre seize heures trente et dix sept heures dix ou quinze la présence dans son établissement d'un individu qui semblait nerveux et ne cessait de regarder sa montre et une pendule. Il en a donné un signalement précis et a contribué au dessin d'un portrait-robot ressemblant à celui réalisé sur les indications de Michel DERUDER. Il a indiqué que son ami Claude CHARLES, monteur domicilié à DOCELLES, qui lui tenait compagnie au cours de l'après-midi du 16 octobre 1984, avait fait les mêmes constatations que lui.
    Ce témoin dont la déposition n'avait pu être recueillie au début de l'enquête parce qu'il se trouvait en Egypte, a été entendu le 29 mai 1991. Il a confirmé la présence de cet homme qui semblait préoccupé mais non le signalement qu'en avait donné son ami. Cet individu suspect n'a jamais été identifié et l'on ne sait si sa présence était en relation avec l'assassinat de Grégory VILLEMIN.

    Le 19 novembre 1987 Monsieur Jean-Gustave DESCY, âgé de soixante et un ans, artiste peintre en fresques demeurant 9 quai Marcel BOYER à IVRY-sur-SEINE mais dont l’épouse était originaire de DOCELLES et qui avait une résidence secondaire à CHARMOIS-devant-BRUYERES, fut, sur sa demande, entendu par Monsieur le Président SIMON et lui révéla que le 16 octobre 1984, peu après dix-sept heures quinze, revenant de NANCY à motocyclette, il avait remarqué une automobile Renault 5 verte garée à droite de la route départementale 44 allant de BRUYERES à EPINAL, en direction d’EPINAL, à proximité du pont franchissant la route départementale 159 bis menant de CHENIMENIL à CHARMOIS. Elle était inoccupée. Le 20 octobre 1984, jour des obsèques de Grégory VILLEMIN, mais après la fin de la cérémonie, venant de DOCELLES et regagnant CHARMOIS en compagnie d'un ami, il avait aperçu une Renault 5 verte exactement semblable à celle vue le 16 octobre précédent, mais garée cette fois à droite de la route départementale 159 bis allant de CHENIMENIL à CHARMOIS, en contre bas du pont par lequel la route départementale 44 enjambe cette voie. Intrigué par la présence d'une automobile arrêtée en ce lieu, il avait dit à son ami, sur le ton de la plaisanterie: "Tiens, voilà la voiture du crime" et avait ralenti. A cet instant il avait vu un homme de cinquante ou soixante ans assez fluet, au visage émacié, aux cheveux foncés et peu abondants, vêtu d'une veste en cuir clair, une femme aux cheveux bouclés grisonnants plus corpulente que l'homme et deux ou trois autres personnes, notamment un jeune homme et une jeune fille de treize ou quatorze ans, s'engouffrer dans la voiture et partir précipitamment.
    Le témoin signala qu'à proximité du lieu où il avait vu la première automobile à l'arrêt le 16 octobre 1984, un petit chemin appelé chemin TACHET, du nom d'une ferme située non loin de là, permettait d'accéder depuis la route D44 au bord de la Vologne à DOCELLES, en amont de l'ancien pont Bailey, sans risque d'être vu, information dont une enquête démontra l'exactitude.
    Le sieur DESCY ajouta que ces renseignements pouvant présenter un certain intérêt pour la découverte de l'auteur du crime, il les avait communiqués au commissaire divisionnaire Bernard GRAVET de la Direction centrale de la police judiciaire, rue d'Aguesseau à PARIS, qui avait dressé procès-verbal de ses déclarations et lui avait annoncé qu'il serait ultérieurement convoqué, ce qui n’avait jamais eu lieu.
    Le Directeur central de la police judiciaire ayant fait savoir le 7 janvier 1988 que la trace d'un procès-verbal d'audition de Jean DESCY n'avait pas été retrouvée, ce témoin fut réentendu le 25 mars suivant par Monsieur le Président SIMON auquel il remit la carte de visite du Commissaire divisionnaire GRAVET ainsi que des photographies illustrant ses précédentes déclarations qu'il confirma en précisant que l'homme à la veste en cuir de couleur chamois qu'il avait vu le 20 octobre 1984 ressemblait un peu à Roger JACQUEL dont la photographie avait été publiée par un numéro spécial du journal l'Est Républicain. Il signala en outre l'existence, non loin du point privilégié, d'une vieille baraque en planches dans laquelle l'auteur du crime aurait pû aisément se dissimuler. Le film des obsèques de Grégory ayant été projeté devant lui Jean DESCY ne put reconnaître dans l'assistance les personnes qu'il avait aperçues le 20 octobre 1984. Il est décédé depuis lors. Le commissaire divisionnaire GRAVET, entendu le 25 mars 1988 par l'ancien président de cette chambre, admit qu'il avait effectivement reçu la visite de Jean DESCY qui lui avait fait part de ses constatations, en avoir soit pris note, soit dressé procès-verbal et affirma avoir transmis ces renseignements au Service régional de police judiciaire de NANCY alors saisi de l'enquête. Ce service a prétendu n'avoir rien reçu et tout ignorer des déclarations de Monsieur DESCY.
    Le FIGARO MAGAZINE du 27 février 1988 ayant fait état des révélations de ce témoin, le domicile de celui-ci à IVRY-sur-SEINE fut ravagé le lendemain par un incendie d'origine criminelle. L'auteur présumé des faits avait tracé les lettres J D, initiales de Jean DESCY, à la peinture noire sur la porte de l'immeuble. Bien qu'il n'ait pas contribué à l'élucidation de l'affaire, cet épisode du supplément d'information méritait d'être rapporté parce qu'il :
    - montre que des éléments dignes d'intérêt avaient échappé aux premiers enquêteurs,
    - met en évidence certains dysfonctionnements de la police judiciaire,
    - établit que les menaces d'incendie qui auraient été reçues par plusieurs témoins doivent être prises au sérieux.

    Beaucoup d'autres recherches provoquées par des lettres anonymes ou signées, par des communications téléphoniques et par des renseignements recueillis par la police ou la gendarmerie et qui ne sauraient être relatées en détail, sont restées sans résultat probant. L'auteur de l'assassinat de Grégory VILLEMIN demeure donc inconnu.

    III -DEMANDES DE SUPPLEMENT D'INFORMATION
    1) Demande de décryptement des cassettes d’enregistrement de la voix du Corbeau :
    Cette demande a été rétractée par les époux Albert VILLEMIN mais la Cour qui n'est pas liée par ce revirement, aurait le devoir d'ordonner une telle investigation si elle permettait de découvrir la vérité. Ce n'est pas le cas si l'on considère :
    - que plusieurs études des voix ont déjà été confiées à des experts et n'ont pas donné de résultat décisif,
    - que la requête des parties civiles est seulement accompagnée d'une coupure de presse relatant un fait divers et n'est étayée par aucun document scientifique,
    - que selon les informations les plus récentes contenues notamment dans le numéro 6, de la revue de la Police technique et scientifique éditée par le Ministère de l'Intérieur, des recherches sont en cours afin de permettre l'identification des voix mais n'ont pas encore abouti,
    - que même si un procédé fiable existait, sa mise en oeuvre serait très aléatoire en l'espèce dès lors que les enregistrements ont été effectués par les membres de la famille VILLEMIN de manière imparfaite et avec des appareils peu performants; que les bandes magnétiques déjà manipulées des centaines de fois par les enquêteurs et par les experts sont altérées et que la voix du Corbeau est, le plus souvent inaudible ou à peine perceptible,
    - qu'il n'est pas évident que les Corbeaux dont la voix a été enregistrée soient l'assassin ou le complice de celui-ci,
    - que le seul appel qui est manifestement l’oeuvre de l'assassin ou de l'un de ses complices, celui qu'aurait reçu Michel VILLEMIN le 16 octobre 1984 vers dix-sept heures trente, n'a pas été enregistré. En l'état actuel de la science et des pièces à conviction, de nouvelles expertises n'apporteraient donc aucune certitude quant à l'auteur du crime.

    2) Demandes de nouvelles auditions de témoins et de confrontations :
    Tant que les témoins qui prétendent ne rien savoir ou donnent des faits des versions apparemment contraires aux autres résultats de l'instruction, notamment Murielle BOLLE et les membres de la famille CLAUDON, demeureront soumis aux pressions qui s'exercent sur eux, aucune nouvelle audition, confrontation ou autre investigation ne réussira à vaincre leur obstination et à dissiper les brumes épaisses qui subsistent encore.

    PAR CES MOTIFS , LA COUR, dit et juge qu'en l'état il n'y a pas de charges contre Christine BLAISE épouse VILLEMIN d'avoir assassiné son fils Grégory Gilbert VILLEMIN, rejette les demandes de nouveau supplément d'information et dit n'y avoir lieu à suivre plus avant contre quiconque, donne mainlevée du contrôle judiciaire auquel l'inculpée est soumise, ordonne le dépôt du dossier de la procédure au greffe de la Cour d'appel de DIJON, en raison de la bonne foi des parties civiles, la décharge des frais qui seront supportés par le Trésor Public.
    Ainsi fait, jugé et prononcé à l'audience de la Chambre d'accusation de la Cour d'appel de DIJON, tenue en la Chambre du conseil, au Palais de Justice d~ ladite ville, le
    MERCREDI TROIS FEVRIER MIL NEUF CENT QUATRE VINGT TREIZE, par :
    - Monsieur MARTIN, Président de Chambre, Président de la Chambre d'accusation ;
    - Monsieur JACQUIN, Conseiller;
    - Madame KALUZNY, Conseiller ;
    Désignés conformément aux dispositions de l'article 191 du Code de Procédure Pénale, en présence de Monsieur KOHN, Avocat Général; Assistés de Madame GAUDIN, Greffier divisionnaire.

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  • Source : www.justicepourgregory.fr/

     

    1983 - 1984

     

    1982

    Scellé n°18A - Appel anonyme d'avril 1982 adressé à Albert et Monique VILLEMIN (durée : 8m50s)


    Le Corbeau : (... bruit de fond, comprenant un bruit de sifflement de machine en rotation, accompagné d'un bruit régulier battement, caractéristique du bruit de métier à tisser- environ 150 coups/minutes - et en arrière plan bruit de battement de réveil ou minuterie mécanique qui ne provient pas du domicile des VILLEMIN - Seul Gilbert de la famille VILLEMIN travaillait dans un tissage - il y avait un certain nombre de la famille Jacob, et Bernard LAROCHE qui travaillaient dans un tissage.)

    Monique VILLEMIN : « eh bien, t'es matinal pour faire chier ton monde toi, hein ! Espèce d'enculé va…. t’es bien réveillé ? … je croyais que tu nous aurais oublié… tu sais… y a longtemps qu’on devrait être pendu ? … j’attends, j’écoute, qu’est ce que t’as de nous annoncer aujourd'hui,… hein !…. tu vois descendre Gilbert… » (Il observe le domicile des Albert VILLEMIN…Il voit descendre Gilbert rendre visite à ses parents).

    Monique VILLEMIN : « hein ! Casser le carreau…. ça y est c’est fini ta crise ? Ta crise est terminée, sacré fou…t’es tout fou, même crever les pneus, je te dirais juste t'es bien la même saloperie, hein ! t'es la même saloperie, hein !. Si, ça t’amuse tu peux continuer, va tôt ou tard tu seras chopé, va…. pauvre con…t’es qu’une petite crevure, une vermine, voilà ce que tu est, t’es rien d’autre, t’es comme les petits chiens, t’abois de loin… tête de fou… tu peux continuer, tu sais, c’est pas moi qui paie les unités, c’est pas moi qui raccrocherai va, n’est pas peur, pauvre con… peut être t’as ta saloperie qu’est avec toi, hein ! ta peau de vache, hein, tu crois qu’on sait pas que t’as une femme avec toi, sacré salope… tu mets même pas musique aujourd'hui ? je croyais entendre de la musique…tu m’amuses tu sais, alors là tu crois nous vexer, mais tu te trompes, hein… totalement… tu vas me chercher ta bonne femme ? »

    Albert VILLEMIN : « il met de la musique »

    Monique VILLEMIN : « mets un peu plus fort j’entends rien » (le volume du son augmentes légèrement)

    Albert VILLEMIN : (à côté de MV) « ah quel pauvre con va ! » (Bruit de cinq coups résonnants dans une pièce, comme des coups de marteau pour le cloutage d’une caisse)

    Le Corbeau : « Stop ! » (Puissamment, apparemment voix de femme ?)

    Le Corbeau : (Raccroché de l’appelant)

    Albert & Monique VILLEMIN : (Raccroché de l’appelant)

     

    Scellé n°18B - Appel anonyme d'avril 1982 adressé à Albert et Monique VILLEMIN


    Monique VILLEMIN : « allô… toujours toi ? » (Il observe le domicile des Albert VILLEMIN…Il voit descendre Gilbert rendre visite à ses parents).

    Le Corbeau : (Pas de conversation, ni de signal de raccroché, ni de tonalité d’occupation. Cette communication semble durer 35 secondes, et à la suite, il y a une numérotation qui s’effectue, et qui semble se faire depuis un poste à clavier, dont le circuit de sonnerie ne serait pas fermé lors de la prise de ligne - on entend en partie la répétition des informations sur la sonnerie, et la vitesse de transmission est bien supérieure à celle d’un poste à cadran - à la fin de la numérotation, on entend la tonalité d’occupation 5 signaux, puis le raccroché de l’appelant. Signifiant qu'il s'agit d'un poste à clavier – aucun poste à clavier chez les témoins)

    Monique VILLEMIN : « moi je vais aller me coucher »

    Albert VILLEMIN : (à côté de MV) « faut y aller ce coup-ci » (Signifiant que cet appel est dans la soirée… Soit c'est une personne qui travaillait la nuit et qui appel depuis l'usine ? Soit c'est une personne qui dispose d'un appareil à clavier ? Ou d'une cabine téléphonique ?)

    Monique VILLEMIN : « allô… écoutes, viens je suis toute seule… Albert n’est pas là, tu peux descendre, hum ?, t’as pas de couilles, eh ! Pauvre con ! » (Le timbre à deux tons de la porte d’entrée de la maison de l’appelé retentit)

    Le Corbeau : « pute !! » (Raccroché de l’appelant)

     

    Appel anonyme du 30 novembre 1982 chez Albert et Monique VILLEMIN. Une partie fut enregistrée


    Monique Villemin : « oui allô, annonce toi donc ! hum, pourquoi tu t’annonces pas donc ? »

    Le Corbeau : « pas du tout »

    Monique Villemin : « pas du tout – tu te crois intelligent ? »

    Le Corbeau : (soufflement court sur deux tons) 

    Monique Villemin : « hum ! hum ! tu ne sais plus quoi faire donc ? Qu’est-ce que t’as à nous annoncer ce soir ? »

    Le Corbeau : « j’y viens »

    Monique Villemin : « hum ? »

    Le Corbeau : « Lapoirie » (les pompes funèbre de Granges Sur Vologne) 

    Monique Villemin : « tais-toi, foufou va ! - t’es pas net ce soir, t’as bu un coup »

    Le Corbeau : « il aura pourtant son cercueil… »

    Monique Villemin : « ha, bah t’as qu’à lui amené un cercueil à papa, il est la »

    Le Corbeau : « Lapoirie… »

    Monique Villemin : « oh, oh pas vrai ! Mais tu sais, il est à Granges pour le moment, mais enfin… je ne sais pas ! T’as qu’à le descendre tu verras bien ! Tu sais bien où qu’on habite, non ? »

    Le Corbeau : « c’est près des autres, aussi y vont savoir où que c’est que vous habitez. »

    Monique Villemin : « ah oui ? »

    Le Corbeau : « vous aurez une belle surprise… »

    Monique Villemin : « j’aurai une surprise ? »

    Le Corbeau : « tout à l’heure.. »

    Monique Villemin : « aah , eh ben, je l’attends maintenant.. Tu descendras avec ? »

    Le Corbeau : « oh, que non ! »

    Monique Villemin : « pourquoi ? »

    Le Corbeau : « vous verrez bien, (faiblement) ah ! ah ! ah ! » (Raccroché)

    Autre appel : (Sonnerie d’appel inhabituelle à trois tons, provenant d’un poste à sonnerie d’appel électronique ? est-ce d'une Cabine téléphonique ?) 

    Monique Villemin : « allô, j’attends ta surprise toujours, (à voix basse) : hum ? »

    Le Corbeau : (raccroché)

     

    Appel anonyme reçu par Albert et Monique VILLEMIN le 15 décembre 1982. Cassette expédiée par Mr Gilbert VILLEMIN en 1993 – Rapport d'expert JONESCO fait le 20 septembre 1993, quelques, jour avant le procès d'assisses de Jean-Marie VILLEMIN, estimant que la voix est identique aux autres enregistrements à savoir la voix d'un d'homme âgé entre 45 et 55 ans.


    (Appel après les pneus crevé de la voiture à Jean-Marie devant sa maison le 13 décembre 1982)

    Le Corbeau : « tu penses, si je ne sais pas qui c'est qu'est au bout du fil ! »

    Monique VILLEMIN : « mais j'en ai rien à foutre de ton gars qui téléphone, tu peux, ça me dérange pas.... Je n'étais pas là.... Mais là t'étais couché dans le pré, tu crois qu'on t'a pas vu faire tes saloperie !!! » (Crever le pneu de la voiture)

    Le Corbeau : (On perçoit un baby d'enfant dans la pièce, et chuchotements) « Ginette, femme de Gilbert ? »

    Monique VILLEMIN : « Il travaille... (en référence à Jean-Marie) T'iras peut-être ce soir hein ? Mais tu suceras ton pouce elle n'est pas là..... Des contremaîtres doivent se permettre de payer une... même des carreaux cassés, qu'est ce que tu crois, hein ! » (en référence à l'un des carreaux cassé en décembre 1981, de la porte d'entrée à chez Jean-Marie)

    Le Corbeau : « Il est un peu bourgeois... » (Fait référence au comportement de Jean-Marie - Bruit de pas dans la pièce signifiant qu'il n'est pas seul)

    Monique VILLEMIN : « bah, sûrement pas, moi j'ai téléphoné hein! D'accord ... oui, certainement pas ce n'est pas elle que t'as eu. » (Christine a peur du corbeau, et depuis le pneu crevé, elle va dormir chez sa mère lorsque Jean-Marie travail la nuit)

    Le Corbeau : « elle m'a parlé » (il parle probablement d'un appel précédent qu'il a envoyé à Christine)

    Monique VILLEMIN : « non, elle t'a pas parlé, menteur ! Menteur ! Elle t'a parlé... elle ne t'a même pas répondu »

    Le Corbeau : « elle eu beaucoup de chance »

    Monique VILLEMIN : « elle a eu beaucoup de chance...Non, tu parles, tu parles, tu t'y crois non, tu t'y crois... ce n'est pas tout de suite non, tu écoutais... qu'est ce que tu veux faire supposer là, ... Et puis t'as des bons renseignements hein ! ... Bah ça je m'en doute hein ! je m'en doute ... il y a des gens gentils qui t'aiment bien. »

     

    1983

    Appel anonyme reçu par Jacky et Liliane VILLEMIN - Scellé n°2 cassette n° 1 BASF

     

    Eric VILLEMIN : (l'enfant de Jacky et Liliane VILLEMIN) « Allô »

    Le Corbeau : « allô » (voix naturelle apparemment féminine ?)

    Eric VILLEMIN : « qui c’est ? »

    Le Corbeau : « ta maman est t-elle là ? »

    Eric VILLEMIN : « oui »

    Le Corbeau : « tu veux me la passer ? »

    Eric VILLEMIN : « oui »

    Liliane VILLEMIN : « allô oui »

    Le Corbeau : « oui » (la voix rauque déguisée commence ici)

    Liliane VILLEMIN : « oui »

    Le Corbeau : « j’ai fait ce que tu as voulu, alors il ne faudrait pas que tu laisses tomber parce que sinon je te dénonce à tes beaux-parents »

    Liliane VILLEMIN : « dénoncer quoi ? »

    Le Corbeau : « tu le sais très bien, et j’en parlerai à ton vieux »

    Liliane VILLEMIN : « mon vieux, quel vieux ? »

    Le Corbeau : « a ton homme... Tu le sais très bien l’affaire qu’il y a ce moment »

    Liliane VILLEMIN : « quelle affaire ? Non je ne sais pas ! »

    Le Corbeau : « Maintenant que ça va trop loin, tu veux te débiner mais je saurais te faire chanter... t’as compris ? »

    Liliane VILLEMIN : « me faire chanter ! à quel sujet ? »

    Le Corbeau : « oui oui oui »

    Liliane VILLEMIN : « je n'ai rien à me reprocher moi »

    Le Corbeau : « ouais, tu marches avec moi, mais quand tu vois que ça va trop loin tu veux que j’arrête »

    Liliane VILLEMIN : « je marche avec toi »

    Le Corbeau : « oui oui attends... ton homme il en aura des échos »

    Liliane VILLEMIN : « je marche avec toi ? A quel sujet que je marche avec toi ? »

    Le Corbeau : « Pour tes beaux-parents... tu sais très bien... Tu veux que t’on beau-père se suicide »

    Liliane VILLEMIN : (furieuse) « c’est moi ! oh ! Salaud va ! Salaud va ! »

    Le Corbeau : « oui oui... tu veux mettre ça sur le dos de ton père »

    Liliane VILLEMIN :  (en colère) « mooh ! salaud va. »

    Le Corbeau : « Et tu veux mettre ça sur le dos de ton père »

    Liliane VILLEMIN : « Mooh ! espèce de salaud. »

    Le Corbeau : « T’es maligne hein, et je t’aurai et je te dénoncerai si tu continue à ne plus vouloir marcher avec moi. »

    Liliane VILLEMIN : « Mais qui c’est qu’ t’es ? J’en sais rein moi ! Comment ça je ne plus marcher avec toi, je ne sais pas qui tu es. »

    Le Corbeau : « tu fais l’ignorante parce que tu es sur la table d’écoute alors t’as peur »

    Liliane VILLEMIN : « non je ne fais pas l’ignorante ! »

    Le Corbeau : « oui oui et ton bonhomme il sera au courant. »

    Liliane VILLEMIN : « mon bonhomme au courant de quoi, quel mal que j’ai fait ? »

    Le Corbeau : « oui, fais pas l’ignorante »

    Liliane VILLEMIN : « fais l’ignorante, fais pas l’ignorante mais je ne sais pas de quoi que tu causes... dis moi au moins de quoi que tu causes, de quelle histoire que c’est que tu causes. »

    Le Corbeau : « des coups de téléphone que je donne à tes beaux-parents pour toi. »

    Liliane VILLEMIN : « pour moi ?? »

    Le Corbeau : « oui oui »

    Liliane VILLEMIN : « mooh ! tu te rends pas compte Jacky... pour moi... mooh ! c’est pas possible... mooh ! pour moi (parole destinées à son mari) ... mais quel mal que j’ai donc fais, tu veux que ce soit moi qui me suicide.. eh tu vas gagner mon petit ami, parce c’est moi qui va me faire la peau...hein parce que j’en ai déjà eu assez sur le dos, hein ! , je veux plus en avoir, j’ai jamais fais de mal à personne »

    Le Corbeau : « ah... » (coupé : fin de la bande)

     

    Scellé C cassette AGFA - Appel anonyme de 5m30s  datant de début 1983 chez Albert et Monique VILLEMIN


    Monique VILLEMIN : « allô - mon gros porc ! – pauvre con... »

    Le Corbeau : « je vais lui faire la peau. »

    Monique VILLEMIN : « hein ? Dis voir ? – nous aussi on peu te faire ta peau, je n'ai pas peur, hein ! »

    Le Corbeau : « je commencerai par celui qui est le chef » (il fait référence à Jean-Marie VILLEMIN)

    Monique VILLEMIN : « ah, tu commenceras par celui qui est le chef ! eh ben celui qui est chef y t'emmerde... »

    Le Corbeau : « j'y ai déjà fait peur, je recommencerai »

    Monique VILLEMIN : « hein ! y t'emmerde celui qu'est chef, tu peux toujours aller le trouver »

    Le Corbeau : « j'ai déjà fait peur à sa femme » (il parle de Christine VILLEMIN)

    Monique VILLEMIN : « oui, t'y a déjà faut peur, t'as été lui casser son carreau. » (le carreau de la porte d'entrée de chez Jean-Marie VILLEMIN)

    Le Corbeau : « ah ! ah ! Je recommencerai bientôt... et là j'irai plus loin » (pour la première fois il revendique avoir cassé le carreau plus d'un an après les faits)

    Monique VILLEMIN : « t'iras plus loin ? Ben nous aussi on ira plus loin... parce que tu ne connais pas la famille VILLEMIN, crois moi... que si la famille VILLEMIN te tombe sur le dos, crois-moi, que tu sauras à qui t'auras à faire... »

    Le Corbeau : « ah ! ah ! Pas du tout ! Elle a eu peur, vous aussi vous aurez peur. »

    Monique VILLEMIN : « elle a eu peur et pis... oui d'accord elle a eu peur...tu ne sais pas ce qui t'attend, hein ! »

    Le Corbeau : « y a que des crapules comme vous qui sont bien placées... » (il fait encore référence à la situation de Jean-Marie qui est contremaître)

    (Raccroché)

     

    Scellé C cassette AGFA appel chez Albert et Monique VILLEMIN le 20 février 83 en présence de Gilbert VILLEMIN l'un de leur fils.


    Monique VILLEMIN : « allô, c'est toujours toi ? .... Mais qu'est-ce que t'as ce soir t'es soul ? .... t'as bu un coup ? »

    Le Corbeau : « sale femme... »

    Monique VILLEMIN : « hum, hum, on peut en dire autant de toi tu sais... »

    Le Corbeau : « je la surveille... Je sais ou elle travaille » (il surveille Christine)

    Monique VILLEMIN : « tu la surveilles »

    Le Corbeau : « je sais qu'en ce moment, elle est toute seule à la maison... alors elle à beau débrancher son téléphone, je rentrerai peut-être ce soir, ou demain... ah, ah, ah, elle d'un côté, elle n'aura pas à se pendre ! » (il menace de tuer Christine - elle dormait chez sa mère, mais le corbeau ne voulait pas y croire)

    Monique VILLEMIN : « ah oui, t'as raison, mais tu sais ce qui t'attend mon petit gamin ? »

    Le Corbeau : « bande de cons, vous ne m'aurez jamais ! »

    Monique VILLEMIN : « on ne t'aura jamais ! »

    Le Corbeau : « d'ailleurs on ne peut pas me toucher, car j'ai une pension, et je suis reconnu malade... » (il tente de diriger les soupçons sur Roger JACQUEL, le père de Liliane VILLEMIN, l'épouse de Jacky VILLEMIN, qui était en arrêt longue maladie à l'époque de l'appel)

    Monique VILLEMIN : « aah, mais si ! Parce qu'y'a que des fainéants de ton espèce, hein, qu'est reconnu malade... »

    Le Corbeau : « tu ne disais pas ça quand je venais te sauter...quand ton vieux était à l'hôpital, y a déjà quelques années de ça... ah, ah »

    Monique VILLEMIN : « ho ! Mon pauvre con va »

    (Raccroché)

    (Conversation enregistrée, entre les personnes présentes dans la pièce)

    Monique VILLEMIN : « y va aller lui faire peur ce soir à Christine, il sait ou qu'elle travaille, qu'elle est surveillée, t'as vu... »

    Gilbert VILLEMIN : « tu vois je te l'ai dit »

    Albert VILLEMIN : « y faut y aller ce soir, je sens que... »

    Gilbert VILLEMIN : « téléphone tout de suite à Christine »

    (Fin d'enregistrement)

     

    Appel anonyme reçu par Jean-Marie Villemin le dimanche 23 mars 1983 vers 10h.


     

    Le corbeau : « Voici pourquoi je vous ai fait chier pendant deux ans… C'est pour que Jacky soit bien mieux estimé… Mais c'est encore lui qui est mis de côté… Mais bien sûr, c'est lui le bâtard mais y a un autre des bâtard et, je suis peut-être le seul à savoir qui c'est ! »

    Jean-Marie Villemin : « Oh, mais qui c’est dis voir ? »

    Le corbeau : « Et ta mère, elle le sait aussi »

    Jean-Marie Villemin : « Qui ? »

    Le corbeau : « mais tant qu’elle a peur de la vérité….Ta mère, elle le sait, elle a peur de la vérité »

    Jean-Marie Villemin : « Ah bon mais dis-moi qui c’est l’autre bâtard. Ca peut être intéressant pour moi »

    Le corbeau : « Oh, je vais te dire (…) l’autre con d’à côté, il est aussi fou q’ton père. » (il fait référence à Michel, un frère à Jean-Marie qui à fait bâtir une maison à 10 mètres voisine de ses parents en 1977)

    Jean-Marie Villemin : « Qui c’est, c’est moi ? »

    Le corbeau : « T’a qu’a le chercher, je lui ai téléphoné, il y a qu’toi qui est au courant. A toi de chercher. ».

    Jean-Marie Villemin : « Ah bon, mais tu sais je ne veux pas me casser la tête là-dessus, si tu me disais qui c’était encore. »

    Le corbeau : « Tu pourras pas en parler à ta mère. Parce que t’a pas de preuve. Y’a qu’elle qui enregistre. Alors si tu lui en parles elle va croire que tu racontes des conneries, tu s’ras mis de côté aussi, han han han »

    Jean-Marie Villemin : « Hé, mais je ne vais même pas lui en parler hein. Si tu me disais un peu qui c’était, je pourrais dire des noms, mais des conneries pareilles. »

    Le corbeau : « Pourtant il lui ressemble, si le grand c’est un bâtard, l’autre aussi s’en est un et c’est du même « TIEBO »

    Jean-Marie Villemin : « C’est du même « TIEBO » ? Et dis-moi voir, qui c’est donc, Gilbert ? »

    Le corbeau : « (…) C’est la dernière fois pour tout le monde que je téléphone, j’arrêterai et voici pourquoi je vous ai fais chier pendant deux ans. Y’a pas d’raison que le grand prenne toujours. On l’met toujours de côté…han han…! » (Raccroché de l'appelant)

     

    Appel anonyme reçu par Jacky et Liliane VILLEMIN - Scellé n°20 - cassette n° 3 SILVER SOUND.


    Le Corbeau : « ... » (inaudible)

    Lilane VILLEMIN : « j’ai rien compris pauvre cloche, t’es qu’un pauvre cloche pour moi… un moins que rien… t’es même pas un homme »

    Le Corbeau : « ta gueule !! »

    Lilane VILLEMIN : « t’es qu’une pauvre cloche pour moi hein ! Un moins que rien… t’es même pas un homme pour moi ... (furieuse) dis t’es un homme ? »

    Jacky VILLEMIN : « t’es une belle lavette hé »

    Lilane VILLEMIN : « dis t’es un homme qui en a entre les cuisses ? !! »

    Le Corbeau : « je t'ai sauté vieille cloche ! »

    Lilane VILLEMIN : « oh tu m’as sauté, t’as sauté la belle mère, tu m’as sauté, non mais oh tu te crois quoi… moi ? Sauté avec qui… hé ben dis donc ça m’étonnerait parce que si t’en avais t’agirais pas comme tu le fais… tu te servirais pas du téléphone »

    Le Corbeau : « tu es la seule à savoir »

    Jacky VILLEMIN : « montre-toi qu’on te casse la gueule »

    Lilane VILLEMIN : « je suis la seule à savoir quoi ? »

    Le Corbeau : (raccroché)

     

    Appel anonyme d'avril 1983 reçu par Monique et Albert VILLEMIN. C'est à cette période que leur ligne téléphonique sera mise sur écoute de façon confidentielle : ils ne seront plus jamais importunés au téléphone après cet appel.


    Monique VILLEMIN : « Allo, c'est toi ? Tu recommences ? Bonjour ! Comment vas-tu ? On avait le temps long tu sais, tu nous manquais, hein ? Bon, oui ah c'est toi ? Oui, t'es revenu ? Oh, merci, aussi pour la petite surprise, hein, du 3 mars... C'est gentil de ta part... »  (il fait allusion au déplacement des pompiers chez Albert et Monique VILLEMIN suite à un appel anonyme du corbeau à la voix de femme)

    Le Corbeau : « Ben oui »

    Monique VILLEMIN : « Oui... oui, C'est gentil tu sais, hein ! qu'est-ce que tu deviens ? On t'a pas vu, dis voir, un depuis un certain temps, on t'a pas attendu. »

    Le Corbeau : « On ne peut plus rien vous faire croire... il est trop bien surveillé lui...chez le chef » (chez Jean-Marie VILLEMIN)

    Monique VILLEMIN : « Oh je ne sais pas... Merci dis, tu as envoyé une lettre, c'est gentil » (il fait référence à la lettre sous les volets de chez Jean-Marie)

    Le Corbeau : « Quand j’ai été la poster, ils n’ont rien entendu. »

    Monique VILLEMIN : « Oh, écoute, tu y a été vers cinq heures du matin on s'en doute hein ? »

    Le Corbeau : « Je peux y aller quand je veux... »

    Monique VILLEMIN : « Oh tu te lèves même la nuit ? »

    Le Corbeau : « Bien sur! »

    Monique VILLEMIN : « Ben dis donc t'es courageux - hein ! Moi, je m'amuserais pas à me lever la nuit - hein ! Tu sais, c’est bête, tu casses ton sommeil pour nous c’est ridicule. »

    Le Corbeau : « Enceinte une fois.... tu t'envoies tranquille... eh sale pute... »

    Monique VILLEMIN : « oh, bah dis donc, la pute je n'ai sûrement pas été la tienne »

    Le Corbeau : « c’est encore à voir. »

    Monique VILLEMIN : « c’est encore à voir, c’est vu d’avance... écoute dis, eh, si t'es mon maquereau, je saurais qui tu es alors, hein ! »

    Le Corbeau : « que tu t’es lavé les mains ... tu as peur que je révèle... tu te plains où que j'ai mis les mains. »

    Monique VILLEMIN : « tu te trompes tu sais, parce que moi, j'ai rien à me reprocher, si j'ai eu un gosse, je l'ai élevé et je n'ai pas eu besoin de toi. »

    Le Corbeau : « il y a un con qui l'a ramassé » (il fait référence à Albert VILLEMIN)

    Monique VILLEMIN : « il y a un con qui l'a ramassé. Oh sûrement pas. Et le con il t'emmerde !!! »

    Le Corbeau : « il n'est encore pas accroché ? ... Moi j'irais bien couper la corde... Il fera comme son père... (il fait encore référence à Albert, et à son père, mort par pendaison)

    Monique VILLEMIN : « et toi tu ne t'accrocheras pas un jour ? Tu ne sais pas ce qui d'attend...Tu ne sais pas ce que l'avenir te réserve. Hein ! »

    Le Corbeau : « Tu as honte »

    Monique VILLEMIN : « Je n'ai pas honte...T'es plus malin qu'eux, oh mais tu te crois fort. »

    Le Corbeau : « On sait... que pas vu pas pris »

    Monique VILLEMIN : « bah, ah de toutes façons, on ne fait rien du tout pour que tu sois pris hein, on veut ne pas mettre de l'argent pour toi.

    Le Corbeau : « Ce n'est pas la peine de faire venir les gendarmes, ça sers à rien !

    Monique VILLEMIN : « peut-être pas ! Comment que tu sais qu'ils sont venus ? Tu les as vus, tu les as vus les gendarmes ?

    Le Corbeau : « m'eh, je me renseigne. »

    Monique VILLEMIN : « tu te renseignes, bah, t'as dit vendredi, t'as des bons renseignements, hein ? » (il observe chez Albert et Monique VILLEMIN et appelle peu de temps après la visite des gendarmes)

    Le Corbeau : « c'est pour la table d'écoute » (il est informé, qu'il était question de mettre une table d'écoute sur d'éventuel suspect)

    Monique VILLEMIN : « On peut dire qu'y a un contact avec toi »

    Le Corbeau : « quand on elle sera branchée, j'abandonnerai les téléphones privés. »

    (Raccroché)

     

    Appel anonyme du 24 avril 1983, reçu vers 22h par Jean-Marie VILLEMIN sur son lieu de travail. Retranscription réalisée à l'aide de l'enregistrement fait par Albert et Monique VILLEMIN le 25 avril 1983 de l'appel de leur fils Jean-Marie au moment où celui-ci lui relate au téléphone les propos du corbeau de la veille. Mais également avec l'aide des PV d'audition du 18,24 et 27 octobre 1984 de Jean-Marie.


    Le Corbeau : « Eh ben! Ça va les gendarmes sont pas prêts de guetter mon coin, je vais pouvoir continuer. - Pour la table d'écoute chez VERDU, vous vous trompez bien, ce n'est pas VERDU qui vous veut du mal. Et Marcel JACOB est à éliminer. »

    Jean-Marie VILLEMIN : « Ta gonzesse est à l'écouteur? »

    Le Corbeau : (un rire féminin derrière l'individu)

    Le Corbeau : « Pour savoir comment ta femme travaille, j'ai téléphoné à son usine en me faisant passer pour l'inspecteur du travail, c'est comme ça que je connais ses horaires de travail… Je suis même allé au magasin d'usine car je me suis dit, tiens! La femme du chef a peut-être été pistonnée, et que c'est peut-être elle qui tient le magasin. Je me suis rendu compte que ce n'était pas elle qui tenait le magasin. Mais je me suis alors dit que la gonzesse qui tenait le magasin, ne valait pas mieux, qu'elle aussi est une putain toute maquillée... »

    Jean-Marie VILLEMIN : « Arrête de te faire passer pour Roger JACQUEL… Viens t'expliquer entre quatre yeux. »

    Le Corbeau : « Entre quatre yeux ? Ça m'étonnerait entre quatre yeux... il y en avait du monde ce jour là... Le jour des pneus… »

    Jean-Marie VILLEMIN : « Maintenant que tu as résolu le problème ta fille va être bien vue… (Il fait allusion à sa belle-sœur Liliane, fille de Roger JACQUEL)

    Le Corbeau : « Elle à déjà mangé la fondue chez moi ? Liliane, quand elle vient me voir, elle me dit : "ouais, mes beaux-parents vont croire que c'est moi. Je ne reçois pas d'appel anonyme… les parents vont finir par me découvrir"… Alors l'idée m'est venue de lui téléphoner (comme je savais qu'elle enregistrait) de lui mettre tout sur le dos, comme çà, a, elle peut se laver les mains… De toutes façons, une fois on a voulu m'accuser, mais ça n'a pas pris… Toi, avec tes coups de téléphone où tu changes ta voix, je t'ai reconnu… Et moi, avec ça, tu me fais un alibi…. Tiens, tes parents, l'autre fois, je les ai vu à Granges, ils m'ont dit bonjour, et j'ai pensé: "sacré bande de cons !"… J'étais au café chez LENHARD. »

    Le Corbeau : « T'es plein de pognon. »

    Jean-Marie VILLEMIN : « Jacky gagne autant que moi. »

    Le Corbeau : « Tu ne te fous pas un peu de ma gueule, Jacky gagne dans les 7.000 francs, et toi tu gagnes bien 1 million par mois. » (1 million correspondait à 10.000 francs)

    Jean-Marie VILLEMIN : « Alors là! J'en suis loin. »

    Le Corbeau : « pas tant que ça... tu touches le plus de la famille… t'es quand même un chef. »

    Jean-Marie VILLEMIN : « Chef, chef, chef, tu sais ce que c'est qu'un chef, c'est un surveillant. »

    Le Corbeau : « Oui! Mais tu es quand même dans l'équipe à… Tu te fais toujours péter le cul ? » (Jean-Marie parlait facilement à sa famille de sa vie professionnelle chez AUTOCOUSIN. Des frères et belles-sœurs de Jean-Marie ont été témoins de la venue chez lui d'un collègue contremaître, travaillant dans la même équipe)

    Jean-Marie VILLEMIN : « Oh hé! Arrête un peu, je ne me suis pas toujours laissé faire dans le boulot. »

    Le Corbeau : « Je sais bien, mais maintenant, tu te fais péter le cul... »

    Jean-Marie VILLEMIN : « N'importe quoi! »

    Le Corbeau : « Je ne peux pas blairer les chefs… Quand tes parents montent chez Jacky, ta mère leur dit: "Ouais, JEAN-MARIE est borné, il est borné, à dire que c'est vous qui téléphonez" » (Monique VILLEMIN sans avertir sa belle-fille Christine et son fils Jean-Marie avait effectivement prévenu son fils Jacky et sa belle-fille Liliane des soupçons qu'il avait les concernant)

    Jean-Marie VILLEMIN : « Ah bon! »

    Le Corbeau : « On ne voit que toi… J'en avais ras-le-bol d'entendre Jacky et Liliane se plaindre. C'est pour ça que je me suis décidé à vous en faire voir…. j'arrête de téléphoner, pas comme la dernière fois, parole d'homme. »

    Jean-Marie VILLEMIN : « Mais t'as qu'à venir, on va s'expliquer entre quatre yeux. »

    Le Corbeau : « Oh ben! Cela serait trop beau, tu saurais qui je suis, et puis tu es trop balèze… Ah oui ! Pour les pneus de Liliane, ça ne peut-être que toi, car l'autre tout fou qui est à côté de chez ton père, il a autant la trouille que lui… » (Il fait allusion à Michel, plus proche voisin d'Albert)

    Le Corbeau : « Tu ne peux pas la blairer la Liliane ! »

    Jean-Marie VILLEMIN : « Même si je ne pouvais pas la blairer la Liliane comme tu dis, je n'aurais pas été crever les pneus de Jacky, car c'est lui seul qui travaille dans son ménage. »

    Le Corbeau : « Oui, Mais ta femme… elle ! elle est couturière, alors que la femme à Jacky… elle! elle est journaliste… Je t'ai vu Samedi, près de l'église de GRANGES, face à la boucherie MOUROT, avec ta femme et ta R20 toute neuve. Vous aviez des lunettes de soleil… Et je t'ai reconnu l'autre fois au téléphone à deux heures du matin… »

    Jean-Marie VILLEMIN : « Mais si tu dis ça, c'est que t'es Roger JACQUEL! »

    Le Corbeau : « Mais t'es comme ta mère, tu ne peux pas m'avoir au téléphone que c'est Roger JACQUEL… Et pis, la table d'écoute chez tes parents, je m'en fous, je peux téléphoner d'une cabine… Ton père je l'ai vu l'autre fois… Le jour du pneu, je l'ai vu faire le tour de la maison avec le fusil… J'ai tout juste eu le temps de quitter les lieux, pour partir le long des parcs derrière le lampadaire et longer le chemin pour rejoindre ma voiture… De toutes façons, ta femme je l'aurai ! Heureusement qu'elle n'a pas marché dans le coup de ton faux accident. »

    Jean-Marie VILLEMIN : « Oh! »

    Le Corbeau : « On l'attendait à la sortie de DOCELLES. »

    Jean-Marie VILLEMIN : « Mais qu'est-ce que tu lui aurais fait ? »

    Le Corbeau : « On l'aurait violé. »

    Jean-Marie VILLEMIN : « Tu m'as l'air bien poussif pour la violer. »

    Le Corbeau : « Je me contenterais de la tenir, le jeune fera le boulot. »

    Jean-Marie VILLEMIN : (pour le narguer) « Je m'en fous, j'ai de l'argent, je suis jeune, j'aurai une autre minette. Et si tu veux aller après elle, attend au moins qu'elle le veule, que tu ne lui fasses pas mal, que tu n'y ailles pas comme un lapin. »

    Le Corbeau : « Espèce de salaud, je le dirai à ta femme, cela ne lui fera pas plaisir… De toutes façons, je te mettrai une balle entre les épaules et si je te loupe, je viendrai t'apporter des oranges à l'hôpital… Et puis non ! Je m'en prendrai plutôt à ton mioche ça te fera plus mal. Ne le laisse pas traîner, je le surveille avec des jumelles, si je le trouve dehors, je l'embarque et tu le retrouveras "squofié" en bas, et tu n'iras pas voir qui c'est. » (pour la première fois, des menaces sont proférées à l'encontre de Grégory)

    Jean-Marie VILLEMIN : (avec colère) « Espèce de fumier, n'essaye pas de toucher au gamin ou tu es un homme mort!!! » (Jean-Marie cesse immédiatement d'être ironique et de narguer le Corbeau. Laissant ainsi apparaître son point faible : Grégory)

    Le Corbeau : « J'y vais comme je veux chez toi. »

    Jean-Marie VILLEMIN : « Ah oui! »

    Le Corbeau : « C'est pas mal chez toi, tu as de la tapisserie à carreaux dans ta cuisine, dans la grande pièce, tu as du carrelage couleur pain et tu as une belle salle à manger en chêne mon salaud ! » (le corbeau insiste t-il sur la description de l'intérieur du pavillon, parce que contrairement à ce qu'il veut faire croire, il n'y a jamais mis les pieds?) 

    Jean-Marie VILLEMIN : « Eh oui! »

    Le Corbeau : « Dis donc le chef, tu as du goût, elle coûte combien, quatre à cinq millions ta salle à manger… Je vais monter… Demain, quand tu rentreras, tes beaux petits arbres qui sont devant la maison, je les aurais arraché et j'aurais marqué sur ton crépi Giscard tout autour de la maison… tu ne peux pas prévenir ta femme… tu ne peux téléphoner à l'extérieur, qu'en dehors des heures du bureau. »

    Jean-Marie VILLEMIN : « Ce n'est pas grave, j'avais l'intention de changer le crépi en couleur saumon. »

    Le Corbeau : Et pis, quand Liliane descend chez les parents à AUMONTZEY, elle me dit: "Oh! Ben Quand Jean-Marie est là avec sa femme, je n'ose pas rentrer, elle est toujours bien habillée, je suis gênée". »

    Jean-Marie VILLEMIN : « Arrête ! Elle est toujours en jean's. »

    Le Corbeau : « Oh oui! En jean's, mais alors quel cul… Et Liliane me dit aussi: "quand je me plains à ma belle-mère, il faut toujours qu'elle me dise, oh ben! La femme de Jean-Marie a des problèmes de veines, et pis la femme à Gilbert a des problèmes de sang". »

    Jean-Marie VILLEMIN : « Ma parole t'es ROGER JACQUEL ? »

    Le Corbeau : « C'est à toi de chercher. »

    Jean-Marie VILLEMIN : « je vais te citer quatre noms, et je te demande d'être franc pour me dire si tu fais parti d'un des quatre. »

    Le Corbeau : « d'accord. »

    Jean-Marie VILLEMIN : « ROGER JACQUEL, PASCAL VERDU, SERGE NOEL ou MARCEL JACOB ? »

    Le Corbeau : « Je fais parti d'un des quatre… De toutes façons, pour l'histoire des rétroviseurs, il n'y avait pas que moi qui étais au courant. »

    Jean-Marie VILLEMIN : « Tu sais ça par Liliane ? » (Liliane est la femme de Jacky VILLEMIN et la fille de Roger JACQUEL)

    Le Corbeau : « Tu sais, il ne faut pas trop les écouter non plus... Les rétroviseurs il n'y avait pas que moi qui était au courant... »

    Jean-Marie VILLEMIN : « Et mon frère Gilbert qu'est-ce que tu en penses, car je ne suis pas tout seul dans la famille ? »

    Le Corbeau : « Eh ben! Lui, je voulais lui crever les pneus, mais comme il a une vieille bagnole. Elle est souvent en panne, et il n'a pas une belle baraque lui ! »

    Jean-Marie VILLEMIN : « Et mon frère Michel ? Il n'y a pas que moi qui ai une belle baraque; il y a Michel qui habite à côté de chez les parents. »

    Le Corbeau : « Eh oui! Mais si j'approche de la baraque il y a le cabot qui gueule. Et le père à côté, est encore bien en train de guetter…. »

    Jean-Marie VILLEMIN : « Non! ça m'étonnerait, ils sont en discorde... »

    Le Corbeau : « Oh non! Plus maintenant. » (L'individu est informé avant Jean-Marie et Christine de la réconciliation entre Michel et son père)

    Le Corbeau : « Ton père, il a pas l'âge adulte… pauvre con! Il met encore des chaussettes quand il va se coucher... »

    Le Corbeau : « Tu vois le chef… que tu fais rien, cela fait 40 minutes que tu es au téléphone. Je ne téléphonerai plus, parole d'homme, mais ce n'est pas comme la dernière fois, cette fois-ci je ferai des vacheries. »

     

    1984

    Appel chez Jacky et Liliane VILLEMIN  - Scellé n°20 cassette n° 2 BASF - reçu le 8 mars 1984 (Dernière manifestation du corbeau, six mois avant l'assassinat de Grégory)


     

    (sonnerie du téléphone de Liane et Jacky VILLEMIN)

    Liliane VILLEMIN : « Allô ? ... Allô ? qui c'est ?  »

    Le Corbeau : « devines »

    Liliane VILLEMIN : « On aurait du mal à deviner on sait que c’est… toujours le même cinglé à part ça… euh… tu sais tu ne me déranges plus maintenant (aboiements de chien, et voix d’enfant) les histoires de chez VILLEMIN tu sais euh j’en ai rien à foutre hein »

    Eric VILLEMIN : « on y va plus »

    Le Corbeau : « Ouais et puis quand les flics viendront chez toi, c’est toi qui sera arrêtée la première. Parce que jusqu’à maintenant mon coup je l’avais bien manigancé tout est sur ton père et sur toi » (Il prévient qu'il va se passer quelques chose)

    Liliane VILLEMIN : « oui »

    Le Corbeau : « Donc y savent bien qu’il y a toujours une vengeance, donc ils vont croire que c’est vous, vu qu’ils étaient tous (con ?) »

    Liliane VILLEMIN : « qu’est ce que tu veux que ça me foute ! Les gendarmes ils savent très bien que j’ai des problèmes ailleurs mon pauvre petit. Je m’en fous bien pas mal des VILLEMIN. »

    Le Corbeau : « tu penses.. »

    Liliane VILLEMIN : « Ah, si tu savais tout. Tu ne sais pas tout. »

    Enfant : « maman! »

    Liliane VILLEMIN : « Ah t’es bien feinté là »

    Le Corbeau : « Elle avance ta baraque ? Tu vas bientôt déménager ? »

    Liliane VILLEMIN : « Qu’est-ce ça peut te foutre. Hein, qu’est ce que ça peu te foutre Jean-Marie ? »

    Le Corbeau : « y a pas de Jean-Marie qui compte »

    Liliane VILLEMIN : « dis hé hé hé… à d’autres mais pas à moi, hein ! »

    Le Corbeau : « C’est certain, puisque t’est le seul que jusqu’à maintenant a été… Pourquoi … c’est lui même qu’il lui disait le mec au téléphone, puis lui il était bien aussi dedans comme vous. Puisque toi tu t’es vendue (rendue) avec le bâtard d’à côté. Jean-Marie descendu, je serai mieux vu dans la famille VILLEMIN. Parce que dans la boîte (ou la boëte)… »

    Liliane VILLEMIN : « pourquoi t’es mal vu ? T’es mal vu ? T’es comme Jacky t’es mal vu ! Qu’est ce que ça peut faire. Il n’y a pas que les VILLEMIN sur terre. On a des amis hein, on n’est pas obligé d’avoir que de la famille, ça nous empêche pas de vivre…. Pourquoi t’as envie d’être bien vu ? »

    Le Corbeau : « toi, ce n'est pas tes parents, Jacky t'as déjà demandé son avis à lui, il n'a pas envie de revoir ses parents peut-être. »

    Liliane VILLEMIN : « Jacky il s’en fout hein… Jacky ce qu’il fait ? Tu sais… je vais te le dire ce qu’il fait. Eh bien il cherche son vrai père, hein ! Tu comprends parce que lui sa famille c’est son père d’abord. »

    Le Corbeau : « Ouais, mais il aura du mal à trouver, elle en a eu tellement eu sur le dos la bourrique qu’elle aura du mal à trouver qui c’est son père … C'est la putasse de tout le monde »

    Liliane VILLEMIN : « Hum ! T’en es sûr ? »

    Le Corbeau : « Renseigne toi à Aumontzey, tu verras bien ce que les gens pensent de la Monique avec son premier Bâtard »(Aumontzey est la commune des Albert et Monique VILLEMIN) 

    Liliane VILLEMIN : « pourquoi elle en a eu des autres ? »

    Le Corbeau : « elle en a un deuxième, et ça ce voit parce que son père il n'est pas si aimé que ça… et dans Aumontzey, donc le deuxième bâtard ça peut être Michel ou Jacqueline Gilbert ou Jean-Marie… il est dans Aumontzey leur père. C’est lui que tu recherches, tu n’as qu’as le trouver »

    Liliane VILLEMIN : « il est à Aumontzey son père ? »

    Le Corbeau : « Elle vous a toujours raconté des conneries il n’y a jamais eu de « THIEBAUT » que de beurre au cul. » (Il est en contradiction avec l'appel envoyé à Jean-Marie ou il dénonce THIEBAUT)

    Liliane VILLEMIN : « Et qui c’est son père, tu le sais ? Parce que Jacky ce qui le rend malheureux c’est son père figure toi. Sa mère et l’autre il s’en fout. C’est son père qu’il voudrait bien connaître. »

    Le Corbeau : « Qu’il demande la vérité à sa mère parce qu’elle aussi elle ment. Elle dit que c’est « THIEBAUT » même à son vrai mari, mais elle ne veut pas dire qui c’est le mec d’Aumontzey, vu qu’elle c'est envoyée encore souvent en l’air avec lui, et qu’elle ait eu un deuxième jeune avec. »

    Liliane VILLEMIN : « dis donc ça ne serait pas toi le père de Jacky ? »

    Le Corbeau : « ben, à toi de deviner… pourquoi que sa mère a toujours eu peur de la vérité, parce que je l’ai coincé une fois, quand elle allait au course, et je lui ai dit que je remettrai tout à l’air »

    Liliane VILLEMIN : « que tu quoi ? Pardon je n'ai pas compris »

    Le Corbeau : « que je remettrai tout en l’air, que tout le monde saurait la vérité »

    Liliane VILLEMIN : « oui mais pourquoi tu t’en prends à tous les gosses, tu ne devrais pas… Et nous mettre ça sur le dos, pourquoi ? On n’est pas méchant nous… on ne fait pas de mal aux gens… on laisse vivre le monde. Pourquoi tu nous fais du mal comme ça ? Laisses le pour ce qu’ils sont. Même s’ils ne t’aiment pas, il y en a des autres qui t’aiment hein ! Si t’as besoin de téléphoner. »

    Le Corbeau : « … ça ne sera peut-être pas découvert. »

    Liliane VILLEMIN : « Ecoute voir, si t’as besoin de téléphoner, de te confier à quelqu’un n’hésites pas. Ne nous fais pas de mal. Hein ! Tu comprends nous on est en train d’acheter une maison. Tu sais la vérité, on vient d’aller signer, on a signé, alors ne nous mets pas dans la merde... On demande qu’une chose, c’est d’être heureux tous les trois, les autres on s’en fout, tu sais. »

    Le Corbeau : « ah bon, c’est grave de… »

    Liliane VILLEMIN : « ben si tu nous les mets sur le dos »

    Le Corbeau : « y a qu’au chef que je vais lui en faire (il menace encore Jean-Marie) »

    Liliane VILLEMIN : « Ecoutes voir… Écoute-moi… Écoute-moi, tu veux leur faire du mal, mais tu nous le mets sur le dos. Tu te rends compte tout le mal que tu nous fais, hein ! Moi, les gendarmes ils sont venus ici, et ils m’ont fait monter à la brigade, ils m’ont accusé… »

    Le Corbeau : « Ben oui, je… »

    Liliane VILLEMIN : « Et j’en suis tombée malade »

    Le Corbeau : « oui oui je sais encore hein » (raccroché)

    Autre appel

    Le Corbeau : « j’en ai plus besoin, son frère c’est ce qui fait maintenant…. je vais lui faire la peau, surtout que maintenant, c’est la bonne saison et puis je tuerai sa femme et tout vous retombera sur le dos… et moi j’irai même à son enterrement. Je m’en lave les mains »

    Liliane VILLEMIN : « oui, oh ! Tu sais, qu’est ce que tu veux que ça ma fasse à moi »

    Le Corbeau : (raccroché)

    Jacky et Liliane ne fréquentent plus les autres VILLEMIN depuis plus d’un an. Donc Jean-Marie, (le chef pour les corbeaux) ne sera pas averti de cette menace dirigée contre lui et sa famille huit mois avant l'assassinat de Grégory.

     

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  • ORIGINAL

    -----------
    Mémoire de la défense dans l’intérêt de Christine VILLEMIN pour la dernière audience devant la Chambre d’Accusation de Dijon en Septembre 1992 (4 mois avant le non lieu en sa faveur le 3 février 1993).

    -----------
    PLAISE A LA COUR

    I. Témoignages des collègues de Christine
    a) témoignages des personnes se déplaçant en voiture
    b) témoignages des personnes quittant la M.C.V., à pied, en direction de la gare
    II. Les cordelettes  
    A) Enquête de gendarmerie
    B) Enquête de police 
    a) perquisition du 15.04.1985 au domicile des époux
    b) perquisition du 23.04.1985 chez Mme Marie-José BILLIET 
    c) scellé du tuyau d’arrosage 
    d) expertise ROCHAS-DAVIS 
    e) découverte de cordelettes retrouvées chez Georges JACOB
    II. Les expertises en écriture
    Responsabilité du juge d'instruction 
    Violation systématique du secret de l'instruction
    Responsabilité du S.R.P.J 
    Le témoin DESCY
    L'objet du présent mémoire tend à traiter 
    Le corbeau téléphonique
    Les différents appels téléphoniques du corbeau
    En 1981  
    En 1982 
    En 1983 
    En 1984
    L'augmentation des notes de téléphone
    Bruits de fond 
    Sur la possibilité de téléphoner pendant son temps de travail  
    Sur l'impossibilité matérielle pour Mme Christine Villemin d'avoir commis l'acte effroyable dont elle a été inculpée
    1. Première phase
    2. Deuxième phase 
    3. Troisième phase 
    4. Quatrième phase 
    En conclusion
    L’absence de mobile
    Conclusion


    Attendu que la Chambre Criminelle de la Cour de Cassation, par arrêt du 17.03.1987, a cassé l'arrêt de la Chambre d'Accusation de la Cour d'Appel de NANCY du 09.12.1986 ayant renvoyé Mme Christine devant la Cour d'Assises ;
    Que la Cour de céans, Cour de renvoi, par arrêt du 25.06.1987 a annulé un certain nombre de pièces de procédure et ordonné un supplément d'informations qu'il convient d'examiner pour apprécier la valeur résiduelle des éléments qui avaient été initialement retenus à charge contre Christine ;
    Qu'il est important d'observer que les réquisitions écrites de Monsieur le Procureur Général près la Cour d'Appel de NANCY du 17.10.1986 (tendant au renvoi de Christine) sont totalement abandonnées par Monsieur le Procureur Général près la Cour d'Appel de DIJON dont le réquisitoire du 22.06.1992 conclut à: "un affaiblissement, voire un anéantissement des indices qui avaient entraîné l'inculpation de Christine " (cf. § 2 p. 94) ; qu'un NON-LIEU est sollicité en faveur de Christine VILLEMIN ; qu'en vérité les développements de l'information ont démontré son innocence; que le présent mémoire s'attache à examiner en complément des réquisitions de Monsieur le Procureur Général, et à l'effet de démontrer l'innocence absolue de Christine VILLEMIN, la disparition des charges précédemment constituées par :


    -I. Les témoignages des employées de la M.C.V., collègues de Christine VILLEMIN.
    -II. Les cordelettes.
    -III. Les expertises en écritures.

    I. TEMOIGNAGES DES COLLEGUES DE CHRISTINE :

    Attendu que 15 jours après l'assassinat de Grégory (du 16.10.1984), les enquêteurs entendront parmi les très nombreuses collègues de travail de Christine VILLEMIN, 10 d'entre elles et 5 déclareront, après avoir su que la lettre de revendication de l'assassinat reçue par Jean-Marie VILLEMIN le 17.10.1984 avait été postée la veille, à la poste de LEPANGES, qu'elles se souvenaient avoir vu Christine VILLEMIN devant cette poste, à 16h55 très précise (toutes donnent exactement la même heure comme si elles s'étaient retrouvées au même instant, au même endroit) ;

    Que Christine VILLEMIN a affirmé avec véhémence et constance qu'elle ne s'était rendue à la poste de LEPANGES que le 15.10.1984 à la sortie de son travail pour y poster un courrier à l'adresse de la société VERT BAUDET, et non pas le 16.10.1984 ;

    Que l'information a établi qu'en effet, Christine avait posté une lettre le 15.10.1984 ;

    Qu'une confusion a donc pu [de bonne foi], s'installer dans l'esprit de ses collègues ;

    Qu'aucune d'entre elles n'a déclaré avoir vu Christine VILLEMIN à deux reprises consécutives: le 15.10 puis le 16.10.1984 poster du courrier à la poste de LEPANGES ;

    Que 5 des collègues l'auraient aperçue le 16.10.1984 ;

    Qu'aucune d'entre elles ne l'ont remarquée le 15.10.1984 ;

    Que le risque d'erreurs est donc évident d'autant que les dépositions ne reposent sur aucun point de repère objectif qui puisse assurer le témoin de ne pas se tromper ;

    Haut de page

    a) témoignages des personnes se déplaçant en voiture :

    Que les jeunes femmes ayant soutenu dans le cadre de la première information, avoir remarqué la présence de Christine VILLEMIN le 16.10.1984 à 16h55, devant la poste de LEPANGES, ont expliqué que les véhicules avaient quitté le parking de la M.C.V., à la sortie du travail, dans l'ordre suivant :
    -Sandrine LOUPS avec sa R5.
    -Nicole MARTIN (avec sa ZASTVA bleu marie) ayant 3 passagers: Anne-Marie TEXEIRA, Danielle CORDIER et Laurence CLAUDEL.
    -Marie-Lise BLONDEL avec sa R 5 blanche.

    Qu'il fallait donc supposer que Christine VILLEMIN était partie la première puisque sa voiture était déjà stationnée devant la poste lorsqu'est arrivé le premier véhicule: celui de Sandrine LOUPS qui remarque la R5 noire de Christine VILLEMIN, stationnée devant la poste lorsqu'elle est passée à sa hauteur ;

    Que cela implique que Christine VILLEMIN ait rapidement quitté son poste de travail puis hâtivement pris place au volant de sa voiture pour gagner rapidement la poste de LEPANGES ;

    Qu'il fallait qu'elle soit "en tête du peloton" ;

    Or que personne n'a relevé une telle précipitation ;

    Qu'au contraire Anne POIROT a déclaré (30.10.1984 pièce n°186) : "le mardi 16 octobre, Christine VILLEMIN ne m'est pas parue préoccupée ou contrariée, elle était aussi souriante que d'habitude ..." ;

    Attendu que lors de la reconstitution du 15.10.1987 (S.I./D.139) ces témoins restaient évasives sur l'ordre chronologique des départs des véhicules dont leurs souvenirs s'étaient estompés ;

    Que celui de Christine VILLEMIN était resté précis: au volant de son véhicule, ayant quitté son lieu de stationnement, elle avait pris la direction de DOCELLES pour se rendre aux H.L.M. GAIS CHAMPS retrouver son petit Grégory confié à sa nourrice, Mme Christine JACQUOT ;

    Attendu à ce sujet que Mme JACQUOT plusieurs fois entendue (cotes D. 115, 369, 576, 615, 903) a maintenu que Mme Christine VILLEMIN était vêtue d'un "sweet gris" le 16.10.1984 (confirmant que le temps était très beau) alors qu'elle était vêtue de son blouson beige la veille, le 15.10.1984 ;

    Que les témoins Anne POIROT, Anne-Marie TEXEIRA, Maria LEITE et Sandrine LOUPS ont affirmé que Christine VILLEMIN, le 16.10.1984, était vêtue de son blouson beige et l'ont maintenu lors de la confrontation (D. 352 p. 3) avec Mme Christine VILLEMIN qui dénonçait leur erreur ;

    Que l'on convient que cette erreur est de taille puisqu'elle revient à confondre le jour de la présence de Christine VILLEMIN devant la poste de LEPANGES ;

    Attendu que c'est assez souligner que les témoignages reposent parfois sur des impressions et s'exposent souvent à des risques d'erreurs ;

    Qu'ainsi Danielle CORDIER est certaine de la présence d'Annie MOUGENEL dans le véhicule de Nicole MARTIN: "le 16.10.1984, nous étions toutes les cinq à bord du véhicule de Nicole MARTIN. C'est la seule certitude que j'ai en ce qui concerne cette journée. Nous étions Nicole MARTIN, moi-même Danielle CORDIER, Anne-Marie TEXEIRA, Laurence CLAUDEL et Annie MOUGENEL" (déposition du 20.03.1985) ;

    Or que l'information a démontré qu'elle se trompait ;

    Annie MOUGENEL était présente dans le véhicule de Nicole MARTIN le 15.10.1984 et non pas le 16.10.1984 ;

    Que Danielle CORDIER devait reconnaître: "(S.I./D. 326) le 19.01.1988 : moi je dis la vérité et je répète que je suis incapable de vous dire si le jour où j'ai vu Christine devant la poste c'était le lundi 15.10. ou le mardi 16.10.1984. Je n'ai aucune certitude sur ce point.…je suis formelle, je n'ai aucune certitude sur 'la date à laquelle j'ai vu Christine devant la poste" ;

    Que c'était le moins qu'elle puisse déclarer;

    Que si elle avait associé la présence de Christine VILLEMIN à celle d'Annie MOUGENEL dans le véhicule où elle étaittransportée, elle aurait dû en conclure que cela se situait le 15.10.1984 et non pas le 16.10.1984 ; 

    Que cela démontre en tout cas la vulnérabilité du témoignage
    humain ;

    Attendu qu'Anne-Marie TEXEIRA était passagère avant-droit du véhicule de Nicole MARTIN (déposition du 30.10.1984) qui avait dit "avoir vu Christine VILLEMIN poster une lettre dans la boite aux lettres de la poste de LEPANGES le 16.10.1984" et admettait (D. 642) devant le Juge d'Instruction le 27.06.1985 : "Je ne pourrais pas être précise sur cette date..." puis (S.I./D. 327 le 19.01.1988) : "Comme j'avais vu Christine, je ne pouvais pas dire que je ne l'avais pas vue et mon impression était à ce moment là que je l'avais bien vue le mardi et non pas le lundi... mais je ne me hasarderai pas aujourd'hui à vous dire que c'est une certitude" ;

    Que l'on aurait pu induire de ce témoignage que l’œuvre du temps avait édulcoré le souvenir ;
    Qu'il n'en est rien ;

    Que ce témoin reconnaissait: "Mon incertitude s'est bien installée dans mon esprit dès la fin de novembre 1984 ..." c'est-à-dire que 15 jours après les faits, Anne-Marie TEXEIRA doutait de la valeur probante de son propre témoignage ;

    Attendu que tout autant soulignera-t-on l'incertitude des versions des autres témoins également entendus ;

    Qu'ainsi Sandrine LOUPS soulignera (les 30.10.1984 et 02.11.1984) que lorsqu'elle a aperçu le véhicule R5 noir de Christine VILLEMIN, la portière du conducteur était grande ouverte;

    Qu'au lieu du stationnement de cette voiture, l'ouverture de la portière constituait une gêne pour la circulation ; 

    Qu'il est étrange que Sandrine LOUPS ait été seule à relever cette particularité qu'aucun témoin n'a remarqué pas même Mme Nicole MARTIN qui déclare avoir été pourtant très attentive à la conduite de sa voiture: "Je n'ai pas remarqué la présence de Christine devant les P.T.T." ;

    Qu'encore Sandrine LOUPS (D. 203) entendue le 28.10.1984 mentionnait qu'elle avait vu "la voiture R5 noire de Christine VILLEMIN ...faire le tour de sa voiture et reprendre le volant (pour repartir)" ;

    Qu'arrivant derrière la voiture de Sandrine LOUPS, Anne-Marie TEXEIRA passagère dans la voiture de Nicole MARTIN remarquait :"Christine poster une lettre dans la boite aux lettres de la poste de LEPANGES ".

    Que la chronologie n'est pas respectée;

    Que la première arrivée à hauteur de la poste de LEPANGES aurait dû remarquer la présence de Christine VILLEMIN postant sa lettre puis l'autre témoin observer Christine VILLEMIN reprendre place au volant de sa voiture ;

    Que c'est ici le contraire ;

    Que le troisième témoignage (D. 260) celui de Marie-Lise BLONDEL explique que le véhicule de Christine VILLEMIN "était en travers de la route" ajoutant le jour de la reconstitution (S.I./D. 139) du 15.10.1987 "que Christine avait achevé son demi-tour" (D. 643) ;

    Or que ce témoignage anéantit celui d'Anne-Marie TEXEIRA puisque Marie-Lise BLONDEL est arrivée derrière le véhicule de Nicole MARTIN ;

    Que le témoignage de Anne-Marie TEXEIRA n'était donc plus compatible avec le déroulement des événements, qu'elle le reconnaîtra le jour de la reconstitution soulignant "n'avoir aperçu qu'en un éclair de temps Christine " alors que devant le Juge d'Instruction (D. 64) elle avait vu Christine se "diriger vers la boite de la poste et par la suite (D. 641) admettait ne plus avoir conservé la moindre certitude sur la date".
    Attendu que Christine VILLEMIN n'a pas fait demi-tour sur la chaussée ;

    Que cela lui était impossible devant la poste où une telle manœuvre est irréalisable en raison du manque de visibilité et de l'étroitesse de la chaussée (S.I./D. 546);

    Qu'en vérité ainsi que l'a établi la reconstitution du 15.10.1987, il faut emprunter un chemin qui contourne la maison située en face de la poste ;

    Que cela inflige un démenti catégorique au témoignage de Mme Marie-Lise BLONDEL ;

    Que lors de la reconstitution, elle s'est engluée dans l'erreur qu'elle avait commise mais n'a pas semblé maintenir sa version ;

    Qu'il ne subsiste plus rien des témoignages des personnes véhiculées ;

    Haut de page
     

    b) témoignages des personnes quittant la M.C.V., à pied, en direction de la gare :

    Attendu que sur les dix collègues de travail qui ont été entendues, six se trouvaient dans un véhicule tandis que quatre autres se rendaient à pied, ayant quitté leur lieu de travail, en direction de la gare afin d'y prendre leur train à 16h 58 ;

    Qu'il s'agit des témoignages de Maria DE SOUZA, Anna SANCHES, Marie-France FLEURANCE et Maria LEITE ;

    Que parmi ce groupe de quatre jeunes femmes, Maria DE SOUZA et Maria LEITE présentaient Un témoignage utile dans le cadre de l'enquête dans la mesure où elles assuraient que le véhicule de Christine VILLEMIN avait pris la direction de BRUYERES (direction de la poste) et non pas de DOCELLES (direction H.L.M. GAIS CHAMPS) ;

    Mais que ces deux témoignages ne concordaient pas ;

    Qu'ainsi Maria DE SOUZA a vu Christine VILLEMIN partir au volant de sa voiture devant elle ;

    Qu'elle se rendait à la gare, que Maria LEITE qui prenait également cette direction, l'a suivait ;

    Or que Maria DE SOUZA n'a pas indiqué qu'elle avait remarqué avoir été dépassée par la voiture de Christine VILLEMIN, alors que Maria LEITE l'a affirmé précisant avoir été "dépassée par la voiture de Christine se dirigeant vers BRUYERES" ;

    Que consciente de la fragilité de son témoignage, Maria DE SOUZA a affirmé alors, qu'elle avait vu la voiture de Christine VILLEMIN revenir en sens inverse lorsqu'elle était arrivée à hauteur de la première porte du café PARISSE ;

    Que son témoignage s'avérait erroné ! que la reconstitution du 15.10.1987 l'établissait ;

    Que de fait le temps pour Maria DE SOUZA pour aller de l'endroit où elle remarque le véhicule de Christine VILLEMIN quitter son lieu de stationnement, vers la gare où elle devait prendre son train, est de l,6 minute , alors que le temps nécessaire à Christine VILLEMIN pour se rendre de son lieu de stationnement, à la poste et y faire demi-tour puis revenir (sans respecter un temps d'arrêt) a été chronométré à 2,5 minutes et 23 cent , (cf. p. 18 P.V. reconstitution 15.10.1987 S.I./D. 139) ;

    Qu'en d'autres termes Maria DE SOUZA était parvenue à la gare avant même que le véhicule de Christine VILLEMIN ne soit sur le chemin de son retour, de la poste où selon ce témoin, elle se serait rendue ;

    Que la reconstitution a donc battu ce témoignage en brèche ;

    Qu'une telle thèse était insoutenable !

    Que du reste, Maria LEITE (qui suivait Maria DE SOUZA) n'a pas remarqué la R5 noire de Christine VILLEMIN à son retour de la poste ;

    Qu'elle avait conscience d'une telle invraisemblance !

    Que de leur côté Anna SANCHEZ et Marie-France FLEURANCE pourtant en compagnie de deux autres témoins: "Maria de SOUZA et Maria LEITE n'ont nullement remarqué la direction que prenait le véhicule de Christine VILLEMIN auquel elles n'ont pas prêté attention" ;

    Que l'étude de l'information et son supplément ont fait litière des témoignages qui sont affectés de contradiction en apportant la démonstration d'erreurs qui en anéantissent leur valeur probante, la reconstitution du 15.10.1987 achevant de leur ôter le crédit résiduel dont ils auraient pu être préservés ;

    Qu'il a fallu s'interroger sur la motivation de tels témoignages ;

    Que notamment Sandrine LOUPS se "cramponnait" à son sentiment d'avoir vu, à hauteur de la poste de LEPANGES le 16.10.1984 à 16h55, Christine VILLEMIN (D. 203) ..."faire le tour de sa voiture et reprendre le volant (pour repartir)";

    Qu'elle a menti lorsqu'elle a affirmé: "je n'ai jamais eu aucun différend avec Christine" (voir sa déposition du 30.10.1984) ;

    Qu'elle est démentie par Nicole MARTIN (déposition du 20.03.1985 déclarant: "je dois vous dire que nous étions un peu en brouille car Christine s'était disputée avec une collègue nommée Sandrine LOUPS" ..."J'ignore le motif de la dispute entre Sandrine et Christine " ....;

    Que malgré ce démenti Sandrine LOUPS persistait: "Je n'ai jamais eu la moindre dispute avec Christine " (cf. p. 6 S.I./D. 158) alors qu'à son tour Marie-France FLEURANCE (S.I./D. 495) révélait les motifs de la dispute: "... Christine est allée jusqu'à la porte des W.C. et a pénétré à l'intérieur de ceux-ci lorsque Sandrine LOUPS est sortie. Je sais que les deux femmes se sont battues...";

    Qu'il s'agit donc d'une altercation voire d'une agression. Qu'elle avait eu lieu avant les vacances en 1984 c'est-à-dire à une date très récente les deux jeunes femmes ne s'étant plus adressé la parole ;

    Que l'on conçoit l'intérêt pour ce témoin LOUPS Sandrine, de garder le secret sur ce grave différend l'ayant opposé à Mme Christine VILLEMIN ;

    Attendu que la Cour tiendra d'autant plus compte de cette attitude de Sandrine LOUPS qu'elle est à l'origine de la "vague" de témoignages défavorables à Christine : "... c'est une collègue nommée Sandrine LOUPS qui en a parlé la première. Il me semble que c'est avec Sandrine que ces témoignages ont débuté" (cf. déposition Annie MOUGENEL du 25.03.1985), Anne POIROT ajoutant "Nous formons des clans et dans la même semaine, d'autres collègues ont dit qu'elles avaient vu Christine partir en direction de BRUYERES, il s'agissait de Sandrine LOUPS, Anne-Marie TEXEIRA, Marie-Lise BLONDEL. Elles en discutaient ensemble à l'atelier..." (Déposition du 20.03.1985) ..."Je dois vous dire que nous étions un peu en brouille car Christine s'était disputée avec une collègue surnommée Sandrine LOUPS ..." ;

    Qu'il s'agit en fait, d'un règlement de comptes ;

    Qu'il suffit de s'en convaincre en se reportant aux circonstances dans lesquelles Sandrine LOUPS a apporté son témoignage en se présentant, 12 jours après les faits, le 28.10.1984 après avoir lancé un appel téléphonique anonyme le 25.10.1984 d'une cabine téléphonique de LAVAL SUR VOLOGNE par l'intermédiaire de son ami Stéphane PAUCHARD qui a déclaré que " Le soir des faits, je me suis rendu par curiosité avec Melle LOUPS à LEPANGES SUR VOLOGNE afin de tenter de savoir ce qui se passait... je suis montée avec mon véhicule au lotissement à LEPANGES ..." (déposition du 28.10.1984) ajoutant " J'ai suivi cette affaire par l'intermédiaire de la presse et des flashs d'informations" non sans admettre qu'il avait conservé l'anonymat "car je ne voulais pas avoir d'ennuis" ;

    Que le témoignage de Sandrine LOUPS a manqué de spontanéité ;

    Qu'il est marqué d'une animosité certaine à l'égard de Christine VILLEMIN ;

    Qu'il a contribué à alimenter les rumeurs entretenues à l'intérieur d'un même sérail: celui de la M.C.V. constituant un véritable bouillon de culture, source d'erreurs judiciaires ;

    Qu'il ne s'agit pas d'écarter la preuve testimoniale de l'arsenal judiciaire mais qu'il convient d'avoir la sagesse de considérer que la tardiveté du témoignage ou les circonstances de sa révélation voire des courants psychologiques qui peuvent le traverser, l'affaiblissent et nuisent à sa valeur probante au point de l'anéantir ;

    Qu'en l'espèce l'objectivité commande de l'écarter ; 

    Que la Cour hésitera d'autant moins à les écarter que la lettre de revendication de l'assassinat a été postée le 16.10.1984 "A 16h40 lors de ma prise de service" a déclaré Mme DIDIER LAURENT : "J'ai pris le courrier qui se trouvait dans la boite à lettres réservée à l'usage du public pour l'oblitérer. Je me souviens très bien que parmi ce courrier, il se trouvait une lettre destinée à Mr Jean-Marie VILLEMIN. J'ai placé cette lettre dans la case de BRUYERES, ce courrier a été oblitéré entre 16h50 et 17h15" ;

    Que la lettre a donc été postée avant la sortie des employées de la M.C.V. ;

    Que même si ce témoin a pu ensuite, admettre ne plus être pratiquement sûr d'avoir vu la lettre destinée aux à 16h40, il n'en reste pas moins que ce témoignage peut également être retenu ;

    Mais que l'attention de la Cour restera fixée sur l'observation du carnet de travail de Christine VILLEMIN qui lui a été représenté lors du supplément d'informations et sur lequel elle avait écrit les travaux qu'elle projetait d'effectuer le lendemain 17.10.1984 ;

    Que c'est ici la preuve concrète d'une incompatibilité absolue entre cette constatation et l'état d'esprit d'une mère qui dans les minutes qui suivent, emprunterait le chemin criminel la conduisant à l'assassinat de son enfant ;

    Qu'il y a des absurdités dont une inculpation ne peut s'accommoder;

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    II. LES CORDELETTES :

    Attendu que le supplément d'informations conduira la Cour de céans à écarter l'identité des cordelettes qui liaient les membres de Grégory à celles qui furent ultérieurement trouvées au domicile des époux Jean-Marie comme une des trois charges principales (avec les témoignages M.C.V. et les expertises en écriture) que la Chambre d'Accusation de la Cour de NANCY avait retenues en son arrêt du 09.12.1986 (de mise en accusation de Madame Christine VILLEMIN) cassé par l'arrêt de la Chambre Criminelle de la Cour de Cassation ;

    Que l'intérêt de cet élément commande de se livrer à un examen exhaustif de l'enquête et de l'instruction ;

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    A) ENQUETE DE GENDARMERIE :

    Qu'ainsi les gendarmes ont placé sous scellé les cordelettes liant les membres du petit Grégory retrouvé mort le 16.10.1984. Trois scellés P.V. 1137 du 16.10.1984 sont confectionnés :  
    -scellé n° 3: cordelette autour du cou: 97,60 cm
    -scellé n° 4 : cordelette autour des mains: 82 cm
    -scellé n° 5 : cordelette enserrant les jambes: 105,60 cm
    Qu'il s'agit donc d'une cordelette d'un~ longueur totale de 285,20 cm ;

    Attendu que les gendarmes avaient également découvert : "un morceau de cordeau prélevé dans le jardin de Mr Georges JACOB à AUMONTZEY attenant à son habitation" qu'ils ont placé sous scellé n° 7 (P.V. n° 1139 du 17.10.1984) ; qu'ils ajoutaient un scellé n° 1 (P.V. 1137 du 16.10.1984 comportant un échantillon de la cordelette maintenant les mains de Grégory) ;

    Que ces cordelettes ont été expertisées en vertu d'une ordonnance du Juge d'Instruction du 20.10.1984 par les experts CECCALDI et CLEMENT qui ont conclu que le scellé n° 1 (échantillon de 10 cm prélevé sur la cordelette des mains de Grégory) était identique au scellé n° 7 contenant le cordeau de JACOB d'une longueur de 50 cm ;

    Qu'il s'agit d'un rapport en date du 14.01.1985 déposé le 21.01.1985 (cote D 386) qui conclut: "ces cordelettes présentent les mêmes caractéristiques" ;

    Que pour leur permettre d'accomplir leur expertise, les experts CECCALDI et CLEMENT avaient prélevé sur la cordelette une longueur , correspondant a:
    -pour le scellé n° 3: 20 cm
    -pour le scellé n° 4: 27 cm
    -pour le scellé n° 5 : 28 cm
    total 75 cm

    Or attendu que lors de la présentation des cordelettes placées sous scellés n° 6-8-9-11-14 et 16 P.J. P.V. 188 et 13 P.J. P.V. 166 et les scellés n° 3-4-5 et 7 P.V. 1139 du 17.10.1984, de vives protestations et réserves ont été formulées par les concluants (P.V. d'audition du 23.09.1987 p. 28, 29, 30, 31, 32 ; D. 84), la longueur ne paraissant nullement correspondre à celle qui aurait dû être restituée après prélèvement des parties de cordelette nécessaires aux calculs expérimentaux des experts CECCALDI et CLEMENT ; Mais attendu qu'il y a plus ;

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    B) ENQUETE DE POLICE :

    Qu'alors que la gendarmerie a été écartée de l'enquête et que le Juge d'Instruction en a confié la poursuite au S.R.P.J. saisi par C.R. du 20.02.1985, il partait à la recherche de cordelettes, que les policiers firent une moisson étonnante à l'occasion des perquisitions suivantes :
    -le 15.04.1985 au domicile de Jean-Marie VILLEMIN en son absence et en présence des époux MELINE (D 614).
    -le 23.04.1985 au domicile de Mr Martial DAVID (D 674).
    -le 23.04.1985 au domicile de Mme Marie-José BILLIET (D 675) -le 24.05.1985 chez Mme Gilberte CHATEL (D 678).
    -le 25.05.1985 à nouveau au domicile de Jean-Marie VILLEMIN en la seule présence de Christine VILLEMIN (D 684).
    Qu'il yen avait tant que deux récapitulatifs des 24.04.1985 (D. 626) et 04.07.1985 (D. 827) suffisaient à peine pour établir l'ensemble de leurs scellés ;

    Que sans désemparer le Juge d'Instruction ordonnait alors une nouvelle expertise, mais commettait pour y procéder Messieurs ROCHAS & DAVID par deux ordonnances des 06.05.85 et 02.07.1985 en les priant de déposer leur rapport au plus tard le 05.07.1985 (jour de l'inculpation de Mme ChristineVILLEMIN
    ) ;

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    a) Perquisition du 15.04.1985 au domicile des époux :

    Qu'il s'agit d'une perquisition effectuée à l'intérieur du garage de l'habitation et par conséquent, soumise aux règles de la perquisition (AIX 28.06.1978 G.P. 1979- 1-79 note P.L.G. ; juris cl. proc. pén. art. 92 à 98 n° 129) ; que cette perquisition qui constitue un acte important n'a pas été faite en présence de Jean-Marie VILLEMIN qui était pourtant "à la disposition" des enquêteurs puisqu'il était incarcéré à la Maison d'Arrêt de NANCY à la suite du meurtre de Bernard LAROCHE ;

    Que la perquisition a eu lieu en présence des époux MELINE auxquels les enquêteurs qui saisissent la cordelette tenant le chêneau de la descente d'eaux pluviales, prêtent le commentaire selon lequel cette cordelette serait "semblable à celle enserrant les membres de Grégory, comme si les époux MELINE avaient été en mesure d'établir une telle comparaison à la vue d'un échantillon que les enquêteurs auraient pu leur présenter ;

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    b) perquisition du 23.04.1985 chez Mme Marie-José BILLIET :

    Qu'aussitôt après avoir perquisitionné au domicile de Martial DAVIDE interrogé le 23.04.1985, les enquêteurs se rendent au 12 domicile de Mme Marie-José BILLIET où se trouve entreposée une partie du mobilier qui provenait du déménagement du domicile des époux VILLEMIN; que les enquêteurs y découvrent un tuyau d'arrosage maintenu par une cordelette (D. 675) ;

    Que le P.V. du 23.04.1985 ne mentionne pas que l'objet ait été saisi mais qu'il figure cependant comme scellé n° 3 (P.V. 188/162 -D. 827) avec mention: "un tuyau d'arrosage maintenu avec une cordelette découvert chez DAVIDE Martial" ce qui constitue une mention inexacte puisque la perquisition chez Martial DAVIDE (D 674) est infructueuse et que le tuyau d'arrosage a été retrouvé chez Mme BILLIET ;

    Que le P.V. du 23.04.1985 de la perquisition chez Mme Marie-José BILLIET fait mention: "mentionnons que nous avons prélevé un morceau de la cordelette maintenant le tuyau d'arrosage enroulé, aux fins d'analyse. Le morceau prélevé mesurant 30 cm environ". Cette mention est signée de l'inspecteur divisionnaire Hubert KIMMEL (P.V. 188/10 du 23.04.1985) ; 

    Que l'information ne révèle pas le sort réservé aux prélèvements de cette cordelette ni les résultats d'une éventuelle analyse;

    Qu'il sera important de souligner que cette cordelette prélevée, n'a pas été placée sous scellé ;
     

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    c) scellé du tuyau d’arrosage :

    Ce scellé n° 3 (P.V. 188) est attaché à une fiche cartonnée sur laquelle figure le nom de Martial DAVIDE et dépourvu de sa signature, ce qui est contraire aux dispositions de l'article 54 du C. pr. pén. stipulant que le procès-verbal doit contenir le prononcé de la saisie et la confection sur le champ du ou des
    scellés adéquats (la "ficelle et les cachets de cire doivent être disposés de telle façon que l'on ne puisse en couper l'un ou briser les autres porter atteinte à l'objet protégé ") (cf. juriscl. proc. pén. art. 53 à 73 n° 205) ;

    Attendu que sur la fiche figure une signature "BILLIET" ;

    Or qu'il ne s'agit pas de la signature de Mme BILLIET qu'elle a déclarée le 19.04.1988 (S.I./D. 401) : "je peux vous dire de la façon la plus formelle que la signature qui figure sur l'étiquette du scellé n° 3, étiquette que j'ai sous les yeux, n'est pas de ma main. D'ailleurs je n'ai signé aucune étiquette. L'établissement du scellé que vous me présentez (scellé n° 3 de la P.J.) n'a pas été opéré en ma présence. Je répète que les policiers m'ont montré le tuyau mais qu'ils sont aussitôt partis avec, chez les DAVIDE Martial" ;

    Que cette irrégularité est lourde de conséquence puisque lorsque le scellé a été brisé, il est apparu que le tuyau d'arrosage paraissait "bien être celui qui a été saisi par la police judiciaire dans notre grenier" a précisé Mme BILLIET ajoutant: "mais il y avait une ficelle beaucoup plus entortillée tout autour" Mme BILLIET précisant: "je n'ai pas souvenir d'avoir vu deux cordelettes (le tuyau d'arrosage placé sous scellé n° 3 présentait à l'ouverture deux morceaux de cordelettes présentant entre elles, de légères différences d'aspect") ; que Martial DAVIDE ajoutait: "pour moi il n'y avait qu'une seule cordelette autour du tuyau" ;

    Attendu que sur l'étiquette du scellé n° 3 qu'a établi la P.J. il est noté: "un tuyau d'arrosage maintenu enroulé par une cordelette semblable à celle qui a servi à l'assassinat de la victime trouvée au domicile de Mme BILLIET née SERTELET Marie-José" ;

    Que l'on retiendra donc qu'il n'y avait qu'une seule cordelette;

    Qu'il n'y a pas de doute puisque le récapitulatif des scellés (D 827) mentionne également scellé n° 3 : "un tuyau d'arrosage maintenu avec une cordelette découvert chez DAVIDE Martial" ; 

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    d) expertise ROCHAS-DAVIS :

    Or que lorsque le tuyau d'arrosage est réceptionné sous le scellé n° 3 (P.V. 188) par les experts commis en vertu d'une ordonnance du 06.05.1985, ceux-ci découvrent un tuyau d'arrosage et deux morceaux de cordelettes l'un de 186,50 cm et l'autre de 126,00 cm les experts ROCHAS et DAVID (p. 4 de leur rapport d'expertise) indiquant: "à l'ouverture du scellé nous avons constaté qu'il contenait deux morceaux de cordelettes" ;

    Que les erreurs des enquêteurs et l'irrégularité de leur saisie ne pouvaient pas rester sans explication ;

    Qu'interrogé le 9.11.1988 (S.I./D 566 p. 13) Mr Jean-Pierre PESSON, inspecteur principal a confirmé: "nos scellés ont été constitués de façon régulière..." ; que quant à lui, Mr Hubert KIMMEL inspecteur divisionnaire (S.I./D. 567 p. 9) déclare: "je ne comprends pas du tout pourquoi Mr et Mme Albert VILLEMIN , Mr et Mme MELINE, Mr Martial DAVIDE et Mme Marie-José BILLIET (S.I./D. 400, D. 401, D. 402, D. 441) vous ont déclaré que les cachets de cire n'auraient pas été apposés en leur présence. Les choses ont été faites de façon régulière", Mr Jacques CORAZZI Commissaire (S.I./D. 568 p. 13) ajoutant: "quant aux déclarations des personnes citées, il est possible que l'apposition des cachets de cire et l'imprégnation du sceau sur ces cachets aient pu leur échapper. En effet, une opération de saisie est complexe au sens littéral du terme ..." ;

    Qu'en d'autres termes les officiers de police judiciaire n'ont donné aucune explication sur les anomalies ci-dessus dénoncées ;

    Que ce n'est pas tout ;

    Que l'ordonnance du 06.05.1985 du Juge d'Instruction commettant Messieurs ROCHAS & DAVID, ne faisait référence qu'à un seul scellé n° 7 (P.V. 188 du S.R.P.J.) tandis que les experts ont reçu deux scellés distincts à savoir :
    -le scellé n° 7 A
    -le scellé n° 7 B (le verso de l'étiquette photocopiée du scellé 7 B n'apparaissant pas en annexe du rapport ROCHAS et DAVID)
    Et attendu qu'en ce qui concerne la cordelette (D. 614) saisie en présence des époux MELINE au domicile des époux le 15.04.1985 et qui servait "à maintenir le tuyau d'écoulement" est décrite sur le scellé n° 13 comme étant à "trois brins" ; que les experts ROCHAS et DAVID indiquent avoir dans ce scellé au moment où ils le réceptionnent, une cordelette à "quatre brins" (cf. p. 5 : "les cordelettes ...scellés 3-4 et 5 (victime) et 13 et 14 sont de coton 3 torons de 4 brins") (c'est-à-dire identique à celle de la cordelette enserrant les membres de Grégory) ; qu'il ne peut pas y avoir de confusion entre la notion de toron et celle de brin; que personne ne fait cette confusion et pas même Jean-Marie VILLEMIN (cf. D 15 P.V. du 27.07.1987 p. 11) ;

    Que la description figurant sur l'étiquette du scellé ne correspond donc pas à la cordelette que reçoivent les experts au moment où ils brisent le scellé ; 

    Que de la même façon reste inexplicable le fait qu'à la date de l'ordonnance du 06.05.1985 qui prescrit l'expertise ROCHAS et DAVID, les enquêteurs soient encore en possession de la paire de chaussures saisie le 15.04.1985 chez Jean-Marie VILLEMIN (en présence des époux MELINE) et la présentaient à Mr Bernard NOEL (P.V. 188/35 du 06.05.1985) qui déclare: " vous me présentez une paire de chaussures montantes découverte chez Jean-Marie VILLEMIN. Je les reconnais, il s'agit bien des miennes. Les cordelettes qui servent de lacets ont bien été mises par moi, comme je l'ai relaté plus haut " alors que les enquêteurs n'étaient pas autorisés après avoir confectionné les scellés, à les conserver ou à les présenter à des tiers, le Juge d'Instruction ne leur ayant pas donné cette délégation de pouvoir ;

    Qu'encore une fois les scellés doivent être constitués et inventoriés puis présentés par les enquêteurs au Juge d'Instruction et déposés à son greffe d'où ils ne peuvent être extraits, ce qui est prescrit à peine de nullité par l'article 56 § 4 du C. de pr. pén. (... "prononcé de la saisie et confection sur le champ du ou des scellés adéquats... établissement de la ou des fiches de scellés précisant: la nature, la date et le lieu de commission de l'infraction, le numéro du procès-verbal, le numéro et le contenu du scellé, le lieu et la date de la découverte; il doit porter la signature et le sceau humide de l'enquêteur, la signature du mis en cause ou des témoins ...les scellés ainsi constitués doivent être présentés avec la procédure auprès du Procureur de la République, puis déposés contre reçu, au greffe du Tribunal de Grande Instance, après 15 inscription sur un registre spécialement tenu à cet effet") (cf. juriscl. proc. pén. art. 53 à 73 n° 205-206-207 et suivants) ;

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    e) découverte de cordelettes retrouvées chez Georges JACOB :

    Attendu qu'après la saisie (scellé n° 7 P.V. 1.139 du 17.10.1984) du morceau de cordeau prélevé dans le jardin de Mr Georges JACOB à AUTMONZEY, il était permis de penser qu'il ne disposait plus de cordelette puisqu'il avait déclaré aux enquêteurs de la gendarmerie (le 07.11.1984) que la cordelette saisie lui servait "pour faire un cordeau afin de délimiter son terrain" confirmant au S.R.P.J. le 03.07.1985 (P.V. 188/155) : "j'en avais besoin pour faire une séparation avec mon voisin" et ajoutant au Juge d'Instruction le 04.07.1985 : "j'avais mis le reste de la pelote de la cordelette dans mon garage et je m'en suis resservi au mois d'octobre 1984 pour faire un cordeau pour mettre les fleurs. C'était le 15 et 16 Octobre. J'ai ainsi utilisé tout le reste de la pelote";

    Qu'il s'en induisait donc qu'il n'en possédait plus ;Qu'il s'agissait cependant d'une contre-vérité ; 

    Qu'en effet Mr Georges JACOB a expliqué à deux visiteurs, Jean-Claude HAUCK (S.1./D. 337) et Michel SERRES qu'il avait "encore de la cordelette chez lui. Nous l'avons accompagné à son domicile et c'est là que de lui-même il nous a remis de la cordelette sous forme de pelote dont l'extrémité est nouée à un morceau de bois" (cf. p. 2 S.1./337) ;

    Que Mr Georges JACOB (S.1./362 a admis que "les gendarmes ont opéré une perquisition chez moi le 17.10.1984 (D. 83) à l'occasion de laquelle ils ont saisi un morceau de cordeau" ...par la suite "après la mort de Bernard LAROCHE, début juillet 1985, des policiers de la P.J. sont venus m'entendre suivant le procès-verbal que vous me montrez (D. 820). En cette occasion ils m'ont demandé si je pouvais leur remettre un morceau de cordeau et je leur en ai remis un morceau d'une longueur que je ne pourrai pas vous préciser";

    Or attendu que lorsque les policiers ont agi ainsi, le rapport d'expertise CECCALDI-CLEMENT du 14.01.1985 (déposé le 21.01.1985 - D. 386) avait établi une identité de caractéristique entre les cordelettes de Georges JACOB et celles qui enserraient les membres de Grégory ;

    Attendu dans ces conditions que les policiers avaient obtenu une fourniture de cordelette identique à celle des liens de Grégory, en secret, sans le mentionner dans la procédure ;

    Qu'une telle méthode renforce la suspicion des scellés ;

    Que cela d'autant plus qu'ils étaient parfois illusoires tel le scellé des clés de la maison des époux Jean-Marie VILLEMIN; outre que la procédure ne fait pas état de la confection d'un tel scellé que l'on apprend lors de la perquisition du 25.04.1985 où les enquêteurs écrivent avoir: "procédé au bris du scellé renfermant les clés de la maison ..." alors que Martial DAVIDE 16 (P.V. 188/11 du 23.04.1985) disposait lui-même des clés de la maison dont les enquêteurs l'avaient institué provisoirement gardien (voir mention fin du P.V. 188/19 :"indiquons à Mme Christine VILLEMIN qu'elle pourra récupérer le double des clés de la maison provisoirement laissé. en garde chez Mr Martial DAVIDE à GRANDVILLERS") ; que ce scellé brisé en
    présence de Mme Christine VILLEMIN est si dérisoire que l'on a peine à chasser l'impression d'une mise en scène ;

    Qu'à ces considérations s'ajoute s'il en était besoin, l'observation de Mr DITTINGER présent lors de la perquisition du 24.04.1985 mais à qui il fut interdit de pénétrer et d'accompagner Mme Christine VILLEMIN, selon laquelle quelques tuiles du toit étaient empilées; que ce sera le cas pour la Cour d'admettre comme fondées, les vives protestations et réserves formulées par Jean-Marie VILLEMIN (P.V. d'audition du 23.09.1987 p. 28,29,30,31,32-D. 84) lorsqu'il a soudainement découvert le scellé n° 14 P.J.-P.V. 188 ;

    Qu'il a été démontré que les cordelettes saisies et leurs scellés ressortent d'une machination machiavélique propre à alimenter la folle hypothèse de la culpabilité de la mère de l'enfant ;

    Attendu que l'on ne peut s'empêcher de penser que les enquêteurs eux-mêmes ont pu (dû) subir (ou céder ou donner libre cours) à la pression de cette opinion malsaine ;

    Que le supplément d'informations en renforce l'impression ;

    Qu'il s'avère édifiant de se référer aux témoignages (S.I./D. 674-675) des personnes qui se sont inquiétées des méthodes de l'enquête ou de celles qui ont dénoncé la déformation des propos retrouvés dans leurs dépositions; que cela tend établir que l'enquête était orientée dans le sens de la culpabilité de la mère de Grégory comme s'il fallait "faire plier" les témoignages, les enquêteurs s'éloignant de leur devoir de s'acheminer vers la vérité, avec la seule volonté de s'y ouvrir, utilisant au contraire leur enquête pour répondre à un besoin: celui de donner un crédit artificiel à une hypothèse vide de sens ;

    Que le supplément d'informations en a révélé toute l'injustice ;

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    II. LES EXPERTISES EN ECRITURES :

    -Attendu que tout comme les témoignages des ouvrières de la M.C.V., les expertises doivent être examinées avec une grande circonspection et être "appréciées avec une extrême prudence" ainsi que l'écrit (cf. p. 47) Monsieur le Procureur Général ;

    Que le corbeau s'est généralement manifesté de façon verbale au sein de la famille et de ses proches, qu'à ses communications téléphoniques, il a ajouté la trace de quatre écrits qui sont "à l'évidence liés entre eux" (cf. p. 49 du réquisitoire écrit) ; que les écrits ont, dans un premier temps, été soumis à deux expertises en écriture de Mme BERICHON-SEDEN et de Mme JACQUIN- KELLER qui, toutes deux, ne désignaient pas Christine VILLEMIN, ont été annulées pour vices de forme, le Juge d'Instruction ayant ignoré qu'un expert ne pouvait être désigné sur simple réquisition ;

    Que corrigeant ses errements, le Juge a donc rendu plusieurs ordonnances successives, prescrivant des expertises en écriture ; que trois collèges d'experts ont dû examiner les écrits du corbeau à savoir :
    -1er collège: BUQUET-DE RICCI
    -2ème collège: GLENISSON & LAUFER'
    -3ème collège: GILLE & PETIT de MIRBECK
    Attendu que les analyses de ces experts ne concordent pas entre elles ;

    Attendu que le premier collège d'experts affirme que "les écrits du corbeau sont d'une même main sans que les caractéristiques des écrits permettent de déterminer s'il s'agit de la main droite ou de la main gauche du scripteur" mais le complément d'expertise auquel BUQUET et DE RICCI soumettaient à Christine VILLEMIN sont des épreuves de main droite et renforcent alors leur conviction des concordances qu'ils avaient alors précédemment retenues de sorte qu'il est permis de penser que BUQUET et DE RICCI concluaient à une rédaction des écrits par une main droite de leur scripteur ;

    Le second collège d'experts a conclu: "nous tenons que la lettre (16.10.1984 de revendication de l'assassinat) a été écrite de la main gauche par un droitier" ;

    Que le troisième collège ne retient qu'une hypothèse en écrivant: "il semble bien qu'elle [lettre de revendication du 16.10.1984] ait été écrite de main gauche, on a noté un certain nombre de caractéristiques d'écrits de main gauche, la pièce de question (lettre du corbeau) a été écrite de main gauche" ; ils ne précisent pas s'il s'agit de la main gauche d'un droitier ou d'une main gauche usuelle ;

    Attendu qu'une étude comparative des rapports d'expertise des deuxième et troisième collèges permet de mettre en évidence un grand nombre de désaccord; qu'en effet 10 exemples sont éloquents :

    1) le "J" initiale de "j'espère" est considéré comme concordant avec les écrits de Christine VILLEMIN en C.V. II, 10, exemple d'écriture main droite; cette même lettre pour le troisième collège d'experts ressemble également au "J" de C.V. main droite (3 exemples - J'en- et deux fois -j'espère -) ; il s'agit d'exemples de main droite de Christine alors que les experts ont conclu à une rédaction de main gauche ;

    2) la lettre "M" (dans le mot "mourras" (tu mourras de chagrin, le chef) est considéré comme une caractéristique grâce à l'appui du premier arceau pour le premier collège (particularité selon eux retrouvée dans écriture main gauche C.V.) alors que pour le troisième collège ceci n'est pas une particularité qui selon eux, est par contre donnée par les "N", spécificité qui ne retient pas l'attention du deuxième collège d'experts;

    3) le "d" dans "de" ("tu mourras de chagrin") est considéré comme "une parenté" avec les "d" de Christine alors que les troisièmes collèges estime que les "d" sont de forme différente chez C.V. MAIN DROITE ET MAIN GAUCHE ;

    4) le "c" de "chagrin" n'offre aucune identité avec C.V. MAIN GAUCHE pour le deuxième collège alors que le troisième collège écrit : "on a ici une excellente correspondance en C.V. I, 10 (chéri) (MAIN DROITE) et C.V. III, 4 (chagrin) (MAIN GAUCHE) ;

    5) le "l" dans "le" (le chef) ; le deuxième collège donne un exemple de "a" collé au "1" dans un exemple d'écriture main droite de C.V. alors que le troisième collège estime que ce n'est pas la lettre accolée au "1" qui est démonstrative d'une similitude mais la boucle du "1" toujours bien formée, inclinée à gauche, précédée d'une attaque crochetée écriture C.V. MAIN DROITE; il faut rappeler que ces deux experts ont estimé que la lettre de revendication était écrite de la main gauche de son rédacteur ...

    6) "chef" ("tu mourras de chagrin, le chef") le deuxième collège d'experts retient des similitudes du "f" le considérant comme voisin de l'écriture de Christine : main droite à main levée (C.V. 111.2) écriture qui a été exécutée sous la dictée des experts LAUFER-GLENISSON alors que pour le troisième collège {p. 49) le "f" chez C.V. (MAIN GAUCHE) est différent et ne constitue pas une concordance susceptible d'être retenue ;

    7) "C" (Ce n'est pas ton argent qui te rendra ton fils, pauvre con) pour le deuxième collège, il y a un équivalent mais dans un spécimen de MAIN DROITE, CRAYON TENU A PLEINE MAIN PAR C.V. alors que pour le troisième collège on ne la retrouve totalement ni dans l'écriture spontanée inclinée, ni dans l'écriture de la main gauche déguisée de C.V. ne retenant qu'une forme proche dans "côté" ou "cochon" de C.V. 1,8 et 111,9 (p. 48) où il s'agit d'une écriture de main droite ;

    8) "P" (PAS) qui ne comporte aucun point de comparaison avec l'écriture de C.V. alors que le troisième collège d'experts y voit un bon exemple de rapprochement avec l'écriture de C.V. main droite tenue anormale (p. 51) ;

    9) "V" (Voilà ma vengeance) où le second collège s'attache ici au mot "voilà" tandis que le troisième collège d'experts retient le mot "vengeance" ; ainsi une différence de "V" de voilà ou VOLOGNE par rapport à l'écriture de CV tandis que le troisième collège remarque que le "V" et le "e" (vengeance) constituent une liaison signalétique importante qui soit susceptible de rapprocher la lettre de revendication de l'écriture de CV ;

    10) "c" dans "con" (pauvre con) où le deuxième collège d'experts écrit: "nous n'avons pas relevé de correspondance à la graphie très particulière de ce mot" tandis que le troisième collège d'experts (p. 48) trouve ici une "correspondance excellente en C.V. 1,10 "chéri" : MAIN DROITE (cf. p. 48) ;

    Attendu que ces dix exemples démontrent une divergence irréductible entre les analyses respectives des deuxième et troisième collèges d'experts et l'absence d'objectivité lorsqu'ils puisent des similitudes dans des écrits de MAIN DROITE de Christine VILLEMIN pour conclure que le corbeau est un scripteur de main gauche s'abstenant de puiser des concordances dans une écriture de comparaison entre MAIN GAUCHE;

    Que ces rapports d'expertises ne sont pas acceptables ;

    Que quant au premier collège d'experts BUQUET et DE RICCI qui ont disposé d'un grand nombre de pièces qu'ils ont étudiées, ils ont adopté une méthode consistant à relever, des points d'écritures en concordance et d'autres, en discordance en retenant pour y parvenir, 8 éléments servant de critères laissés à leur appréciation subjective sans s'en expliquer ce qui prive de rigueur et de sérieux le choix auquel ils ont procédé (exemple de critère: calibre, pression, orientation, densité graphique, rythme, système de liaison, point sur les "i" et gladiolement); les experts portent des appréciations telles que "aucune incompatibilité" ou "assez semblable" ou bien encore "voisine" les amenant à dresser un résultat statistique qui ne peut donner lieu qu'à une probabilité laissant place à un correctif dénommé "plage de vraisemblance" ou appelé "intervalle de confiance" sans apprécier celles des discordances qui sont plus importantes que d'autres étant précisé qu'une seule différence ou discordance peut avoir souvent plus de valeur que trois concordances appréciées sur critères subjectifs; qu'en tout cas les experts BUQUET et DE RICCI ont retenu 28 % de discordance dans l'écriture de Christine par rapport à la lettre du corbeau; ils en concluent que s'agissant du taux de discordance le plus faible parmi les nombreuses écritures de comparaison étudiées, l'écriture de Christine VILLEMIN est donc celle qui s'éloigne le moins de celle de la lettre de revendication, il y a lieu de l'en désigner comme son auteur ;

    Qu'un tel raisonnement n'est pas scientifique; qu'il doit être écarté ;

    Attendu qu'il était donc indispensable d'avoir recours au travail d'expert méthodique et objectif; que les experts KLEIN et DAVIDSON ont été désignés par ordonnances des 25.01.1990 et 12.04.1991 (S.I./D. 1253 à 1256) ; qu'ils sont sans ambiguïté pour affirmer qu'il est impossible d'attribuer à l'une des écritures de comparaison qui leur sont soumises, les écrits 20 rédigés en lettres typographiques (des documents Q4, Q5, Q7) en raison "du caractère impersonnel de ce graphisme" ;

    Mais attendu par contre que s'ils ont relevé quelques rares divergences graphiques dans l'écriture de Bernard LAROCHE, ils lui attribuent en raison des multiples concordances de forme, les documents manuscrits en cursives et notamment les documents de question Q1 et Q2 (lettre de revendication de
    l'assassinat de Grégory et son enveloppe datée du 16.10.1984 d'une part et Q3, Q6 c'est-à-dire la lettre du corbeau contenue dans l'enveloppe datée du 17.05.1983 adressée à Mr et Mme Albert VILLEMIN ;

    Ce même expert a mis scientifiquement en évidence un foulage qui sur la lettre du 16.10.1984, correspond aux initiales de Bernard LAROCHE : "B-L" (cf. S.I./D. 709 et S.I./D. 718 p. 7) ;

    Que ce foulage revêt une importance capitale; qu'il avait été décelé lors d'une réunion du 30.10.1984 relatée à l'occasion de la confrontation du 17.04.1989 (S.I./D. 709) où chacun, qu'il s'agisse du Juge d'Instruction LAMBERT ou des officiers de gendarmerie CHAILLAN et SESMAT, chacun a "été frappé ... des photographies ont été prises (cf. p. 5) annexées à la déposition de Mr KLEIN (S.I./D. 523) et du Colonel CHAILLAN (S.I./D.524) ; que ces photos et une correspondance du 12.11.1984 de Mr KLEIN qui les transmettait au Juge d'Instruction LAMBERT n'ont pas été retrouvées au dossier d'instruction ce qui étonne grandement d'autant comme l'a souligné Mr Jean-Marie VILLEMIN (cf. p. 7 S.I./D. 718) "le Juge d'Instruction LAMBERT se rappelle avoir éprouvé, comme tout le monde, un "choc" lorsque le foulage a été découvert" et qu'il aurait dû s'appliquer à en assurer l'exploitation et son interprétation objective aux travers d'interrogatoires ;

    Qu'il est donc acquis d'une façon scientifique par un collège d'experts KLEIN & DAVIDSON et les déclarations des experts en écritures JACQUIN-KELLER (S.I./D. 584-S.I./D. 551, 552, 553) et par la déclaration de l'expert en écriture BERRICHON SEDEYN (S.I./D. 550), que Christine VILLEMIN n’a pas écrit la lettre de revendication de l'assassinat de Grégory du 16.10.1984 ; que cette lettre comporte un foulage des initiales qui ne correspond aux siennes; que tous les spécialistes, enquêteurs, juge et greffier en sont convenus.

    ***
    Les parents de Grégory assassiné le 16 Octobre 1984, qui ont toujours été tendrement unis pour le meilleur et pour le pire, ont subi la plus terrible des épreuves judiciaires et attendent avec confiance et espoir de la Chambre d'Accusation de DIJON, désignée par la Cour de Cassation :
    -d'une part un arrêt de non-lieu qui soit un véritable arrêt de réhabilitation rendant son honneur à cette mère admirable et 21 d'autre part la poursuite de l'information pour aboutir à la juste sanction des coupables

    Le Président Maurice SIMON qui a pendant quatre ans travaillés sans relâche au point d'y sacrifier sa santé, n'avait cessé de rappeler qu'un crime aussi monstrueux ne pouvait demeurer une énigme et qu'il se devait pour la mémoire de Grégory de faire toute la lumière. Le travail de ce grand Magistrat est un véritable chef d’œuvre. Il a arrêté la marche au désastre, ses investigations, les reconstitutions de plusieurs jours réunissant les trois Magistrats de la Chambre d'Accusation et Monsieur le Procureur Général en personne du jamais vu ont eu raison de la folle hypothèse du Juge d'Instruction d'ÉPINAL inculpant le 5 juillet 1985 Madame Christine de l'assassinat de son unique enfant.
    Malheureusement un destin contraire n'a pas permis au Président SIMON d'atteindre le but fixé. Néanmoins le supplément d'information s'est poursuivi, des éléments d'une importance extrême ont été recueillis, telle les déposition de Madame CONREAUX, de Madame CLAUDON, de Monsieur MELINE qui en était "contrarié" (sic), l'intervention de Monsieur COLIN, l'expertise KLEIN, etc.
    La voie tracée par le Président SIMON a été suivie mais il faut que la Justice continue la marche engagée; (cf. mémoire de Me MOSER).
    Mais il faut aussi que la Chambre d'Accusation, dans son arrêt ce non-lieu, rende justice à la mère de Grégory. Cet arrêt doit expliquer à la FRANCE entière pourquoi et comment une mère chérissant son enfant a pu être lynchée moralement sur la place publique et subir un calvaire judiciaire inimaginable.
    Les responsabilités des uns et des autres doivent enfin éclater au grand jour.
    La Justice, pour être crédible, doit faire son autocritique.

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    RESPONSABILITE DU JUGE D'INSTRUCTION :

    -Mépris total des observations présentées par les Défenseurs de Christine et Jean-Marie VILLEMIN
    -Classement de nos requêtes dans les pièces de forme qui ont dû être régularisées par ordonnance du Président SIMON
    -La disparition des photographies du foulage découvert par l'Expert KLEIN
    Notre lettre du 23 Septembre 1985
    Notre lettre du 4 Décembre 1985 
    (cf. page 213 et page 238 de notre mémoire à la Chambre d'Accusation de NANCY)
    Le Juge est demeuré taisant. Entendu par le Président SIMON (SI. D.624 -il n'a aucun souvenir et ensuite "çà lui fait un choc" -SI. D.7O9)
    Pourquoi a t-il dissimulé cet élément capital à la Chambre d'Accusation de NANCY ?
    Rappelons la déposition de Monsieur Jean-Jacques LECOMTE, Magistrat, ancien Procureur à EPINAL (SI. D.788, page 5 : "Je me rappelle fort bien qu'à l'issue de cette réunion du 30 Octobre, Monsieur LAMBERT est venu me voir dans mon Cabinet pour me dire ce qu'il avait vu du foulage décelé par le Gendarme KLEIN sur la lettre de revendication du crime. C'était à ses yeux fort important et je le revois encore dessinant devant moi la forme de l'une des lettres identifiées qui, selon lui, ressemblait à l'une des lettres d’une signature autre que celle de Christine VILLEMIN."
    Pourquoi le Juge d'Instruction n'a t-il pas répondu à la Défense le 4 Décembre 1985 qui lui présentait la requête suivante : "Nous croyons savoir qu'il existe des photos faisant apparaître plus ou moins bien le foulage LB. Nous vous prions de bien vouloir vérifier ce point, d'interroger à ce sujet vos Collaborateurs de l'époque, de joindre au dossier lesdites photos dans la mesure où elles existent. " Nous savons aujourd'hui qu'elles existent puisque heureusement Monsieur KLEIN en avait conservé un tirage et grâce au Président SIMON elles sont dans le dossier. Nous laissons le soin à la Chambre d'Accusation de qualifier dans son arrêt ce comportement du Juge d'Instruction d'ÉPINAL. Pour nous il est gravissime car il a occulté volontairement un élément déterminant et capital du dossier.

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    Violation systématique du secret de l'instruction : 

    Les conférences de presse et les interviews du Juge d'Instruction ne se comptent plus. Les photographies multiples parues dans toute la presse le démontrent, et l'article du journal "ELLE" sur ses états d'âme à la fois psychologiques et physiologiques en est en quelque sorte le symbole. Les liens privilégiés que le Juge d'Instruction entretenait avec certains journalistes ont même été consacrés par un véritable repas de presse organisé à son initiative.
    Rappelons pour mémoire la déposition du Capitaine SESMAT (SI. D.80) qui explique dans quelles conditions un journaliste "lui a dit qu'il connaissait l'existence et la teneur de la lettre de, revendication qui lui avait été montrée par le Juge d'Instruction1 Il nous a dit qu'il revenait d'ÉPINAL, que le Juge
    d'Instruction leur avait parlé de l'existence de la lettre et il nous en a donné le contenu, ce qui pouvait permettre de penser que le journaliste avait lu la lettre" et il ajoute "ce n'est qu'un exemple des fuites multiples et invraisemblables devant lesquelles nous nous sommes trouvés."
    Et les trois rapports internes adressés par le Lieutenant Colonel CHAILLANT la Direction Générale de la Gendarmerie Nationale sont particulièrement édifiants. On se rend compte combien l'incompétence juridique de ce Magistrat Instructeur, en dépit des mises en garde qui lui ont été prodigués, a eu de fâcheuses conséquences puisque les rapports des Experts, Mesdames JACQUIN et BERRICHON ont été ultérieurement annulées.
    On retiendra la formule du Lieutenant Colonel CHAILLANT : " Il apparaît ainsi que si le Juge s'était consacré plus à fond à cette affaire, au besoin toutes affaires cessantes, et en y portant la conviction qu'y ont mise les enquêteurs, si enfin il avait suivi les conseils ou tout au moins certains conseils de ceux-ci, l'enquête n'aurait pas pris le chemin que l'on sait." Nous ajouterons, sur le plan humain, l'acharnement du Juge d'Instruction quelques jours à peine après la naissance de Julien qui a eu lieu le 30 septembre 1985, a entendu pendant plus de dix heures la mère au cours d'une longue confrontation et qui n'a pas hésité d'autre part à la faire examiner par une dizaine de Psychiatres, espérant sans doute que l'un d'entre eux arriverait à trouver un mobile à l'hypothèse de la mère assassinant son enfant.
    Le comportement du S.R.P.J. doit être légitimement sanctionné par l'arrêt à intervenir de la Chambre d'Accusation. C'est pourquoi nous demandons respectueusement à la Chambre d'Accusation de rendre en faveur de Christine VILLEMIN un arrêt de non-lieu qui, rappelant tout le calvaire judiciaire qu'elle a subi et les causes de celui-ci, ainsi que la responsabilité de leurs auteurs, sera un arrêt de réhabilitation et en outre d'ordonner la poursuite de l'information en procèdent aux inculpations nouvelles qui s'imposent ainsi que cela a été antérieurement développé dans des mémoires régulièrement déposés.

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    Responsabilité du S.R.P.J : 

    Le comportement du S.R.P.J. doit être légitimement sanctionné par l'arrêt à intervenir de la Chambre d'Accusation. En effet, le S.R.P.J., sous la direction effective du Commissaire Jacques CORAZZI, a, dès sa désignation, pris le contre-pied des Gendarmes et volontairement, n'a eu aucun contact avec les premiers enquêteurs.
    Ce sont eux qui ont imaginé un lieu privilégié pour jeter l'enfant dans la Vologne, en omettant d'évoquer le petit ruisseau serpentant dans la prairie dont l'importance a été mise en évidence par le Président SIMON lors d'une reconstitution en le faisant franchir par sa Greffière. En occultant ce petit ruisseau, le S.R.P.J. a volontairement induit en erreur la Justice et notamment les Magistrats de la Chambre d'Accusation de la Cour d'Appel de NANCY qui ont rendu le 9 décembre 1986 un arrêt de renvoi de Christine VILLEMIN devant la Cour d'Assises d'ÉPINAL, décision qui avait entraîné une grave tentative de suicide et qui heureusement a été cassée et annulée par la Cour de Cassation. Il a été démontré grâce à la reconstitution que l'existence de ce ruisseau rendait impossible son franchissement par une personne tenant un enfant dans les bras.
    Nous rappellerons également la manière très particulière du S.R.P.J. d'influencer les témoins en leur posant systématiquement comme postulat la culpabilité de Christine VILLEMIN, les nombreux témoins entendus lors du supplément d'information le démontrent à l'évidence.

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    Le témoin DESCY

    Pourquoi l'existence du témoin DESCY dont la déposition était capitale a telle été volontairement occultée par le S.R.P.J. ? Il n'est pas possible de croire Monsieur CORAZZI lorsqu'il déclare (SI. D.468) : "Je n'ai appris l'existence de ce Monsieur DESCY que par un article de presse. Je n'en avais jamais entendu parler auparavant. " Ce n'est pas possible lorsque l'on sait l'importance de cette affaire qui était même suivie par le Président de la République
    et qui est, suivant le mot du Juge d'Instruction au journal "ELLE" "l'affaire du siècle" que Monsieur GRAVET n'ait immédiatement rendu compte de la visite effectuée en 1985 dans son service par Monsieur Jean-Gustave DESCY. Monsieur DESCY, aujourd'hui disparu, qui a été longuement entendu par le Président SIMON, a bien indiqué avoir été auditionné par le Commissaire Divisionnaire Bernard GRAVET, Direction Centrale de la Police Judiciaire, 5ème Section, 4 rue d'Aguesseau à PARIS, qui a reçu sa déposition dont il a été dressé procès-verbal. Il est bien évident que ce procès-verbal a été immédiatement transmis au S.R.P.J. de NANCY alors chargé de l'enquête sur commission rogatoire du 20 février 1985 de Monsieur LAMBERT, Juge d'Instruction. Or ce procès-verbal n'a jamais été retrouvé.
    La lettre du Commissaire Divisionnaire GRAVET du 4 janvier 1988 au Sous-directeur des Affaires Criminelles de la Police Nationale et transmise par celui-ci au Président de la Chambre d'Accusation le 7 janvier 1988 est édifiante. Monsieur GRAVET indique notamment : " Par contre je suis convaincu d'avoir
    alerté le Service Régional de Police Judiciaire de NANCY au 25 sujet de cette visite afin qu'il soit en mesure de procéder à l'audition de ce témoin comme convenu avec l'intéressé." Il est d'une gravité extrême de relever que le S.R.P.J., avec ou sans l'accord du Juge d'Instruction, a volontairement refusé d'auditionner Monsieur DESCY dont la déposition n'allait pas dans le sens de la culpabilité de Christine VILLEMIN tant souhaitée par ce service.
    Nous ne reviendrons que pour mémoire sur les autres graves manquements évoqués dans les précédents mémoires, à savoir :
    -les cordelettes "découvertes " dans la maison abandonnée ?
    -les scellés trafiqués ?
    -le cahier de Monique défait, détérioré. 
    Nous laissons là aussi à la Chambre d'Accusation le soin de qualifier juridiquement un tel comportement, la Chambre d’Accusation étant d'ailleurs, de par sa nature, le contrôleur juridique naturel des Officiers de Police Judiciaire et la juridiction de contrôle de l'instruction.

    ***
    Madame Christine a vu son enfant assassiné le 16 octobre 1984, c'est- à-dire il y a près de huit années, les coupables à ce jour n'ont pas été confondus par la Justice, laquelle, ajoutant au drame d'une mère effondrée, l'a inculpée du crime le plus effroyable qui soit. Inculpée et incarcérée, alors qu'elle était enceinte, le 5 juillet 1985, contre l'avis du Parquet, remise en liberté le 16 juillet 1985, sur réquisitions conformes du Parquet Général par la Chambre d'Accusation de la Cour d'appel de NANCY, Madame Christine VILLEMIN n'a jamais réussi à se faire entendre, ni par le Juge d'Instruction d'ÉPINAL, ni par le S.R.P.J. de NANCY qui la poursuivait obstinément en dépit des premières constatations, des impossibilités matérielles et objectives, et des incohérences; relayé en cela par une presse, avide de faire non pas de l'information mais du sensationnel par la création de l'événement, laquelle inexplicablement, le secret de l'instruction ayant perdu toute signification, avait connaissance des pièces du dossier avant l'inculpée elle-même et ses Conseils ! "Lynchée" sur la place publique, présentée à l'opinion du monde entier comme une mère infanticide, alors qu'elle hurlait en vain son innocence, il aura fallu attendre plus de sept ans pour que le réquisitoire du Parquet Général de DIJON estime caractériser l'anéantissement des indices qui avaient entraîné son inculpation (cf. réquisitoire p.94) Eu égard au calvaire judiciaire, dans lequel la Justice l'a plongée, et au nom de la Justice, la Chambre d'Accusation de DIJON se devra, dans l'arrêt de non-lieu, qu'il lui est demandé de rendre, de démontrer l'inanité des charges qu'on s'acharnait
    à vouloir retenir à son encontre, prouvant par là même qu'elle 26 n'a pu commettre le crime atroce dont on l'a, pendant des
    années, injustement accablée ;
    La Chambre d'Accusation, qui malheureusement ne peut effacer le mal qui a été fait, se doit de lui rendre, tant pour elle-même, que pour son mari qui sans défaut l'a soutenue dans cette indicible épreuve, que pour ses deux enfants qui n'ont pas à porter, leur vie durant, le poids de l'erreur judiciaire, son honneur. 

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    L'objet du présent mémoire tend à traiter :

    1) les appels téléphoniques du corbeau

    2) l'impossibilité matérielle pour Christine d'avoir effectué le
    trajet LEPANGES-DOCELLES-LEPANGES, dans le laps de
    temps dont elle pouvait disposer

    3) l'absence totale de mobile

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    Le corbeau téléphonique

    Dans le cadre de l'information confiée au Juge LAMBERT d'ÉPINAL, le S.R.P.J. de NANCY avait établi un tableau de quatre-vingt sept appels téléphoniques du corbeau, lequel avait normalement " pour but de mettre en évidence pour chacun les incompatibilités qui logiquement découlent soit d'une concomitance entre l'émission des appels et la présence sur le lieu de travail, soit d'un alibi". (cf. P.V. du tableau comparatif relatif aux appels téléphoniques, de Monsieur Gérard ANDRIEU, Commissaire Divisionnaire, Directeur du S.R.P.J. de NANCY du 3/9/1985)
    A l'appui de ce tableau de quatre-vingt sept appels sélectionnés, son auteur soutenait être en mesure de démontrer, après vérification de l'emploi du temps des couples Jean-Marie VILLEMIN, Michel VILLEMIN, Bernard LAROCHE, Jacky VILLEMIN, outre Albert VILLEMIN, et de l'authenticité de  leurs incompatibilités ou alibis :
    -que pour un grand nombre d'appels anonymes, il s'agissait d'une voix de femme ou d'une voix "déguisée"
    -et que sur les quatre couples examinés, celui d'Albert et Monique VILLEMIN s'y surajoutant, le couple de Jean-Marie et de Christine VILLEMIN était le seul à ne présenter aucune incompatibilité "avec ceci de particulier que le mari, tiré avantage de toutes les incompatibilités possibles mais que l'épouse ne bénéficiait d'aucune incompatibilité"(sic) 
    Bien que dans son rapport de synthèse (D.IO72) le Commissaire CORAZZI (P.42) ait reconnu (et c'était un doux euphémisme!) que ce tableau ne prétendait pas réunir tous les appels anonymes reçus par les ...et que " ces éléments ne sauraient à eux seuls désigner le corbeau", ledit tableau constitué avec partialité par les services de la police judiciaire de NANCY, a été retenu et ce nonobstant les objections de la Défense qui en a immédiatement dénoncé le manque de fiabilité et d'objectivité :
    -sur quels critères avaient été sélectionnés quatre-vingt sept appels centaines d'appels dont la famille s'était plainte ?
    -les erreurs de date ou d'horaire pullulaient.
    -si des vérifications avaient été faites auprès des employeurs, elles ne l'avaient été qu'auprès des sociétés "SIPA" à BRUYERE et "PROFILAGE" à GERARDME", les renseignements livrés quant à la possibilité de téléphoner pendant le temps de travail étant par ailleurs erronés.
    -volonté de faire apparaître que le corbeau était une femme en soulignant que " pour un grand nombre d'appels anonymes, il s'agissait d'une voix de femme... ". alors que sur les quatre-vingt sept appels sélectionnés (et sur les neuf cents reçus par la famille), treize seulement émanaient d'une femme, (appels chez Monsieur LAPOIRIE, Madame FRAISSE, Madame Monique VILLEMIN en présence de Monsieur LAPOIRIE, les Pompes Funèbres Générales de GERARDMER, Monsieur REMY ambulancier, Monsieur PIERRAT marchand de fuel. Monsieur MARTINACHE infirmier, Monsieur POIRAT garagiste, le Docteur LAMBERT, Monsieur JACQUES, Monsieur VOIRIN pompier, Monsieur Gaston HOLLARD, Monsieur Albert VILLEMIN à son usine,).
    -désir délibéré de transformer le corbeau homme à la voix rauque, en un corbeau femme à la voix claire, capable de déguiser sa voix au point de la rendre basse, lente. rauque et masculine...
    -limitation des investigations à quatre couples, en omettant délibérément toute vérification chez des personnes qui avaient pourtant été suspectées la famille.
    Ce tableau, comme il va être démontré, ne prouvait rien si ce n'est l'obstination délibérée du S.R.P.J. d'orienter l'enquête contre Christine VILLEMIN, pour laquelle la motivation psychologique faisait pourtant cruellement défaut !
    Ce tableau du S.R.P.J. étant censé, suivant ses auteurs avoir été établi sur la base de renseignements fiables, répertoriés au fur et à mesure des appels, sur un cahier tenu par Madame Monique VILLEMIN, qui en relevait systématiquement les dates, les heures et les caractéristiques. Or, s'il était évident que Madame Monique VILLEMIN n'avait pu noter tous les appels reçus notamment par d'autres membres de sa famille et dont elle n'avait pas été immédiatement ou plus tard informée, ce dont le S.R.P.J. était parfaitement conscient (S.I./D.507 : M. Hubert KIMMEL : "elle ne les avait pas tous
    enregistrés mais elle en avait quand même noté un certain nombre"), il n'est possible que son attention n'ait pas été attirée par le fait que certains appels extrêmement importants, tant par leur longueur que par le poids des menaces dont ils étaient porteurs, n'aient pas été reportés sur ce cahier par Madame Monique VILLEMIN qui ne les ignorait pas (ex. le long appel reçu par Jean-Marie VILLEMIN du corbeau lui disant notamment que sa mère savait qui il était) alors que d'autres (muets ou musicaux par exemple) dénués de toute signification, sont relevés à la minute près. 

    Cette inconscience à tout le moins, ou semble-t-il plus exactement cette partialité, sont indignes d'un service de police judiciaire, qui ne pouvait présenter ses commencements de renseignements ne portant pas même sur le dixième du nombre d'appels reçus, comme une pièce de consultation authentique et ne devait pas occulter le fait que ce cahier semblait avoir été écrit d'un trait et non pas au fur et à mesure de chaque appel (S.I./ D.718 -Jean-Marie VILLEMIN )…
    Mais d'inconscience en partialité, que penser en outre de l'atteinte qui parait avoir été portée au cahier tenu par Monique VILLEMIN, pièce placée sous scellé n°1 - P.V. no 1164-4 établi par la B.T. de BRUYERE, atteinte d'une gravité exceptionnelle rendant son auteur passible de sanctions pénales.
    Il est en effet ressorti que sur les quatre-vingt seize pages, que contenait le cahier, enfermé dans un sac plastique, qui a été retrouvé éventré, il n'en reste plus à ce jour que huit (ou seize si l'on distingue le recto du verso), alors que Monsieur et Madame Jean-Marie VILLEMIN n'ont pas été les seuls à dire, que le cahier que tenait Monique VILLEMIN " était infiniment plus complet " (S.I./D.718) Gilbert VILLEMIN ayant, lui aussi, gardé le souvenir que les annotations de sa mère "couvraient un nombre assez important de pages " (S.I./D.860).
    Christine VILLEMIN a rappelé précisément que sa belle-mère y "avait recopié intégralement toutes les lettres anonymes reçues, or seule (sur ce cahier) a été recopiée la lettre reçue le 27/4/1983".
    Le Président de la Chambre d'Accusation, chargé du supplément d'information, a entendu les membres de la gendarmerie d'ÉPINAL, notamment sur ce point, et le Maréchal des Logis Chef, Monsieur Patrick CATELLA, a sous serment fait la déclaration suivante : " Je reconnais l'étiquette, le seau, la ficelle et l'étui en plastique mais je constate que cet étui a été découpé sur le haut et sur le côté Vous me confiez le cahier et vous me demande: Il si nous l'avons saisi dans l'état où il se trouve actuellement. Je dois vous dire que lorsque nous l'avons saisi, il n'y avait certainement entre la couverture et la page 1 et la page 3 le scotch Qui s'y trouve actuellement. Si tel avait été le cas, nous l'aurions mentionné dans le P.V., c'est que le cahier était d'apparence normale". S.I." A mon avis, lorsque nous l'avons saisi, le cahier était plus épais que celui que vous me présentez ". (S.I. /D.958)

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    Les différents appels téléphoniques du corbeau :

    La liste des appels qui va être faite. et qui n'a pas la prétention d'être exhaustive, reprendra entre autres, sauf omission involontaire, ceux évoqués tableau du S.R.P.J. de NANCY, mais également d'autres appels étant apparus comme très significatifs et qui de façon étrange, ne se retrouvent ni sur le
    cahier tenu par Monique VILLEMIN, ni au tableau du S.R.P.J.
    L'examen de ces appels démontrera qu'aucune charge ne pouvait objectivement être constituée à l'encontre de Madame Christine VILLEMIN, preuve étant démontrée que dans certains cas elle ne pouvait absolument pas en être l'auteur et que dans d'autres cas, si son emploi du temps le permettait, il en était de même, contrairement aux fausses affirmations des services de police de NANCY, sur des membres de la famille habitant AUTMONZEY lesquels avaient également la possibilité de les avoir passés...

    En 1981 :
    Les époux Albert et Monique VILLEMIN reçoivent des appels ponctués de rires féminins et reconnaissent à l'époque non pas Madame Christine VILLEMIN, mais deux autres jeunes femmes.
    Madame Monique l'a confirmé à Monsieur le Président Maurice SIMON : S.1./D.283 : " Je confirme ce que j'ai dit à la P.J. le 30/04/85, à savoir que en 1981, au début des appels anonymes, nous avons entendu, au téléphone des rires féminins et qu'il ne pouvait s'agir que de Valérie JACOB et d'Isabelle BOLLE, hébergées chez Bernard LAROCHE ". Aucune preuve des dires de Monique VILLEMIN, mais en dépit des déclarations. Le S.R.P.J. de NANCY n'a pas disculpé pour lesdits appels sur son tableau Madame VILLEMIN… Jean-Marie et Christine VILLEMIN, ayant fait installer dans leur maison de LEPANGES le téléphone, furent l'objet, dès l’été 1981 d'appels, d'abord muets, puis sur fond de chanson " Chef un petit coup, on a soif " (Jean-Marie VILLEMIN avait obtenu la qualification de "chef' " ou d'agent de maîtrise en février 1981) et " j'ai le mal de toi " puis enfin parlés, émanant d 'un homme se faisant même passer pour " le rebouteux " ( voir P.V.M. Jean-Marie VILLEMIN du 23/9/1987 et P.V. Mme Christine VILLEMIN du 15/6/1989).
    Les appels ont été reçus alors que tant Madame Christine VILLEMIN que son mari étaient tous deux présents au domicile, Madame VILLEMIN n'ayant donc pu passé ces appels anonymes, l'appel relatif au "rebouteux" ayant été le fait d'un homme… 
    Ces appels ci dessus, ne figurent pas sur le tableau du S.R.P.J…

    Le Dimanche 22 novembre 1981, quelques jours après une bagarre entre Michel et Jacky VILLMEIN, le corbeau se manifeste plusieurs fois, de façon silencieuse, d'après le tableau du S.R.P.J., chez Madame Monique VILLEMIN et de façon effrayante chez Christine VILLEMIN d'abord téléphonique où cet homme à la voix rauque l'a insultée (appel n'apparaissant pas sur le tableau du S.R.P.J.), et ensuite en venant vers 22 heures, alors qu'elle est seule, lui fracturer la vitre de sa porte d'entrée.
    Pourquoi Monique VILLEMIN, sur son cahier, s'est-elle bornée à écrire " carreau cassé chez Jean-Marie ", pourquoi le tableau du S.R.P.J. occulte l'appel téléphonique à Christine VILLEMIN, n'énonce-t-il qu'un appel silencieux chez Monique VILLEMIN ne mentionnant pas l'homme à la voix rauque ?
    Comment douter de la réalité de l'appel qu'elle a reçu et de la manifestation du corbeau alors qu'immédiatement seule et terrorisée elle avait appelé à l'aide ses voisins, Monsieur et Madame Gilbert MELINE, lesquels, face à son désarroi l'avait emmenée dormir chez eux:
    S.I./D.93 -M. Gilbert MELINE : " Christine m'a dit qu'elle avait très peur, elle disait " " j'ai peur, j'ai peur ". Moi, j'ai fait le tour de la maison, j'ai regardé dans les alentours, je n'ai rien vu d'anormal mais comme Christine paraissait terrorisée, je lui ai dit de venir coucher à la maison. C'est ce qu'elle a fait et son mari est venu la reprendre le lendemain matin à son retour de travail
    Le dimanche 13 décembre 1981 , et l'on cherche en vain cet appel sur le tableau du S.R.P.J., Michel VILLEMIN , d'après les dires de sa mère, a reçu un appel lui annonçant " Ta femme te trompe avec Popof" (surnom de Bernard LAROCHE)
    Comment expliquer que cet appel ne figure pas sur le cahier de Monique VILLEMIN alors que c'est elle-même qui en a parlé, et n'ait pas été inventorié sur le tableau du S.R.P.J., alors qu'elle l'avait évoqué lors de ses auditions (D.105 p.7) Cet appel ne pouvait permettre de mettre en cause Madame VILLEMIN, renseignement étant donné qu'il émanait d'un homme, excluant qu'elle ait pu en être l'auteur… 

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    EN 1982 :

    Début 1982, un dimanche, vers 20h45, les époux Albert VILLEMIN, chez lesquels se trouvaient leur fils Gilbert et sa fiancée Marie-Christine JACQUES reçurent un appel du corbeau homme proférant des menaces précises à l'encontre de Jean-Marie VILLEMIN. Là encore, on ne peut qu'être consterné de constater qu'un tel appel qui a duré " près d'une demi-heure " (Marie Christine JACQUES D.129 et S.I./D.I83 p.4 ) et qui était porteur de menaces très précises à l'encontre de Jean-Marie VILLEMIN, n'apparaisse pas sur le cahier tenu par sa mère... et ne figure pas non plus sur le tableau du S.R.P.J., alors qu'il avait été évoqué (D.I29).
    Evidemment, Marie-Christine JACQUES avait identifié un "homme", tout comme son fiancé Gilbert qui a spécifié à nouveau (S.I./D.967) : " Je pense qu'il s'agissait bien d'une voix d'homme, je ne crois pas du tout qu'il s'agissait d'une voix de femme camouflée en voix d 'homme. "
    A l'occasion de ce long appel, Marie-Christine JACQUES épouse avait appris ce qu'elle avait précisé lors du supplément d'information (S.I/D.I83) : " Ma future belle-mère pendant la semaine recevait le matin ou l'après-midi, de brefs appels, toujours anonymes à l'occasion desquels elle était traitée de
    saloperie ou de cocue." ces appels disculpant, là encore, Madame Christine VILLEMIN, laquelle, comme chacun sait, travaillait suivant des horaires fixes, le matin et l'après-midi à la Manufacture de Confection Vosgienne d'où il lui était impossible de téléphoner.
    Début 1982 (les investigations du supplément d'information ayant permis de déterminer qu'il s'agissait du Lundi 25 ou du Mardi 26 janvier 1982) vers I4h / I4h15', Michel reçut un appel anonyme qui commençait par : "... on a fait la java
    ensemble...". Cet appel est omis sur le cahier de Madame Monique VILLEMIN, mais également sur le tableau du S.R.P.J. et ce alors que Michel en avait parlé à la Police Judiciaire (D.100 p.3- D.867 p.2).
    Il est vrai qu'entre 14h et 14h15', Madame Christine VILLEMIN est à son travail, à la Manufacture de Confection Vosgienne, depuis 13h15' et ne peut émettre d'appel...
    Le même jour, soit le lundi 25 ou le mardi 26 janvier1982, Monique VILLEMIN recevait un appel du corbeau, relatif aux essais de pose de rétroviseur ayant eu lieu précédemment aux abords de sa maison, Michel ayant reçu un appel identique, dont il venait d'ailleurs de faire part à sa mère, lorsque celle-ci était en communication avec le corbeau (S.I./D.887 p.2) Or, fait extrêmement troublant, cet appel raillant l'inutilité des rétroviseurs ne figure pas au cahier de Monique VILLEMIN ni au tableau du S.R.P.J., alors que chacun en a parlé, Monique VILLEMIN elle-même l'ayant évoqué (D.105 D.184).
    Il est clair que tant le 25 que le 26 janvier 1982 (date retrouvée par le Président SIMON, chargé du supplément d'information: S.I./D.879), Madame Christine VILLEMIN travaillait à la Manufacture de Confection Vosgienne et ne pouvait passer ses appels. 
    Il a également été rapporté que Jean-Marie et Christine VILLEMIN n'avaient pas participé à ces essais de pose de rétroviseurs fixés avec du fil de fer (S.I./D.312- Bernard NOEL), essais qui avaient été réalisés à AUTMONZEY alors que pendant lesdits essais, Bernard LAROCHE était " venu rendre visite à Michel " (S.I./D.I79- Jacky), et en avait donc eu nécessairement connaissance…
    Comme il est surprenant également que Monique VILLEMIN n'ait enregistré aucun de tous les appels reçus par Mr Albert VILLEMIN pendant ses siestes. Comment expliquer que celle-ci n'en ait pas même parlé lors de ses auditions, tant par la gendarmerie (D.I05) que par la P.J. (D.689) ?
    Ces appels étaient pourtant fondamentaux dans l'intérêt de Madame Christine VILLEMIN qui ne pouvait en être l'auteur, ceux-ci ayant été passé "par un gars" (S.I./D.373 p.11 et 12- Albert VILLEMIN), et aux alentours de 14h30', à un horaire où elle travaillait depuis déjà 13h15'
    Il était en revanche acquis que ces appels ne pouvaient venir que d'une personne habitant AUTMONZEY et surveillant la maison d'Albert et de Monique VILLEMIN, le corbeau n'appelant qu'après que Madame Monique VILLEMIN ait quitté la maison à une époque où elle travaillait suivant des jours et des horaires irréguliers chez Monsieur et Madame HOMEYDE, chez lesquels elle effectuait des heures de ménage.
    Il a été rappelé dans le supplément d'information que les horaires oscillaient entre 14h15' et 16h30', entre 1981 et avril 1982, mais que le choix des jours et le nombre d'heures n’était pas prévu d'avance, Madame HOMEYDE parfois n'appelant Madame Monique VILLEMIN que dans l'heure précédant son déplacement...(S.I./D.943).
    Ces appels démontraient à l'évidence que le corbeau était un habitant d’AUMONTZEY, lui permettant de surveiller à la minute près, les allées et venues de Monique VILLEMIN.
    Le vendredi 16 juillet 1982, dans l’après-midi, Albert VILLEMIN, alors qu'il rentrait d'une promenade effectuée en voiture avec Monique, Gilbert et Marie- Christine VILLEMIN, reçut un appel du corbeau, lui disant : " Tu te pendras. Tout le monde se pend dans la famille " et faisant allusion à la promenade qu'il venait de faire (S.I./D.655 p.3- Albert VILLEMIN ; S.I./D.860 p.3- Gilbert VILLEMIN)
    L'omission de cet appel par Monique VILLEMIN tant dans son cahier que dans ses auditions à la gendarmerie (D.105) et à la P.J. (D.689) est inexplicable.
    Là encore, il était manifeste que Madame Christine VILLEMIN qui travaillait le vendredi après-midi jusqu'à 16h, (à Lépanges 15 Km de la commune d’Aumontzey) heure à laquelle son mari venait la chercher pour aller avec lui faire les courses, ne pouvait donner un tel appel faisant allusion à une promenade qui venait de se terminer... C'était radicalement impossible…

    En revanche, une fois encore, preuve était démontrée que le corbeau, qui les avait vus revenir, alors qu'ils n'étaient même
    pas passés par GRANGE S/VOLOGNE, mais par JURASSUPT, village où ne demeure aucun membre de la famille, demeurait à AUTMONZEY Cet appel, auquel il a été fait allusion dans la procédure, ne figure pas non plus au tableau du S.R.P.J. ...

    En Septembre 1982, un jour de semaine, vers 13h30 ou 13h40, le corbeau, lors de son appel, mentionna l'allergie d'Albert VILLEMIN au savon et le fait qu'il se lavait à l'eau de Cologne, détail connu d'après Monique VILLEMIN par les seuls intimes (les propos auraient été: " il peut se laver à l'eau de
    Cologne, cela ne l'empêche pas de sentir le vieux "). Si cet appel ne figure pas sur le cahier tenu par Monique
    VILLEMIN, ni sur le tableau du S.R.P.J. car un jour de semaine, Christine VILLEMIN travaillait à la Manufacture de Confection Vosgienne, l'on ne peut que déplorer que Monique VILLEMIN n'ait pas estimé utile de donner au S.R.P.J. les précisions apportées au cours du supplément d'information, concernant
    notamment les réunions de femmes (genre réunion TUPPERWARE) organisées par Marie-Ange LAROCHE, et dont une avait eu lieu chez Ginette VILLEMIN, à laquelle assistaient non seulement Madame Christine VILLEMIN mais également Jacqueline VILLEMIN, Marie-Ange LAROCHE et Monique VILLEMIN elle-même, qui avait passé une commande d'eau de Cologne, son mari ne supportant pas de se laver au savon (S.1./D.879 p.2O et 21- M. et Mme Albert VILLEMIN; S.1./D.887- Michel VILLEMIN)
    Le mardi 14 septembre 1982, Madame Christine VILLEMIN fut appelée vers 12h par le corbeau femme (S.I. -interrogatoire Christine VILLEMIN du 15/9/1987), Gilbert VILLEMIN étant lui appelé par le corbeau homme à la voix rauque sur son lieu de travail à l'usine WALTER à GRANGES, concernant un accident de vélo dont aurait été victime Monique VILLEMIN.
    Curieusement, encore une fois, seul l'appel à Gilbert VILLEMIN est enregistré le tableau du S.R.P.J., et non celui dont Christine VILLEMIN a été la victime…
    Cette dernière, avant toute chose, téléphona pour avoir confirmation ou infirmation de la nouvelle, à sa belle-mère qui la rassura, et qui au cours de cet appel vit arriver Gilbert.
    Or, si peu après le départ de celui-ci, le corbeau rappela Monique VILLEMIN pour la conspuer, se félicitant de l'avoir "bien eue", elle fut suspectée pour avoir eu une communication téléphonique avec sa belle-mère et avoir ainsi appris la visite de Gilbert.
    Or, il est bien évident que Christine VILLEMIN qui se trouvait à LEPANGES, ne pouvait manifestement déterminer le temps que Gilbert VILLEMIN allait passer chez sa mère. Là encore, il est 34 significatif que le corbeau ait rappelé "cinq ou dix minutes après (son) départ (S.1./D.182- Gilbert VILLEMIN). Si aux jours et heures des faits évoqués, Christine VILLEMIN était en congé, l’on peut observer sur le même tableau du S.R.P.J. que trois protagonistes de la famille, habitant AUMONTZEY ne travaillaient pas à cette heure précise (p.31 -mention de Monsieur le Président Maurice SIMON).

    En septembre ou octobre 1982, un samedi après-midi, le couple Jacky et Liliane VILLEMIN, reçut en présence du couple Gilbert et Marie-Christine VILLEMIN, un appel anonyme de l'homme à la voix rauque (D.693 p.2--- ; S.I./D.564 p.7- Gilbert VILLEMIN). Le couple Gilbert VILLEMIN, qui, comme le reste de la famille, avait suspect un temps Jacky, conclut immédiatement à l'impossibilité pour celui-ci ou son épouse d'être le corbeau et se rendit immédiatement à AUTMONZEY pour en tenir informés Monique et Albert VILLEMIN, un vif échange verbal avec le couple Michel VILLEMIN ayant eu lieu à cette occasion.
    Là encore, peut-on infiniment regretter que s'agissant d'un appel important pour la détermination du corbeau, aucune trace n'en ait été faite par Monique VILLEMIN sur son cahier, alors qu'elle en a été le jour même avisé; et alors que la lettre anonyme du 17 mai 1983 destinée aux époux Albert VILLEMIN faisait expressément référence à cet incident et où il était écrit: " Le petit con de Grange, il faut toujours qu'il mette son grain de sel partout quant il devrait fermer sa grande gueule...". Il s'agissait bien évidemment de l'appel d'un homme, ceci expliquant que le S.R.P.J. n'ait pas inclus non plus cet appel dans son tableau. Bernard LAROCHE, ce même jour, avait eu une attitude particulièrement insolite en appelant le soir même Jacky qu'il savait ne pas être libre puisqu'il travaillait de 17h à 5h du matin, pour l'inviter, et ce alors que jamais auparavant ni
    jamais ultérieurement, Bernard LAROCHE ne convia Jacky VILLEMIN (S.I./D.359- Jacky VILLEMIN).
    Aucune mention pour les années 1981 et 1982 n'est davantage faite par Monique VILLEMIN sur son cahier, pas plus d'ailleurs que par le S.R.P.J. relativement aux appels anonymes lancés chez Monsieur Roger JACQUEL "par un homme à la voix rauque " pas plus d'ailleurs que l'appel reçu par lui en octobre 1982 " du corbeau à la voix rauque " qui lui avait dit: " Je te ferai la peau " (S.I./D.360-Liliane).
    En revanche, trône la mention d ' "appels anonymes, avec musique" sans énonciation de l'heure, s'agissant dès lors d'appels totalement inexploitables…

    Le jeudi 11 novembre 1982, de même, sont évoqués des appels anonymes avec musique militaire à 9h30', par référence aux auditions de Monique VILLEMIN, alors semble-t-il 35 (S.I./D.963 Tableau du supplément d'information) que cette dernière n'avait pas, quant à elle, précisé d'heure !

    Les lundi 22, Mardi 23 et Mercredi 24 novembres 1982, sont répertoriés sur le tableau du S.R.P.J. des appels téléphoniques avec insultes, en faisant référence à des horaires précis, alors que le tableau des appels téléphoniques, constitué lors du supplément d'information par le Président qui en était chargé, montre que ne figurent sur le cahier de Monique VILLEMIN que les mentions : du 23/11/1981 (en réalité 82) et 24/11.
    Il faut ajouter, dans l'hypothèse vraisemblable où le S.R.P.J. a voulu centrer des appels, pendant les horaires de déjeuner de Madame Christine VILLEMIN, qu’à cette époque, Grégory n'allant pas encore à l'école, sa mère, à la sortie de Manufacture de Confection Vosgienne à 11h30', se rendait immédiatement chez Madame Gilberte CHATEL, chez laquelle elle l'avait déposé le matin, chez laquelle elle déjeunait en compagnie de Grégory (Madame CHATEL n'ayant pas encore le téléphone), pour quitter en même temps que sa mère, qui allait travailler, le domicile de celle-ci, pour reconduire Grégory à LEPANGES, où Jean-Marie VILLEMIN devait être de retour à 13h20', ayant travaillé le matin..., et ce avant elle-même, de ne reprendre son travail à 13h15'. Comment expliquer de telles précisions horaires pour ces trois journées, alors qu'aucune référence n'est faite à d'autres appels intervenus parfois trois ou quatre fois par jour (D.105- Mme Monique)...
    Le Mardi 30 novembre 1982, se manifeste effectivement un corbeau femme, chez Monsieur LAPOIRIE entrepreneur des pompes funèbres, le sollicitant pour le cercueil d'Albert VILLEMIN, chez Madame FRESSE, voisine des époux Bernard NOEL lui demandant de les prévenir du malheur survenu à leur père et beau-père, et chez Madame Christine VILLEMIN, à même fin, en se faisant passer pour la fille de Monsieur LAPOIRIE…
    Encore une fois, peut-on déplorer que sur ces trois appels, ait été occulté celui passé à Madame Christine VILLEMIN que le S.R.P.J. considérait comme ayant dû donner les appels, puisqu'elle était sortie de son travail, sans préciser par ailleurs qu'à 19h40', qu’une fois encore trois protagonistes habitant
    AUMONTZEY avaient toute latitude pour passer de tels appels…
    Ce même jour, les époux Albert VILLEMIN, étaient victimes d'une salve de vingt sept appels anonymes, annonçant à Albert VILLEMIN: " Il arrive ton cercueil, t'auras la surprise", Monique VILLEMIN ayant d'ailleurs parlé, lors du supplément d'information (S.I./D.283) de l' "homme à la voix rauque",
    alors que Monsieur LAPOIRIE, qui entendit l'un des appels étant arrivé chez Albert et Monique VILLEMIN, évoqua une voix de femme, identique à celle qui l'avait appelé (S.I./D.742). 
    Mais curieusement, hormis lors de la confrontation du 19 septembre 1985, jamais Albert et Monique VILLEMIN ne firent allusion à la teneur du dernier appel passé par le corbeau femme et où il était dit ceci : Monsieur Jean-Marie VILLEMIN :"… le corbeau a ensuite rappelé mes parents pour dire: ça y est, tu l'as eue ta surprise" . Madame Monique VILLEMIN : " ...il a ainsi appelé vingt-sept fois. Lors du vingt-septième appel, Monsieur LAPOIRIE est arrivé et le corbeau a alors dit: tu l’as eue la surprise ". Je pense qu'il avait dû entendre la sonnerie de la porte d'entrée. Il était alors 21h15. J'ai ensuite téléphoné à Christine pour lui dire ce qu'il venait passer... " Cette précision apportée, lors de la confrontation entre Monsieur Jean-Marie VILLEMIN et ses parents, le 19 septembre 1985 est capitale, car elle permet d'exclure que
    Christine VILLEMIN ait pu être l'auteur des appels anonymes du corbeau femme, ce jour-là, dans la mesure où de nouveau il est établi que le corbeau surveillait l'effet de son action, en disant lors du dernier appel non plus" Tu vas l'avoir ta surprise", mais" Tu l'as eue la surprise", prouvant qu'il pouvait épier et se trouvait donc à AUTMONZEY...

    Le lundi 13 décembre 1982, le corbeau à la voix rauque téléphona avant 20 heures à Madame Christine VILLEMIN, qui, terrorisée, étant seule, appela au secours ses beaux-parents. Ceux-ci, conscients de la gravité de la situation, décidèrent de se mettre en route, en demandant à leur fils Michel de rester entre-temps en liaison téléphonique avec Christine VILLEMIN. C'est alors qu'elle était en conversation avec Michel VILLEMIN qu'elle entendit à l'extérieur de sa maison un bruit sec, qui se révéla être celui de la crevaison du pneu de sa voiture. A l'évidence, Madame VILLEMIN ne pouvait simuler avoir reçu l'appel des environs de 20h et ce alors que le pneu était crevé par le corbeau quand elle-même parlait à Michel...
    C'est le surlendemain, mercredi 15 décembre 1982 et non pas le mardi 14 décembre 1982, comme mentionné sur le tableau du S.R.P.J. que le corbeau téléphona chez, le couple Albert VILLEMIN relatant les événements de l'avant-veille et le raillant (D.105- Monique VILLEMIN) : "Il est un peu con ton vieux. Je l'ai vu tourner autour de la maison avec la carabine...", le corbeau ajoutant que si son mari et elle n'étaient pas montés si vite, il aurait eu le temps de crever les quatre pneus et de défoncer les volets avec une hache... En dépit, rétrospectivement du danger, les déclarations de Monique VILLEMIN furent confuses puisqu'à la P.J. (0.689) elle parla du lendemain des événements à 19h, alors que D.105) elle avait évoqué le surlendemain sans précision d'horaire... Quel paradoxe, encore une fois, d'être aussi précis pour des appels sans intérêt et aussi confus lorsque des dangers planent sur la famille ! Mais si effectivement l'appel est intervenu à 19h. 
    Là encore, trois protagonistes habitant AUMONZEY, pouvaient parfaitement en être l'auteur... Il eut d'ailleurs, dans la semaine suivant ces faits, une attitude encore bien singulière, lorsqu'un soir, vers 19h, il appela chez Christine et Jean-Marie VILLEMIN, lequel, s'il n'avait pris
    quinze jours de congés après cette manifestation violente de l'avant-veille, afin d'effectuer des surveillances, aurait pendant ses horaires de nuit laissé son épouse seule chez lui, Bernard LAROCHE paraissant décontenancé de l'entendre lui répondre, se borna à l'interroger sur le prix du crépi de son couloir d'entrée! (S.I.0/1300 p.22) :
    Au début du mois de décembre 1982, quelques jours avant le dépôt de plainte à la Gendarmerie de CORCIEUX, Monique VILLEMIN indiqua avoir reçu un appel du corbeau à la voix rauque (D.105- p.8) lui annonçant " Les journées raccourcissent les chats gris vont sortir ", Monique VILLEMIN ajoutant que Michel aurait reçu un appel similaire. Là encore, faut-il constater que ces appels ne sont pas enregistrés sur son cahier et que le tableau du S.R.P.J. ne les mentionne pas davantage, alors qu'un procès verbal de gendarmerie en faisait état….

    La même carence est réitérée pour un appel passé par une femme, à la mi-décembre 1982 19h à Monsieur ARCHENAULT (Restaurant LOKEBE) où travaillait Jacqueline VILLEMIN, l'appel étant destiné à informer cette dernière de l'accident de voiture qu'aurait subi son mari, Bernard NOEL, à st DIE (S.I./D.3I2 p Bernard NOEL). Si Monique avait évoqué, dès la cote D.1O5, devant les gendarmes, cet appel, elle ne l'avait pas enregistré sur son cahier, et le S.R.P.J. l'a complètement omis également.

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    EN 1983 :

    Le Mercredi 26 janvier 1983, entre 13h15 et 14h40, le S.R.P.J. de NANCY répertorie dix-sept appels anonymes avec insultes, et ce alors que Christine VILLEMIN travaillait et reprenait son emploi à la Manufacture de Confection Vosgienne à 13h15... En revanche, il ne mentionne pas les appels que Michel VILLEMIN, suivant les dires de sa mère (D.1O5) recevait à partir de cette date de l'homme à la voix rauque, alors que jusque là il s'agissait d'appels silencieux...

    Le 27 janvier 1983, le corbeau à la voix de femme se manifeste plusieurs fois, en faisant déplacer Monsieur REMY, ambulancier à GRANGE, lequel, après avoir appelé Jacky, serait arrivé à AUMONZEY vers 14h (D.1O5-Monique); se déplacent 38 également Monsieur PIERRAT, marchand de fuel, ainsi que les pompes funèbres générales de GERARDMER. Outre le fait, ainsi que cela est mis en exergue dans le tableau des appels téléphoniques du Président chargé du supplément d'information, que les horaires ne concordent pas entre les auditions de Madame Monique VILLEMIN, le cahier et le tableau du S.R.P.J., il convient de noter que si cette journée-là, Madame Christine VILLEMIN était en congé, d’autres protagonistes de travaillaient pas non plus.
    Pour ce qui est de l'appel anonyme du même jour (le Docteur VOGELWEIT ayant pris la communication) des protagonistes d’AUMONTZEY avaient la possibilité de téléphoner.
    Le 18 janvier 1983, au petit matin (et non pas le 11 février 1983 comme indiqué sur le cahier de Monique VILLEMIN et le tableau du S.R.P.J.) le corbeau appel tant Madame DEMANGE que Madame Christine VILLEMIN , pour leur faire part d'un accident de travail dont Jean-Marie VILLEMIN aurait été la victime (c'est le supplément d'information qui a permis de re-dater convenablement ces deux appels S.I./D.7I8 p.2O et 21), référence faite aux dépositions de Mesdames DEMANGE et Monique (première déposition) et au cahier de présence à la Manufacture de Confection Vosgienne, s'agissant d'un jour où Madame Christine VILLEMIN n'avait pas travaillé le matin... Cette accumulation d'erreurs contribue à démontrer que le soi-disant cahier, présenté par Madame Monique VILLEMIN comme authentique et complété au jour le jour, n'était absolument pas fiable et ne pouvait servir de base qu'à l'établissement d'un tableau tronqué….

    Le vendredi 8 février 1983, le corbeau femme fit déplacer Monsieur MARTINACHE infirmier (le supplément d'information a encore démontré que l'heure de l'appel telle que portée sur le tableau du S.R.P.J. était différente de celle portée sur le cahier de Monique VILLEMIN (S.I./D.962 p.12), Monsieur POIRAT, garagiste chez les époux Albert VILLEMIN, le Docteur SCHNEIDER chez Michel VILLEMIN, et le Docteur LAMBERT chez les époux Jean-Marie VILLEMIN.
    Force est encore de conclure que ces appels ne pouvaient émaner que d’une ou des personnes habitant AUTMONZEY, et pouvant surveiller les faits et gestes chez les époux Albert VILLEMIN: en effet, Christine et Jean-Marie VILLEMIN ignoraient totalement que le véhicule d'Albert était en panne de batterie, et que des tentatives avaient été faites de le pousser. Or, il est fondamental de se reporter au procès-verbal de confrontation du 12 septembre 1985, au cours duquel Jean-Marie VILLEMIN précisait" que le matin mes parents avaient dû pousser la voiture pour la sortir du garage, et aussi bien
    Christine que moi ignorions ce détail, nous étions tous les deux au travail"; après quoi, et c'est ce qui est capital, Madame Monique répondit " ces faits sont exacts"... Il me semble que Jacky était venu la veille et avait regardé le moteur. Depuis trois ou quatre jours, la batterie était à plat. Nous en avons, parlé à tous nos enfants sauf Jean-Marie que je n'ai pas vu cette semaine là ni à Christine ". Il est donc attesté que Christine VILLEMIN ne pouvait connaître cet épisode de la panne de voiture, que le corbeau devait habiter AUTMONZEY ou avoir un relais sur cette commune. Qu'il s'agissait d'une femme, et que ce jour-là des protagonistes ne travaillaient pas…
    Madame VILLEMIN n'a pu davantage appeler le Docteur LAMBERT (à 12h30' sur le tableau du S.R.P.J. alors que le Docteur LAMBERT, entendu le 3 juillet 1985 par le Commissaire CORAZZI, situait l'appel vers 16h !), et que sortant de son travail à 16h, comme il l'a déjà été sus rappelé, son mari venait l'y chercher de telle façon à ce qu'ils aillent ensemble faire leurs courses...
    Le Docteur SCHNEIDER, quant à lui, avait été fort opportunément dérangé, chez Michel et Ginette VILLEMIN, puisque l'un de ses enfants était souffrant... Courant 1983, les époux Albert VILLEMIN reçurent un appel, non répertorié non plus par le S.R.P.J. et pour cause ! Au cours duquel le corbeau le raillait à propos d'achats de carabines, disant: " Tu ne feras pas grand bobo avec ta carabine ". Cet appel, en effet, et l'on comprend la réserve du S.R.P.J, émanait d'un homme et par ailleurs "Monique VILLEMIN a reconnu que discutant devant la maison avec Bernard LAROCHE, je lui ai dit que Michel venait d'acheter une carabine pour défendre ses enfants et que je lui ai dit aussi que nous avions acheté deux carabines mais juste à air comprimé ".
    C'est deux jours plus tard que l'appel anonyme est intervenu sur des faits dont ne pouvait être informée Christine VILLEMIN, qui par ailleurs n'est pas un homme… Bien plus surprenant encore est l'omission sur le cahier de Monique VILLEMIN de l'appel reçu par son mari (D.120 p.3) au cours duquel furent perçus plusieurs bruits de fond (sonnerie à la porte d'entrée, bruits de pas dans l'escalier, voix d'un enfant demandant à sa mère son nounours).
    Le dimanche 20 février 1983, le corbeau se manifesta plusieurs fois, chez les époux Albert VILLEMIN à 23h01', chez Michel VILLEMIN à 23h07', chez Jean-Marie VILLEMIN vers 22h30', outre un appel chez Monsieur JACQUES, père de Marie-Christine VILLEMIN vers 23 h, et ce dans le but de venir prendre Albert VILLEMIN afin de descendre à LEPANGES chercher Christine VILLEMIN. Sur ces différents appels, le tableau du S.R.P.J. omet purement et simplement celui chez les époux Jean-Marie VILLEMIN. Précision doit être également faite que s'il a été évoqué qu'il s'agissait du corbeau femme, et que Jean Marie VILLEMIN travaillait de nuit, aucun autre membre de la famille ne
    travaillait…
    Le 3 mars 1983, le corbeau femme se manifesta par deux fois, en appelant d'abord Monsieur VOIRIN, chef de corps des sapeurs pompiers d'AUTMONZEY, pour lui annoncer la pendaison d'Albert VILLEMIN, Monsieur VOIRIN envoyant Monsieur BARADEL au domicile des époux Albert VILLEMIN, qui arriva vers 12h30'; ainsi que Gaston HOLLARD, qu'elle avisa du même malheur, en se faisant passer pour Jacqueline. Le supplément d'information (S.I/D.962) a permis de noter les confusions d'horaires, ceux-ci semblant avoir été manifestement rajoutés... Monsieur VOIRIN ayant en outre précisé (S.I./D.925) : " En ce qui concerne cet appel, il a fallu obligatoirement que la personne qui appelait, compose mon numéro personnel. Si elle avait composé le 18, elle aurait été mise en relation avec le Centre de Secours de ST.DIE-88. Je précise que mon numéro personnel figurait sur les calendriers des pompiers qui sont vendus en fin d'année, ce qui était le cas à l'époque des faits. A plusieurs reprises, j’ai reçu des appels téléphoniques à mon domicile demandant l'intervention des pompiers d'AUTMONZEY. Il s'agissait là d'une pratique courant ".
    Indépendamment de Christine VILLEMIN, là encore, comme c'est d'ailleurs le cas à chaque déplacement de personnes, trois autres femmes avaient la parfaite possibilité de donner ces appels…
    C'est vraisemblablement ce qui explique que Monique ait reconnu, lors d'une confrontation, qu'elle était persuadée que Christine VILLEMIN n'était pas l'auteur des appels, déplaçant Monsieur LAPOIRIE, Monsieur VOIRIN etc... Force est d'ailleurs d'ajouter que l'appel à Monsieur VOIRIN n'a pu émaner que d'une habitante d'AUTMONZEY (cf.S.1./D.925 comme indiqué ci-dessus).
    Là encore, le corbeau féminin d'AUTMONZEY, qui prenait un plaisir pathologique à faire déplacer un certain nombre de personnes et en ressassant des idées de mort, a pu se féliciter de ses effets...
    Pour le Jeudi 17 mars 1983, le tableau du S.R.P.J. répertorie trois appels anonymes chez Madame Monique VILLEMIN entre 12h et 12h15’, lesquels sont sans signification,...

    Le lundi 21 mars 1983, vers 10h00, alors qu'il était chez lui, Jean-Marie VILLEMIN reçut un long appel de l'homme à la voix rauque, que le supplément d'information a permis de dater avec précision (S.1./D.71B p.22) au cours duquel le corbeau disait entre autres choses : " Je la tiens la Monique, si Jacky est un bâtard, l'autre aussi en est un... Ta mère sait qui je suis. " S'agissant d'un tel appel, extrêmement important, dont Monique VILLEMIN a eu immédiatement connaissance, puisque son fils avec Christine, et l'après-midi même, est venu en discuter avec elle, avant le retour d'Albert VILLEMIN, aucune explication légitime ne permet de comprendre pourquoi il ne figure pas sur son cahier, et pourquoi, cet appel ayant été évoqué à de nombreuses reprises, le S.R.P.J. ne l'enregistre pas sur son tableau, s'agissant d'un appel des plus significatifs…
    Or, lorsque Jean-Marie VILLEMIN l'a reçu, vers 10h00 il est incontestable que Christine VILLEMIN était à la Manufacture de Confection - Vosgienne depuis 7h15 et jusqu'à 11h 30'... Tout aussi scandaleuse est l'omission sur le tableau du S.R.P.J., comme d'ailleurs sur le cahier de Monique VILLEMIN, du long appel reçu le 24 avril 1983 (S.I./D.7I8 p.24 et 25) par Jean-Marie VILLEMIN sur son lieu de travail, et ce en présence d'un témoin, Monsieur Francis POIROT. Cet "oubli" est d'autant plus consternant que dès le lendemain, Monique VILLEMIN enregistrait la teneur de la communication par téléphone lors d'un entretien avec son fils, et nonobstant ce fait, rien ne se retrouve au cahier et elle n'en parle ni aux gendarmes (D.105) ni à la P.J. (D.689)!
    Or en analysant la teneur de cet appel, il en résulte que le corbeau connaissait des détails qu'ignoraient encore Jean-Marie ou Christine VILLEMIN (comme la réconciliation de Michel VILLEMIN avec son père, et la visite des époux Albert VILLEMIN chez Jacky et Liliane pour leur dire que Jean-Marie les soupçonnait) :
    -là encore, il existe une démonstration supplémentaire de ce que le corbeau est proche des VILLEMIN et sait immédiatement ce qu'il s'y passe... Par ailleurs, et compte tenu de la longueur de la conversation (quarante minutes au total) comment pouvoir oser soutenir que le corbeau à la voix rauque aurait pu être une femme déguisant sa voix, car il est bien certain que si tel avait été le cas pour Madame Christine VILLEMIN, qui aurait parlé pendant quarante minutes à son mari, celui-ci n'aurait pas pu ne pas la reconnaître, ainsi qu'il l'a mentionné lui-même (S.I/D.I5 p.25- Jean-Marie : "Elle a ses expressions. Elle a un accent. Je connais les caractéristiques de la voix de Christine. Je suis certain que si cela avait été elle, je l'aurais reconnue. "

    N'apparaît pas davantage sur le cahier de Monique VILLEMIN, ni d'ailleurs sur le tableau du S.R.P.J., l'appel qu'elle a reçu du corbeau, une demi-heure après départ des gendarmes venus inopinément chez elle et qu'elle avait reçus dans son jardin, à 9h30' du matin... Il est clair qu'à 9h30' du matin, alors que Madame Christine VILLEMIN travaillait et qu'elle ne pouvait voir ce qui se passait dans le jardin de Madame Monique VILLEMIN à AUTMONZEY, cette communication la mettait totalement hors de cause... Il est incontestable que l'auteur de cet appel était à AUTMONZEY et avait épié ce qui se passait...

    Le Mardi 17 mai 1983, (vers 10h) Monsieur Albert VILLEMIN recevait sur son lieu de travail un appel en présence de Monsieur DIDIERLAURENT (P.V.d'auditi de témoin de M.Charles DIDIERLAURENT, Directeur aux ETS.WALTER SElTZ à AUTMONTZEY du 21 octobre 1984) lui disant: " Tu te pendras ".
    Il est non seulement surprenant de relever que le tableau du S.R.P.J. a situé, cet appel à 12h45, alors que Monsieur DIDIERLAURENT a parlé de 10 h, alors qu’à 12h45 il était chez lui pour déjeuner… Il semble ressortir d'autre part qu'il y avait une formule d'appel à cette usine par le poste relié au standard de GRANGESS/ VOLOGNE, le numéro d'appel ne se retrouvant pas jusqu'à une certaine époque sur l'annuaire de la localité d'AUMONTZEY (P.V. M.DIDIERLAURENT 21 octobre 1984) : si tel est le cas, il est bien évident, en tout état de cause, que Madame Christine VILLEMIN ne pouvait être informée de ces détails, qu'en revanche, des protagonistes d’AUMONTZEY connaissaient parfaitement...

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    En 1984 :

    Le mardi 8 mars 1984, le couple Jacky et Liliane VILLEMIN  fut victime d'un appel anonyme, reçu à GRANGE à 12h3O' / 13h00  alors que le matin même, il avait régularisé son acte d'acquisition de sa maison.  Une fois de plus, convient-il de noter que ni le cahier de Monique VILLEMIN  ne fait référence à cet appel, ni le tableau du S.R.P.J., alors que celui-ci a été retranscrit (D.212- D.921 p.2O), évoqué par Liliane VILLEMIN (D.777 p.2 et par Jacky VILLEMIN (D.866).  Il est par ailleurs incontestable que Madame Christine VILLEMIN  ignorait totalement l'acquisition par les époux Jacky VILLEMIN  de leur maison et n'a pu donner cet appel, alors que les deux couples ne se parlaient plus depuis bientôt deux ans (S.I./D.179- Jacky VILLEMIN).  En revanche, Bernard LAROCHE, lui, connaissait, et ceci est rapporté, ce fait précis, comme l'a relaté Liliane  (S.I./D.I8O ) : S.I. " Je me souviens que mon mari Jacky m'avait confié avoir dit à Bernard LAROCHE que nous allions signer les papiers chez le " notaire."... S.I. " A ce moment-là, nous n'avions pas pu parler nous-mêmes à Jean-Marie et à Christine VILLEMIN puisque nous étions brouillés...'  Le 16 octobre 1984, vers 17h32,  c'est le sinistre appel de revendication du crime du petit Grégory, qui fut reçu par   43 Monsieur Michel VILLEMIN, et qui émanait de l'homme à la voix rauque.  Il sera démontré qu'à 17h32', Christine VILLEMIN se trouvait bloquée par le troupeau de vaches de Madame CLAUDON, comme cela a été rapporté par son fils Christian, dont le disque contrôlographe du car de ramassage scolaire a révélé qu'il s'était arrêté à 17h32'41"... Cette longue énumération des appels, qui n'est certes pas exhaustive, démontre que contrairement à ce qui a été considéré comme des charges, Christine VILLEMIN n'a nullement été le corbeau ayant empoisonné la vie de la famille VILLEMIN...  Lorsqu'il s'agissait d'ailleurs d'appels émanant d'une voix féminine, il était question essentiellement de déplacement de personnes, à des horaires parfaitement compatibles avec des autres protagonistes qui habitaient AUTMONZEY et qui pouvait constater si les personnes déplacées étaient venues ou non … Il avait été également reproché à Madame Christine VILLEMIN  une remarque qu'elle aurait faite, un jour, devant sa belle-sœur Jacqueline  et son mari Bernard NOEL, suivant laquelle Madame FRESSE, voisine des époux NOEL, ne passait plus les communications téléphoniques...  A cet égard, entendu dans le cadre du supplément d'information, Bernard NOEL a déclaré au Président de la Chambre d'Accusation qui en était chargé, que si lui-même n'était pas encore au courant du code convenu avec Madame FRESSE pour le téléphone, ceci ne lui paraissait pas déterminant car " il arrive qu'une femme ne dise pas toujours immédiatement à son mari ce qui a pu être convenu sur un point ou sur un autre avec ses parents. Je crois que tel était tout simplement le cas et que Christine le savait pour en avoir vraisemblablement entendu parler chez les parents à AUTMONZEY. D'ailleurs il semble que la spontanéité de sa réaction ou de son intervention est un gage de bonne foi. " (S.I./D.3I2 p.12).  Jacqueline VILLEMIN, quant à elle, a également reconnu (S.I./D.313 p.11) : " Je ne sais plus si j'avais dit ou non devant Christine, chez ma mère ou ailleurs, que pour éviter des sentiments intempestifs, il avait été convenu entre ma mère et Madame FRESSE que lorsque ma mère nous appellerait, elle donnerait à Madame FRESSE un numéro constituant un code de reconnaissance. Par conséquent, je ne peux pas vous dire si Christine était ou non au courant de cela. " - " Ce qui m'a surprise, c'est beaucoup plus la vivacité avec laquelle Christine est intervenue...  C'est cette vivacité qui m'a surpris e".  S.I. " J'admets que si Christine avait pu être l'auteur d'appels intempestif, sa réaction ne pouvait que la dénoncer et que cela ne cadre pas  très bien avec les calculs d'un corbeau cherchant toujours à se  dissimuler..."    44 Il est apparu par ailleurs impossible de donner du crédit aux faits pourtant considérés comme acquis, au cours de l'information menée par le Juge d'Instruction  d'ÉPINAL, suivant lesquels, des détails précis n'auraient pu être connus que par le couple Jean-Marie et Christine VILLEMIN, hormis Albert et Monique VILLEMIN.  En effet, il a été amplement démontré que les confidences faites par Monique VILLEMIN  n'étaient pas aussi limitées qu'elle avait bien voulu le dire...  Son fils Gilbert VILLEMIN, au cours du supplément d'information (S.I./D.182 p.5) reconnaissait, parlant de sa mère " qu'il est vrai qu'elle est un peu bavarde et que de temps en temps elle parle un peu trop "...   

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    L'augmentation des notes de téléphone :  

    S'il avait été reproché à Madame Christine VILLEMIN  une augmentation de sa consommation téléphonique à un moment où le corbeau sévissait, et si les explications qu'elle avait tenté d'apporter, n'avaient pas paru de nature à entraîner une conviction (communications passées en vue de réconforter sa sœur hospitalisée et en vue de négocier une opération de vente de voiture), il avait été oublié qu'au moment des fréquentes manifestations du corbeau, l'habitude s'était prise chez les membres de la famille, lorsqu'ils faisaient l'objet de l'une de ses manifestations, d'immédiatement rappeler, avant tout déplacement ou initiative inutile, la prétendue victime de l'accident annoncé, afin de confirmation ou d'infirmation. A cet égard, Monsieur Jean-Marie  (S.I./D.IS p.21) a invoqué "les habitudes que nous avions prises de nous concerter les uns et les autres, quand le corbeau diffusait à répétition de fausses nouvelles",  ainsi que Madame Christine VILLEMIN l'a confirmé également (S.I./D.12 p.30) : "En raison des fausses alertes dont le corbeau avait, en son temps, usé et abusé, l'habitude s'était prise dans la famille, de se téléphoner, les uns aux autres, à l'annonce d'une grave nouvelle pour vérifier s'il ne s'agissait pas d'un traquenard ".  Par ailleurs, après chaque appel, dont ils étaient personnellement les victimes Monsieur Jean-Marie VILLEMIN et son épouse contactaient immédiatement les époux Albert VILLEMIN (par exemple: appel immédiat de Madame Christine VILLEMIN, terrorisée, le 13 décembre 1982 après les menaces du corbeau qui devait dans la soirée venir crever un pneu de sa voiture).  Mais surtout Monsieur Jean-Marie  n'hésitait pas rappeler systématiquement ses parents, afin de leur faire part téléphoniquement de la teneur des propos du corbeau, de même d'ailleurs que les gendarmes de CORCIEUX.  Les conversations de Monsieur Jean-Marie VILLEMIN  avec ses parents et plus particulièrement avec sa mère, étaient en conséquence longue et à cet égard il n'est qu'à rappeler la   45 communication au cours de laquelle Jean-Marie  VILLEMIN a laissé sa mère enregistrer la substance du discours tenu la veille par le corbeau.   Il est évident que ces conversations longues, informant tant les gendarmes que ses parents et de l'appel et des propos tenus, étaient génératrices d'une augmentation des notes téléphoniques, les époux Jean-Marie VILLEMIN  n'appartenant pas à la même circonscription d'appel (ST.DIE pour les uns, CORCIEUX pour les autres) (S.I./D.1299).  Si Monsieur Jean-Marie VILLEMIN  avait présenté une réclamation aux P.T.T., c'est qu'il avait perdu de vue cette multiplicité d'appels dans des circonscriptions géographiques différentes de la sienne, à laquelle le contraignait le corbeau, Monsieur VILLEMIN ayant à ce jour réalisé qu'ils justifiaient ses augmentations de factures.  Et ce, sans compter tous les appels de tentative d'identification du corbeau qui ont été lancés par les époux Jean-Marie VILLEMIN, et ce, après la plainte déposée à CORCIEUX, compte tenu de la grande activité de celui-ci sur les conseils du Chef de la Brigade…  L'atmosphère étant alors tellement empoisonnée, tout le monde s'épiant, les époux VILLEMIN, comme les autres membres de la famille, ont passé quelques appels d'identification, comme ils l'ont d'ailleurs reconnu (S.I./D.84 p.21- Jean-Marie VILLEMIN; S.I./P.V. des 15 et 16 septembre 1987 p.21 et 23- Christine VILLEMIN).  Cette dernière, répondant, dans le cadre du supplément d'information, à une question de Monsieur le Procureur Général, exposait ainsi : "C'est sur les conseils du Chef de la Brigade de CORCIEUX que nous avons employé la méthode que je vous ai décrite, pour identifier  le corbeau. C'est également le Chef de Brigade qui avait recommandé  à mon mari de prendre la voix rauque du corbeau pour susciter les plus vives réactions chez nos interlocuteurs".  Ce fait a été confirmé par Liliane  (S.I./D.18O p.3). Or, la grande majorité de ces appels d'identification s'est située pour les époux Jean-Marie VILLEMIN  à partir de septembre 1982 jusqu'à fin 1982 ou peut-être janvier 1983 (S.I./D.84 p.21-Jean-Marie  VILLEMIN).  Les tentatives d'identification du corbeau ont permis d'apporter la conviction que celui-ci résidait à AUTMONZEY, qu'il connaissait les horaires de la famille VILLEMIN, ses moindres faits et gestes, excluant l'hypothèse de Madame Christine VILLEMIN (et même des détails intimes s'y rapportant).  Le premier suspect, en revanche, habitait AUTMONZEY et bénéficiait d'une grande amitié de Monique VILLEMIN qui lui confiait tous les secrets de la famille, celui-ci n'ayant jamais caché en avoir été informé de tous les faits et geste (D.169 p.2-   46 P.V. du 25 octobre 1984- Bernard LAROCHE) lequel avait même ajouté qu' " au sein de la famille BOLLE, tout le monde est au courant de la situation entre les membres de la famille VILLEMIN "  Il détenait, comme cela a été trouvé lors de la perquisition chez lui, une longue vue montée (S.I./D.451 p.8- M.LACHAUSSEE), pouvait épier les différents évènements. A cet égard, les membres de la famille VILLEMIN habitant AUTMONZEY, sont convaincus qu'à l'occasion de certains appels anonymes, le corbeau abordait ce qu'il venait tout juste de voir ou d'entendre (S.I./D.899- feuillet N°5- Ginette VILLEMIN; D.378-Michel VILLEMIN) lequel précisait même :"Aujourd'hui, dans l'entourage familial, nous pensons tous que LAROCHE était le corbeau, parce que pour détailler les choses comme  il le faisait au téléphone, il faut vivre chez les gens." Etait il réellement le corbeau ? Le corbeau femme, contrairement à l'homme à la voix rauque, ne proférait pas de menaces précises, ne faisait pas allusion à des évènements passés de la famille et ne manifestait pas par la teneur de ses appels, la haine expiable que vouait le corbeau à Jean-Marie VILLEMIN, mais se plaisait à déplacer médecin, infirmier, pompiers, pompes funèbres... chez Monsieur Albert VILLEMIN, qui semblait, plus que son fils, être la cible de cette femme...  Celle-ci habitait immanquablement AUTMONZEY, comme il l'a été démontré, pour avoir pu constater l'arrivée ou le départ des personnes qu'elle avait fait déplacer...  Dans l'entourage familial, habitant AUTMONZEY, et ayant été en mesure de vérifier les arrivées ou les départs, il y aurait trois femmes, dont les emplois du temps leurs permettaient, les jours de ces appels, d'avoir été l’une d’entre elles, responsable des déplacements de personnes... Il est d'évidence, contrairement à l'hypothèse absurde du S.R.P.J., suivant laquelle il n'y avait qu'un seul et même corbeau de sexe féminin capable de transformer au quart de seconde sa voix claire en une voix masculine rauque et essoufflée, que sévissaient bien deux corbeaux distincts : un homme capable de déguiser sa voix et une femme se manifestant toujours sous la sienne.  Les défenseurs de Madame Christine VILLEMIN se sont toujours élevés contre ce postulat posé à EPINAL, suivant lequel il n'y avait qu'un corbeau apte de passer de la tonalité claire d'une voix féminine à celle basse et rauque d'un homme, et ce alors que tous les membres de la famille, qui se plaignaient des appels menaçants et insultant du corbeau, évoquaient toujours un homme...  -S.I./D.370 : Albert VILLEMIN: "Le corbeau avait toujours  une voix d’homme"    47 -S.I./D.3I3 p.8 -Jacqueline VILLEMIN: "Vous me demandez si, à mon avis, cette voix pouvait être  celle d'une femme déguisant sa voix en voix d'homme. Je vous  réponds sans hésitation que ce n'était certainement pas le  cas et que la voix était certainement une voix d'homme."  -S.I./D.3I2 p.9 -Bernard NOEL : "Franchement, je pense qu'il est impossible qu'une femme ait pu déguiser sa voix à ce point. A mon avis, c'était  certainement une voix d'homme."  -S.I./D.I82- Gilbert VILLEMIN : " Quand les appels anonymes émanaient d'une personne à la voix rauque, je pense véritablement qu'il s'agissait d'un  homme, et je ne pense absolument pas qu'il ait pu s'agir  d'une femme changeant sa voix." S.I./D.I83 p.4 -Marie-Christine VILLEMIN, l’épouse de Gilbert : (id.)  -S.I./D.I81 p.6 –Ginette VILLEMIN : évoque " l'homme qui appelait" S.I./D.I79- p.4 -Jacky VILLEMIN : "Cette voix donnait l'impression d'émaner d'un homme qui  paraissait avoir du mal à respirer "  -S.I./D.I8O p.11 –Liliane VILLEMIN : "J'avais l'impression qu'il s'agissait d'une voix d'homme..."  -S.I./D.411 p.4 -Paulette JACQUEL : " La voix de l'interlocuteur m'a toujours paru être une voix d'homme, un peu rauque et ressemblant à la voix d'un homme aviné." D'ailleurs, ce n'est pas une femme qui était suspectée par les membres de la famille, mais systématiquement des hommes, Albert et Monique  VILLEMIN ayant soupçonné Pascal VERDU, Michel ayant soupçonné Roger JACQUEL, Roger JACQUEL ayant soupçonné Michel VILLEMIN, Jean-Marie VILLEMIN   ayant soupçonné Roger JACQUEL ou Jacky VILLEMIN, Gilbert VILLEMIN  ayant soupçonné Bernard LAROCHE (S.I./D.584)...  L'hypothèse d'un seul et même corbeau était inepte et ne poursuivait qu'un unique but, celui de centrer les poursuites à l'encontre de Madame Christine VILLEMIN, nul n'ayant oublié les conclusions de certains rapports d'expertise en acoustique ayant été, en leur temps, annulés...  Dans le but de démontrer l'inanité de la thèse du corbeau "unisexe", Madame Christine VILLEMIN avait spontanément consulté à PARIS, le Docteur FAIN, lequel, à la pointe du progrès, maniait déjà, non seulement la technique du sonagramme, dépassée en 1986, mais également l'appareil Voiscope dont l' inventeur (le Professeur Adrien FOURCIN, Professeur de phonétique et de langage, à l'Université de LONDRES) l'avait explicité, lors d'une conférence qu'il donnait à la Fondation ROTHSCHILD à PARIS, le 23 janvier 1986, devant un aéropage d'éminents professeurs agrégés, notamment en O.R.L.    48 Lorsque Madame VILLEMIN, qui avait antérieurement manifesté le désir de passer l'épreuve du " détecteur de mensonges " en cours aux U.S.A., s'est rendue d'elle-même chez le Docteur FAIN, celui-ci s'étant attaché à analyser sa voix, en en étudiant, à l'aide du Voiscope la gamme et la courbe d'électro-laryngologie, en détermina la fréquence moyenne (237 Hertz, c'est à dire 237 vibrations de cordes vocales par seconde, lors de la lecture d'un texte; et 231 Hertz soit une valeur sensiblement équivalente, lors de la lecture d'un texte de comparaison (texte d'une cassette portant l'enregistrement de la voix du corbeau). Cette cassette, lui ayant été confié, le Docteur FAIN, selon le même schéma d'analyse, constata, par l'étude de la voix enregistrée du corbeau, que la fréquence fondamentale moyenne de cette voix, était de 147, la dispersion ou variance étant de 11.28, " qui est très nettement supérieure à la normale".  Il ressortait de cet examen que la voix enregistrée du corbeau était donc bien celle d'un homme, la fréquence fondamentale usuelle de l'homme étant de 110 Hertz plus ou moins 20, alors que la fréquence fondamentale usuelle de la femme se situe aux alentours de 210 Hertz par seconde plus ou moins 20. Malheureusement, nulle conséquence ou demande d'examen complémentaire n'avaient suivi les résultats alors adressés au Magistrat-Instructeur d' EPINAL...   Le S.R.P.J. de NANCY a préféré enquêter auprès des employés de la Manufacture de Confection Vosgienne qui avaient indiqué avoir reçu des appels anonymes émanant d'une femme… suscitant l'idée que puisque Madame Christine VILLEMIN  y travaillait, elle en était forcément l'auteur, puisqu'il s'agissait du même phénomène d'appels anonymes qui sévissaient au cœur de la famille  VILLEMIN !  La police judiciaire aurait dû faire preuve dans une affaire où le déferlement médiatique a été sans précédent, d'une plus grande circonspection, face à ces témoignages, en raison de leur caractère tardif (témoignages ~ recueillis six mois après l'assassinat de l'enfant), du conditionnement de la presse sur les esprits de leurs auteurs, et sur le caractère isolé desdits témoignages par rapport au nombre d'ouvrières de la Manufacture...   Le S.R.P.J. de NANCY a fait fi de toute prudence, laquelle s'imposait dans les proportions les plus larges, à partir du moment où il ne s'agissait que de ; conviction forgée a posteriori de "l'affaire GREGORY" et après les discussions régulières faites de ragots colportés, au sein de cet atelier de couture où régnait un climat de clan (D.652), et ce sans se préoccuper moins du monde du mimétisme testimonial...    49  Or, il lui appartenait d'en relever, ce qu'il n'a pas fait, les invraisemblances et les contradictions qui étaient éclatantes (audition du 3 juillet 1985 devant l'Inspecteur Divisionnaire Hubert KIMMEL du S.R.P.J. DE NANCY, de Nathalie GUIDAT : "Je ne comprends pas pourquoi Isabelle DOUAULT a inventé que j'étais  au courant d'appels anonymes donnés par Christine ".  Et de ne point occulter délibérément la déformation dont elles ont été inconsciemment victimes, par ce qu'elles avaient pu lire ou entendre (audition du 26 juin 1985 devant le même Inspecteur Divisionnaire Hubert KIMMEL, de Madame Marie-José HOUILLON, qui en fait état : " (C'est) au début de l'affaire Grégory (que) j'ai fait la relation entre les appels reçus par les membres de la famille  et dont les journaux parlaient... Je me suis dit qu'il s'agissait du même type d'appels et j'ai soupçonné Christine VILLEMIN."  

    Les seules personnes à avoir véritablement suspecté à l'époque des appels, dont elles se sont plaintes, Madame Christine VILLEMIN, sont Mesdames Monique COLIN et Claudine BOULAY et sur ce point, il n'est pas indifférent de souligner que c'est justement à ces deux personnes que celle-ci a reconnu avoir lancé des appels d'ailleurs silencieux, qui n'avaient pas d'autre but, dans son esprit, que d'entendre téléphoniquement leurs voix, afin de déterminer si elles étaient identiques à celle de la femme qui l'importunait par des communications anonymes sur fond musical de chanson: "Chef, un petit verre on a soif" et "j'ai le mal de toi ", disques que possédait Monique COLIN. (P.V. du 15 septembre 1987 p.2O- Christine VILLEMIN)
    Néanmoins, les indispensables réserves, qui là encore étaient de mise de la part du S.R.P.J., ont fait défaut, grand cas ayant été fait de l'identification de la voix de Christine VILLEMIN étant donné la présence d'un "cheveu sur la langue", et ce alors que Monsieur le Président Maurice SIMON, chargé du supplément d'information, après avoir fait prononcer, devant Monsieur le Procureur Général, la phrase " Ces serpents sifflent sur nos têtes" , n'a pu que constater qu' " il n'est pas observé la présence significative d'un cheveu sur la langue" (S.I./D.12 p.11) Hormis quelques témoignages isolés, recueillis par le S.R.P.J., et dont il a été fait la critique, celui de la contremaîtresse de l'atelier de la Manufacture de Confection Vosgienne, qui avait été auditionnée le 24 juin 1985, semble avoir été délibérément mis de côté, celle-ci qui connaissait toutes ses ouvrières et dès lors la voix de Christine VILLEMIN, a affirmé n'avoir "pas reconnu la voix de cette personne (anonyme) ni fait de rapprochement avec une employée de la M.C.V.I", Madame TOUSSAINT ayant confirmé dans le cadre du supplément d'information (S.I./D.159 p.4) : "Pour répondre à votre question, je n'ai reconnu en aucune manière la voix de Christine VILLEMIN, ni même la voix d'une quelconque 50 personne. Je me souviens seulement d'un bruit de fond. Il y avait des voix d'enfants, paraissant jouer ensemble. "

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    Bruits de fond :

    Ces bruits de fond, dont le S.R.P.J. n'a pas cherché à tenir compte, discernés par Madame TOUSSAINT, éliminaient de la liste des suspects. Madame Christine VILLEMIN qui n'avait pas plusieurs enfants... Aucune attention n'a davantage été portée, lorsqu'elle ou ses conseils opposaient qu'habitant une maison de plain-pied, il n'était pas possible qu'elle soit l'auteur d'appels où l'on entendait des bruits de pas dans l'escalier... alors que, sur un plan général, tous les bruits de fond repérés (bruits de sonnette mécanique: S.1./D.996-Albert VILLEMIN ; bruits de pas dans l'escalier; bruits de cloutage de caisse (voir rapport JONESCO, voir S.1./D.564 p.8 -Gilbert ), voix d'enfant réclamant un nounours, excluaient l'hypothèse que Madame VILLEMIN puisse être le corbeau, puisque chez elle la sonnette était électrique avec un carillon deux tons, que la maison était, comme sus-rappelé, de plain-pied, Madame VILLEMIN ne travaillant pas en outre dans une filature où arrivent par panneaux des caisses à filer qu'il faut assembler au moyen de pointes de 60 qu'on enfonce avec un marteau...
    Contrairement aux fils de Michel VILLEMIN et de Bernard LAROCHE qui jouaient avec un nounours, Grégory ne pouvait être l'enfant entendu, sa voix étant déjà celle d'un petit garçon bien affirmé, ne jouait pas avec un nounours mais avec un petit singe "un kiki " et un petit éléphant.

    Le couple Jean-Marie VILLEMIN avait par ailleurs acquis un appareil à sonnerie carillon (S.1./D.522- Albert VILLEMIN) alors que ce dernier avait détecté un bruit caractéristique " gling", reconnaissable sur d'anciens appareils téléphoniques gris installés en 1979-1980. lorsque le corbeau raccrochait. Le supplément d'information a enfin permis de constater que compte tenu de la rapidité de l'enchaînement de certains appels anonymes, le corbeau avait dû avoir accès à un téléphone à clavier...

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    Sur la possibilité de téléphoner pendant son temps de travail :

    S'il était radicalement impossible, sauf cas d'exceptionnelle urgence, aux employés de la Manufacture de Confection Vosgienne, de téléphoner pendant leur temps de travail, il est résulté qu'à l'entreprise SIPA, les ouvrières travaillant l'après-midi, bénéficiaient d'une pose de trente minutes, celle ci intervenant de façon régulière entre I8h30' et I9h (S.I.ID.909- M.CARLES lequel a même ajouté: " Durant cette pose, il était 51 plus facile pour une personne qui désirait s'absenter de façon illégale, de passer devant le poste du gardien sans être inquiétée car durant le temps de la pose, il était plus naturel de rencontrer des membres du personnel aller et venir dans l'usine. Durant cette pose, une personne qui se serait absentée de façon illégale, pouvait prolonger son absence à la condition qu'elle trouve une complicité pour introduire son badge dans la "pointeuse" à la fin de la journée de "travail, soit 21h."

    Preuve était donc rapportée que s'il n'était pas possible de téléphoner ou de s'absenter de la M.C.V., tel n'était pas le cas pour la Société SIPA. ni pour la société WALTER SElTZ, au nom de laquelle Monsieur STEVENET , P.D.G., a précisé lui aussi que la sortie clandestine de l'usine " était possible à condition
    que la durée n'excède pas quelques minutes "et qu' "il existe une cabine téléphonique à l'angle de la route ...c'est à dire à environ 200 mètres des ateliers de tissage". (S.I.ID.777), sans compter que dans la grande salle du tissage de GRANGES " se trouve le bureau du contremaître-chef disposant d'une cabine accessible à toute personne en ayant besoin... (et qu') " un contrôle systématique des appels était impossible ".
    Pour la Maison ANCEL à GRANGES SI VOLOGNE, où travaillait Bernard LAROCHE, Monsieur LE MARQUIS,
    contremaître-chef, n'a pas caché (S.IID.776) : " Il devait être possible aux ouvriers de quitter l'établissement ANCEL, lorsque ceux-ci travaillaient de nuit... malgré la fermeture des grilles, il pouvait toujours être possible de s'absenter clandestinement de l'usine pendant les heures de travail et ce malgré la présence d'un contremaître. "...

    Ainsi qu'il a été rappelé, si s'est surajoutée l'existence d'un corbeau femme dont le mode opératoire semble avoir été de déplacer un certain nombre de personnes, et la motivation d'avoir pris plutôt pour cible Monsieur Albert VILLEMIN, il paraît acquis que le corbeau menaçant, animé d'une haine atroce, n'a eu pour cible véritable que Jean-Marie VILLEMIN, qu'il jalousait.
    Ce dernier n'ayant fait installer chez lui le téléphone qu'en juillet 1981, les premiers appels anonymes, début 1981, ont dès lors été adressé à Monsieur Albert VILLEMIN et à Madame Monique VILLEMIN, qui étaient fiers de la réussite de leur fils.
    Là encore, force est de constater que Bernard LAROCHE a eu, lui, le téléphone en janvier 1981. (S.I./D.37O p.11- Albert VILLEMIN) Il est clair que le corbeau s'est régulièrement manifesté à partir d'avril 1981, c'est-à-dire en un temps où Jean-Marie VILLEMIN s'installait dans sa maison de LEPANGES, et venait d'être promu contremaître (S.I./D.1003 p.3- Albert VILLEMIN). Seul, Jean-Marie VILLEMIN était visé, et le fait d'ailleurs que Michel VILLEMIN qui s'est plaint d'avoir reçu beaucoup d'appels anonymes, n'en ait pas été victime avant avril 1981, est typique, Michel VILLEMIN ayant pourtant été le premier à avoir le téléphone depuis 1978... (S.I./D.887 p 12- Michel VILLEMIN ).
    Là encore, le vocabulaire employé par le corbeau, qui utilisait régulièrement le mot "Chef" pour désigner Jean-Marie VILLEMIN, est révélateur ("y' a qu'au chef que je vais lui en faire" (transcription de bande enregistrée par Jacky VILLEMIN- appel du 8 mars 1984); " J'espère que tu mourras de chagrin, le chef " (lettre de revendication du crime) ; "J'ai kidnappé le gosse du chef", (appel du 16 octobre 1984 à Michel VILLEMIN))
    Nul, dans la famille, ne disconvient d'ailleurs que c'est à Jean-Marie que le corbeau en voulait... S.I./D.522- Albert VILLEMIN: " J'ai toujours dit que c'est à Jean-Marie qu'on en voulait. Nous, c'était accessoire. En définitive, c'est Jean-Marie qu'il fallait détruire dans notre esprit ou inquiéter". Monique VILLEMIN : "Oui, c'est après Jean-Marie qu'on en avait. D'ailleurs, je le disais à Jean-Marie, je lui disais " Fais attention. Ne laisse pas Christine toute seule. " – " Quand Christine avait pris le parti de coucher chez sa mère lorsque Jean-Marie travaillait de nuit, nous étions plus tranquilles." Comment avoir pu dès lors dévier des explications, conviction de la famille, et motivation du corbeau, alors que Madame Christine VILLEMIN n'avait pas la moindre raison d'en vouloir à son mari qu'elle aimait, et surtout à s'en prendre paradoxalement à son fils, qu'elle adorait ! Jean-Marie et Christine VILLEMIN étaient effrayés par les manifestations et les menaces du corbeau, et c'est d'ailleurs la raison pour laquelle ils avaient pris des dispositions de protection, ayant été, en cela, les seuls à agir de la sorte (pose de barreaux à la fenêtre de la salle de bains devant la porte d'entrée de la maison; mise en place de volets roulants; achat par Jean-Marie VILLEMIN d'une carabine 22 LR , achat par Jean-Marie VILLEMIN pour son épouse d'un pistolet 22 LR qu'elle portait dans son sac, et décision de faire dormir Christine VILLEMIN, lorsque son mari travaillait de nuit, chez Madame CHATEL; appel également à un certain moment à un détective privé ...) ! Il appartenait, là encore, de cerner ceux qui avaient des raisons ou qui avaient manifesté rancœur et jalousie vis-à-vis des époux Jean Marie VILLEMIN, ce qui n'a pas été fait. Il a été démontré, que des individus avaient la possibilité de téléphoner anonymement, ayant par ailleurs des raisons, tant dans la vie conjugale que professionnelle, d'envier la réussite de Jean-Marie VILLEMIN.
    Faut-il rappeler qu’un oncle à Jean Marie VILLEMIN avait dit au moment de la promotion de Jean-Marie VILLEMIN : " Je ne serre pas la main à un chef. Tu es un rampant qui n'a pas de poil sur la poitrine" (S.I./D.282 p.9) et qui a ajouté à son endroit : " Saleté de VILLEMIN tu n'es qu'un chef de mes c. .." (S.I. /D.12O p.2) En outre, Ginette VILLEMIN, se demandait si passé chef, Jean- Marie continuerait à parler au reste de la famille ! Là encore, il n'est pas inintéressant de noter qu’une femme qui ne se plaisait plus dans sa maison à AUMONTZEY depuis 1981-1982, manifestait de la rancœur dans son couple, (S.I./D.1236). S.I./D.1232- Jacqueline VILLEMIN parlant d’une jalousie dans la famille VILLEMIN : " Il faut que je précise que cette jalousie
    à l'égard de Jean-Marie et de sa femme existait déjà avant la mort de Grégory. Elle s'était un peu estompée depuis l'incarcération de Jean- Marie, mes parents ayant cessé de voir leur fils et son épouse."
    Outre les appels féminins de déplacement chez Monique et Albert VILLEMIN d'un certain nombre de personnes, il est manifeste, nul ne pouvant en disconvenir, que le corbeau devait nécessairement avoir une source de renseignements au sein même de la famille.

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    Sur l'impossibilité matérielle pour Mme Christine VILLEMIN d'avoir l'acte effroyable dont elle a été inculpée :  

    Si au terme de l'instruction menée à EPINAL, il a été posé pour postulat que l'enfant, qui a été retrouvé dans la Vologne à 21h15', a été assassiné à 17h15', force est de constater, comme l'a toujours soutenu la Défense, que cette hypothèse est loin d'être rapportée...
    La seule certitude retirée, est que l'enfant est bien mort noyé, sans que l'on n'ait pu, en tout état de cause, conclure s'il avait été noyé dans la Vologne ou dans une quelconque eau, et déposé ensuite dans la Vologne...
    Mais retenir cette dernière éventualité pour le S.R.P.J. eut été manifestement inconciliable avec le fait qu'à compter de 17h32' 41" (disque contrôlographe du car de M. Christian CLAUDON) Madame Christine VILLEMIN ne s'est plus jamais trouvée seule, et n'avait plus la moindre possibilité de se rendre en quelque endroit que ce soit, le long de la Vologne... Dès lors, après en avoir "présumé" l'heure, le S.R.P.J. de NANCY présuma également le lieu du crime, en retenant à partir de constatations dénuées de significations, faites par les gendarmes, un " lieu privilégié " d'immersion.
    Ce faisant, le S.R.P.J. de NANCY n'hésita pas à occulter les éléments naturels excluant irrémédiablement la vraisemblance de son hypothèse Ainsi, ce n'est que la reconstitution organisée dans le cadre du supplément d'information qui a pu révéler 54 dans le dossier l'existence jusque là cachée d'un ru et démontrer l'impossibilité de le traverser les bras chargés d'un fardeau, pour qui aurait voulu de la route rejoindre la Vologne, l'expérience infructueuse tentée par la greffière de la Chambre d'Accusation de l'enjamber sans rien porter, s'étant avérée impossible (S.I/D.I39 p.7)
    Or, si une empreinte de chaussure avait pu, lors des premières constatations, être relevée, il n'avait pas été découvert, à l'époque des faits, de traces de pas d'un adulte, ni de traces de pas d'un enfant, au point où le ru était franchissable ! Pas davantage, n'avaient bien sûr été retrouvé de traces de pas le long de ce ru, qu'il a été, le jour du transport sur les lieux le 15 octobre 1987, indispensable de remonter pour trouver un point de passage.
    A cette première invraisemblance s'ajoutait celle découlant des essais de reconstitution exécutés avec un mannequin, reprenant autant qu'il était possible à l'identique le corps du petit Grégory, tant au regard de la masse volumique de la taille ou que de l'habillement, et qui ont démontré que le corps déposé en ce qu'il a été convenu d'appeler le " lieu privilégié ", ne parvenait pas même jusqu'à la retenue d'eau (le mannequin ayant coulé une première fois après avoir buté sur une branche d'arbre, et une seconde fois naturellement! ) (les autres essais effectués ensuite à titre de simple expérience de travail à partir d'un mannequin ne présentant pas scientifiquement tous les aspects rappelés du premier, n'ayant pas davantage été concluants: en effet si ledit mannequin a réussi à passer la retenue d 'eau, il n'a pas pris la direction du point de découverte de l'enfant et surtout portait ensuite sur lui-même des traces de charriage (traces terreuses-herbes...), toutes traces dont l'enfant était entièrement indemne.
    Si le petit Grégory a été déposé dans la Vologne à DOCELLES, à l'endroit même où il a été découvert, la question qui se pose est de savoir à quelle heure ? Compte tenu de l'existence des maisons ayant une vue directe sur ce lieu (cf. P.V. de reconstitution: à hauteur de la Mairie au rez-de-chaussée et au 1er étage, il y a à chaque niveau sept fenêtres donnant sur le Barba et... face aux marronniers... est édifiée une maison dont les fenêtres ont des rideaux et qui paraît habitée), il est invraisemblable que nul n'ait rien vu, s'il a été déposé de jour !
    Dès lors, faut-il considérer, que la forme de couleur bleue que Madame GUYOT avait aperçue en traversant le PONT BELLEY, vers 17h30', le 16 octobre 1984, était bel et bien un sac poubelle comme d'ailleurs elle-même l'avait considéré (D.22), et non pas le corps de Grégory VILLEMIN, comme l'a laissé croire la première partie de l'information et ce, car cet horaire de 17h30' permettait de retenir que l'enfant avait déjà été jeté dans la Vologne...
    Pourtant il apparaissait évident que si Madame GUYOT avait vu un enfant, elle aurait immédiatement alerté les secours, comme celle-ci l'a d'ailleurs souligné (D.1035) à la P.J., Madame GUYOT n'ayant cessé de répéter qu'il devait s'agit d'un sac poubelle : "Je me permets de vous dire que bien souvent, des sacs poubelles dérivent sur ce cours d'eau" (D.119- 25 octobre 1984) ; et c'est donc très logiquement que lorsque le scellé, renfermant l'anorak porté par Grégory, anorak orné devant et derrière de couleurs marron et verte, lui a été présenté, celle-ci ne l'a pas reconnu, puisqu'elle n'avait aperçu qu' "une masse" bleue" (S.I/D.793) sans discerner de tâche claire ni sur les vêtements ni sur le bonnet et sans discerner non plus ce qui n'aurait pu passer inaperçu: les mains de l'enfant...

    Si le S.R.P.J. de NANCY s'était centré sur l'idée que Madame Christine VILLEMIN avait matériellement la possibilité de commettre le crime en 29 m 57", nécessaires au tracé de l'itinéraire qu'il lui imputait, il ne tenait en revanche aucun compte des allers et venues de Madame Marcelle CLAUDON et de son troupeau de vaches, de la topographie, et de la nécessité pour Madame VILLEMIN d'être rentrée dans sa maison rechercher le bonnet de l'enfant qu'il n'avait pas cette journée-là, et changer de chaussures...
    Les chronométrages à nouveau effectués dans le cadre du supplément d'information, ont permis de confirmer que la folle hypothèse partialement émise par le S.R.P.J. était radicalement impossible.

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    1. Première phase :
    • Madame Christine VILLEMIN étant sortie de la Manufacture de Confection Vosgienne entre 16h52' et 16h53', les chronométrages ont démontré que :
    • le temps requis pour se rendre de la M.C.V. aux H.L.M. GAI CHAMP où Grégory jouait au ballon, pour Christine VILLEMIN d'échanger quelques mots avec Madame Christine JACQUOT, qui dût remonter chez elle, rechercher le petit sac de l'enfant, pour le faire monter en voiture (ouvrir la porte, faire basculer le siège vers l'avant, aider l'enfant à monter à l'arrière) et pour elle-même de reprendre le volant et faire demi-tour, nécessitait. 2 m 6" 88 (S.I./D.I39 p 20)

    • et que plus généralement, pour effectuer le trajet, l'amenant de la Manufacture de Confection Vosgienne aux H.L.M. (temps d'arrêt aux H.L.M. GAICHAMP de 3 minutes) et retour chez elle par la Rue de Bellevue et la Rue des Champs jusqu'à son domicile, nécessitait 7 m1" (S.I./D.I38 p.3)
    • Madame Christine VILLEMIN serait dès lors arrivée chez elle vers 17h1' - cet horaire concordant tout à fait avec les propres déclarations de Madame VILLEMIN et celles des témoins: Madame GRANDIDIER et Monsieur Bernard COLIN.

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    2. Deuxième phase :
    • Arrivée chez elle, les gestes accomplis par Madame Christine VILLEMIN sont les suivants :
    • Elle gara sa voiture dans le garage qui n'était pas tout à fait achevé, fit descendre Grégory de la voiture, prit les affaires de celui-ci et les siennes, ferma la porte à clef, rentra dans la maison, demanda à l'enfant s'il ne devait pas aller aux toilettes, et celui-ci souhaitant jouer dehors, lui ferma son anorak et lui mit son bonnet.

    Sur ce point, la thèse du S.R.P.J. s'est toujours heurtée au fait que l'enfant avait son bonnet sur la tête, alors que dans la journée tous les témoins avaient confirmé que l'enfant n'en était pas revêtu, compte tenu du temps et le bonnet étant resté sur la table de la cuisine dans la maison, il était indispensable en suivant la thèse du S.R.P.J. que Madame VILLEMIN y retourna...
    • Voir Madame Christine JACQUOT : " … Son anorak... il n'avait pas a ma souvenance de bonnet sur " la tête" (Audition à la P.J. du 16/04/85)

    • Voir Madame Paulette DEFRANOUX demeurant aux H.L.M. GAY CHAMP : "... Le 16/10/1984 le petit Grégory était vêtu... je suis formelle il ne portait pas de bonnet" (Audition à la P.J. du 15/5/1985)

    • Voir Madame Claudine BALLAND : " Il portait... Je suis sûre qu'il n'avait rien sur la tête" (Audition du 6/6/1985)

    • Christine VILLEMIN laissa jouer son fils devant la maison et sur ce point, il n'est pas, comme avait voulu le retenir le S.R.P.J., surprenant que Monsieur COLIN ne l'ait pas vu en passant lorsqu'il partait faire sa promenade, dans la mesure où il est constant que Grégory jouait souvent sur le côté de la maison, direction forêt, appréciant particulièrement comme tous les enfants s'amuser dans les excavations (une excavation d'environ 15 m2 et d'une profondeur de 50 à 60cm avait été creusée par un entrepreneur en vue de l'édification d'une pièce supplémentaire que les époux Jean-Marie VILLEMIN destinaient à leur deuxième enfant), là où il y avait également une table contre le mur et aussi un tas d'agloos, dans lesquels il garait ses petites voitures (S.I./P.V. d'interrogatoire de Madame Christine VILLEMIN et de confrontation avec Monsieur Jean-Marie VILLEMIN )
    L'on peut encore regretter que lors du transport au domicile des époux Jean-Marie VILLEMIN par le Juge d'Instruction LAMBERT et le Procureur de la République d'EPINAL, aucun procès-verbal n'ait été établi, faisant mention de ces éléments, et ce alors que la question avait bel et bien été évoquée  (S.I./D.718 p.7 : Monsieur VILLEMIN : " Le Procureur m'a demandé si c'était bien là que le petit jouait car il y avait du sable. Je lui ai répondu que c'était bien là mais que Grégory jouait aussi sur le côté dans les agloos. D'ailleurs dans les agloos il y avait encore des petites voitures de notre petit garçon."

    C'était après avoir ôté les baskets qu'elle portait dans la journée, pour chausser des espadrilles et allumer sa chaîne hifi que Madame Christine VILLEMIN se rendit dans une pièce à l'opposé de la maison, où l'attendait son linge à repasser. Si ce fait là avait été mis en doute par le S.R.P.J. de NANCY, contre certains témoignages existants, le supplément d'information a confirmé l'existence de ce repassage :
    • Madame Christine JACQUOT: (S.I./D.I33). Laquelle rapportait qu'en venant chercher Grégory, Christine VILLEMIN lui avait dit avoir " un gros repassage à faire"

    • Ginette VILLEMIN qui a déclaré que le soir du crime, elle avait vu dans la pièce du fond du pavillon de Jean-Marie, du linge repassé.

    • Monsieur Michel VILLEMIN répondant au Président chargé du d'information (S.I./D.887): "... Je me souviens que ma mère a vu du linge repassé, elle me l'a dit. "

    • Le Capitaine SESMAT (S.I. /D.80) et le gendarme HENRY (S.I./D.133): ayant confirmé avoir vu une pile de linge repassé

    C'est après avoir repassé ce qu'il est usuel d'appeler " le blanc" que commençant le linge de Grégory, Madame Christine VILLEMIN songea à le faire rentrer." 58

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    3. Troisième phase :
    Pour déterminer l'heure à laquelle elle sortit de chez elle pour appeler son fils, Christine VILLEMIN précisa qu'elle avait consulté l'heure au programmateur de chauffage, qui marquait 17h30' (ce qui compte tenu du décalage horaire de 7 à 8 minutes pour coller à l'horaire de la M.C.V. faisait 17h23')

    Cet horaire n'a nullement été infirmé par le chronométrage du parcours effectué par Monsieur Bernard COLIN : lequel, démarrant sa promenade à 17h, passa devant la maison des époux Jean-Marie VILLEMIN, suivit le chemin en lisière de forêt, traversant même certains lieux boisés et ce jusqu'à une cabane, à laquelle il fit demi-tour pour revenir sur ses pas, jusqu'à ce qu'il soit interpellé par Monsieur Gilbert MELINE, qui lui demanda d'inviter son épouse Colette MELINE à lui dire si elle n'avait pas vu Grégory :
    • Le chronométrage de ce parcours étant de 28m 8 "24 (S.I./D.I46 p.5 il peut en être déduit que Monsieur COLIN se trouva à hauteur de la maison de Monsieur MELINE à 17h 28' 8".

    Or, il est à noter que Madame était d'ores et déjà sortie de chez elle, ayant déjà accompli un certain nombre de recherches lorsqu'elle n'avait pas retrouvé son petit garçon dehors :
    • Elle l'avait appelé à plusieurs reprises, était allée du côté gauche de la maison où se trouvaient les agloos et l'excavation où aimait jouer l'enfant, l'avait appelé à nouveau puis étant rentrée dans la maison, espérant le trouver dans sa chambre, elle l'avait recherché dans toutes les pièces, puis ressortie et apercevant Monsieur Gilbert MELINE lui avait demandé s'il n'avait pas vu son fils. C'est ensuite qu'elle était montée jusqu'à son niveau, au virage, afin de savoir si Grégory n'était pas allé dans sa maison, et c'est alors seulement que Monsieur Bernard COLIN, arrivant et se trouvant à la hauteur de chez lui, Monsieur Gilbert MELINE l'invita à interroger son épouse.

    Cet horaire concorde également avec les faits et gestes de Madame Marcelle CLAUDON : Laquelle, lorsque Monsieur MELINE par l'intermédiaire de Bernard COLIN, demandait à sa femme si le petit Grégory n'était pas chez lui, remontait de sa pâture avec son troupeau de vaches en direction de la ferme.

    Or, sachant que Madame CLAUDON a toujours indiqué avoir quitté sa ferme en direction de la pâture, rentrant de son champ 59 de carottes à 17h15' (heure contrôlée sur sa montre, alors qu'elle était particulièrement en retard ce jour-là) et sachant que le chronométrage (S.I./D.146 p 12) a déterminé un temps de 2 m 6" 56 pour se rendre de la ferme à la pâture, l'arrivée de Madame CLAUDON dans sa pâture peut être située à 17h17' 6" 56 .
    Considérant en outre que Madame CLAUDON met 12 m.3" 58 , pour mener son troupeau de vaches de la pâture à la ferme, l'heure à laquelle elle a quitté sa pâture peut être déterminée en faisant la soustraction du temps nécessaire de parcours (12 m.3"58) à l'heure à laquelle elle fut de retour à la ferme avec son troupeau (17h32' 41" par référence au disque contrôlographe) soit: 17h 32' 41' -12m 3" 58 = 17h20' 1" (c'est d'ailleurs l'heure qu'avait donnée Mme CLAUDON lorsqu'elle avait été auditionnée le 11 décembre 1984 : 17h20)
    Compte tenu des déclarations et des chronométrages du temps passé par Madame CLAUDON, qui dispose de repères horaires fixes, le temps dont aurait pu disposer Christine VILLEMIN pour effectuer un périple meurtrier devait être, ce qui n'a pas été fait par le S.R.P.J., diminue d'autant, puisque quittant sa pâture à 17h20' 1" et remontant devant la maison des époux VILLEMIN, Madame CLAUDON avait rencontré Madame Christine VILLEMIN.

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    4. Quatrième phase :

    Après avoir interrogé cette dernière et recherché une dernière fois Grégory chez elle et ce dans l'hypothèse où il se serait caché. Madame VILLEMIN sortit sa voiture et ce alors que les vaches défilaient, et descendit par la voie rapide afin de vérifier si Grégory n'était pas reparti vers les H.L.M. C'est alors qu'ayant interrogé sans succès Madame JACQUOT, Christine passa par la rue de la Croisette puis la Rue de la Mairie afin de vérifier si Grégory n'était pas allé chez son petit camarade PARlSSE, contourna la maison située face à la poste pour faire demi-tour, et revint par la Rue de la Ferronerie et la voie l'amenant à passer devant la ferme CLAUDON où elle fut bloquée quelques secondes par les vaches. Il est constant que Christian CLAUDON a aperçu Christine VILLEMIN, en descendant de son car, à bord de sa R.5 arrêtée par le troupeau de vaches, et que l'heure peut être déterminée avec certitude par l'examen du disque contrôlographe de son car de ramassage scolaire, dont l'expertise a révélé qu'il était en parfait état de fonctionnement : - il était 17h32' 41"

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    En conclusion :

    Pour déterminer le laps de temps dont Madame Christine VILLEMIN aurait pu disposer pour accomplir l'acte innommable dont on l'a injustement inculpée, conscience prise que Madame CLAUDON, arrivée dans sa pâture à 17h17' 6", se trouvait sur le chemin des Champs entre 17h15' et 17h17', en des lieux où, compte tenu de la topographie, aucune voiture ne peut monter du village jusqu'à la maison sans être vu, le chemin des Champs dominant le paysage (D.368- Madame CLAUDON);
    P.V. Me BURCK du 14/11/85), il eut fallu que Christine VILLEMIN, partie au mieux à 17hO3'(compte tenu de la nécessité de passer chez elle prendre le bonnet de Grégory), fut rentrée pour ne pas être vue par Madame CLAUDON, avant 17H 15', c'est-à-dire qu'elle n'aurait bénéficié pour aller tuer son enfant qu'elle adorait, d'un créneau horaire inférieur à un quart  d'heure. ... Or, le procès-verbal de transport sur les lieux du 25 juillet 1988 (S.I./D.5 ayant envisagé cinq trajets, nécessitant pour les parcourir dans des conditions optimales 18m.6", 17m.13", 19m11'', 18m 45", force est de conclure qu'il était radicalement impossible à Madame Christine d'effectuer ce parcours invraisemblable.
    Enfin, il est constant que le 16 octobre 1984, Madame CLAUDON avait du retard pour rentrer son troupeau, retard qui aurait amené Madame Christine VILLEMIN qui ne pouvait le prévoir, à réduire encore davantage le créneau horaire dont elle aurait pu disposer, pour éviter d'être bloquée sur la route du
    haut par le troupeau et sur la route du bas par la Méhari de Monsieur Jean Louis CLAUDON, positionnée en travers de la route (comment aurait-elle pu encore deviner que ce soir là, ce ne serait pas Monsieur Jean-Louis CLAUDON qui l'amènerait à la pâture, mais Monsieur Claude COLIN alors qu'il a fallu sept années d'information pour l'apprendre !) Dès lors, il est définitivement démontré que Madame Christine VILLEMIN, même dans l'hypothèse émise par le S.R.P.J., n'avait pas le temps nécessaire d'effectuer le parcours qui lui a été imputé, sans compter, au surplus, que l'expertise des Professeurs MARIN et GISSELMANN n'a pas exclu l'hypothèse d'une mort de l'enfant assez proche de l'heure de sa découverte (21h15'), Madame Christine VILLEMIN ne pouvant avoir eu le moindre rôle, alors qu'à compter de 17h32' 41" (heure du disque contrôlographe) celle-ci a regagné son domicile où l'ont rejointe tous les membres de sa famille! (S.I./D.375 p.I8)

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    L’absence de mobile :

    Aucun mobile n'ayant jamais pu être trouvé à l'acte monstrueux dont le Juge LAMBERT l'avait injustement inculpée, il semble même que l'information ait tenté de vouloir discerner dans les expertises psychiatriques et médico- psychologiques un mobile qui faisait si cruellement défaut ! Il est en effet surprenant de constater qu'inculpée le 5 juillet 1985 par le Juge LAMBERT, celui-ci ait, sans perdre de temps, désigné des experts, afin de l'examiner à la Maison d'Arrêt et ce avant même la date de l'audience de plaidoirie fixée pour sa mise en liberté devant la Chambre d'Accusation de la Cour d'Appel de NANCY, dix jours plus tard, le 15 juillet 1985 ! Si Madame VILLEMIN fut dès lors "expertisée" pendant ses onze jours de détention par les experts, Monsieur DUBEC et Madame SCHWE1CH, il faut déplorer amèrement que Bernard LAROCHE, qui, lui, a été détenu pendant plusieurs mois, n'ait à aucun moment été l'objet d'une expertise psychiatrique ou médico-psychologique..., ce qui faisait dire Madame Christine VILLEMIN au Président Maurice SIMON, chargé du supplément d'information (S.I./D.718 p 18 ): "Le fait qui a consisté pour Monsieur LAMBERT à désigner onze experts psychiatriques pour m'examiner, je me demande si on ne voulait pas arriver à démontrer que j'étais folle et donc irresponsable. Dans quel but ? Je me le demande bien... j'ai l'impression qu'il y avait une véritable volonté de vouloir faire connaître à l'opinion publique que je n'étais pas une femme normale"...
    Le mobile certain de ce terrible assassinat réside, comme il l'a été sus exposé dans une jalousie inexpiable, le corbeau s'étant manifesté de 1981, date à laquelle Jean-Marie VILLEMIN était passé contremaître et s'installait dans sa maison, jusqu'en 1984, époque où Jean-Marie VILLEMIN, déjà père d'un magnifique enfant, envisageait d'en avoir un second, lui préparant sa chambre en agrandissant sa maison, et s'étant en outre acheté un salon de cuir de qualité. Quel paradoxe dès lors d'avoir pu envisager que Christine VILLEMIN qui était la maman du petit Grégory, qui vivait dans la maison de LEPANGES qui lui appartenait en commun avec son époux, aurait pu détruire son propre enfant qu'elle avait porté et qu'elle aimait ! Madame VILLEMIN n'ayant par
    ailleurs la moindre raison de jalouser son mari dont elle partageait les fruits de la réussite professionnelle, et qu'elle aimait, vivant avec lui, à l'aise financièrement, dans un joli pavillon, confortablement meublé, sur les hauts de LEPANGES, où Jean-Marie VILLEMIN et elle avait décidé délibérément de construire, ayant pris plaisir à venir s'y promener lorsqu'elle attendait son enfant...

    Il n'y a qu'à se reporter à la cote D.12 du supplément d'information : " Je me plaisais dans les Vosges, il y a la nature, les forets, j'avais un travail qui me plaisait, qui n'était pas très difficile, je n'avais pas envie de vivre ailleurs. ..." – S.I. "Oui, je suis très amoureuse de mon mari. On est amoureux de ceux qu'on aime. Mon mari est lui aussi très amoureux de moi. Entre nous deux, ce fut un mariage d'amour. Je ne doute pas de la fidélité de mon mari, je lui ai été aussi parfaitement fidèle, je lui serai toujours fidèle jusqu'à ce qu'il sorte et même après... encore plus après."
    Il est certain que Madame Christine VILLEMIN et son mari, qui l'a soutenue dans l'épreuve insupportable qu'elle a subie, sont épris l'un de l'autre, et se vouent un amour réciproque, ce qu'a confirmé ce dernier : S.I./D.I5 : " Vous me demandez si j'ai fait un mariage d'amour, pour moi cela a été l'amour avant notre mariage, l'amour pendant notre mariage. Il est plus fort que jamais car avec ce qui nous est arrivé, nous nous sommes soudés."
    Nul n'a pas pu mettre en doute ou douter de cette entente remarquable du couple, chacun ayant confirmé que Madame VILLEMIN était une femme sérieuse et fidèle : S.I./D.283 –Monique VILLEMIN : " J'ai eu l'impression que Jean-Marie et Christine étaient très amoureux l'un de l'autre. C'est une impression qui a été durable et qui persiste dans mon esprit. " S.I./D.I79- Jacky VILLEMIN : " A mon avis, Jean-Marie et Christine étaient très amoureux l'un de l'autre".

    S.I./D.IBO- Liliane VILLEMIN : " Ils constituaient un couple dont la tendresse réciproque était visible. Je les ai vus se tenir par la main. J'ai vu Jean-Marie prendre sa femme sur ses genoux, leur tendresse était visible " S.I/D.3I3- Jacqueline VILLEMIN : " Jean-Marie et sa femme donnaient l'apparence d'un couple uni. Ils n'affichaient pas leurs sentiments en public. Je pense qu'ils réservaient à leur intimité la tendresse qu'ils avaient l'un pour l'autre et quand un couple s'entend bien, cela se sent." S.I./D.3I2 p.2- Bernard NOEL : " Le couple s'entendait manifestement bien -cela se sentait... Voir vivre un couple pendant toute une semaine permet de prendre la mesure exacte de son entente et cette entente était évidente " S.I./D.IB2- Gilbert VILLEMIN : " J'ai toujours eu le sentiment avant le drame que Jean-Marie et sa femme s'aimaient réciproquement beaucoup. Pour moi, ils constituaient un couple uni."
    S.I./D.I34 p.2 -Martial DAVIDE : " Pour les avoir vus bien souvent, je peux vous dire que c'était un couple qui donnait l'impression de s'entendre très bien." Comment dès lors avoir pu oser soutenir que Christine VILLEMIN aurait pu immoler son fils, qui était sa chair, pour se venger d'un mari qu'elle aimait ? Comment avoir pu oser soutenir qu'elle aurait pu sacrifier son bel enfant, très avancé pour son âge, qui laissait exploser sa joie de vivre (les photos sont saisissantes à cet égard) alors qu'elle l'entretenait remarquablement, le soignait, le gâtait, et l'entourait de son amour maternel... Interrogée lors du supplément d'information, Madame Christine VILLEMIN répondait : " Vous me demandez quel était le sentiment qui venait à l'esprit quand je voyais Grégory. C'est tout simple, j'avais immédiatement envie de l'embrasser; d'ailleurs, quand je me déplaçais dans la maison, j'avais 63 immédiatement envie de l'embrasser; souvent je lui donnais un baiser au passage. "

    Madame Christine VILLEMIN a vécu, par l'assassinat de son fils, le plus grand malheur qui soit, à la suite duquel sa douleur a été intense. Alors que certains n'ont pas hésité à soutenir qu'elle serait allée chez le coiffeur le matin des obsèques de son fils, tous ceux qui l'ont approchée, tant au moment de l'enlèvement, de la découverte du corps, que des obsèques, ou lors du calvaire qui a suivi, qu'ils soient gendarmes ou magistrats, ou membres de la famille, ont été unanimes :
    -lorsqu'elle a constaté la disparition de son fils : S.I/D.451 -Monsieur LACHAUSSEE, gendarme : " L'appel de Madame Christine VILLEMIN était celui d'une femme au comble de l'affolement et totalement en détresse. "
    Lorsqu'elle a appris l'enlèvement: S.I/D.I5 p 20- Jean-Marie : " Elle était tout en pleurs, décomposée. " S.I/D.312 p 7 - Bernard NOEL : " Christine était présente chez elle, en larmes, bouleversée," effondrée. On ne peut pas trouver de mots assez grands pour décrire la scène. Je me rappelle que dans ses larmes, Christine m'a dit à peu près ceci: " Tu te rends compte, Bernard, on m'a pris mon titi." " S.I/D.283 pIS -Monique VILLEMIN : " J'ai pu constater l'effroi de Christine et de Jean-Marie. Christine espérait toujours qu'on allait retrouver son enfant, qu'on l'avait peut-être simplement enlevé."
    -lors de la découverte de Grégory : S.I./D.I5 p.23 -Jean-Marie VILLEMIN: " Christine était dans le couloir, sur ses fesses, elle s'est évanouie... Je me suis précipitée sur Christine, je me tapais la tête contre le crépi. Nous nous sommes enlacés par terre, désespérés. Elle me disait: pourquoi nounours, pourquoi " nounours ? "

    S.I./D.788- M. Jean-Jacques LECOMTE, Procureur de la République d'EPINAL, lequel a eu: " le sentiment de me trouver en présence d'un homme et d'une femme dont l'accablement et la détresse me paraissaient sincère. Je n'ai pas eu le moins du monde l'impression de simulation chez l'un ou l'autre".

    -dans les jours qui ont suivi, et lors de la mise en bière : S.I/D.I5 p 8- Jean-Marie VILLLEMIN : " Après la mort de Grégory, ce qui m'avait frappé, c'est que Christine ne s'endormait jamais sans prendre auprès d'elle son petit éléphant bleu en peluche rembourré. Il avait aussi un petit kiki mais il l'a avec lui dans son cercueil. C'est Christine qui a voulu que l'on mette le kiki près de l'enfant lors de la mise en bière". 
    -le jour des obsèques : Madame Christine VILLEMIN s'évanouit au moment on allait descendre le cercueil de Grégory dans le caveau : S.I/D.84- Jean Marie VILLEMIN S.I./D.I83 -Monique VILLEMIN S.I/D.I53 -Monsieur CLAUDEL, Maire de LEPANGES :" Elle s'est effondrée." S.I/D.4I3- M.LAMIRAND Gendarme : " Pendant ce transport (chez le médecin), Madame VILLEMIN était une femme anéantie"
    -le Dimanche suivant les obsèques: S.I/D.222 -Mme THIRIET, Directrice de l'Ecole Maternelle : "Je revois Christine VILLEMIN hagarde, déchirée, regardantles enfants avancer dans l'allée de l'Eglise, c'était saisissant "
    -dans les temps qui ont suivi et lorsque les époux ont vécu chez les Albert VILLEMIN : S.I./D.328- p.7 -Lionel : " Ils avaient du chagrin l'un et l'autre, et je me rappelle que Christine avait toujours les yeux rouges. Il est sûr qu'elle était triste." S.I/D.I34- p.6 - Martial DAVIDE : " Vous me demandez quelle impression ils donnaient, je vous réponds: on aurait dit deux gosses paumés. Jean-Marie a essayé de reprendre le boulot mais il n'a pu tenir. C'est lui qui a essayé le plus de mieux résister mais je répète, ils étaient paumés tous les deux."
    -lors même du supplément d'information et ce à de très nombreuses reprises Monsieur le Président Maurice SIMON, chargé de ce supplément d'information, a dû faire état de l'émotion de Madame VILLEMIN, mentionnant entre autres, lors de la notification des expertises des Professeurs MARIN et GISELMANN que : " Madame semble paralysée (S.I./D.I67 p2), celle-ci " précisant " Tout ce qui s'y trouve décrit me fait terriblement mal à entendre. Revoir tout cela, c'est dur"

    Anéantie par la disparition de son enfant, révoltée par les suspicions du S.R.P.J. et l'inculpation dont elle a été injustement l'objet, contre les réquisitions du Parquet d'ÉPINAL, écœurée par l'arrêt de la Chambre d'Accusation de la Cour d'appel de NANCY, qui l'a renvoyée devant la Cour d'Assises et qui a été cassé par la Cour de Cassation, il appartient aujourd'hui à la Chambre d'Accusation de DIJON, par la motivation de son arrêt, de lui rendre l'honneur que la Justice lui a retiré...
    Et ce, alors, qu'outre les impossibilités démontrées, il est apparu qu'aucun des membres de la famille n'a jamais le moins du monde cru qu'elle ait pu faire le moindre mal à son fils : - Albert : " Non, je ne crois pas qu'elle est coupable" (S.I./D.II59 p 3)
    -Jacqueline VILLEMIN : " Je ne crois pas _que Christine ait pu assassiner son enfant." (S.I/D.313 p.11)
    -Bernard NOEL : " Vous pouvez noter. Je n'hésite absolument pas. c'est pour moi totalement impossible. Toute la vie de couple de Jean-Marie et de Christine, tout leur comportement avec un petit enfant qu'ils adoraient, qu'ils choyaient et qu'ils gâtaient, que sa mère habillait avec soin, traitait avec amour et gentillesse, tout cela s'inscrit en faux contre cette hypothèse folle, qu'après avoir mis au monde un enfant et l'avoir aimé comme elle l'a aimé, une mère puisse le tuer avec une pareille sauvagerie, alors qu'il n'existait au sein de son ménage aucun conflit, aucune crise, c'est totalement inimaginable." (S.I/D.312)
    -Marie-Christine VILLEMIN : " Cela me parait totalement impensable" (S.I/D.I83)
    -Lionel VILLEMIN : " Je n'ai pas pensé que Christine ait pu tuer son enfant. D'abord, elle aimait bien son enfant et puis pour une mère tuer son enfant il faut un sacré caractère. C'est quand même gros. " (S.I/D.328)
    -Madame PARISSE : " Pour moi, il me paraît impensable que Christine VILLEMIN ait tué son enfant. D'ailleurs, je l'ai toujours pensé et je l'ai toujours dit. " (S. I. ID. 219 p 4)
    -Madame Albert JACOB : "Alors je vous dis ma conviction absolue que Christine ne peut pas être l'assassin de son fils. " (S.I.ID.341)
    -Monsieur Albert JACOB : " Vous me demandez si à mon avis, Christine peut être la meurtrière de son enfant. C'est là une question terrible mais moi - je ne le pense pas. " (S.IID.740 p 2)
    En conclusion, il a été démontré et il est demandé à la Chambre d'Accusation de le motiver dans son arrêt, que Madame Christine VILLEMIN :
    -n'a pu être le corbeau téléphonique
    -n'a pu matériellement effectuer le parcours insensé qui lui avait été prêté pour aller noyer son enfant
    -n'avait pas le moindre mobile d'accomplir un tel acte sur Grégory, dont elle ne consolera jamais de la disparition

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    Conclusion :

    Le signataire du présent mémoire qui assure la défense de Jean-Marie et Christine VILLEMIN a personnellement vécu, ayant été désigné dans la semaine qui a suivi ce crime innommable, les différentes étapes de cette affaire et il en est, à son niveau, la mémoire.
    La marche au désastre a été conduite par un Juge d'Instruction que la FRANCE entière a pu voir à la télévision présenter son ouvrage "Le Petit Juge"devenu un best-seller. Son nom a été évoqué à l'Assemblée Nationale et a été lié à une réforme du Code de Procédure Pénale communément appelée la "réforme LAMBERT" tant son action a été nocive, faisant litière du devoir de réserve lié normalement à son état, il a, par médias interposées, contribué à alimenter un véritable climat de folie.
    Il a suivi la voie qui lui a été tracée par le S.R.P.J. dont l'objectif, par tous les moyens, était de remettre en cause le travail de la Gendarmerie et il plaçait en prison le 5 juillet 1985 une mère innocente en l'inculpant du plus terrible des crimes. Il la volontairement ignoré les requêtes de la Défense qui, légitimement lassé dû, comme l'a relevé la Chambre d'Accusation, déposer plainte contre Murielle BOLLE. De son côté le S.R.P.J. de NANCY, captivé dans le rapport de synthèse de son Chef par CHARLEMAGNE et la terre giboyeuse de la Vologne, a construit la folle hypothèse de la mère assassin de son enfant.
    Le père de Grégory n'a pu résister à cette pression conjuguée et, victime d'un véritable cataclysme psychologique, a tué le 29 mars 1985 l'assassin de son enfant dont les complices ou les co-auteurs doivent être découverts et justes sanctionnés. Heureusement il y a eu quand même de grands Juges. La Cour de Cassation le 17 mars 1987 a redressé la barre en cassant et annulant l'arrêt du 9 décembre 1986 et la Chambre d'Accusation, grâce à son supplément d'information et à son Président, a mis à néant l'erreur judiciaire que j'ai personnellement vue, demeurant impuissant, se construire.
    Patiemment, grâce aussi à l'action de Monsieur le Procureur Général ESTRANGI qui a suivi les auditions et les différents transports sur les lieux, le supplément d'information a apporté la preuve de l'innocence de la mère.
    C'est pourquoi nous demandons respectueusement à la Chambre d'Accusation de rendre en faveur de Christine VILLEMIN un arrêt de non-lieu qui, rappelant tout le calvaire judiciaire qu'elle a subi et les causes de celui-ci, ainsi que la responsabilité de leurs auteurs, sera un arrêt de réhabilitation et en outre d'ordonner la poursuite de l'information en procèdent aux inculpations nouvelles qui s'imposent ainsi que cela a été antérieurement développé dans des mémoires régulièrement déposés.  

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  • M et Mme Jean-Marie et Christine VILLEMIN, accompagnés de Mie Laurence LACOUR, journaliste, et M. Laurent BECCARIA, éditeur – rapport du sénat, juin 1994.


    LARCHÉ, Président.- Mes chers collègues, nous abordons la dernière phase de nos travaux. Je pense que chacun en a ressenti à la fois l'aspect contradictoire, la complexité et la richesse. Nous accueillons M. et Mme Villemin, et je voudrais leur dire que nous savons les épreuves qu'ils ont vécues ; ils en déduisent le climat dans lequel nous les recevons. Je leur dis, pour que les choses soient très claires, que nous avons au Sénat -et singulièrement au sein de la commission des lois- avec mes collègues ici présents, le souci de comprendre et, à partir de la compréhension, de cheminer, autant que faire se peut, vers des solutions qui seraient telles que des erreurs du passé ne se renouvellent pas. Voilà le climat dans lequel nous vous accueillons, en toute liberté et en toute considération. Vous avez demandé à être accompagnés de personnes qui vous ont aidés dans le cheminement qui a été le vôtre. Je vous laisse donc le soin de nous dire ce que vous souhaitez nous dire...

    Mme VILLEMIN - Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les sénateurs, mon mari et moi sommes très honorés de participer à une audition de cette importance, sur des thèmes qui ont bouleversé notre existence depuis dix ans. Nous vous remercions de bien vouloir nous entendre. Si nous avons accepté cette invitation, ce n'est pas pour plaider notre cause ou pour raconter notre histoire, mais pour que notre expérience douloureuse de dix années dans le monde judiciaire permette d'éviter le renouvellement d'autres désastres d'une même ampleur. Mais, pour nous et pour le premier inculpé de notre affaire, il est trop tard. Notre souhait est que l'incompétence professionnelle que nous avons connue en Lorraine de 1984 à 1990, les erreurs de procédure, les violations du secret de l'instruction, l'acharnement des enquêteurs, de certains avocats etsurtout des médias, soient analysés en détail, pour que l'institutionjudiciaire et la presse prennent enfin conscience des modifications à apporter aux défaillances de chacun des systèmes concernés. Avant toute chose, nous voudrions dire que les victimes sont en droit d'attendre de la justice -procureur ou magistrat instructeur- ce que nous n'avons pas connu : le respect de leur douleur, une écoute, un réconfort et une information sur leurs droits. Pour notre part, nous avons appris une semaine après notre drame, et par des journalistes, ce que signifiait "se constituer partie civile". Puis, nous avons dû attendre trois ans, avec le renvoi des dossiers devant la cour d'appel de Dijon, pour connaître une justice humaine et respectueuse des droits desjusticiables. Je vais vous parler de notre expérience au travers des deux grands thèmes abordés lors de cette audition : la violation du secret de l'instruction etla présomption d'innocence... L'article 11 du code de procédure pénale sur le secret de l'instruction n'est pas appliqué, et ce au détriment des justiciables, simples témoins ou mis en examen. Au cours de nos procédures et surtout pendant la première instruction à Epinal, nous avons constaté que ni les policiers, ni le juge, ni les experts, ni les avocats n'ontrespecté le secret de l'instruction. Le code prévoit des sanctions, voire des peines de prison, pour ceux qui participent à une enquête et violent cet article. Or, c'est nous et nous seuls qui en avons supporté les conséquences ! Nous voudrions citer quelques exemples... Le juge Lambert a donné des interviews à la télévision, à la radio, dans l' presse écrite ; il a reçu beaucoup de journalistes et ne cachait pas ses intimes convictions successives. Pire encore à nos yeux, il a laissé se développer des campagnes de presse avec de faux éléments, tout en nous affirmant qu'il ne pouvait rien faire pour nous et que, de toutes façons, la plupart des journalistes racontaient n'importe quoi. Comment un juge d'instruction peut-il faire devant une partie un tel aveu d'impuissance ? Plus tard, nous avons retrouvé dans la presse le contenu de notre courrier qui passait entre ses mains, contenu souvent déformé et retourné contre moi. Or, ces lettres méritaient le secret. Comment comprendre qu'un directeur d'enquête laisse se répandre des documents de cette nature, mais aussi des mensonges ou des affabulations, sachant qu'ils ne correspondent pas au fond de son dossier ? Pourquoi la chambre d'accusation n'a-t-elle pas aidé le juge Lambert à mieux tenir son dossier ? Pourquoi n'a-t-il pas été sanctionné pour ses violations répétées du secret de l'instruction ? Pourquoi ses pairs ne l'ont-ils pas dessaisi après un an d'instruction chaotique, deux inculpations successives, des décisions contradictoires et un drame dansle drame ? Les policiers du SRPJ de Nancy se sont servis des médias contre moi. Pendant un an, France-Soir a publié le compte rendu des activités quotidiennes de la police judiciaire. RTL, de son côté, relayait avec insistance lesréflexions et les soupçons des enquêteurs. Tout était toujours dirigé contre moi et les autres journaux, les radios et les télévisions n'avaient pas d'autres sources d'information. Tous les moyens étaient bons, comme la divulgation des auditions avant que les témoins en soient officiellement informés. Avant son interrogatoire, la nourrice de Grégory était présentée dans la presse comme un "témoin-clé" à charge contre moi, ce qu'elle n'a jamais été. Nos voisins ontsubi lemême traitement avant leur propre audition. L'enquête s'est déroulée pendant plus d'un an dans ce climat de mise en condition. Plusieurs jours avant une perquisition à notre domicile, France-Soir et le Parisien Libéré annonçaient que la police étaitsurle point de trouver -je cite- "la preuve matérielle" -France-Soir du 20 avril 1985- qui manquait à son enquête, "cette preuve qui fera tout basculer" écrivait le Parisien Libéré, le même jour. Alors, comment ne pas s'étonner de la découverte, le 25 avril 1985, dans notre maison, de cordelettes identiques à celles qui liaient notre enfant et qui ont déclenché mon inculpation pour l'assassinat de celui-ci ? Les policiers donnaient à la presse le contenu de mes conversations téléphoniques, puisque j'étais sur écoutes dans le cadre de l'enquête sur la mort du premier inculpé. Ainsi, par exemple, au cours de ma grossesse, mes contacts médicaux étaient-ils divulgués et commentés avec malveillance. Leur rapport de synthèse était détaillé dans le Figaro du 24 juin 1985, c'est-à-dire avant d'être déposé sur le bureau du juge, et 11 jours avant mon inculpation. Pourquoi le parquet général de Nancy, le procureur de la République d'Epinal, la Chancellerie ou le ministère de l'Intérieur ne sont-ils pas intervenus pour qu'on cesse de mettre cette enquête et notre vie privée tous lesjourssur la place publique ? Nous constatons, dix ans après, que les policiers n'ontjamais été sanctionnés. Dans notre affaire, les experts ont beaucoup compté, surtout les experts en écriture : les deux premiers rapports ont été annulés pour vices de forme. Au lendemain d'une dictée supervisée par les deux nouveaux experts, un avocat du premier inculpé a confié à un journaliste : "Quand ça va sortir, ça fera un grand boum !". Cela nous a été rapporté aussitôt, alors que les rapports n'étaient pas rédigés, ni bien sûr déposés ! Deux mois plus tard, j'ai entendu, un dimanche, sur RTL, que les experts en écriture me désignaient comme l'auteur de la lettre qui revendiquait l'assassinat de notre petit garçon, alors que ce rapport n'était même pas notifié aux parties. J'étais alors enceinte et j'ai dû être hospitalisée quelques heures plus tard. J'attendais des jumeaux etj'ai perdu l'un d'eux. Le jour de la notification, qui m'a été faite sur mon lit d'hôpital, l'un des deux experts s'est permis de confirmer publiquement que j'étais bien en tête de leur liste, précisant qu'elle était-je cite- "sûre d'elle, mais que l'on n'estjamais assez sûr !". Ces propos ont été diffusés tels quelssur RTL. Notre avocat aurait pu faire annuler cette expertise, mais nous avions encore confiance en la justice, en d'autres expertises, et nous ne voulions pas nous attaquer directement a une auxiliaire de justice. Nous étions naïfs. Un avocat peut-il s'écarter du droit pour innocenter son client ? On peut se poser la question sachant que, dans notre affaire, les avocats du premier inculpé ont lancé, dès son inculpation, des rumeurs vers moi. Par exemple, ils ont dit que la mort de notre enfant était un accident maquillé en crime, que cet accident était survenu alors que j'étais avec un amant, que j'avais fait une ou plusieurs fugues de 15 jours dans le Midi et que Grégory n'étais pas le fils de Jean-Marie. Tout cela était faux; Ces mêmes avocats ont diffusé à la même époque, dans les rédactions, un mémoire intitulé : "Les invraisemblances et les contradictions de la partie civile", ne tenant pas compte des points vérifiés au moment de la diffusion de ce document. Ils se sont braqués contre la coloration politique de notre avocat, alors que ses idées n'entraient pas en ligne de compte dans notre choix. A partir de là , ils ont dit que l'extrême-droite se trouvait derrière l'assassinat de Grégory, que Jean-Marie était un militant néo-nazi et que nous étions appuyés par le mouvement "Légitime Défense" pour relancer le débat sur la peine de mort. Nous ne faisions pas de politique, même si nous avions voté pour la gauche en 1981, et tout cela nous dépassait et nous dépasse encore. Pourtant, la presse et l'opinion publique ont souvent forgé leur intime conviction en fonction de ces éléments qui n'avaient rien à voir avec nous, notre enfant et le dossier lui-même. Tout ceci se passait avant l'inculpation , la période la plus violente à mon égard, qui a duré 8 mois sans que je puisse me défendre. J'étais devenue "non inculpée-coupable" et impuissante devant cette situation. Par ailleurs, les avocats peuvent-ils utiliser tous les moyens pour parvenir à leurs fins, même si ces moyens sont légaux ? Le juge Lambert a été menacé d'une requête en suspicion légitime et de plaintes pour violation du secret de l'instruction par les avocats du premier inculpé. A partir du moment où ces menaces n'ont jamais été suivies d'effets, ne peuvent-elles être considérées comme un moyen de pression plutôt que comme une véritable action juridique ? Plus tard, lors du supplément d'information mené par le président Simon, ces mêmes avocats, qui n'étaient plus partie dans le dossier, ont utilisé tous les recours et argumentsjuridiques possibles pour empêcher pendant plusieurs années d'entendre certains témoins. A bout de ressources, ils ont déposé contre lui une plainte pour violation du secret de l'instruction visant à lui faire retirer le dossier. Même s'ils n'ont pas toujours été habiles et s'ils ne sont pas parfaits, en dix ans, nos avocats n'ont jamais lancé de procédures pour freiner l'action judiciaire ou écarter tel ou tel auxiliaire de justice. Nous-mêmes étions opposés à ces procédés. Après mon inculpation, d'autres avocats se sont constitués partie civile dans le dossier. Pendant l'instruction, ils annonçaient régulièrement devant les caméras soit que le corbeau allait être démasqué sous quinze jours, soit que le mobile était mis à jour, soit que l'assassin était cerné, soit plus concrètement que les pneus de ma voilure correspondaient aux tracesrelevées sur les bords de la Vologne, avant même que l'expertise s'avère négative sur ce point. Ces propos me visaientsystématiquement, alors que l'instruction butait toujours sur ces mêmes éléments. Déjà, dès leur entrée dans la procédure, ils avaient révélé à la presse leurs vingt propositions d'investigations proposées au juge Lambert. Dix-neuf d'entre elles étaient dirigées contre moi . Comme les policiers, le juge, les avocats de la partie civile ont travaillé à ciel ouvert. Nous avons beaucoup souffert de ces méthodes et du double langage constant de ces avocats. Deux exemples sur ce thème : en septembre 1992, lors de l'examen final du dossier par la chambre d'accusation de Dijon, les avocats de la partie civile ont plaidé l'absence de charges et demandé que la justice mette fin à mon calvaire judiciaire. Or, à la sortie, certains d'entre eux déclaraient devant les journalistes que si l'on avait perquisitionné dans ma voiture le soir du crime, on n'en serait pas à plaider un non-lieu huit ans plus tard. Ces investigations avaient pourtant été faites ! A la même époque, ces avocats de la partie civile souhaitaient une nouvelle expertise vocale. Leurs clients, mes beaux-parents, n'en voulaient pas. Devant la presse, leurs conseils ont raconté que ce retrait était dû à une pression de Jean-Marie sur ses parents. En clair, ils voulaient faire croire que nous avions peur d'une nouvelle expertise. Or, nous n'étions pas intervenus dans la décision, ni dans le retrait de mes beaux-parents. Ce mensonge a pourtant été exploité parla presse une nouvelle fois contre moi . On peut alors se demander si la déontologie de l'avocat prévoit de telles libertés... Pour l'avoir vécu, nous savons que les violations du secret de l'instruction entraînent toujours une atteinte à la présomption d'innocence. Elles ont généralement plusieurs objectifs : soit assouvir un désir de publicité personnelle chez des magistrats placés au centre d'une affaire, soit un désir de notoriété chez des avocats qui, par ailleurs, n'ont pas le droit à la publicité. Pour des avocats, une affaire comme la nôtre représente une tribune en or. Ces violations peuvent servir les intérêts de certains enquêteurs ou services de police qui se trouvent en concurrence. Elles peuvent avoir un objectif plus pervers encore, comme de masquer une incapacité à résoudre une énigme, un dossier vide ou de lancer des accusations publiques afin d'exercer une pression en vue de décisions judiciaires -mise en examen, maintien en détention ou renvoi devant une juridiction. Enfin, elles peuvent servir à conditionner l'opinion publique pour accréditer progressivement une thèse fondée sur des a priori. C'est ce cas de figure que j'ai personnellement vécu. Pour parvenir à de telles fins, il n'existe, pour ceux qui violent le secret de l'instruction, qu'un seul moyen : l'utilisation des médias. Le problème est donc de savoir si les médias doivent jouer le jeu des juges, des enquêteurs ou des avocats, si leur mission d'informer se limite à l'amplification, sans vérifications et sans preuves, de leurs sources policières et judiciaires, s'ils doivent suivre l'instruction au jour le jour et enfin s'ils doivent se contenter de rendre compte d'une affaire lorsque le dossier est clos. Nous n'avons pas la prétention de répondre à ces questions, notamment en raison de la situation de mon mari, qui illustre un cas extrême d'atteinte à la présomption d'innocence. On peut néanmoins se poser certaines questions : si les gendarmes n'avaient pas arrêté le premier inculpé devant les caméras, si le juge n'avait pas divulgué les charges pesant sur lui, si ses avocats n'avaient pas fait jouer la rumeur à son profit, si les médias n'avaient pas dit et écrit : "C'est lui l'assassin", si on avait compris notre désespoir et sans minimiser sa responsabilité, mon mari aurait- il à assumer la mort d'un homme ? Ceci étant dit, voici mon témoignage sur ce que j'ai vécu avant et après mon inculpation. Le première campagne de presse ciblée contre moi a démarré le 12 mars 1985, soit 116 jours avant mon inculpation pour l'assassinat de mon enfant. Pendant cette période, de mars à juillet 1985 , ces campagnes n'ont pas cessé. Tous les jours, des articles m'accusaient d'être d'abord le corbeau, auteur de la lettre du crime, puis la complice de l'assassin et enfin cet assassin lui-même. Il faut souligner que parmi les journalistes qui suivaient notre affaire, l'un deux a joué un rôle particulier. Il s'agit de Jean Michel Bezzina, qui travaillait à l'époque en son nom propre pour RTL où il est rédacteur en chef adjoint, sous le nom de Jean-Michel Jeandon pour France-Soir, sous le nom de Jean-Michel Eulry pour le Figaro, sous le nom d'Arnaud Laurence pour le Journal du Dimanche. Il était relayé par son épouse, Marie-France Bezzina, également journaliste, qui travaillait en son nom propre pour l'Agence Centrale de Presse, l'agence AP, sous le nom de Marie France Lefevre pour le Quotidien de Paris et le Parisien Libéré. Enfin, ils travaillaient également en alternance pour le quotidien régional Ouest-France. Pour une raison qui nous est inconnue, ce couple de journalistes a décrété quelques jours après la mort de notre enfant que j'étais l'auteur de son assassinat. Sans nous connaître et sans chercher à nous rencontrer, ce couple a répandu publiquement cette thèse. Ce fut d'abord une rumeur, devenant au fil des mois une information. Un jour, ce journaliste m'a téléphoné. Comme je lui refusais une interview, il m'a répondu : "Madame, un jour, l'opinion publique vous jugera et sachez que l'opinion publique, c'est moi qui la fait !". Sachant que ce journaliste était ami du commissaire du SRPJ chargé de l'enquête et de l'un des avocats du premier inculpé, il est facile de deviner à qui profitait ce que l'on appelle aujourd'hui le lynchage médiatique. De fait, en quelques mois, l'opinion publique s'est presque entièrement dressée contre moi. Mais peut-on parler d'atteinte à ma présomption d'innocence, puisque j'étais alors partie civile ? Entraînée par ce monopole, l'ensemble de la presse nationale et régionale française a imaginé un grand feuilleton, en réécrivant mon histoire, ma jeunesse, notre vie de couple et même celle de notre enfant que l'on disait, entre autres, mal aimé. On m'a accolé les qualificatifs les plus violents pour correspondre à cette thèse, tel que le «monstre de la Vologne », terme employé pour la première fois dans Paris-Match au printemps 1985. Ce même journal a décrit, trois semaines avant, mon inculpation par le juge Lambert. On pouvait lire au terme d'un long article de Jean-Michel Caradech détaillant l'enquête policière non-versée au dossier : «Enfin, lui demandera le juge, pourquoi avez-vous tué votre enfant ? Comment avez-vous procédé ?». Je dois dire que ces questions ne m'ontjamais été posées, ni avant, ni après mon inculpation. Pendant cette période, durant laquelle je n'avais plus de liberté physique car j'étais poursuivie et traquée, les journalistes se déchaînaient contre moi. L'un d'eux s'est même permis de dire au juge Lambert, dans son bureau et devant témoins -je cite et vous prie de m'excuser pour cette grossièreté : «Quand est- ce que tu l'inculpes, cette salope ?». Dans le même ordre d'idée, j'ai pu lire dans un journal les propos réels ou supposés qu'avait tenu un médium devant le juge Lambert. Cet astrologue affirmait que j'étais impliquée au moins à 80 % dans l'assassinat de mon enfant. Tous ont écrit aussi que mon mari doutait de moi et de mon innocence. Dois-je dire aussi que la presse a démenti ma fausse couche, présentée comme un mensonge de plus de ma part ? C'est la liste des affabulations médiatiques répandues sur mon compte, qui serait longue à dresser. Le plus important est de se souvenir qu'elles ont été publiées pendant les mois précédant mon inculpation. Lorsque le juge Lambert s'est décidé, il a averti les journalistes avant mon arrestation. Il a lui-même avoué dans son livre, «Le petit juge», avoir reçu les conseils d'un ami lui disant que, s'il ne le faisait pas, la presse allait, je cite, « le massacrer». Il faut savoir aussi que le journaliste Jean-Michel Bezzina a été nommé chevalier dans l'ordre national du Mérite voici trois semaines et que Jean-Michel Caradech est Prix Albert-Londres, la plus grande distinction de la presse française. Ces journalistes, comme les policiers ou le juge Lambert, n'ont jamais eu à rendre des comptes sur leurs agissements de ces années-là. Mon inculpation , prononcée le 5 juillet 1985 , a évidemment décuplé les choses. On a dit et écrit que j'étais, je cite, « une sorcière manipulatrice, criminelle, calculatrice, diabolique , infanticide, dominatrice, maudite, dangereuse, vengeresse solitaire, orgueilleuse, moqueuse, froide, autoritaire, agressive», , etc. Je passe sur le côté « sublime » que m'a trouvé Marguerite Duras. Pire, si cela est possible, de fausses conclusions psychiatriques ont été diffusées dans les journaux, sur les radios et à la télévision, affirmant que j'étais, je cite à nouveau, "hystérique, perverse, dénuée d'instinct maternel, capable de martyriser son enfant". Lorsque les vrais rapports on été versés au dossier, deux mois plus tard, en concluant à la normalité de ma personnalité, personne ou presque n'en a parlé. A côté de ces inventions, il existe une autre forme d'atteinte à la présomption d'innocence : la transformation systématiquement à charge, avant expertises ou vérifications, de tout élément du dossier. Un exemple parmi tant d'autres : à défaut de prouver que j'avais tué mon enfant, les policiers et le juge ont voulu prouver que j'avais eu le temps matériel de le faire. Un mouchard d'un car scolaire se trouvant, ce jour-là, au même endroit que moi, devait permettre de fixer un horaire capital. Les avocats de la partie civile et la PJ ont fait savoir que cet élément ajoutait un quart-d'heure supplémentaire à mon emploi du temps. Ce mouchard fut présenté comme la preuve capitale contre moi. Trois mois plus tard, l'expertise officielle enfin versée au dossier révélait un horaire correspondant exactement à mon témoignage. Il n'y avait plus de quart-d'heure accusateur et là encore, peu de journaux en ont parlé. Dans ce contexte de procès public permanent, qui aurait pu jurer, si j'avais été renvoyée devant les assises, de mon acquittement ? Notre affaire a fait la une des médias pendant trois années tous les jours, puis de manière irrégulière pendant les sept années suivantes. Pendant ce temps, il a été publié dans la presse nationale et de Lorraine environ 3.000 articles. 26 seulement ont annoncé mon non-lieu. Nous aussi, en tant que protagonistes de cette affaire, nous avons commis des erreurs, comme de vouloir répondre aux rumeurs par des interviews qui ont alimenté les polémiques, comme d'accepter des transactions avec la presse pour payer tous nos frais de procédure. Mais, avant notre drame , nous étions ignorants du fonctionnement de la justice, des médias et nous n'avions ni la connaissance, ni la maturité, ni la sérénité nécessaires pour éviter ces erreurs. Quelques réflexions et propositions. Même si notre affaire et ses dérapages sont hors du commun, il nous paraît nécessaire de réfléchir aux solutions pour éviter que d'autres connaissent le même sort que nous. Selon nous, la solution idéale serait de ne plus divulguer l'identité d'un témoin placé en garde à vue ou mis en examen jusqu'à sa mise en accusation. Cela existe déjà dans certains pays européens. Ce serait une révolution pour la justice et la presse, et c'est sans doute pourquoi aucune loi n'a été présentée dans ce sens. A défaut de faire cette révolution, il faut que la justice exige des enquêteurs, des magistrats, des avocats et des experts le respect de l'article 11 sur le secret de l'instruction et prenne les sanctions nécessaires quand la loi est violée, notamment dans les affaires de droit commun, qui n'ont rien à voir avec des affaires politiques ou financières. Même si le secret total est impossible, les mensonges, rumeurs et effets d'annonce comme ceux que nous avons subis pendant des années ne sont pas tolérables et n'ont rien à voir avec la liberté de la presse. Pourquoi les magistrats du parquet n'engagent-ils jamais de poursuites contre les responsables judiciaires ou médiatiques de ces débordements ? La justice doit instaurer une communication avec les médias sous forme de communiqués du parquet qui devraient être écrits et signés par le procureur et le juge d'instruction avant d'être versés au dossier, ceci pour que les parties ne puissent plus exploiter uniquement à leur profit les procédures. A notre avis, l'enquête doit rester secrète, mais il n'est pas concevable de cacher des décisions aussi graves qu'une mise en examen et une mise en accusation, ceci aussi pour éviter les abus de pouvoir de certains juges. Pour la mise en examen, un communiqué du parquet devrait suffire. A ce moment, la communication doit accorder une part équilibrée aux éléments à charge et à décharge des parties présentes dans le dossier. Concernant les termes judiciaires, comment l'opinion publique non-informée dans le domaine du droit peut-elle faire la différence entre une personne inculpée d'assassinat dans un dossier carré, sans contestation de la part de l'auteur, et une personne inculpée d'assassinat sur simples présomptions ? En clair, comment l'opinion publique pouvait-elle faire la part des choses entre l'accusation qui frappait mon mari et celle que j'ai subie, à tort, pendant des années ? Une mise en accusation ou une non-mise en accusation survenant plusieurs années plus tard devrait se faire à l'occasion d'une audience publique de la chambre d'accusation, de même pour les demandes de mise en liberté examinées par la chambre. Cette publicité permettrait d'éviter les doubles langages d'avocats comme ceux que nous avons connus et les interprétations des journalistes à partir d'informations erronées ou incomplètes. D'autre part, il faudrait que les chambres d'accusation remplissent pleinement leur rôle, sans se contenter d'entériner le travail des juges d'instruction. En 1986, la chambre d'accusation de la Cour d'appel de Nancy n'a pas fait son travail en me renvoyant directement aux assises sans ordonner le supplément d'information que demandaient toutes les parties, y compris le procureur général. Six mois plus tard, celle de Dijon a joué pleinement son rôle en décidant de tout mettre à plat avant de trancher pour un renvoi devant un jury populaire ou un non-lieu. Un non-lieu devrait avoir le même retentissement qu'une mise en examen ou une condamnation. Il n'est pas normal que les arrestations se fassent devant les journalistes et que, dix ans plus tard, le non-lieu soit notifié à domicile par un huissier. Nous espérons que la justice prononcera désormais, dans d'autres affaires criminelles, des non-lieux rendus comme le mien, pour absence totale de charges en faveur d'innocents et qui permettront de les distinguer des criminels qui passent au travers des mailles du filet de la justice. Concernant un renvoi devant les assises, nous pensons, par expérience, qu'une distinction s'impose entre les différents types d'affaires criminelles, les dossiers clairement établis comme celui de mon mari, sur lequel peut se prononcer un jury populaire, et les dossiers sans éléments décisifs, preuves ou aveux comme celui, par exemple, d'Omar Raddad, jugé récemment. Dans ce deuxième type d'affaire, un jury professionnel, comme pour le terrorisme, serait mieux à même d'évaluer les éléments et de résister aux pressions et aux a priori médiatiques, ces a priori dont nous avons tant souffert pendant des années, et qui se sont ajoutés à la douleur abominable de perdre notre petit Grégory. Sans les hauts magistrats de Dijon, les présidents Simon, Martin et Ruyssen, leurs assesseurs, les procureurs généraux, qui incarnent à nos yeux l'image d'une vraie justice, nous n'aurions sans doute pas pu témoigner aujourd'hui devant vous pour que, plus jamais, une mère ou un père connaissent un jour un tel calvaire. Je vous remercie de votre attention.

    M. le PRÉSIDENT - Madame, nous vous avons écoutée avec une grande attention et, j'en suis persuadé, avec une émotion certaine. Je ne sais si, compte tenu de ce que nous avons entendu du déroulement de cette affaire et du sentiment que nous avons, vous souhaitez que des questions soient posées, car nous avons compris votre souci. Vous nous avez dit ce qu'a été votre douloureuse expérience personnelle. En même temps, par une réflexion que nous avons entendue, vous avez suggéré un certain nombre de moyens qui, dans votre esprit, sont de nature à éviter que d'autres que vous connaissent les mêmes déroulements douloureux. La commission des lois n'a jamais entendu un témoignage de cet ordre, car ce n'est pas notre propos ni notre habitude, mais nous avons pensé qu'il était nécessaire de vous accueillir dans la perspective de ce que nous avons étudié aujourd'hui, comme une sorte de complément et en même temps comme une sorte de conclusion à l'ensemble de nos travaux. Nos collègues peuvent souhaiter néanmoins vous demander une précision, sans ajouter à la difficulté de la situation qui est la vôtre, et que nous comprenons....

    M. MÉHAIGNERIE, Ministre d'Etat, Garde des Sceaux, Ministre de la Justice - J'aimerais que ceux qui ont posé un regard de témoin sur cette affaire et qui peuvent, compte tenu de leur expérience, tirer les conclusions de ce témoignage, et d'autres, nous donnent leur sentiment sur les objectifs fixés par la commission des lois...

    Mme LACOUR, journaliste - Mon intervention n'était pas prévue ; elle sera donc courte car je n'ai rien préparé. J'ai entendu tout ce qui s'est dit au cours de la journée sur ces deux problèmes de la violation du secret de l'instruction et de la présomption d'innocence... Personnellement, j'ai travaillé sur ces deux questions en préparant un ouvrage dans lequel je détaillais le parcours de Christine et Jean-Marie Villemin dans leur affaire, au sein du système judiciaire et médiatique. On a dit beaucoup de choses aujourd'hui: je ne sais pas quoi ajouter... Je voudrais que la presse et la justice tirent effectivement les leçons d'un parcours qui ressemble plutôt à un calvaire... Il n'est pas concevable de retrouver un jour la même situation, tant dans le domaine judiciaire que dans les médias, et chacune des parties, au-delà de ses intérêts propres, de ses archaïsmes ou de ses habitudes, doit décider de réformer les choses. La justice doit s'imposer pour cela une éthique de l'information ; elle ne peut plus faire l'autruche et ignorer qu'elle a à sa porte une demande grandissante. Dans un système de concurrence effrénée, elle doit y répondre. C'est à elle, en amont de ce genre de situation, de trouver les réponses. La presse, en aval, dans le respect de sa liberté et de celle des individus pris dans ce genre d'affaire -peut-être plus dans les affaires de droit commun que dans d'autres où les solutions seraient différentes- ne peut que s'incliner devant ce que l'on vient d'entendre et tenter de trouver des solutions, en accord avec le monde judiciaire.

    M. BECCARIA, éditeur - Je voudrais ajouter un mot, presque en tant qu'historien, puisque j'ai été l'éditeur de Christine et Jean-Marie Villemin... Je l'ai fait pour une raison simple que je voudrais exposer. Je voudrais revenir sur ce qu'ont dit les journalistes tout à l'heure, car j'ai trouvé qu'il y avait un mélange entre des grands principes sur la démocratie, la liberté de la presse et la pratique quotidienne. Un historien, Maurice Levers, a écrit un livre extraordinaire il y a un an, qui a eu peu d'écho, sur l'histoire de la presse. Le premier imprimé qui est sorti des presses de Gutemberg était la Bible mais, trente ans après, on trouve en circulation dans le nord de l'Europe ce que l'on appelle les « occasionnels», petits journaux de faits divers qui reprennent le rôle des colporteurs qui, au Moyen- Age, racontaient des histoires de crimes. Ces « occasionnels», un siècle avant la "Gazette" de Renaudot, ne sont donc pas une invention de la presse populaire et se situent bien avant les débats sur la démocratie et la liberté. On y retrouve exactement les mêmes termes que ceux employés à propos de Christine Villemin, qui prennent une dimension tragique : hystérie, perversité, infanticide. On en a fait surtout une femme par qui le malheur arrive, argument de l'accusation. Il est fascinant de retrouver à la fin du vingtième siècle les mêmes termes que ceux de ces « occasionnels». Tous les journalistes ont parlé d'investigation, de liberté de la presse et de démocratie, mais des combats ont été menés bien avant puisqu'ils ont commencé avec Renaudot, au moment de la révolution et des principes de la déclaration des droits de l'Homme. En même temps, certains journalistes se servent de cette liberté fondamentale pour reprendre ce rôle de colporteur de malheurs qui est en chacun de nous, lecteurs voyeurs et avides de souffrances. C'est l'antique tragédie de l'être humain face à la mort. Si on joue trop sur ce phénomène, c'est parce que cela permet de faire des pages et des pages, des couvertures de journaux. L'affaire qui vous a été exposée ce soir faisait la une de tous les grands journaux ! Pour un journaliste, il n'existe pas de conscience de sa propre pratique, de la matière qu'il traite, de la séparation des thèmes entre faits de société et faits divers. Il n'y a ni auto-critique, ni autorégulation. Certains se sont dédouanés facilement tout à l'heure, entre 18 heures et 20 heures...

    M. GIRAULT - Cette affaire est bien sûr une catastrophe judiciaire et humaine. Au cours des auditions de cet après-midi, certains ont dit que le secret de l'instruction était mort, que la présomption d'innocence était morte ; l'un d'eux a ajouté que, d'ailleurs, dès l'instant que l'on est mis en examen, il n'y avait plus de présomption d'innocence. Ce sont là des propos étonnants et inquiétants de la part de journalistes ! A la fin de la journée, on reconnaissait que tout ceci est bien complexe. L'opinion veut être informée, pas uniquement concernant le dossier qui nous intéresse ce soir, mais de l'ensemble, plutôt sans doute sur des sujets d'ordre financier, ce qui n'est pas tout à fait de la même nature que l'affaire Villemin. Néanmoins, cette idée que le secret de l'instruction et la présomption d'innocence sont des affaires classées et qu'il ne faut plus trop en parler car c'est impossible à protéger est inquiétante et, pour les parlementaires, impose quelques réflexions. Mais ce n'est pas tout... J'ai suivi, comme tout un chacun cette affaire qui a remué la France -et sans doute d'autres pays... Une orchestration de quelques journalistes s'est ajoutée à la violation du secret de l'instruction et de la présomption d'innocence. Il se mettait en place un système pour abattre Christine Villemin. Je me demande si le droit français permet de sanctionner incontinent, sans laisser les mois passer, ce genre d'action qui vient s'ajouter à la violation du secret de l'instruction et à la négation de la présomption d'innocence... J'observe également -mais probablement que Jean- Marie et Christine Villemin l'ont vu de plus près- qu'en effet, l'autorité judiciaire, au niveau supérieur, ne s'est pas manifestée. Un juge d'instruction, jeune de surcroît, peut être malhabile. Il a néanmoins donné des interviews à la presse. Sur le plan de la déontologie, la magistrature doit se poser des questions... Aucun dessaisissement n'a été décidé. A-t-il seulement été sollicité ? Je ne le sais pas mais, au-delà même du secret de l'instruction qui a été violé constamment et de la négation de la présomption d'innocence, saurions-nous aujourd'hui y faire échec ? Comment les supérieurs hiérarchiques d'un juge d'instruction pourraient-ils faire ? Peuvent-ils faire quelque chose ? Je reste persuadé que beaucoup de journalistes sont des gens très rigoureux, mais que ce qui s'est passé il y a dix ans, après la mort de Grégory, peut se reproduire ; on ne pourra pas dire cette fois qu'on n'était pas prévenu ! Je suis un peu confus et incertain, mais ce devait être abominable ! Je n'ai pas bien compris ce que vous avez dit de vos relations financières avec la presse...

    M. VILLEMIN - Nous étions des gens simples, sans moyens financiers. Une telle procédure n'est pas gratuite : cela engage des frais énormes. J'étais incarcéré, sans salaire, mon épouse également ; il fallait donc trouver un moyen de survivre et de se défendre, mais cela a contribué au développement de ce gâchis médiatique. C'est une erreur, mais on ne pouvait faire autrement...

    M. GIRAULT - Il me semblait qu'un des journalistes qui a orchestré l'affaire était venu à votre procès dire : "On en a trop fait" ou : «On a mal fait»...

    Mme LACOUR - C'est de moi qu'il s'agit ! La défense de Jean-Marie Villemin, alors que je travaillais sur ce thème, m'a demandé de venir témoigner pour éclairer le contexte psychologique et médiatique de l'époque. J'ai accepté de venir raconter ce qu'avaient été ces coulisses, ces liens plus ou moins occultes ou plus ou moins connus entre différentes parties, entre les magistrats, les avocats, les policiers et certains journalistes. Mais ceux que j'ai mis nommément en cause à la barre ne sont pas venus. On ne le leur a d'ailleurs pas demandé. En revanche, ils ont été décorés il y a quelques jours !

    M. BÉRARD - Monsieur et Madame Villemin, je n'ai pas entendu ce que vous avez dit : j'étais pris par ailleurs, mais je préfère ne pas l'avoir entendu, ce qui permettra à ma question d'être claire et franche... Vous avez été invités devant la commission des lois du Sénat, et je vous remercie à mon tour d'avoir accepté de venir. Nous avons longuement hésité avant de décider d'inviter ou de ne pas inviter telle ou telle personne -votre nom n'était pas encore prononcé- qui avait pu subir les conséquences des déchaînements médiatiques et des violations patentes du secret de l'instruction. Je ne sais pas non plus quelle est votre notion exacte du secret de l'instruction. Vous avez hélas tous deux subi -ô combien- une . instruction. Vous n'étiez pas, vous, soumis au secret mais, vous l'avez dit, vous étiez des gens simples. J'ai suivi comme tout le monde le déroulement de cette affaire à travers la presse et il est évident, d'après moi, que, psychologiquement, vous avez éprouvé le sentiment de respecter plus ou moins le secret de l'instruction durant ces longues années. Nous nous sommes demandés, lorsque nous avons déclenché ces auditions, quel était le comportement sentimental et psychologique des gens qui se trouvaient entraînés dans cette fantastique et tragique tourmente. Quand on est coincé là-dedans, souhaite-t-on en dire le moins possible, en demande-t-on le moins possible ou, au contraire, souhaite-t-on que tout soit dévoilé et expliqué publiquement et le plus vite possible ?

    M. VILLEMIN - Tout d'abord, quand un tel drame vous arrive et qu'une affaire est médiatisée à l'extrême, il n'y a plus de sérénité : c'est la passion qui l'emporte. Que dire et que faire ? Non, je ne pense pas qu'on ne puisse rien dire à la presse. Il faudrait qu'un magistrat soit spécialisé dans ce domaine, que ce soit public et versé au dossier. Mais j'ai en même temps entendu dire cet après-midi que, pour la transparence de l'information, il faudrait que des procès d'assises soient filmés. Je suis contre, car une affaire extrêmement médiatisée ne peut comporter de jugement en toute sérénité, la passion l'emportant encore une fois ! Par contre, une audition comme celle-ci est enrichissante pour l'opinion publique, car on se rend compte du fond du problème, et une telle commission devrait être filmée ! Beaucoup de gens, là où je travaille, et avec qui je discute disent : « Si c'est écrit, c'est vrai !»...

    M. BÉRARD - Autrement dit, on a envie de s'expliquer, mais sérieusement.

    M. VILLEMIN - C'est cela...

    M. MASSON - Comme tous mes collègues, j'ai entendu avec une profonde émotion le témoignage de M. et Mme Villemin. Je fais la part de toutes les insuffisances, de toutes les ignorances, de toutes les vanités, de tous les intérêts et je pose une une question à M. le Garde des Sceaux -qui n'était pas en charge à l'époque et ne peut répondre pour autrui : si une telle affaire se posait en ce moment, avec une hiérarchie organisée pour cela autour de la loi, avec tous les arguments que nous développons nous, parlementaires, pour et contre, en toute bonne foi, serait-il possible que tout ceci s'effondre et que rien ne joue parce que quelques-uns, quelque part, à un moment quelconque, n'ont pas su ou voulu prendre leurs responsabilités ? Qu'a fait la chambre d'accusation du lieu quand elle a constaté les errances d'un magistrat ? Quelles que puissent être les erreurs, les incongruités d'une procédure, quelqu'un, à un moment, doit dire : «Halte-là ! Stop !*. Que feriez vous aujourd'hui, Monsieur le Garde des Sceaux ?

    M. LE PRÉSIDENT - Il n'est pas possible que, dans un système, quel qu'il soit, à un certain moment, l'erreur ne soit pas commise. Par contre, que la mécanique de contrôle ne se déclenche pas et que ceux qui n'ont pas fait leur métier aient connu de l'avancement, peut-être une fin de carrière parfaitement paisible, ceci n'est pas tolérable ! Ce n'est pas tolérable... L'erreur est toujours possible mais, au-delà de toutes les défaillances individuelles, ce que nous voulons dans l'Etat, c'est une mécanique de contrôle qui fonctionne, avec des gens qui font leur métier et que ceux qui sont au- delà de l'appareil de contrôle, s'ils s'aperçoivent que celui-ci n'a pas fonctionné, interviennent et disent que ce n'est pas tolérable. Et ce qui s'est passé n'est pas tolérable ! Il ne s'agit pas du juge Lambert, mais du fait qu'au-delà de lui, une mécanique ne se soit pas déclenchée et que personne n'ait dit : "Voilà l'erreur et de cette erreur, de cette insuffisance, nous nous voulons pas !». C'est intolérable ! C'est la crédibilité de l'Etat qui est en cause...

    Mme LACOUR - Je faisais partie des journalistes qui ont couvert cette affaire à l'époque : à partir du moment ou cette mécanique s'est mise en marche, il y a eu une peur de la presse. Pourquoi la chambre d'accusation et le parquet général de Nancy n'ont-ils pas bougé ? Parce qu'ils ont eu peur de la presse !

    M. le PRÉSIDENT - Les gens que nous mettons en place ne sont pas là pour avoir peur !

    Mme LACOUR - Il y avait des rapports internes écrits sur ce problème : les journalistes en cause étaient cités seulement sous leurs initiales ! Cela prouve bien la couardise et le retrait extrême des autorités judiciaires d'alors face à cette mécanique ! Si la Chancellerie avait demandé au ministère de l'Intérieur de donner des consignes pour que les policiers du SRPJ cessent de divulguer quotidiennement leurs activités, cela suffisait : ce n'est pas une révolution ! La liberté de la presse n'était pas en cause sous prétexte que la police judiciaire cessait de divulguer ses activités quotidiennement, du jour au lendemain, et de façon toujours univoque. On ne l'a pas fait parce qu'on avait peur !

    M. DREYFUS-SCHMIDT - Si les textes actuels -comme le seul article 9-1- avaient existé, s'il avait été possible de demander en référé la condamnation des organes de presse présentant celui-ci ou celle-ci comme coupable, aurait-on eu la solution du problème ?

    M. VILLEMIN - Je ne pense pas. Tout dépend de l'affaire et de l'ampleur médiatique. J'ai entendu dire cet après-midi que des journalistes avaient été condamnés à 250.000 ou 300.000 francs, mais nous nous sommes rendus compte que cela nous coûtait plus cher que cela a pu nous rapporter. Bien souvent, les condamnations sont dérisoires : une couverture comme celles que nous avons connues pour notre affaire rapporte je ne sais combien, mais couvre largement la condamnation !

    M. DREYFUS-SCHMIDT - S'il avait été interdit à la presse de parler de l'affaire avant qu'elle ne vienne devant les tribunaux, aurait-on eu satisfaction ?

    M. VILLEMIN - Cela dépend. Il faudrait pouvoir faire la part entre une affaire carrée et une affaire qui ne l'est pas. On met tout dans le même contexte, et cela prend des proportions terribles.

    M. DREYFUS-SCHMIDT - Avec le danger qu'une affaire présentée comme carrée ne le soit pas...

    M. VILLEMIN - Une "affaire carrée", c'est une affaire non-contestée...

     

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