• Secrétariat greffe de la cour d'Appel de Dijon - 3/02/1993


    BLAISE Christine épouse VILLEMIN
    ----------------
    ASSASSINAT
    ----------------
    NO 32/93
    ----------------

     

     


    Non-lieu C/ Christine BLAISE épouse VILLEMIN
    I -Faits & procédures

    II – Résultat de l'information et discussion des charges

    A – Charges pesant sur Christine VILLEMIN 
    B – Charges pesant sur Bernard LAROCHE
    C - Charges pesant sur Murielle BOLLE 
    D – Charges pesant sur Marie-Ange LAROCHE
    E - Charges pesant sur d'autres personnes

    III - Demande de supplément d'information
    Par ces motifs, la cours

    VU, par la Cour d'Appel de DIJON, Chambre d'Accusation, réunie en la Chambre du Conseil, les pièces de l'information suivie au Tribunal de Grande Instance d'EPINAL (Vosges), du chef d'assassinat, contre x... devenu LAROCHE Bernard, né le 23 mars 1955 à EPINAL (Vosges), demeurant à AUMONTZEY (Vosges), décédé à AUMONTZEY le 29 mars 1985 (non-lieu intervenu à son égard par ordonnance du 18 avril 1985 en application de l'article 6 du Code de Procédure Pénale) puis contre x... devenu BLAISE Christine Jeanne Gilberte, épouse VILLEMIN, née le 13 juillet 1960 à PETITMONT (Meurthe-et-Moselle), fille de Lucien et de CHATEL Gilberte, domiciliée 40, rue de la Pâture à SAINT- CHERON (Essonne), mariée, deux enfants, sans profession, de nationalité française, jamais condamnée, détenue du 5 au 16 juillet 1985, en liberté sous contrôle judiciaire, ayant pour avocats Maîtres Henri-René GARAUD et Marie- Christine CHASTANT-MORAND, 17, rue de la Ville-l'Evêque à PARIS 8ème, Maître François ROBINET, 27, avenue Foch à NANCY (Meurthe-et-Moselle) et Maître Thierry MOSER, résidence Marigny, 33, boulevard de l'Europe à MULHOUSE (Haut- Rhin),avec constitution de parties civiles de :
    - Monsieur Albert Emmanuel VILLEMIN et de Madame Monique Jeanne JACOB, son épouse, domiciliés 109, route de Frambéménil à AUMONTZEY (Vosges), ayant pour avocats Maître Jacques LEAUTE, 3, rue Gazan à PARIS 14ème, Maître Paul LOMBARD, 24, Cours Pierre Puget à MARSEILLE 6ème, et Maître Joël LAGRANGE, 2,rue Saint Nicolas à NANCY,
    - Madame Gilberte CHATEL, veuve BLAISE, domiciliée 16, rue Alix-Leclerc à NANCY, ayant pour avocat Maître François ROBINET du barreau de NANCY,
    - Monsieur Jean-Marie VILLEMIN, domicilié 40, rue de la pâture à SAINT-CHERON (Essonne), ayant pour avocats Maîtres GARAUD et CHASTANT-MORAND du barreau de PARIS, Maître ROBINET du barreau de NANCY et Maître MOSER du barreau de MULHOUSE,
    Vu l'ordonnance de transmission des pièces de la procédure à Monsieur le Procureur Général près la Cour d'Appel de NANCY rendue le 11 septembre 1986 par le juge d'instruction au tribunal de grande instance d'EPINAL ;
    Vu l'arrêt de la Chambre d'Accusation de la Cour d'Appel de NANCY du 9 décembre 1986 ayant renvoyé Christine VILLEMIN devant la cour d'assises du département des Vosges sous l'accusation d'assassinat ;
    Vu l'arrêt rendu le 17 MARS 1987 par la Chambre Criminelle de la Cour de Cassation ayant annulé en ses dispositions relatives à Christine BLAISE, épouse VILLEMIN, l'arrêt de la Chambre d'accusation de la Cour d'Appel de NANCY du 9 DECEMBRE 1986, ayant renvoyé la cause et les parties devant la Chambre d'Accusation de la Cour d'Appel de DIJON et, pour le cas où cette Chambre d'Accusation déclarerait qu'il existe des charges suffisantes et qu'il y a lieu à accusation contre Christine VILLEMIN, ayant réglé de juges par avance et ordonné que la Chambre d'Accusation de céans renverrait Christine VILLEMIN devant la Cour d'Assises du département de la Côte d'Or ;
    Vu l'arrêt du 25 JUIN 1987 par lequel la Cour d'Appel de DIJON, Chambre d'Accusation, a notamment ordonné, avant dire droit au fond sur la suite à réserver à l'inculpation d'assassinat notifiée le 5 JUILLET 1985 à Christine BLAISE, épouse VILLEMIN, un supplément d'information et a désigné, pour y procéder, Monsieur Maurice SIMON, Président de la Chambre d Accusation ,
    Vu l'arrêté de Monsieur le Garde des Sceaux, Ministre de la Justice, en date du 8 JANVIER 1988, publié au Journal Officiel de la République Française le 14 janvier suivant, ayant admis
    Monsieur Maurice SIMON, Président de Chambre à la Cour d'Appel de DIJON, à faire valoir ses droits à la retraite à compter du 17 FEVRIER 1988 mais l'ayant maintenu en activité en qualité de Conseiller à partir du même jour jusqu'au 16 FEVRIER 1991 ;
    Vu l'arrêt du 11 février 1988 par lequel la Cour d'Appel de DIJON, Chambre d'Accusation, a désigné à compter du 17 février 1988 Monsieur le Conseiller Maurice SIMON pour continuer le supplément d'information ordonné par l'arrêt susvisé du 25 JUIN 1987 ;
    Vu l'arrêt du 19 SEPTEMBRE 1990 par lequel la Cour d'Appel de DIJON, Chambre d'Accusation, a commis Monsieur Jean-Paul MARTIN, Président de ladite chambre, pour procéder, en remplacement de Monsieur le Conseiller SIMON empêché, au supplément d'information ordonné par l'arrêt susvisé du 25 JUIN 1987 ;
    Vu les pièces du supplément d'information ;
    Vu l'arrêt de dépôt des pièces de la procédure en date du 3 JUIN 1992 ;
    Vu les réquisitions écrites de Monsieur le Procureur Général près la Cour d'Appel de DIJON en date du 22 JUIN 1992 tendant au prononcé d'un arrêt de non- lieu;
    Vu les notifications de la date de l'audience faites en conformité de l'article 197 du Code de procédure pénale ;
    Vu le mémoire déposé le 9 septembre 1992 par Maître ROBINET, avocat de Christine BLAISE, épouse VILLEMIN ;
    Vu Le mémoire déposé le 9 septembre 1992 par Maître ROBINET, avocat de Gilberte BLAISE, veuve CHATEL, partie civile ;
    Vu le mémoire déposé le 11 septembre 1992 par Maître MOSER, avocat, au nom de Christine BLAISE, épouse VILLEMIN et de la partie civile, Jean-Marie VILLEMIN ;
    Vu le mémoire déposé le 16 septembre 1992 par Maître CHASTANT-MORAND, avocat de
    Christine BLAISE, épouse VILLEMIN ;
    Vu le mémoire déposé le 17 septembre 1992 par Maître GARAUD, avocat de Christine BLAISE, épouse VILLEMIN et de la partie civile Jean-Marie VILLEMIN ;
    Vu les mémoires déposés le 18 septembre 1992 par Maître LAGRANGE, Maître LEAUTE et Maître LOMBARD, avocats des parties civiles époux Albert VILLEMIN ;
    Ouï, à l'audience de cette Chambre, tenue en la Chambre du Conseil en présence de l'inculpée et de toutes les parties civiles à l'exception de Madame Gilberte CHATEL, veuve BLAISE, le lundi vingt-et-un septembre mil neuf cent quatre vingt douze à neuf heures :
    Monsieur le Président MARTIN en son rapport ;
    Maître LEAUTE, avocat des époux Albert VILLEMIN, parties civiles, en ses observations ;
    Maître LAGRANGE, avocat des époux Albert VILLEMIN, parties civiles, en ses observations ;
    Maître LOMBARD, avocat des époux Albert VILLEMIN, parties civiles, en ses observations ;
    Monsieur l'Avocat Général KOHN, en ses réquisitions orales ;
    Maître MOSER, avocat de Christine VILLEMIN, en ses observations ;
    SUR CE, l'audience a été suspendue à douze heures quinze minutes pour être reprise le même jour à quatorze heures ;
    Ouï, à l'audience de cette Chambre, tenue en la Chambre du Conseil, le lundi 21 septembre 1992 à 14 heures, :a Chambre d'Accusation étant composée des mêmes magistrats que le matin :
    Maître ROBINET, avocat de Christine VILLEMIN, en ses observations ;
    Maître CHASTANT-MORAND, avocat de Christine VILLEMIN, en ses observations ;
    Maître GARAUD, avocat de Christine VILLEMIN, en ses observations ;
    Maître LEAUTE, avocat des parties civiles époux Albert VILLEMIN, a, sur sa demande, présenté des observations complémentaires tendant à faire constater l'absence de toute charge contre l'inculpée ;
    Monsieur l'Avocat Général KOHN a été également entendu ;l’inculpée et ses avocats ont eu la parole en dernier.
    SUR QUOI, les débats étant terminés, la Chambre d'Accusation de la Cour a mis l'affaire en délibéré sans précision de date.
    Et le MERCREDI TROIS FEVRIER MIL -NEUF CENT QUATRE-VINGT TREIZE, la Chambre d'Accusation, après en avoir délibéré conformément aux dispositions de l'article 200 du Code de procédure pénale, étant composée des mêmes magistrats qu'à l'audience du lundi 21 septembre 1992, vidant son délibéré, a rendu, en Chambre du Conseil, l'arrêt dont la teneur suit :


    I -FAITS ET PROCEDURE
    A partir du mois de septembre 1981, Albert VILLEMIN, ouvrier de filature, et son épouse Monique JACOB, demeurant à AUMONTZEY dans les Vosges, leurs enfants Jacky, Jacqueline, Michel, Jean-Marie et Gilbert, ainsi que les conjoints de ceux-ci et certains de leurs parents et alliés furent harcelés de centaines d'appels téléphoniques anonymes malveillants, parfois muets ou moqueurs, souvent insultants ou menaçants, qui tendaient, semble-t-il, à déstabiliser cette famille, à la diviser, à pousser son chef à se détruire en lui rappelant que son père s'était suicidé et en annonçant des accidents imaginaires. Une plainte pour violence et voies de fait déposée le premier décembre 1982 à la gendarmerie de CORCIEUX par Albert VILLEMIN, qui avait reçu la veille vingt sept communications anonymes, fut suivie d'une information judiciaire contre x. Elle resta sans effet. Les appels persistèrent et le 26 janvier 1983, il en reçut encore dix-sept. Leur auteur, qui semblait très bien renseigné sur les faits et gestes des destinataires, ne fut jamais identifié. Néanmoins ces agissements cessèrent le 17 mai 1983 quand la ligne téléphonique du plaignant eut été mise sous écoute. D'autres membres de sa famille continuèrent à recevoir des appels. I1 yen aurait eu un notamment le 8 avril 1984. Ces communications paraissaient émaner tantôt d'un homme à la voix rauque et essoufflée, tantôt d'une femme.
    A l'occasion de l'une d'elles, le correspondant inconnu avait annoncé qu'il brûlerait la maison de Jean-Marie VILLEMIN, contremaître à l'usine AUTO-COUSSIN de LACHAPELLE-devant- BRUYERES. Celui-ci avait répondu "Je m'en fous". Le Corbeau avait alors dit qu’il s’en prendrait à sa femme. Jean-Marie VILLEMIN avait répliqué “ j’en trouverai une autre ”. Le Corbeau avait enfin menacé d'enlever Grégory. Jean-Marie VILLEMIN qui idolâtrait son fils, avait rétorqué "Ne fais jamais ça" , montrant ainsi à son interlocuteur quel était le meilleur moyen de l'atteindre.
    Les membres de la famille VILLEMIN, notamment Albert. et Jean-Marie, furent. Également victimes de diverses persécutions: fausses commandes passées en leur nom, dégradations d'immeubles et de voitures (vitres cassées, pneus crevés) .
    En outre, au cours de l'année 1983, trois lettres anonymes, deux en caractères typographiques, une en écriture cursive hormis les quatre derniers mots, furent adressées à des membres de la famille VILLEMIN. La première, destinée à Jean-Marie VILLEMIN, fut découverte le 4 mars 1983, dans les volets de sa maison. Les deux autres furent respectivement adressées le 27 avril et le 17 mai 1983 de BRUYERES aux époux Albert et Monique VILLEMIN.
    L'auteur de ces appels et de ces écrits, désigné par ses victimes sous le nom de Corbeau, prenait souvent la défense de Jacky VILLEMIN, fils aîné de Monique JACOB, né avant le mariage de celle-ci et qu'Albert VILLEMIN avait légitimé bien qu'il n'en fût pas le père. Il était reproché à la famille VILLEMIN de le tenir à l'écart et de le traiter moins bien que les autres enfants. Albert VILLEMIN et Jean-Marie, qui de tous ses fils avait le mieux réussi, étaient particulièrement visés par les menaces.
    La première lettre était ainsi conçue "Je vous ferez votre peau à la famille VILLEMAIN".
    La seconde était rédigée en ces termes : "Si vous voulez que je m'arrête je vous propose une solution. Vous ne devez plus fréquenter le chef. Vous devez le considéré lui aussi comme un bâtard, le mettre entièrement de côté, pour vous et ses frères et soeur. Si vous ne le faites pas, j'exécuterai mes menaces que j'ai fait au chef pour lui et sa petite famille. Jacky et sa petite famille a été assez mis de côté. Au tour du chef d'être considéré comme un bâtard. Il se consolera avec son argent. A vous de choisir. La vie ou la mort. "
    La troisième lettre, sensiblement plus longue, se terminait par les mots suivants: "Eh oui le vieux, j'arrête et tu ne sauras jamais qui t'as fait chié pendant deux ans. Je me suis vengé car je vois que tu te rumines, tu ne te pendras peut-être pas mais je m'en fou car ma vengeance est faite. Je te hais au point d'aller cracher sur ta tombe le jour où tu crèveras. Jacky n'est peut-être pas plus estimé, mais je m'en fou je me suis venger. Ceci est ma dernière lettre et vous n'aurez plus aucune nouvelle de moi. Vous vous demanderez qui j'étais, mais vous ne trouverez jamais. Que le tout fou d'à côté arrête de frimer car il prend un coup de poing dans la gueule et il se sauve. Adieu mes chers cons" .

    Le 16 octobre 1984 à seize heures trente, Grégory Gilbert VILLEMIN, âgé d'un peu plus de quatre ans comme étant né le 24 août 1980 à SAINT-DIE, fils de Jean-Marie VILLEMIN, fut recueilli à sa sortie de l'école maternelle de LEPANGES-sur-VOLOGNE, commune des Vosges où ses parents habitaient, par Madame Christine MATHIEU épouse JACQUOT, demeurant en cette localité, HLM Gais Champs, bâtiment 4 n° 19, qui avait mission de le garder en attendant que sa mère, Christine BLAISE épouse VILLEMIN, alors âgée de vingt-quatre ans, couturière à la Manufacture de Confection Vosgienne, dite MCV, vienne le prendre en charge après son travail. L'enfant était vêtu d'un anorak bleu et d'un pantalon en velours vert foncé et avait la tête nue car le temps était très beau ce jour-là.
    Vers seize heures cinquante, Christine VILLEMIN vint chercher son fils. Après avoir bavardé quelques minutes avec la gardienne à laquelle elle raconta qu'elle était pressée parce qu'elle devait repasser du linge, elle fit monter Grégory dans son automobile Renault 5 noire à deux portes et regagna son domicile, 4, rue des Champs, en un lieu écarté, sur une colline dominant la vallée de la Vologne, à la lisière d'une forêt où elle et son mari avaient fait bâtir un pavillon confortable en 1981. Il y avait alors en cet endroit deux autres habitations mais l'une d'elles était inoccupée.
    Entre dix-sept heures quinze et dix-sept heures trente, Christine VILLEMIN qui, selon ses dires, avait laissé l'enfant jouer sur un tas de sable devant la maison après l'avoir coiffé d'un bonnet de laine, tandis qu'elle-même repassait du linge dans une pièce située à l'arrière de son logement, sortit pour le surveiller mais ne le vit pas. Après l'avoir appelé et cherché en vain, elle interpella Madame Marcelle DROUOT épouse CLAUDON qui, venant d'une pâture située un peu en dessous de la demeure des époux VILLEMIN, regagnait sa ferme sise à quelques centaines de mètres de distance en conduisant un troupeau de trente six vaches, puis son voisin Gilbert MELINE, occupé à balayer ces gravillons au bord de la route et leur demanda s'ils avaient aperçu Grégory. Madame CLAUDON et Monsieur MELINE répondirent par la négative et ce dernier chargea un promeneur de passage, Monsieur Bernard COLIN, d'interroger sa femme qui cousait dans son logement tout proche. Celle-ci n'ayant rien vu, la mère repartit au volant de sa voiture aux HLM Gais Champs et chez les parents d'Aurélien PARISSE, camarade de son fils, près de la poste de LEPANGES, en pensant que celui-ci avait peut-être voulu rejoindre ses compagnons de jeux habituels. Cette recherche, effectuée à vive allure, étant restée vaine, Christine VILLEMIN regagna son domicile en empruntant la rue des Bosquets. Arrivée devant la ferme des époux CLAUDON, elle fut immobilisée quelques minutes par leur troupeau de vaches qui barrait la chaussée. A cet instant, survenait un autobus de ramassage scolaire conduit par Christian CLAUDON, fils de ces exploitants agricoles.
    Le même jour, peu après dix-sept heures trente, Michel VILLEMIN, frère de Jean-Marie VILLEMIN, habitant AUMONTZEY (Vosges), village situé à une douzaine de kilomètres de LEPANGES-sur-VOLOGNE, sortit de son domicile sis à proximité de la maison de ses parents Albert et Monique VILLEMIN, héla son jeune frère Lionel, âgé de douze ans et l'invita à chercher d'urgence leur mère qui était allée, en compagnie de son mari, rendre visite à l'une de ses soeurs à peu de distance. A l'arrivée de ses parents, quelques minutes plus tard, il leur raconta qu'il venait de recevoir une communication téléphonique du Corbeau à la voix rauque et déguisée. Selon sa première déposition aux gendarmes, cet interlocuteur inconnu aurait tenu les propos suivants :
    "Je te téléphone car cela ne répond pas à côté. Je me suis vengé du chef et j'ai kidnappé son fils. Je l'ai étranglé et je l'ai jeté à la Vologne. Sa mère est en train de le rechercher mais elle ne le trouvera pas. Ma vengeance est faite. "
    Monique VILLEMIN téléphona aussitôt à sa bru pour la mettre en garde. Ne réussissant pas à la joindre, elle alerta successivement son fils Jean-Marie à l'usine AUTO-COUSSIN de LACHAPELLE-devant-BRUYERES, Gilberte CHATEL veuve BLAISE, mère de Christine VILLEMIN, demeurant à BRUYERES, et la gendarmerie de cette localité. Il était alors environ dix-sept heures quarante cinq. cinq minutes plus tard, les gendarmes furent à nouveau prévenus par la mère de l'enfant qui semblait au comble de la détresse.
    A l'annonce de la disparition de son fils, Jean-Marie VILLEMIN regagna en hâte sa maison, saisit une carabine et se précipita à GRANGES-sur-VOLOGNE au domicile de Roger JACQUEL, beau-père de son frère aîné Jacky VILLEMIN, qu'il soupçonnait d'être le Corbeau et d'avoir enlevé l'enfant, afin de délivrer celui-ci ou de le venger, mais la vue d'une voiture qu'il prit pour celle des gendarmes le fit renoncer à son projet.
    A LEPANGES où Gilberte BLAISE, les époux Albert VILLEMIN et leur fils Michel étaient arrivés ainsi que les gendarmes de BRUYERES, les recherches s'organisèrent aussitôt. Les bois des alentours, puis la vallée de la Vologne furent explorés. A vingt et une heures quinze des pompiers découvrirent le cadavre de Grégory VILLEMIN dans la Vologne, au lieu-dit Derrière le Moncey, au centre de l'agglomération de DOCELLES, village d'un millier d'habitants situé à six ou sept kilomètres en aval de LEPANGES. Le corps, dont la tête émergeait de l'eau, était adossé à un barrage déversoir à une dizaine de mètres au-delà d'une passerelle dite Pont Bailey, franchissant la rivière pour relier la rue de la Vologne à la rue du Moncey, un peu après la jonction de ce cours d'eau avec son affluent le Barba et avec le canal d'une papeterie voisine.
    L'enfant portait son anorak bleu à parements verts et oranges, son pantalon vert foncé et ses souliers bleus. Sa tête était coiffée de son bonnet de laine bleu marine, blanc et bleu roi, enfoncé jusqu'à la base du cou. Ses chevilles et ses poignets étaient liés au moyen de cordelettes mal serrées par des noeuds de tisserand, ressemblant à des noeuds à flot mais d'une facture plus compliquée. Une autre cordelette semblable entourait le cou de l'enfant.
    Celui-ci, dont les membres étaient encore souples, semblait dormir paisiblement. Aucune trace de violence n'était visible.
    Le lendemain, une lettre postée à LEPANGES le 16 octobre 1984 et portant le cachet de 17 heures l5 fut distribuée par le facteur au domicile de Jean-Marie VILLEMIN. Elle était adressée à celui-ci et son texte était le suivant :
    "J'espère que tu mourras de chagrin le chef. Ce n'est pas ton argent qui pourra te redonner ton fils. Voilà ma vengeance, pauvre con. "

    Les premières investigations de la gendarmerie étant restées infructueuses le parquet d'EPINAL ouvrit, le 17 octobre 1984, une information judiciaire contre X pour assassinat.
    Dans le cadre de cette procédure, Jean-Marie et Christine VILLEMIN, puis Gilberte CHATEL veuve BLAISE, enfin plus tard Albert et Monique VILLEMIN ainsi que leurs fils Jacky et Michel et les épouses de ceux-ci se constituèrent parties civiles.
    Le juge d'instruction d'EPINAL donna aussitôt commission rogatoire à la gendarmerie section de recherches de NANCY et Compagnie de gendarmerie d'EPINAL de procéder à une enquête et chargea le professeur Gérard DEREN et le docteur Elisabeth PAGEL, médecins légistes à NANCY, de pratiquer une autopsie, laquelle, selon le rapport de ces deux experts, démontra :
    - que Grégory VILLEMIN, qui était très beau, ne portait aucune trace apparente de violence, si ce n'est une ecchymose d'un centimètre de diamètre au milieu du front, à la racine des cheveux, visible seulement après décollement du cuir chevelu,
    - qu'il n'existait notamment ni égratignures, ni griffures, ni ecchymoses sous-jacentes aux cordelettes, ni strangulation, la cordelette du cou étant vraisemblablement destinée à maintenir le bonnet sur le visage de l'enfant,
    - qu'il y avait au niveau des narines et de la bouche un très important champignon de mousse montrant que la victime avait respiré dans l'eau,
    - que les lèvres étaient cyanosées, que les poumons étaient distendus et présentaient de nombreuses taches de TARDIEU, que les bronches et les bronchioles étaient remplies de spume hydroaérique, que l'oreillette droite du coeur contenait un sang fluide, que le foie et les reins étaient congestifs,
    - que l'estomac renfermait de l'eau en faible quantité et des résidus alimentaires ressemblant
    à des morceaux de pomme incomplètement digérés que les experts attribuèrent au repas de
    midi, mais qui, en réalité, devaient provenir du goûter de l'enfant, aux dires de la mère de celui-ci.
    Les experts conclurent à une mort par submersion vitale à double origine à la fois asphyxique et inhibitrice par arrêt du coeur au contact de l'eau froide.
    Le pharmacien METAIZEAU ne trouva pas d'alcool dans le sang de la victime.
    Le docteur LE BRETON, expert national en toxicologie, auquel, il est vrai, n'avait été fourni qu'un très faible échantillon de sang centrifugé, ce qui risquait d'en éliminer certains produits volatils, n'y décela pas de traces d'anesthésiques comme l'éther, le chloroforme et le trichloréthylène, d'hypnotiques barbituriques et de dérivés de la benzodiazepine.
    Le docteur DUPREZ, professeur d'anatomopathologie à la Faculté de médecine de NANCY, chargé d'examiner les poumons de l'enfant, constata un oedème important mais ne découvrit pas de corps étrangers végétaux ou minéraux dans les bronchioles et alvéoles malgré une inspection très attentive des différents lobes au microscope.
    Le 9 novembre 1984 le sieur Noël GRANDJEAN, ouvrier communal à DOCELLES, qui était occupé à tailler des sapins bordant le Barba, à proximité du monument aux morts de cette localité, découvrit sur les branches de l'un d'eux, à environ un mètre cinquante du sol, une boîte en carton marquée "NOVO INDUSTRIE PHARMACEUTIQUE 10 ml Insuline NOVO LENTE RMC 40 UI suspension injectable d'insuline zinc mixte" renfermant un flacon de verre transparent obturé à l'aide d'un caoutchouc rouge et une seringue en plastique translucide de marque BD avec piston, aiguille et protège aiguille ainsi que l'emballage de celle-ci. Pensant que ces objets pouvaient être en relation avec l'assassinat de Grégory VILLEMIN, il les apporta au maire de la commune qui les remit à la gendarmerie.
    Une enquête du service régional de police judiciaire de NANCY révéla ultérieurement que le flacon portait le numéro 0605 et mentionnait comme date de péremption mars 1986 tandis que son emballage portait le numéro 0613 et que sa date de péremption était juin 1986. Ils n'appartenaient donc pas au même lot et avaient été distribués à des époques différentes aux dires du fabricant de ce produit.
    Une expertise confiée le 22 janvier 1990 à Madame Michèle RUDLER, directeur des laboratoires de toxicologie et de police scientifique de la préfecture de police de PARIS, établit que le flacon ne contenait plus d'insuline, produit instable à température ambiante, mais renfermait du sodium et du zinc, éléments minéraux entrant dans la composition de l'insuline, que la membrane en caoutchouc de ce flacon avait été percée par un objet cylindrique à extrémité taillée en biseau, telle que l'aiguille faisant l'objet de l'autre scellé. Aucune trace de substance toxique ne fut trouvée dans le flacon ou la seringue.

    Après le crime, de nouvelles communications téléphoniques anonymes parvinrent aux époux Albert VILLEMIN. Certaines particulièrement odieuses décrivaient les circonstances prétendues de la mort de Grégory VILLEMIN, noyé dans une baignoire et les souffrances qu'il aurait endurées. Leur auteur ne fut jamais identifié.
    Une autre lettre anonyme rédigée en caractères typographiques apparemment semblables à ceux des lettres de l'année 1983 et ainsi libellée "Je vous ferez à nouveau votre peau à la famille VILLEMAIN, prochaine victime MONIQUE" fut adressée le 24 juillet 1985 à Albert VILLEMIN de la poste de DARNIEULLES, village situé à une dizaine de kilomètres à l'ouest d'EPINAL.

    Les menaces verbales et écrites reçues par les consorts VILLEMIN, dont l'assassinat semblait l'aboutissement, orientèrent l'enquête en direction de leurs proches. Roger JACQUEL, Jacky VILLEMIN et Michel VILLEMIN, d'abord soupçonnés, furent rapidement mis hors de cause après vérification de leur emploi du temps.
    Eu égard à certaines lacunes et contradictions dans ses déclarations et surtout à la suite du récit de sa belle-soeur Murielle BOLLE, alors âgée de quinze ans, qui après des dépositions contraires, l'avait accusé d'avoir enlevé l'enfant au cours d'une promenade effectuée ensemble et de l'avoir conduit à DOCELLES, Bernard LAROCHE, âgé de vingt neuf ans, fils d'une soeur de Monique JACOB épouse VILLEMIN et comme tel cousin germain de Jean-Marie VILLEMIN, fut inculpé le 5 novembre 1984 d'assassinat et placé le même jour sous mandat de dépôt. Il refusa d'abord de s'expliquer puis nia catégoriquement les faits qui lui étaient reprochés. Murielle BOLLE ayant ultérieurement rétracté ses accusations et les charges réunies contre l'inculpé lui ayant paru trop fragiles, le juge d'instruction d'EPINAL remit en liberté Bernard LAROCHE le 4 février 1985 contre l'avis du ministère public. Par une lettre du même jour, l'un des conseils des époux Jean-Marie VILLEMIN demanda au magistrat instructeur de confier l'enquête au Service régional de police judiciaire de NANCY, ce que le juge, Monsieur LAMBERT, fit le 20 février suivant.
    Le 29 mars 1985, Bernard LAROCHE fut abattu d'un coup de fusil devant son domicile par son cousin Jean-Marie VILLEMIN qui lui imputait l'assassinat de son fils.
    Le 18 avril 1985, le juge d'instruction d'EPINAL rendit une ordonnance déclarant l'action publique éteinte à l'égard de LAROCHE à compter du 29 mars 1985 et disant que 1.' information serait désormais suivie contre x.
    Au vu du résultat des investigations du Service régional de police judiciaire de NANCY qui tendaient à convaincre la mère de Grégory VILLEMIN d'avoir assassiné son fils, le même magistrat inculpa Christine VILLEMIN de ce crime le 5 juillet 1985 et la plaça sous mandat de dépôt contre l'avis du parquet. Mais, sur appel de l'inculpée, la chambre d'accusation de NANCY la libéra et la plaça sous contrôle judiciaire le 16 juillet suivant en considérant qu'en dépit de certaines charges troublantes, trop d'incertitudes subsistaient.
    Le 11 septembre 1986, le juge d'instruction d'EPINAL rendit, conformément aux réquisitions du ministère public, une ordonnance de transmission des pièces de la procédure au Procureur général qui, le 17 octobre, requit le renvoi de l'inculpée devant la Cour d'assises des Vosges.
    Par un arrêt du 9 décembre 1986, la Chambre d'accusation de NANCY:
    - déclara irrecevables les constitutions de partie civile des époux Jacky et Michel VILLEMIN au motif qu'ils ne justifiaient pas d'un préjudice moral,
    - prononça la nullité de plusieurs pièces du dossier, notamment de procès-verbaux et d'écrits faisant état d'actes annulés et de plusieurs procès-verbaux de transport,
    - rejeta diverses demandes d'annulation de la procédure,
    - renvoya Christine BLAISE épouse VILLEMIN devant la Cour d'assises des Vosges sous l'accusation d'assassinat et décerna contre. elle une ordonnance de prise de corps en se fondant sur un faisceau de vingt- cinq éléments à charge qui seront ultérieurement examinés en détail.

    Sur pourvoi de l'accusée, la Chambre criminelle de la Cour de Cassation a, par arrêt du 17 mars 1987, annulé l'arrêt de la Chambre d'accusation de NANCY en ses dispositions relatives à Christine VILLEMIN et a renvoyé la cause et les parties devant la Chambre d'accusation de la Cour d'appel de DIJON :
    1) au motif que la juridiction d'instruction du second degré avait refusé d'annuler un rapport déposé le 21 janvier 1989 par les experts CECCALDI et CLEMENT concernant bl'examen des cordelettes et l'analyse de la salive déposée sur des timbres et des enveloppes bien qu'aucune pièce du dossier n'indiquât que ce dernier expert, non inscrit sur l'une des listes prévues par l'article 157 du Code de procédure pénale, eût prêté serment,
    2) au motif que la Chambre d'accusation de NANCY avait refusé d'annuler le rapport des docteurs WERNER et KOHLER de l'Office fédéral allemand de police criminelle bien que ce rapport n'eût pas été signé par le second expert au mépris de l'article 166 du Code de procédure pénale,
    3) au motif qu'aucun texte n'autorisait la Chambre d'accusation de NANCY à ordonner le retrait du dossier d'écritures des parties faisant référence à des actes de la procédure antérieurement annulés.
    La Cour de cassation a décidé en outre que pour le cas où la Chambre d'accusation de céans déclarerait qu'il existe contre Christine VILLEMIN des charges suffisantes d'avoir commis le crime qui lui est imputé, elle renverrait cette inculpée devant la Cour d'assises de la Côte d’Or.

    Saisie par le Procureur général près la Cour d'appel de DIJON de réquisitions écrites tendant au renvoi de l'inculpée devant la Cour d'assises de la Côte d'Or sur le fondement des mêmes charges que celles retenues par la Cour de NANCY et à l'annulation de certaines pièces, la Chambre d'accusation de DIJON a, par arrêt du 25 juin 1987, annulé de nombreux actes de la procédure, non seulement les expertises visées par la Cour de cassation dans les motifs de l'arrêt du 17 mars 1987, mais encore la plupart des procès-verbaux de transport du juge d'instruction d'EPINAL.
    Considérant que du fait de ces annulations la procédure n'était pas complète, qu'en outre il ne résultait pas du dossier que Christine VILLEMIN fût la seule personne ayant pu commettre le crime litigieux, enfin qu'aucun mobile expliquant l'assassinat de Grégory VILLEMIN par sa mère n'avait été découvert, la Chambre d'accusation de céans a ordonné un supplément d'information et a désigné pour y procéder son président d'alors, Monsieur Maurice SIMON. Elle a de nouveau commis celui-ci aux mêmes fins lorsqu'ayant atteint l'âge de soixante cinq ans, il est devenu conseiller en surnombre.

    Ce magistrat s'est attaché à combler les lacunes résultant des annulations prononcées par les chambres d'accusation de NANCY et de DIJON, a réétudié très attentivement la plupart des charges pesant sur l'inculpée et a entrepris des recherches dans des directions jusque là négligées. L'ampleur du travail qu'il a accompli est telle qu'il est impossible d'en rendre compte en détail.
    Mais frappé par la maladie, il a dû interrompre son activité et la Chambre d'accusation a désigné en ses lieu et place son président, par arrêt du 19 septembre 1990, pour continuer le supplément d'information.
    C'est alors que les révélations d'un témoin, Madame CONREAUX, ont donné un nouvel essor à l'enquête. Après l'exploitation des renseignements recueillis, une nouvelle audition de Murielle BOLLE, une confrontation des époux Jean-Marie VILLEMIN et Albert VILLEMIN, l'exploration d'autres pistes de recherches non encore étudiées et l'organisation de nouvelles expertises en écritures, un arrêt de dépôt a été rendu par cette chambre le 3 juin 1992.

    Estimant que l'information n’avait pas permis de découvrir l'auteur ou les auteurs de l'assassinat de Grégory V:LLEMIN et que les charges rassemblées contre Christine VILLEMIN avaient été affaiblies et souvent anéanties par le supplément d'information, qu'en tout cas elles étaient insuffisantes, Monsieur le Procureur général a requis non lieu en faveur de celleci le 22 juin 1992.

    Le 9 septembre 1992, Maître ROBINET a déposé deux mémoires concluant l'un et l'autre au prononcé d'un arrêt de non-lieu :
    - le premier pour le compte de Madame Gilberte BLAISE veuve CHATEL qui tend à démontrer l'absence de mobile de Christine VILLEMIN et la culpabilité de LAROCHE,
    - le second, dans l'intérêt de Christine et de Jean- Marie VILLEMIN qui s'attache :
    * à prouver au vu du résultat du supplément d'information :

    .la fausseté des dépositions des témoins qui prétendent avoir vu Christine VILLEMIN poster à LEPANGES,

    .le 16 octobre 1984, une lettre supposée être celle revendiquant le crime, le caractère contestable des saisies, au domicile des époux Jean-Marie VILLEMIN, de cordelettes semblables à celles ayant servi à ligoter leur fils Grégory,
    * à mettre en évidence les contradictions des experts en écritures,
    * et à attribuer à Bernard LAROCHE la lettre du 17 mai 1983 et la lettre de revendication du crime au vu des rapports des experts Denis KLEIN et Isabelle DAVIDSON.

    Le 11 septembre 1992, Maître MOSER a déposé au nom ce Jean-Marie et de Christine VILLEMIN un mémoire par lequel il sollicite l'inculpation de Murielle BOLLE du chef de complicité d'enlèvement d'un enfant de moins de quinze ans et la poursuite des investigations destinées à rechercher les complices et les co-auteurs de l'assassinat de Grégory VILLEMIN. Ils'efforce :
    - de démontrer la culpabilité de Bernard LAROCHE,
    - de prouver la participation de Murielle BOLLE, sinon à l'assassinat, du moins à l'enlèvement de l'enfant, de diriger des soupçons sur Marie-Ange BOLLE épouse de Bernard LAROCHE et soeur de Murielle BOLLE.

    Maître CHASTANT-MORAND a déposé, le 16 septembre 1992, un mémoire ayant pour objet d'établir :
    - que Christine VILLEMIN ne pouvait être le Corbeau, qu'elle n'a pas disposé du temps nécessaire pour commettre le crime qui lui est imputé,
    - qu'aucun mobile pouvant expliquer l'assassinat de l'enfant par sa mère n'a été découvert.

    Dans un mémoire déposé le 17 septembre 1992, Maître GARAUD critique très vivement l'information conduite par le juge d'instruction d'EPINAL et l'enquête menée sur commission rogatoire de celui-ci par le Service régional de police judiciaire de NANCY. Il réclame le prononcé d'une décision de non-lieu en faveur de l'inculpée et la poursuite de l'instruction en vue d'aboutir à la découverte et au châtiment des coupables.

    Dans deux mémoires déposés le 18 septembre 1992, l'un complétant et rectifiant l'autre, les conseils des époux Albert VILLEMIN, parties civiles, concluent eux aussi à un non-lieu en faveur de Christine BLAISE épouse VILLEMIN.
    Après avoir sollicité l'organisation d'une nouvelle expertise destinée à décrypter les cassettes d'enregistrement de la voix du Corbeau ou des Corbeaux, ils renoncent à cette mesure d'instruction.

    II - RESULTAT DE L'INFORMATION ET DISCUSSION DES CHARGES

    A l'issue de l'information judiciaire menée à EPINAL et de l'instruction complémentaire confiée à la Chambre d'accusation de DIJON qui furent rendues très difficiles :

    - par le grand nombre de personnes pouvant être soupçonnées d'avoir commis le crime,
    - par les lacunes et les insuffisances de l'enquête initiale,
    - par des erreurs de procédure qui provoquèrent, de manière souvent irrémédiable, l'annulation de beaucoup d'actes par les arrêts de la Chambre d'accusation de NANCY des 19 décembre 1984 et 9 décembre 1986 et par l'arrêt de la Chambre d'accusation de DIJON du 25 juin 1987,
    - par des dissensions au sein de la famille de la victime,
    - par la rivalité qui opposa le Service régional de police judiciaire de NANCY à la gendarmerie,
    - par les liens gui unissaient certains enquêteurs à des témoins et à des journalistes,
    - par des querelles d'experts,
    - par des violations répétées du secret de l'instruction,
    - enfin par la médiatisation extrême de cette affaire mystérieuse dont les presses écrite et télévisée s'emparèrent quelques instants seulement après l'enlèvement de l'enfant et à laquelle elles donnèrent un retentissement exceptionnel qui
    .divisa l'opinion publique souvent en fonction de critères politiques semblant sans rapport avec la réalité,
    .influença de nombreux témoins, en dissuada plusieurs de révéler ce qu'ils savaient de crainte de voir leur vie privée et leurs faits et gestes étalés au grand jour,
    .et à l'inverse, incita maintes personnes à fournir des renseignements dénués de fondement ayant eu pour seul effet de brouiller les pistes et d'allonger inutilement les recherches, de multiples interrogations restent sans réponse malgré les investigations innombrables et les efforts immenses accomplis pour découvrir la vérité.

    C'est ainsi que l'heure du décès de Grégory VILLEMIN demeure ignorée. Le docteur Alain PETIT, médecin à DOCELLES, qui examina le corps le 16 octobre 1984 à 21 heures 30, aussitôt après sa découverte, estima que la mort avait eu lieu aux environs de dix huit heures. Entendu le 18 novembre 1987 par Monsieur le Président SIMON, il précisa que le corps était souple, que la mâchoire était fermée et la peau déjà un peu dure, surtout au niveau des muscles masséter, ce qui signifiait qu'il y avait un petit début de contracture. A son avis le corps avait séjourné dans l'eau pendant un temps assez long dont il ne put toutefois évaluer la durée.
    Dans leur rapport d'autopsie les médecins légistes ne se hasardèrent pas à fixer l'heure de la mort. Dans une lettre du 20 novembre 1984, ils écrivirent au juge d'instruction d'EPINAL que l'aspect des résidus alimentaires trouvés dans l'estomac de la victime ne pouvait fournir aucune indication à ce sujet et en réponse à une nouvelle demande du magistrat instructeur, le professeur DE REN confirma qu'il lui était impossible de situer l'heure du décès. Il ajouta qu'à son avis l'enfant n'avait pas séjourné longtemps dans l'eau. Lors de son audition par Monsieur le Président SIMON le 24 octobre 1989, il estima cette durée à deux ou trois heures.
    Les professeurs MARIN et GISSELMANN, médecins experts consultés au cours du supplément d'information, indiquèrent que le décès de l'enfant avait pu se produire dans un laps de temps de deux à quatre heures avant la découverte du cadavre. Il aurait donc eu lieu, selon cette opinion, entre dix sept heures quinze et dix neuf heures quinze.
    Une dame Josiane LAHAYE épouse GUYOT qui, le 16 octobre 1984 vers 17 heures 30 avait franchi la Vologne en empruntant le pont Bailey, avait aperçu une forme bleue retenue par des pierres. La prenant pour un sac d'ordures en matière plastique, elle n'y avait pas pas prêté attention. Par la suite, les enquêteurs émirent l'hypothèse qu'il s'agissait de Grégory VILLEMIN enveloppé dans son anorak bleu. C'est possible, mais entendue à nouveau le 4 juin 1989 par des officiers de police judiciaire qui lui ont montré les vêtements de l'enfant, elle ne put certifier que c'était bien lui qu'elle avait vu.

    De même la cause du décès est incertaine. Dans un premier temps, les médecins légistes DE REN et PAGEL l'ont attribué à une asphyxie par submersion suivie, au contact de l'eau froide, d'une asphyxie par inhibition ayant entraîné un arrêt de la respiration et du coeur, les deux phénomènes s'étant succédés en l'espace de quelques secondes. Cette conclusion leur était dictée par l'absence de toute lésion au niveau des liens, ce qui semblait prouver que l'enfant ne s'était pas débattu. Leur avis a été contesté par les professeurs MARIN et GISSELMANN qui estiment qu'une hydrocution n'est nullement établie et privilégient l'hypothèse d'une noyade exclusivement asphyxique.
    Il se pourrait en effet :
    - que l'enfant n'ait été ligoté qu'après sa mort,
    - ou qu'il ait été assommé préalablement à celle-ci, violence qui aurait pu passer inaperçue lors de l'autopsie en l'absence d'incisions systématiques destinées à déceler des hématomes profonds extérieurement invisibles,
    - ou qu'il ait été endormi par des produits anesthésiques, éventualité qui ne saurait être entièrement exclue dès lors que ses viscères n'ont pas été prélevés et analysés,
    - ou enfin qu'il ait subi une piqûre d'insuline au moyen de la seringue et du flacon découverts par le garde champêtre Noël GRANDJEAN. Une injection de ce produit aurait pu plonger la victime dans le coma et rendre sa noyade aisée.
    Le délai d'action de l'insuline a fait l'objet de controverses. Le docteur Dominique MESSIN, médecin à GRANGES-sur-VOLOGNE, entendu le 3 décembre 1984 par la gendarmerie, a estimé qu'il ne fallait pas plus d'une demi-heure pour qu'apparaissent les premiers signes d'hypoglycémie alors que selon les experts DE REN, PAGEL, MARIN et GISSELMANN, il faudrait une heure et demie avant que l'insuline commence à agir. En l'absence d'expérimentation possible ces opinions divergentes sont difficiles à étayer. Il apparaît que l'effet d'un tel produit varie suivant le sujet qui le reçoit, la quantité utilisée et le mode d'injection, la voie intraveineuse ayant une action beaucoup plus rapide que les piqûres sous-cutanées ou intramusculaires.
    Les médecins légistes DE REN et PAGEL ont fait observer qu'une injection intraveineuse aurait été difficile à pratiquer et aurait certainement laissé des traces qui n'auraient pu échapper à leur attention lors de l'autopsie. En revanche ils ont admis qu'il aurait été aisé d'effectuer une piqûre intramusculaire au travers des vêtements, qu'elle aurait fort bien pu passer inaperçue et que les examens ultérieurs n'auraient pas permis de la déceler.
    Lors de son audition par Monsieur le Président SIMON, le 24 octobre 1989, le professeur DE REN a également considéré comme possible l'électrocution de Grégory VILLEMIN dans une baignoire.

    L'eau dans laquelle l'enfant a été asphyxié n'est pas davantage connue. Au début de l'enquête il paraissait admis que Grégory VILLEMIN avait été noyé dans la Vologne, mais le résultat de l'examen pratiqué par le professeur DUPREZ. permet d'en douter puisqu'aucune des particules minérales et végétales que cette rivière devait nécessairement charrier n'a été retrouvée dans les poumons de la victime. Il n'est dès lors pas exclu que la suffocation de celle-ci ait eu lieu dans une eau de ville, par exemple dans une baignoire ou dans un seau, hypothèse que les experts MARIN et GISSELMANN ont envisagée dans leurs rapports des 1er et 16 octobre 1987 et du 22 juin 1988, et qu'après l'avoir initialement écartée le professeur DE REN a admise comme plausible.

    Le lieu d'immersion de Grégory VILLEMIN n'a pu être déterminé avec certitude. Au départ de l'information, les enquêteurs l'ont situé au bord de la Volcgne, à environ quatre cents mètres en amont du pont Bailey, en un lieu qui fut qualifié de "point privilégié" parce qu'à proximité de la route départementale 44 reliant DEYCIMONT à DOCELLES des traces de passage dans l'herbe et notamment l'empreinte d'une chaussure de femme avaient été relevées dans un pré situé entre la voie ferrée LEPANGES-DOCELLES et la Vologne auquel on pouvait accéder facilement par un chemin de terre, que des traces de pneus avaient également été constatées dans le chemin et que des témoins, les époux GODFROY, avaient observé le 16 octobre 1984 vers 17 heures 20 les traces d'eau laissées par une voiture ayant quitté le petit chemin de terre pour reprendre la direction DEYCIMONT-LEPANGES sur la route 44.
    La mise à l'eau de Grégory VILLEMIN à cet endroit ne saurait être entièrement exclue, mais elle se heurte à de sérieuses objections :
    - il est surprenant qu'après avoir parcouru plusieurs centaines de mètres dans une rivière au courant impétueux, semée de roches et franchi un barrage en amont de DOCELLES le corps et les vêtements de l'enfant soient restés intacts ;
    - lors de l'instruction menée à EPINAL, les gendarmes ont procédé à plusieurs expériences au moyen d'un mannequin pesant douze kilogrammes, poids voisin de celui de la victime. Il n'arrivait au lieu de découverte du cadavre que s'il était jeté à proximité du ruisseau le Barba, derrière le local des pompiers de DOCELLES, non loin du lieu de découverte de la seringue et du flacon d'insuline et lieu également désigné par Murielle BOLLE comme étant celui où son beau-frère LAROCHE serait descendu de voiture en compagnie de Grégory VILLEMIN. En revanche si le mannequin était précipité dans l'eau au point privilégié il restait bloqué sur la crête du barrage situé environ deux cents mètres plus loin.
    En vue de découvrir la vérité, la Chambre d'accusation de DIJON s'est transportée sur les lieux le 17 novembre 1987 et a procédé sous la direction de son président d'alors à une longue et minutieuse reconstitution du trajet éventuellement suivi par le corps de l'enfant jusqu'au lieu de sa découverte. Cette mesure d'instruction n'a malheureusement pas donné de résultat probant, non seulement parce qu'un mannequin, si bien imité fût-il, n'a pas le même comportement qu'un corps humain, mais aussi et surtout parce que d'importants travaux, accomplis postérieurement au crime, avaient modifié le cours de la Vologne.

    La réalité de l'appel téléphonique qui aurait été adressé le 16 octobre 1984 après dix sept heures, d'abord en vain aux époux Albert VILLEMIN, puis à leur fils et voisin Michel, son origine et sa teneur ont été mises en doute, notamment par Madame Paulette KINET épouse JACQUEL, belle-mère de Jacky VILLEMIN, ainsi que par les époux Jean-Marie VILLEMIN. Hormis les déclarations de Michel VILLEMIN, il n'en existe aucune preuve. Lionel VILLEMIN, dernier des enfants d1Albert et de Monique VILLEMIN, âgé à l'époque de douze ans, a certes prétendu, lors de son audition par Monsieur le Président SIMON le 20 janvier 1988, qu'il avait entendu le téléphone sonner chez ses parents, pendant qu'il jouait aux abords de leur maison avec son camarade Savas ALICI, mais celui-ci ne l'a pas confirmé et Lionel avait dit le contraire aux gendarmes le 19 octobre 1984.
    L'interlocuteur anonyme qui depuis des années tracassait la famille VILLEMIN avait coutume de répandre de fausses nouvelles concernant des accidents ou des décès imaginaires de sorte qu'instruits par l'expérience, ses correspondants avaient pris l'habitude de vérifier, avant d'intervenir, l'exactitude de l'information qui leur était donnée. Or, quand l'enlèvement et l'assassinat de Grégory VILLEMIN ont été annoncés, il semble que cet avertissement ait été immédiatement pris au sérieux.

    L'heure à laquelle la lettre de revendication du crime a été déposée à la poste de LEPANGES, le 16 octobre 1984, est, elle aussi, problématique. Ce pli porte la mention d'oblitération de dix sept heures quinze, ce qui, selon le receveur, implique qu'elle a été déposée avant 17 heures, car en principe, le courrier expédié plus tard porte soit un cachet différent apposé à la main, soit le timbre du lendemain. Toutefois l'audition d'employées des postes et des expériences réalisées au cours du supplément d'information ont établi que le changement de compostage n'avait pas lieu à une heure rigoureusement fixe et qu'en fait le pli destiné à Jean-Marie VILLEMIN avait pu être déposé dans la boîte aux lettres entre 13 heures 55 et 17 heures 20 et qu'il avait été plus vraisemblablement expédié entre 16 heures 40 et 17 heures 15.

    Beaucoup d'autres incertitudes subsistent concernant notamment l'auteur des appels téléphoniques et celui des lettres anonymes, l'auteur du crime et le mobile de celui-ci. Ces problèmes seront examinés à propos de l'étude détaillée des charges pesant sur les deux inculpés successifs et sur les autres personnes pouvant avoir été mêlées à l'assassinat de Grégory VILLEMIN.

    A - CHARGES PESANT SUR CHRISTINE VILLEMIN
    Elles sont énumérées dans l'arrêt de renvoi devant la Cour d'assises des Vosges rendu le 9 décembre 1986 par la Chambre d'accusation de NANCY et elles ont été reprises par le réquisitoire de Monsieur le Procureur général près la Cour d'appel de céans du 28 avril 1987.


    PREMIERE CHARGE
    Elle tient à l'absence prétendue de toute allée et venue suspecte aux abords de la maison des époux Jean-Marie VILLEMIN et sur l'itinéraire, pourtant en terrain largement découvert, et en
    plein jour qu'un ravisseur aurait dû emprunter.. Il s'ensuivrait, selon la thèse initiale du ministère public, que l'inculpée serait la seule à avoir pu enlever son fils.

    Dès l'origine cette allégation semblait inexacte puisqu'un sieur Claude GREMILLET, demeurant rue de Bellevue à LEPANGES-sur-VOLOGNE, avait déclaré à la police judiciaire de NANCY que, de son domicile, il avait aperçu le 16 octobre 1984, vers dix sept heures cinq ou dix sept heures dix une automobile qui montait la rue des Champs en direction de la maison des époux Jean-Marie VILLEMIN. Lors du supplément d'information ce témoin dont la déposition a été confirmée par celle de son épouse, a précisé qu'en raison de l'éloignement et de la configuration des lieux il n'avait pu distinguer le type et la couleur de cette voiture et qu'il ne l'avait pas vu redescendre la côte. Cet élément important fut corroboré beaucoup plus tard par les révélations d'un témoin courageux, Madame CONREAUX née Charlotte REICHENAUER, au civisme de laquelle la Cour se plait à rendre hommage.
    A la fin de l'année 1985 les époux CONREAUX avaient acheté à Jean-Marie et à Christine VILLEMIN leur maison de LEPANGES-sur-VOLOGNE. Ils s'y étaient installés d'abord pour de brefs séjours puis, au mois de mars 1987, à demeure et ils avaient noué de bonnes relations
    avec leurs voisins. A l'occasion d'un litige l'opposant aux locataires d'une auberge dont elle était propriétaire dans le Haut-Rhin, Madame CONREAUX fut amenée, le 26 octobre 1990, à consulter Maître MOSER, avocat à MULHOUSE, qui était aussi l'un des conseils des époux Jean-Marie VILLEMIN. A l'issue de cette entrevue la conversation s'engagea sur l'assassinat de Grégory VILLEMIN et Madame CONREAUX demanda à son interlocuteur si Madame CLAUDON avait enfin dit ce qu'elle savait. Elle fit alors état de confidences qu'elle avait reçues de cette voisine et accepta d'en signer sur le champ une relation écrite qui fut aussitôt transmise au président de cette chambre par Maître MOSER.
    Entendue le 31 octobre 1990 par la gendarmerie sous la foi du serment, Madame CONREAUX raconta qu'au mois de juillet 1986 Madame Marcelle DROUOT épouse CLAUDON lui avait révélé que le jour de l'enlèvement de l'enfant, en fin d'après-midi, elle était passée devant la maison des époux Jean-Marie VILLEMIN pour se rendre dans une pâture située en dessous de celle-ci. Au cours du trajet effectué à bord d'une automobile GOLF blanche conduite par son ami Claude COLIN, contrôleur des lignes d'autobus de la Société des transports automobiles des Hautes Vosges dite STAHV, employeur de son fils Christian CLAUDON, elle avait croisé une voiture verte conduite par Bernard LAROCHE accompagné d'une autre personne. Afin de ne pas créer d'ennui à Monsieur COLIN qui désirait garder secrète sa présence à LEPANGES ce jour-là, elle avait laissé croire que c'était son mari Jean-Louis CLAUDON qui l'avait menée à sa pâture au volant de leur voiture MEHARI. Madame CLAUDON lui avait expliqué son silence par des menaces d'incendie de sa maison qu'elle avait reçues après le crime. Madame CONREAUX avait fait part à sa voisine Marie-Noëlle REMY épouse ROLLOT et à la fille de celle- ci Séverine ROLLOT des confidences de Madame CLAUDON et ces trois femmes avaient envisagé, ainsi qu'elle le confirmèrent, de porter cette information à la connaissance de Monsieur le Président SIMON au moyen d'une lettre anonyme que Séverine ROLLOT devait dactylographier, mais ayant cru que Monsieur SIMON savait la vérité, elles avaient finalement renoncé à leur projet.
    La section de recherches du groupement de gendarmerie de la Côte d'Or réussit à retrouver à EPINAL Monsieur Claude COLIN, né le 16 février 1926, ancien adjudant-chef devenu contrôleur de la STAHV, mais maintenant en retraite et à prouver par une enquête au siège de cette entreprise que le l6 octobre 1984 il avait eu à sa disposition une automobile de service VOLKSWAGEN GOLF blanche. Après quelques hésitations Claude COLIN reconnut que le 16 octobre 1984 il s'était arrêté vers 16 heures 30 au domicile des époux CLAUDON pour y boire un café et qu'au moment de son départ qu'il situa aux environs de dix-sept heures, Madame CLAUDON lui avait demandé de la conduire à son parc à bestiaux. Il l'avait prise à bord de sa voiture dont il ne se souvenait plus si c'était une Renault 4L ou une Golf blanche et l'avait déposée rue des Champs. Alors qu'ils se trouvaient entre la ferme CLAUDON et la maison VILLEMIN, sur le chemin dit de la Bure qui est étroit, ils avaient croisé une voiture venant de la rue des Champs dont le conducteur avait dû se garer à l'entrée d'un pré où était implantée une éolienne pour les laisser passer. Au moment où les deux véhicules se faisaient face, presqu’à l'arrêt, à cinq ou six mètres l'un de l'autre, Madame CLAUDON qui était pressée, avait dit à l'autre chauffeur "Dégage" et avait accompagné ce verbe d'un geste énergique du bras. Le conducteur était un homme assez corpulent et la passagère, assise sur le siège avant droit, était une femme aux cheveux roux, .signalements pouvant correspondre à ceux de Bernard LAROCHE et de Murielle BOLLE. Le témoin avait pensé que Madame CLAUDON connaissait ce couple que lui n'avait encore jamais vu. Ayant appris le crime le lendemain, Claude COLIN était revenu chez les époux CLAUDON et leur avait demandé de dissimuler sa présence à LEPANGES le 16 octobre 1984, au lieu et à l'heure de l'enlèvement de l'enfant, car il craignait, semble-t-il, que son employeur et son épouse n'en prissent ombrage. Il avait été convenu entre eux que l'on dirait que c'était Jean-Louis CLAUDON qui avait conduit son épouse à sa pâture dans leur voiture MEHARI. Marcelle CLAUDON lui aurait dit que c'était Bernard LAROCHE et Murielle BOLLE qui se trouvaient dans l'automobile rencontrée en chemin.
    Le 7 février 1991 Claude COLIN montra sur place aux adjudants DEFIX et BESSON de la section de recherches de DIJON l'endroit précis où le croisement s'était produit. Les enquêteurs constatèrent que les lieux étaient semblables à la description que le témoin en avait donnée et que le croisement de deux voitures sur le chemin de la Bure dont la configuration n'avait pas changé depuis le crime, était difficile.
    Questionnés à leur tour, Jean-Louis CLAUDON et son fils Christian reconnurent qu'ils avaient menti pour rendre service à Monsieur COLIN. Le père ajouta que Claude COLIN et son épouse lui avaient rapporté qu'ils avaient dû croiser plusieurs voitures durant leur trajet. Plus tard il prétendit que cette rencontre avait eu lieu près de la ferme CAPELLE, à proximité de sa maison.
    Entendue le 22 novembre 1990 par la gendarmerie Marcelle DROUOT épouse CLAUDON commença par nier avoir été conduite vers son troupeau de vaches par Claude COLIN, mais avertie des déclarations de celui- ci, elle admit avoir été emmenée dans l'automobile VOLKSWAGEN blanche de son ami, le 16 octobre 1984 entre 17 heures 10 et 17 heures 20. Elle affirma que durant le trajet aucun croisement n'avait eu lieu. La déposition de Monsieur COLIN apparait toutefois conforme à la réalité parce qu'elle est corroborée par les confidences de Madame CLAUDON non seulement à Madame CONREAUX,
    mais encore à d'autres personnes de son entourage, Monsieur Alfred GOFFENEY et les époux MELINE. Ces derniers, proches voisins des époux Jean-Marie VILLEMIN et amis des époux CLAUDON, avaient été précédemment entendus à plusieurs reprises et n'avaient rien révélé.
    Bien au contraire Gilbert MELINE avait jusque-là prétendu que Marcelle CLAUDON avait été conduite à sa pâture par son mari dans leur voiture MEHARI. Après bien des hésitations et des réticences les époux MELINE finirent par reconnaître qu'au cours d'un voyage effectué en leur compagnie à REMIREMONT, elle leur avait raconté les circonstances véritables du croisement mais qu'ils n'en avaient jusqu'alors pas fait mention parce qu'entre voisins on ne se critique pas et que quand on vous confie un secret, on le garde". Madame MELINE qui avait reçu par deux fois les confidences de Marcelle CLAUDON précisa que celle-ci, parlant du conducteur de la voiture qu'elle avait rencontrée, lui avait dit: "Il portait un pull-over jacquard et avait des moustaches. On aurait dit LAROCHE."
    Le gendarme LACHAUSSEE de la brigade d'YZEURE (Allier) avait été affecté de 1977 à 1987 à la brigade de BRUYERES et avait participé à l'enquête relative à l'assassinat de Grégory VILLEMIN. Bien avant le crime il avait lié connaissance avec les époux CLAUDON qui étaient des informateurs habituels de cette brigade et il était devenu leur ami. Entendu le 18 décembre 1990 sur commission rogatoire du président de cette chambre, il déclara qu'au début de l'année 1985 il avait appris qu'une personne amie des CLAUDON et travaillant à EPINAL avait vu quelque chose d'important ce jour de l'enlèvement de Grégory VILLEMIN et aurait notamment croisé une voiture sombre conduite par un homme qui circulait sur le chemin de la Bure reliant le chalet des époux VILLEMIN à la rue des Bosquets où se trouvait la ferme de la famille CLAUDON. Ayant su que ce témoin était Claude COLIN, il l'avait rencontré mais celui-ci n'avait jamais accepté de déposer parce que le jour des faits il n'aurait pas dû se trouver sur cet itinéraire. Aux dires du gendarme LACHAUSSEE, Claude COLIN était, selon la rumeur publique, l'amant de Marcelle CLAUDON .
    Le gendarme LACHAUSSEE prétendit qu'il avait communiqué à ses supérieurs les renseignements qu'il avait recueillis mais aucune trace de cette transmission ne fut retrouvée dans les pièces de la procédure et dans les archives de la gendarmerie qui avait été dessaisie de l'enquête par le juge d'instruction d'EPINAL le 20 février 1985.
    Mise en présence des témoins qui contredisaient sa version des faits, Madame CLAUDON persista à soutenir qu'elle n'avait croisé aucune voiture sur le chemin de la Bure. A l'entendre elle aurait seulement dit à ses interlocuteurs que quelqu'un avait vu une voiture le jour des faits. Son attitude s'explique, semble-t-il, par des menaces qu'elle aurait reçues peu après le crime. Leur réalité a été attestée par Claude COLIN et par tous les témoins auxquels elle s'était confiée ainsi que par le journaliste PRADIER qui s'était lié à la famille CLAUDON au cours de son enquête sur le crime. Elle aurait également subi des pressions de sa famille qui redoutait que leur ferme, laquelle est très vulnérable, ne fût incendiée. Le 15 octobre 1987, lors d'un transport de Monsieur le Président SIMON sur le lieu de l'enlèvement, Madame CLAUDON avait paru très agitée aux autres témoins qui avaient cru qu'elle allait dire ce qu'elle savait, mais son fils lui avait ordonné de se taire. En l'état la première des charges pesant sur Christine VILLEMIN se trouve donc anéantie.

    DEUXIEME CHARGE
    A proximité du point privilégié une empreinte de chaussure de femme a été découverte dans l'herbe, le 17 octobre 1984.

    Cet indice ne saurait être retenu contre Christine VILLEMIN :
    - d'une part parce qu'il n'est nullement prouvé que Grégory VILLEMIN ait été précipité dans la Vologne en ce lieu,
    - d'autre part parce qu'il n'est pas davantage établi que cette empreinte provienne d'une chaussure de l'inculpée. Celle-ci a prétendu, sans être contredite, que le 16 octobre 1984 elle était chaussée d'espadrilles et la seule paire de chaussures lui appartenant qui ait été saisie, était différente de l'empreinte.

    TROISIEME ET QUATRIEME CHARGES
    Sur un chemin de terre longeant la voie ferrée DEYCIMONT-LEPANGES, à proximité du point dit privilégié, des traces de pneus zx de calibre 135 x 14, différents de celles des roues de la voiture de LAROCHE, mais analogues à celles des pneus de la voiture de Christine VILLEMIN ont été relevées le 17 octobre 1984 par les enquêteurs.

    En outre, le 16 octobre vers 17 heures 20 des témoins, les époux GODFROY, ont remarqué sur la route départementale 44 reliant DEYCIMONT à DOCELLES, à sa jonction avec ledit chemin de terre, des traces d'eau laissées par les roues d'un véhicule court comme l'était celui de Christine VILLEMIN, qui aurait repris la direction de DEYCIMONT et de LEPANGES.

    Ces constatations se heurtent à la même objection que la charge numéro 2 puisqu'il est très douteux que Grégory VILLEMIN ait pu être jeté dans la Vologne en amont de DOCELLES. Au surplus l'automobile et les pneus de Christine VILLEMIN étaient d'un modèle répandu à de nombreux exemplaires.
    Enfin une expertise réalisée seulement en décembre 1985 et janvier 1986 alors que la voiture de l'inculpée avait parcouru depuis lors quatre mille kilomètres, n'a pas permis au techniciens commis d'affirmer que les traces provenaient du véhicule de celle-ci :
    - d'une part parce qu'ils ne possédaient pas un moulage de toute la bande de roulement,
    - d'autre part parce qu’il existait une légère différence dans la largeur des crampons.

    CINQUIEME CHARGE
    Il existe une discordance entre les déclarations de Christine VILLEMIN sur son emploi du temps le 16 octobre 1984, peu avant dix sept heures, à sa sortie de la manufacture vosgienne de confection où elle travaillait et celles de très nombreux témoins. L'inculpée a prétendu qu'après son travail elle avait pris la direction de DOCELLES pour se rendre aux HLM Gais Champs où habitait la gardienne de Grégory. Les dames Maria PEREIRA épouse LEITE et Maria DE SOUSA FERNANDES ont au contraire affirmé qu'elles avaient vu Christine VILLEMIN se diriger non vers DOCELLES, mais vers BRUYERES à 16 heures 52, c'està- dire vers la poste de LEPANGES. A 16 heures 55 trois autres collègues de l'inculpée l'auraient aperçue devant la poste de cette localité. Anne-Marie TEXEIRA l'aurait vu mettre un pli dans la boîte aux lettres ; Sandrine LOUPS l'aurait vu monter en voiture devant la poste et
    Marie-Lise BLONDEL épouse PEREIRA l'aurait vu faire demi-tour devant la poste avec sa voiture R5 noire.
    La Cour de NANCY a noté dans son arrêt que ces témoins avaient été entendus à plusieurs reprises, qu'ils n'avaient pas varié dans leurs explications, qu'ils avaient donné des points de repère, que leurs dépositions avaient été corroborées par celles de Laurence LOUPS, de Gisèle BALLERY épouse LOUPS, de Stéphane PAUCHARD, de Gisèle VILLEMAIN, d'Annie POIROT, de Marie-France FLEURANCE, de Sylvie BATAILLE et de Véronique SCHALLER auxquels les témoins visuels avaient rapporté ce qu'ils avaient constaté. Elle a estimé que toutes ces personnes n'avaient pu se tromper et qu'aucune confusion n'était possible avec la lettre destinée aux établissements VERT-BAUDET que l'inculpée avait expédiée la veille du crime; qu'il était donc établi que Christine VILLEMIN avait posté une lettre à l'instant même où l'assassin avait posté son sinistre message.

    L'inculpée ayant toujours nié être passée devant la poste de LEPANGES le jour du crime, si ce n'est à 17 heures 30, quand elle recherchait son fils, Monsieur le Président SIMON a réentendu toutes les ouvrières qui soutenaient le contraire.
    Anne-Marie TEXEIRA et Danielle CORDIER, seuls témoins l'ayant vu mettre une lettre dans la boîte de la poste de LEPANGES, étaient les passagères d'une automobile pilotée par leur collègue Nicole MARTIN dans laquelle avait également pris place Laurence CLAUDEL. Cette dernière et la conductrice n'avaient rien remarqué. Anne-Marie TEXEIRA a finalement reconnu qu'elle ne savait pas si elle avait vu Christine VILLEMIN poster une lettre le quinze ou le seize octobre 1984 et a admis que ce doute était né dans son esprit dès le mois de novembre 1984. Danielle CORDIER a déclaré qu'elle était sûre qu'une autre couturière de la manufacture vosgienne de confection Annie MOUGENEL qui était habituellement transportée dans la voiture de Nicole MARTIN, s'y trouvait lorsqu'elle avait vu l'inculpée devant la poste de LEPANGES. Or l'enquête a révélé qu'exceptionnellement Annie MOUGENEL n'était pas montée dans cette automobile le 16 octobre 1984. Le 19 janvier 1988, Danielle CORDIER a reconnu son erreur. Déjà lors de son audition par la police judiciaire, le 20 mars 1985, elle avait indiqué qu'elle n'était pas sûre de la date de ses constatations. Mais le 14 octobre 1987 au cours d'une reconstitution effectuée par l'ancien président de cette chambre, elle avait affirmé la date du 16 octobre. Selon ses dernières déclarations il se serait agi d'un malentendu. Il est donc vraisemblable qu'Anne-Marie TEXEIRA et Danielle CORDIER ont vu la scène qu'elles décrivent le 15 octobre 1984 puisqu'il est démontré que l'inculpée a posté ce jour-là une lettre destinée à l'entreprise de vente par correspondance LE VERT-BAUDET.
    Les autres témoins sur la déposition desquels la Cour de NANCY avait fondé sa décision, ont en revanche maintenu leurs assertions précédentes en disant respectivement :
    - Maria PEREIRA épouse LEITE qu'à sa sortie de la manufacture vosgienne de confection le 16 octobre 1984, elle avait vu Christine VILLEMIN partir au volant de sa voiture vers BRUYERES - direction de la poste -et qu'elle avait cru qu'elle se rendait chez sa mère,
    - Maria FERNANDES que le même jour, peu avant 17 heures, elle avait vu Christine VILLEMIN rouler en direction de BRUYERES puis un instant plus tard revenir en sens inverse,
    - Marie-Lise BLONDEL épouse PEREIRA qu'elle avait aperçu l'automobile de l'inculpée amorcer un demi-tour devant la poste de LEPANGES le 16 octobre 1984 vers 17 heures,
    - Sandrine LOUPS que le même soir, peu après sa sortie de l'usine, Christine VILLEMIN avait contourné son automobile arrêtée, porte ouverte, devant la poste de LEPANGES et qu'elle avait entendu le bruit du moteur de ce véhicule qui démarrait.
    Les reconstitutions des faits accomplies par Monsieur le Président SIMON ont établi qu'eu égard à la configuration des lieux Marie-Lise BLONDEL épouse PEREIRA aurait dû voir le demi-tour de Christine VILLEMIN devant la poste de LEPANGES en son entier et non en partie seulement et que si la mère de Grégory était descendue de voiture pour déposer une lettre à la poste, Maria FERNANDES qui se rendait à la gare, n'aurait pas dû la voir de nouveau roulant cette fois en direction de DOCELLES pour aller aux HLM Gais Champs.
    Le supplément d'information a également démontré :
    - que Christine VILLEMIN n'avait pas l'habitude de faire demi-tour devant la poste de LEPANGES, manoeuvre qui était dangereuse en raison d'un manque de visibilité mais qu'elle contournait une maison située en face de la poste ainsi que l'a attesté une dame REMY, boulangère à LEPANGES, qui l'a vu opérer de cette façon le lundi l5 octobre 1984,
    - et que Sandrine LOUPS qui, la première avait prétendu dix jours après le crime, qu'elle avait vu Christine VILLEMIN le 16 octobre 1984 vers 17 heures devant la poste de LEPANGES, était en mauvais termes avec l'inculpée à laquelle elle n'adressait pas la parole. Reste le témoignage de Maria PEREIRA épouse LEITE qui étant une amie de Christine VILLEMIN n'avait aucune raison de lui nuire et dont la déposition ne se heurte à aucune impossibilité. Si rien n'autorise à l'écarter il convient toutefois d'observer :
    - que le point de repère qu'elle a donné n'est pas convaincant dans la mesure où il se situe non le 16 octobre 1984, mais le lendemain,
    - qu'elle ne se souvient pas avoir vu Christine VILLEMIN se rendre à la poste de LEPANGES le 15 octobre 1984 alors qu'il est prouvé que l'inculpée y est allée ce jour-là,
    - que d'autres témoins de bonne foi, tels Anne-Marie TEXEIRA et Danielle CORDIER ont commis une erreur de date,
    - qu'il n'est pas certain que la lettre de revendication du crime ait été déposée à la poste de LEPANGES le 16 octobre 1984 aux environs de 16 heures 55.
    Plusieurs des témoignages qui accusaient l'inculpée ont donc été détruits et le crédit qui s'attache aux autres se trouve grandement fragilisé. La Cour n’a pas trouver utile de parler du blouson de Christine VILLEMIN

    SIXIEME CHARGE
    Le soir du crime les volets de la maison des époux Jean-Marie VILLEMIN étaient fermés malgré le soleil qui brillait encore. Monsieur Bernard COLIN qui était passé devant leur domicile peu après dix sept heures l'avait remarqué et à indiqué que les volets du salon étaient habituellement ouverts.

    Sa déposition s'est trouvée contredite par celles des dames Andrée GREMILLET veuve GRANDIDIER et Marie-Noëlle REMY épouse ROLLOT, voisines des époux VILLEMIN, qui ont déclaré que les volets de leur pavillon restaient très souvent clos, même par beau temps. Leur fermeture le 16 octobre 1984 n'avait donc rien d'insolite.

    SEPTIEME CHARGE
    Le sieur Bernard COLIN, invalide demeurant à LEPANGES, était allé promener son chien le 16 octobre 1984, dans la forêt située au-delà du domicile des époux VILLEMIN. A dix sept heures il avait été dépassé, rue des Champs par la voiture de Christine VILLEMIN qui rentrait chez elle en compagnie de son fils. Deux cents mètres plus loin, en passant devant leur maison il n'avait remarqué ni la voiture de l'inculpée, ni l'enfant, qui pourtant venait souvent caresser son chien.

    Cette relation des faits qui résulte de la déposition du sieur Bernard COLIN recueillie le 19 mars 1985 par le service régional de police judiciaire de NANCY n'apparaît nullement déterminante parce que, lors de sa première audition par la gendarmerie, le 22 novembre 1984, ce témoin s'était borné à déclarer qu'il n'avait "pas fait attention" à la présence de la voiture dont il n'est dès lors pas établi qu'elle ne stationnait pas dans le garage. En outre Grégory VILLEMIN pouvait fort bien se trouver à l'intérieur de ce local ou jouer derrière la maison de ses parents lors du passage de ce promeneur, ainsi que celui-ci l'a admis devant le juge d'instruction d'EPINAL.

    HUITIEME CHARGE
    Christine VILLEMIN n'a pas été en mesure de préciser le contenu de l'émission radiophonique "Les Grosses Têtes" qu'elle dit avoir écoutée à son retour à son domicile le 16 octobre 1984 après 17 heures et a donné une indication inexacte sur une publicité de la Vache Grosjean.

    Cet oubli et cette erreur peuvent s'expliquer aisément dès lors que l'inculpée, si l'on tient sa thèse pour exacte, était occupée à des tâches ménagères exigeant une certaine attention comme le repassage, qu'elle ne se tenait pas dans la pièce où se trouvait le poste de TSF, qu'il s'agissait d'émissions banales et sans grand intérêt, et qu'elle a été gravement perturbée par les évènements dramatiques de cette journée et des semaines suivantes.

    NEUVIEME CHARGE
    Selon les accusateurs de Christine VILLEMIN le ravisseur aurait revendiqué son crime avant de l'avoir commis. Il fallait donc qu'il fût sûr de pouvoir disposer de l'enfant et de parvenir à ses fins sans être inquiété. Or seule une personne très proche de Grégory pouvait facilement l'emmener car cet enfant était très méfiant. Sa mère réunissait de telles conditions.

    Cette argumentation n'est nullement convaincante si l'on considère :
    - que le ou les auteurs de l'enlèvement s'ils ont pris l'enfant entre 17 heures 05 et 17 heures 15, ont eu la possibilité de déposer la lettre de revendication du crime à la poste de LEPANGES le 16 octobre 1984 avant la dernière levée du courrier,
    - que cette hypothèse est corroborée par le récit de Murielle BOLLE qui, avant de se rétracter, a déclaré que Bernard LAROCHE, après avoir fait monter le jeune VILLEMIN dans son automobile, s'était arrêté au centre du village de LEPANGES et était descendu de voiture un bref instant puis avait repris le volant,
    - que Grégory connaissait son oncle Bernard LAROCHE, venu en août et en septembre 1984 au domicile de ses parents, sous le surnom de Popof, et qu'il avait déjà eu l'occasion de jouer chez Michel VILLEMIN avec son petit cousin Sébastien LAROCHE, qui avait presque le même âge que lui, en présence de Murielle BOLLE,
    - qu'aux dires des époux MELINE, voisins de ses parents, et du sieur Bernard COLIN dont il venait caresser le chien, Grégory VILLEMIN n'était pas méfiant.

    DIXIEME ET ONZIEME CHARGES
    La Chambre d'accusation de Nancy a estimé qu'il était singulier qu'à 17 heures 32, quand Michel VILLEMIN a reçu un appel téléphonique du Corbeau, celui-ci ait pu savoir que la mère recherchait son enfant, car elle aurait pu ne sortir de son domicile que plus tard ou faire rechercher Grégory par un tiers. Elle a également trouvé surprenant que le Corbeau n'ait pas téléphoné à la mère qu'il savait chez elle.

    Ces opinions manquent de pertinence. En effet rien ne prouve que le Corbeau n'ait pas téléphoné à Christine VILLEMIN. S'il n'a obtenu aucune réponse, il a pu en déduire qu'elle cherchait son fils, prévision conforme à la réalité.

    DOUZIEME CHARGE
    Selon la Cour de NANCY les chronométrages auraient démontré que Christine VILLEMIN avait disposé du temps nécessaire pour assassiner son fils entre 17 heures et 17 heures 30, heure à laquelle elle aurait quitté son domicile pour effectuer des recherches et qu'elle aurait pu téléphoner de son domicile à son beau-frère Michel VILLEMIN.

    A titre liminaire il convient d'observer que le fait pour l'inculpée d'avoir eu matériellement le temps de commettre le crime litigieux ne constitue pas en soi une charge de culpabilité.
    Selon les calculs de la police judiciaire il aurait suffi à Christine VILLEMIN de vingt neuf minutes cinquante sept secondes pour quitter à seize heures cinquante deux la manufacture de confection vosgienne, se rendre à la poste de LEPANGES, puis aux HLM Gais Champs, regagner son domicile, aller de là jusqu'au passage à niveau de DOCELLES, jeter l'enfant dans la Vologne et revenir à LEPANGES. Elle aurait pu être de retour rue des Champs à 17 heures 21 minutes 57 secondes, se montrer aux témoins Marce1le CLAUDON, Gilbert MELINE et Bernard COLIN, rechercher en leur présence son fils, repartir au domicile de la gardienne Christine JACQUOT, y être vue par les dames ORY et PLUTON à 17 heures 40 aux dires de celles-ci et retourner rue des Champs vers 17 heures 45 ou 50 pour alerter la gendarmerie. Bien qu'il suppose un enchaînement d'actions accomplies avec une extrême célérité, sans aucun temps mort, sans le moindre incident de parcours, sans la plus légère hésitation et qu'il ne tienne pas compte de l'obstacle résultant de la présence à proximité du point privilégié, d'un ruisseau malaisé à franchir dans la prairie longeant cette rivière, dont l'existence, négligée par les premiers enquêteurs, a été découverte par Monsieur le Président SIMON, ce minutage, qui n'a pas été infirmé par le supplément d'information, apparaît théoriquement possible bien qu'en pratique la commission du crime dans un si bref délai eût été très difficilement réalisable.
    Cet emploi du temps de l'inculpée se heurte toutefois, sinon aux dépositions imprécises et divergentes des témoins Bernard et Claude COLIN, Gilbert MELINE et Marcelle CLAUDON dont les évaluations horaires peuvent être sujettes à erreur quand il s'agit de reconstituer des évènements à la minute près, du moins à un élément objectif très solide, les indications du contrôlographe de l'autobus de ramassage scolaire conduit par Christian CLAUDON qui rentrait habituellement chez ses parents vers 17 heures 30.
    Cet appareil dont le parfait état de fonctionnement a été démontré par des rapports d'expertise des 11 et 15 février 1986 révèle que le 16 octobre 1984 l'autobus était de retour à la ferme des époux CLAUDON à 17 heures 32 minutes 41 secondes. Or il est établi qu'à cet instant Christine VILLEMIN qui revenait des HLM Gais Champs et du domicile des parents d'Aurélien PARISSE par la rue des Bosquets se trouvait immobilisée dans cette voie au niveau de la ferme des époux CLAUDON par leur troupeau de vaches qui barrait la chaussée.
    Elle ne pouvait donc être l'auteur de l'appel téléphonique adressé au même instant à Michel VILLEMIN et, compte-tenu de la durée des recherches de son fils qu'elle avait entreprises au préalable dans sa maison, aux abords de celle-ci, chez ses voisins qu'elle avait interrogés puis au centre de l'agglomération de LEPANGES et qui avaient certainement duré plus de dix minutes, il apparaît impossible qu'elle ait disposé du temps nécessaire pour commettre le crime qui lui est imputé.
    Il convient en outre d'observer qu'elle avait annoncé à Christine JACQUOT son intention de repasser du linge et que du linge repassé a été vu à son domicile par le gendarme Michel HENRY, par le capitaine Etienne SESMAT et par sa belle-mère, ce qui, sauf une mise en scène ou des complicités dont il n'existe pas le moindre commencement de preuve, tend à démontrer qu'elle n'a pas quitté sa maison aussitôt après l'avoir rejointe à dix-sept heures.

    TREIZIEME ~ QUATORZIEME CHARGES
    Les manifestations téléphoniques du Corbeau dont le crime paraît l'aboutissement, semblaient émaner d'une voix de femme à laquelle succédait une voix rauque paraissant celle d'un homme. Selon les experts MANOUX et CANTAU les voix enregistrées par les membres de la famille VILLEMIN sur des cassettes proviendraient d'une seule et même personne et leur déguisement tendrait à rapprocher voix masculine et voix féminine.
    Les experts PINEL et LIENARD, dans un rapport du 13 janvier 1986, pensent que la voix du Corbeau est presque certainement celle d'une femme. Ils n'ont toutefois pas dit que c'était la voix de Christine VILLEMIN mais eu égard à la teneur des communications anonymes dont il sera question ci-après, la Cour de NANCY en a déduit que leur auteur était une femme de la famille VILLEMIN.

    En raison de la divergence des avis des experts commis par le juge d'instruction d'EPINAL et compte-tenu des protestations de l'inculpée dont les avocats avaient fait valoir que de précédents experts, Messieurs YANA et PFAUWADEL, dont le rapport, déposé le 28 novembre 1984, avait été annulé pour des vices de procédure, avaient exprimé une opinion différente de celle de leurs successeurs, une nouvelle étude des voix enregistrées a été confiée, au cours du supplément d'information à l'ingénieur JONESCO, expert près la Cour d'appel de LYON.
    Celui-ci a écouté pendant des centaines d'heures des cassettes enregistrées avant et après le crime. En s'appuyant sur les timbres et le rythme des voix ainsi que sur la teneur des propos et la manière de les exprimer il a estimé que les communications anonymes émanaient de deux personnes différentes. La première voix, celle des appels antérieurs à l'assassinat, appartiendrait à un individu de sexe masculin d'âge moyen entre quarante cinq et cinquante cinq ans. Certaines intonations lentes pourraient faire penser à la voix d'une femme du même âge légèrement modifiée. Cette seconde éventualité a paru toutefois improbable à l'expert.
    L'autre voix serait celle d'un homme plus jeune, entre trente et quarante ans. Les propos tenus aussi bien par la première voix que par la seconde laissent supposer que les correspondants anonymes connaissaient bien la famille VILLEMIN. Malgré l'ampleur des investigations effectuées, cette dernière mesure d'instruction, comme d'ailleurs les précédentes, n'a apporté aucun élément déterminant contre Christine VILLEMIN.

    QUINZIEME CHARGE
    Une cassette a été enregistrée par l'inculpée. Cet enregistrement permet d'entendre une voix d'enfant que Jean-Marie et Christine VILLEMIN ont attribuée à leur neveu Daniel, fils de Michel VILLEMIN. Christine VILLEMIN se serait. mise en colère quand ses beaux-parents avaient refusé de reconnaître la voix de leur petit fils Daniel. Or les experts MAMOUX et CANTAU, de même que les experts PINEL et LIENARD, ont estimé que l'enfant dont on entendait la voix se trouvait dans la pièce où l'enregistrement était effectué et que sa voix n'était pas passée par le canal du téléphone. L’inculpée a fini par admettre devant le juge d'instruction d'EPINAL que la voix enregistrée était celle de son fils Grégory, ce qui démontrerait qu'elle était précédemment de mauvaise foi.

    Il est à noter que Christine VILLEMIN a ultérieurement rétracté cet aveu qu'à l'entendre, elle aurait passé par lassitude.
    Quoiqu’il en soit, le supplément d'information a montré que les époux Jean-Marie VILLEMIN étaient persuadés, à tort ou à raison, que leur frère et beau-frère Michel VILLEMIN et Ginette LECOMTE son épouse, lesquels étaient les plus proches voisins d'Albert et de Monique VILLEMIN et les mieux renseignés sur leurs faits et gestes dont le Corbeau faisait très souvent mention, étaient soit les auteurs des appels téléphoniques anonymes, soit les informateurs du Corbeau.
    Il n'est pas exclu qu'ils aient tenté, au moyen d'une supercherie, de faire partager leur conviction par leurs parents et surtout par Monique VILLEMIN qui refusait d'admettre que son fils Michel pût être impliqué de près ou de loin dans ces communications malveillantes. On ne saurait dès lors tirer de cet élément d'appréciation une preuve ou présomption de la participation de l'inculpée à l'assassinat de son fils.

    SEIZIEME ET DIX-SEPTIEME CHARGES
    Christine VILLEMIN serait, selon ses accusateurs, l'une des rares personnes et parfois la seule à connaître les faits rapportés par le Corbeau tels :
    - le déplacement à AUMONTZEY de Gilbert VILLEMIN qui avait été avisé le 14 septembre 1982 à GRANGES-sur-VOLOGNE d'un accident prétendument subi le même jour par sa mère,
    - l'intervention le 13 décembre 1982 au soir de Monique et d'Albert VILLEMIN, ce dernier armé d'une carabine, au domicile de Christine VILLEMIN qui aurait été victime de menaces,
    - le projet de tendre un piège à André JACOB, soupçonné au mois de mars 1983 d'être le Corbeau,
    - l'installation de rétroviseurs au domicile des époux Albert VILLEMIN en janvier 1982,
    - la crevaison de trois pneumatiques de la voiture de Jacky VILLEMIN par son frère Jean- Marie au mois de novembre 1982.

    En outre l'inculpée serait la seule, eu égard à son emploi du temps, à pouvoir être l'auteur des quatre vingt sept appels téléphoniques anonymes recensés par les enquêteurs.

    Ces charges, au premier abord impressionnantes, sont dépourvues de consistance si l'on considère :
    - qu'il y a eu environ un millier d'appels du Corbeau ; qu'à eux seuls, Albert et Monique VILLEMIN en ont reçu près de huit cents et que les membres de leur famille et de leur entourage en ont reçu également un grand nombre, alors que le Service régional de police judiciaire de NANCY n'en a répertorié que quatre vingt sept,
    - que le cahier sur lequel Monique VILLEMIN notait les communications téléphoniques anonymes, s'est révélé très incomplet; que beaucoup d'entre elles n'y figuraient pas et qu'au cours du supplément d'information ce cahier est apparu tronqué, la majorité de ses feuillets ayant disparu,
    - que dans son tableau récapitulatif des appels du Corbeau la police judiciaire s'est bornée à étudier la disponibilité d'Albert VILLEMIN, ce qui ne se justifiait guère, des époux Jean-Marie VILLEMIN, des époux Bernard LAROCHE, des époux Michel VILLEMIN et des époux Jacky VILLEMIN, alors qu'il existait beaucoup d'autres suspects parmi les membres des familles JACOB, BOLLE, VERDU, HOLLARD, DELAITE et d'autres encore,
    - que les vérifications effectuées au cours du supplément d'information ont montré que des dates et des heures retenues par les auteurs de ce tableau étaient incertaines, par exemple celles des appels reçus par le garagiste POIRAT et par le docteur Daniel LAMBERT de LEPANGES-SUR-VOLOGNE ,
    - que cette nouvelle instruction a permis de situer dans le temps beaucoup d'autres appels qui ne pouvaient émaner de l'inculpée, compte-tenu de ses horaires de travail ou de ses occupations; qu'il en est ainsi parmi d'autres :
    *des appels reçus le lundi 25 janvier ou le mardi 26 janvier 1982 par Albert VILLEMIN et par Michel VILLEMIN entre 14 heures et 14 heures 15 puisque Christine VILLEMIN se trouvait alors à la Manufacture de confection vosgienne,
    *de l'appel enregistré le 21 mars 1983 à dix heures du matin par Jean-Marie VILLEMIN pour la même raison,
    *de l'appel reçu ~e 16 octobre 1984 par Michel VILLEMIN alors que l'inculpée se trouvait immobilisée devant la ferme des époux CLAUDON,
    - que l'imputation à la mère de Grégory de plusieurs communications est incompatible avec les bruits de fond perçus par leurs destinataires :
    *cliquetis d'un métier à tisser,
    *sifflement d'une machine en rotation,
    *coups de marteau clouant une caisse,
    *bruits de pas d'une personne gravissant un escalier alors qu'il n'y en avait pas dans le pavillon de la rue des Champs à LEPANGES,
    - que lors d'un des premiers appels anonymes Monique VILLEMIN a cru reconnaître les rires et la voix de sa nièce Valérie JACOB, fille de son frère Marcel, et d'une amie de celle-ci, Isabelle BOLLE, belle-soeur de Bernard LAROCHE,
    - que Christine VILLEMIN ignorait certains des évènements relatés par le Corbeau ou mis à profit par lui :
    *promenade de ses beaux-parents aux environs d'AUMONTZEY le 17 juillet 1982 ,
    *signature par Jacky et Liliane VILLEMIN de l'acte d'achat d'une maison chez un notaire le 8 mars ou avril 1984,
    *déplacements de Monique VILLEMIN à heures variables pour aller faire le ménage chez les époux HOMEYDE en 1981 et 1982, moments que choisissait le Corbeau pour troubler la sieste d'Albert VILLEMIN,
    *venue des gendarmes au domicile des époux Albert VILLEMIN à AUMONTZEY mentionnée une demi-heure plus tard par l'interlocuteur inconnu... Quant aux faits rapportés par le Corbeau et que Christine VILLEMIN aurait été seule à connaître, le supplément d'information a établi :
    - que les voisins d'Albert VILLEMIN ou les personnes dominant l'habitation de celui-ci avaient pu constater la venue de Gilbert VILLEMIN de GRANGES-sur-VOLOGNE à AUMONTZEY chez ses parents,
    - que Michel VILLEMIN a eu connaissance du déplacement de son père et de sa mère le 13 décembre 1982 à LEPANGES pour secourir sa belle-soeur, à telle enseigne qu'il avait été chargé de lui annoncer par téléphone leur arrivée prochaine,
    - que c'est Monique VILLEMIN qui, après avoir consulté une cartomancienne, avait soupçonné André JACOB d'être le Corbeau; qu'eu égard à son comportement habituel il serait surprenant qu'elle n'ait pas fait part du projet destiné à démasquer le suspect aux personnes de son entourage,
    - que l'essai d'installation de rétroviseurs au domicile d'Albert VILLEMIN a eu plusieurs témoins, non seulement son fils Michel VILLEMIN et sa femme qui habitaient à côté de leur père et beau-père, mais encore son gendre Bernard NOEL et Bernard LAROCHE.
    Enfin pour ce qui est de la crevaison des pneus de la voiture de Jacky VILLEMIN, son frère Jean- Marie a déclaré, le 21 mars 1985, aux fonctionnaires du Service régional de police judiciaire de NANCY qu'il en avait parlé à son père. L'inculpée n'était donc pas la seule personne informée de cette dégradation.
    Il convient encore de noter que si Christine VILLEMIN appréciait médiocrement sa belle-mère qu'elle jugeait fausse, elle n'avait en revanche aucun grief contre son beau-père et que c'est essentiellement sur celui-ci que le Corbeau s'est acharné.

    DIX -HUITIEME CHARGE
    Le nombre des unités de base de la consommation téléphonique des époux Jean-Marie VILLEMIN aurait augmenté de manière considérable et inexpliquée lors des périodes de grande activité du Corbeau, notamment en janvier et février 1982, en novembre et décembre 1982 et de janvier à avril 1983.

    Cette considération n'apparaît nullement décisive parce que l'activité du Corbeau n'a pas été limitée à ces périodes. Elle s'est exercée de manière continue de 1981 à 1984 et même audelàs. Elle a certes été intense à la fin de l'année 1982 mais le nombre des unités de base des époux Jean-Marie VILLEMIN pour le sixième bimestre de cette année là, 208, ne dépasse pas de manière très sensible la consommation de beaucoup d'autres bimestres, par exemple le dernier de 1981, 170, ou le troisième de 1982, 179. Elle est inférieure à celle des troisième et quatrième bimestres de 1983, 283 et 286.
    Seuls trois bimestres intéressant l'inculpée présentent une augmentation notable par rapport à la moyenne de leur usage du téléphone, le premier bimestre de 1982 : 376 taxes de base et les deux premiers bimestres de 1983, à savoir 411 et 608 taxes de base.
    Au cours des deux premiers mois de 1982 la consommation téléphonique de Michel VILLEMIN a été elle aussi en augmentation: 216 unités de base alors qu'à cette époque elle dépassait rarement et de peu la centaine et elle a été relativement importante au cours des deux premiers bimestres de 1983 : 163 et 148. Il en est de même de Jacky VILLEMIN : 218 taxes de base pour le premier bimestre de 1982 alors que dans l'ensemble ses factures concernaient un nombre d’unités bien moindre.
    Quant à la consommation de Bernard LAROCHE à la même époque, elle était assez importante: 247 taxes.
    C'est essentiellement la facturation des deux premiers bimestres de 1983 respectivement calculée sur 411 et sur 608 unités de base qui est surprenante chez l'inculpée et son mari, mais le Corbeau a eu beaucoup d'autres périodes d'intense activité.
    Les époux Jean-Marie VILLEMIN ont paru eux-mêmes surpris de cette hausse soudaine et ont protesté auprès de l'administration des postes et télécommunications. Leur réclamation est restée sans suite parce que le système de commutation en vigueur à cette époque ne permettait pas d'identifier les destinataires des communications ce que le supplément d'information a confirmé lors de la recherche des correspondants des familles VILLEMIN et LAROCHE et des époux Marcel JACOB qui est restée de ce fait infructueuse.
    Il convient en outre d'observer :
    - que la plupart des abonnés au téléphone dont les factures ont été étudiées ont eu à une certaine époque des consommations anormales :
    *Bernard LAROCHE au deuxième bimestre 1984 : 844 taxes de base, soit environ quatre fois plus qu'en temps normal,
    *Albert VILLEMIN au quatrième bimestre 1981: 405 unités de base, soit plus du double de sa consommation à cette époque,
    *Marcel JACOB au cinquième bimestre 1982 : 317 unités de base, soit quatre fois plus que d'habitude,
    *Jacky VILLEMIN au deuxième bimestre 1982 : 248 11nités de base, environ le double de sa consommation habituelle,
    *Roger JACQUEL pendant le quatrième bimestre 1984 : 110 unités de base, soit également le double ;
    - que les appels du Corbeau provoquaient d'autres appels de ses interlocuteurs destinés soit à vérifier si les informations données étaient réelles ou mensongères, soit à tenter de l'identifier,
    - que les époux Jean-Marie VILLEMIN s'étaient inscrits sur la liste rouge en 1983, ce qui les obligeait à appeler leurs correspondants qui ne pouvaient pas les joindre et qu'ils téléphonaient beaucoup à AUMONTZEY, localité située dans une circonscription différente de la leur. Les facturations du téléphone ne constituent dès lors pas une charge significative à l'encontre de Christine VILLEMIN.

    DIX-NEUVIEME CHARGE
    Des appels téléphoniques anonymes malveillants au préjudice de l'entourage professionnel de Christine VILLEMIN coïncideraient avec les périodes où les relations de celle-ci avec les victimes étaient mauvaises .

    Christine VILLEMIN a nié avoir adressé de telles communications à ses collègues hormis quelques appels muets à Monique COLIN et à Claudine BOULAY. Cette dernière a prétendu qu'elle avait reconnu la voix de Christine VILLEMIN parce que son interlocutrice avait un léger "cheveu sur la langue" .Or l'existence d'un défaut de prononciation de l'inculpée, même léger, n'a jamais été constatée par les magistrats chargés du supplément d'information, singulièrement par Monsieur le Président SIMON qui l'a pourtant entendue à maintes reprises et fort longuement.
    En outre il convient de noter qu'avant le crime aucune accusation de cette nature n'avait été portée contre elle et qu'il serait surprenant que vis-à-vis de ses collègues elle n'ait pas déguisé sa voix, si elle possédait effectivement le talent de la modifier.
    A supposer même que Christine VILLEMIN soit l'auteur de certaines communications malveillantes, ce qui n'est pas exclu, car pendant plusieurs années les appels anonymes sévissaient de toutes parts dans cette contrée des Vosges, il n'en résulterait pas qu'elle soit le Corbeau qui tracassait la famille VILLEMIN et a fortiori l'assassin de son fils.

    VINGTIEME, VINGT-ET-UNIEME ET VINGT-DEUXIEME CHARGES :
    Ayant examiné les lettres anonymes écrites par le Corbeau les 4 mars 1983, 27 avril 1983, 17 mai 1983 et 16 octobre 1984, les experts Alain BUQUET et Françoise DE RICCI D'ARNOUX, agréés par la Cour de cassation, ont mis hors de cause Bernard LAROCHE et ont accusé Christine VILLEMIN d'être l'auteur de ces écrits.

    Les experts Jean GLENISSON et Roger LAUFER, eux aussi agréés par la Cour de cassation, ont accusé formellement Christine VILLEMIN d'être le scripteur de ces documents.

    Les experts Geneviève GILLE, Eliane PETIT DE MIRBECK et Paul OURLIAC, tous trois figurant sur la liste de la Cour de cassation, chargés d'étudier exclusivement la lettre du 16 octobre 1984, c'est-à-dire celle revendiquant le crime, et l'enveloppe dans laquelle elle était insérée, ont également mis hors de cause Bernard LAROCHE et les ont attribuées à Christine VILLEMIN.

    L'imputation à l'inculpée de ces écrits dont les thèmes étaient les mêmes que ceux du Corbeau : allusions à des différends familiaux, à la situation de Jacky "le bâtard", à la pendaison probable d'Albert V1LLEM1N, critiques du "chef", menaces contre celui-ci et sa famille, manifestations de haine et désir de vengeance ainsi que l'apparente concordance de ces trois rapports rédigés par des experts éminents constituaient à l'évidence contre Christine
    V1LLEM1N une charge particulièrement accablante.
    Le supplément d'information a toutefois remis cette opinion en question. Il a d'abord contribué à montrer les difficultés de l'expertise en écriture qui ne relève pas d'une science exacte, donne des résultats souvent aléatoires et incertains, notamment dans une affaire comme celle-ci où les techniciens commis devaient se prononcer :
    - sur des écrits en caractères typographiques et par suite impersonnels et faciles à modifier ou imiter,
    - sur des écritures déguisées,
    - sur des pièces de comparaison très nombreuses émanant de scripteurs :
    *originaires de la même contrée,
    *d'âges souvent très voisins,
    *appartenant au même milieu social,
    *et ayant reçu la même formation scolaire, ce qui multipliait les risques d'erreurs. A ces considérations de nature générale qui conduisent à accueillir avec beaucoup de circonspection les avis émis en une telle matière, s'ajoutent en l'espèce beaucoup d'autres raisons de douter.
    Les experts BUQUET et DE RICCI D'ARNOUX ont utilisé une méthode statistique de comparaison des concordances et des discordances des différents caractères de l'écriture qui a ses limites et est controversée parce qu'elle ne tient pas compte d'autres facteurs tels le mouvement et la vie de l'écriture. Ils ont effectué un premier calcul de probabilité selon lequel c'est l'écriture de Christine VILLEM1N qui, avec un taux de discordances de 25,71 %, présenterait le moins de différences avec celle du Corbeau. Pour plus de sûreté, ils ont réclamé des pièces de comparaison complémentaires et dans le dernier état de leurs travaux la proportion des discordances serait de 29,69 % tandis que chez Marie-Christine JACQUES, épouse de Gilbert V1LLEM1N, qui vient en seconde position elle serait de 51,11%.
    Cet avis lui étant apparu insuffisant, le juge d'instruction d'EP1NAL a désigné Messieurs Jean GLENISSON et Roger LAUFER qui ont estimé que les quatre écrits litigieux émanaient d'un auteur unique. En conclusion de leur rapport ils ont désigné celui-ci de manière catégorique comme étant Christine VILLEMIN. M1ais par une contradiction assez singulière qui affaiblit beaucoup leur avis, ils ont noté, dans le corps de leurs développements, que les lettres de question tracées en caractères cursifs présentaient d'importantes similitudes avec l'écriture de Bernard LAROCHE, "compensées il est vrai par des divergences de détail". Les derniers experts, Mesdames Geneviève GILLE et Eliane PETIT DE MIRBECK et Monsieur Paul OURLIAC, dont la mission était cantonnée à l'examen de la lettre du 16 octobre 1984 et de son enveloppe, ont mis hors de cause tous les auteurs des pièces de comparaison, y compris Bernard LAROCHE, mais à l'exception de Christine VILLEMIN. Tout en exprimant certaines réserves tenant à la brièveté des pièces de question et à la mutilation des pièces de comparaison qui leur avaient été remises, ils ont déduit de leurs constatations des présomptions suffisamment graves et concordantes pour attribuer les écrits litigieux à l'inculpée.
    En vue de combattre les accusations issues de ces rapports les défenseurs de celle-ci ont relevé certaines divergences d'appréciation de ces sept experts judiciaires et ont produit deux mémoires, l'un de Monsieur Jacques MATHYER, professeur honoraire à l'université de LAUSANNE, qui critique le rapport de Monsieur BUQUET et de Madame DE RICCI D'ARNOUX auxquels il impute diverses erreurs, l'autre de Madame Francine COLPIN, expert près la Cour d'appel de DOUAI, qui fait observer avec pertinence que des constantes de l'écriture de Christine VILLEMIN, tel un trait d'attaque des lettres en forme d'ove, ne se retrouvent dans aucune des pièces de question.
    Au départ de l'enquête, le juge d'instruction d'EPINAL et la gendarmerie qui ne savaient de quel côté orienter leurs recherches, avaient décidé de consulter deux experts en écritures, Mesdames JACQUIN-KELLER, inscrite sur la liste de la Cour d'appel de COLMAR puis sur celle de la Cour de cassation et Madame BERRICHON- SEDEYN, inscrite sur la liste de la Cour d'appel de PARIS et qui était également graphologue. Elles ont été reçues le 30 octobre 1984 au matin par le juge d'instruction LAMBERT, le Commandant CHAILLAN et le Capitaine SESMAT à l'état-major de la gendarmerie de NANCY où les enquêteurs leur ont montré les quatre lettres anonymes et les enveloppes ainsi que de nombreuses pièces de comparaison.
    Ces deux spécialistes de haut niveau et à la compétence reconnue ayant travaillé une journée entière, séparément et sans se concerter afin de ne pas s'influencer mutuellement, ont toutes deux désigné avec beaucoup de force Bernard LAROCHE comme étant l'auteur probable des écrits anonymes alors qu'à l'époque Murielle BOLLE ne l'avait pas encore mis en cause, qu'il n'était pas sérieusement soupçonné et que l'une d'elles au moins, Madame BERRICHONSEDEYN, ne possédait aucun renseignement sur le crime.
    Cette dernière a en outre brossé de l'auteur des écrits litigieux un portrait pouvant correspondre à Bernard LAROCHE, individu intelligent sans être un intellectuel tel qu'un agent de maîtrise. Et aux gendarmes qui paraissaient confiants dans l'issue de l'enquête, elle a prédit que le coupable n'avouerait jamais.
    Mesdames JACQUIN-KELLER et BERRICHON-SEDEYN ont été par la suite requises par la gendarmerie de procéder à une expertise en écriture, mais faute d'avoir été désignées par le magistrat instructeur, leur rapport a été annulé de sorte qu'il n'est plus possible d'en faire état. Elles ont néanmoins consenti à relater à Monsieur WAULTIER, premier juge d'instruction au tribunal de grande instance de DIJON, saisi d'une information judiciaire contre X pour faux et usage de faux, sur plainte avec constitution de parties civiles des consorts BOLLE et LAROCHE, dont certains procès-verbaux ont été régulièrement joints au présent dossier, ainsi qu'à Monsieur le Président SIMON les consultations qui leur avaient été demandées le 30 octobre 1984 et les avis qu'elles avaient alors exprimés.
    Ce même jour 30 octobre 1984, à la réunion organisée à NANCY par Monsieur LAMBERT, assistait le gendarme Denis KLEIN, de la section des recherches de la légion de gendarmerie de METZ, spécialiste des problèmes d'écritures et de foulages qui devait être inscrit en 1986 sur la liste des experts de la Cour d'appel de METZ. Mesdames BERRICHON-SEDEYN et JACQUIN- KELLER ayant décelé sur la lettre de revendication du crime des traces de foulage, c'est-à-dire des sillons imprimés sur la feuille de papier par l'auteur d'un autre écrit, ont demandé à Monsieur KLEIN d'examiner cet indice. En s'aidant d'une lumière rasante ce gendarme a réussi à lire sur cette pièce capitale les lettres L B, correspondant aux initiales de Bernard LAROCHE qui signait habituellement ses lettres en plaçant son nom patronymique avant son prénom, la première en caractère calligraphique majuscule, la seconde en caractère typographique majuscule ressemblant à l'écriture de Bernard LAROCHE. Monsieur KLEIN a pris des photographies de ce foulage et les a transmises au juge d'instruction d'EPINAL qui a prétendu ne les avoir jamais reçues et qui en tout cas ne les a pas exploitées.
    Le 12 septembre 1988, au cours du supplément d'information, Monsieur KLEIN a remis au magistrat instructeur une pellicule qu'il avait conservée, trois photographies contrastées du foulage et un double de la fiche de gendarmerie 815/2 du 12 novembre 1984 qui ont été annexés au procès-verbal de son audition.
    Les experts BUQUET et DE RICCI D'ARNOUX ont eux aussi constaté la présence de foulages sur la lettre du 16 octobre 1984, mais en raison des nombreuses manipulations que ce document avait subies, ils n'ont pu les déchiffrer.
    Ces éléments d'appréciation, pour très importants qu'ils fussent, n'étaient pas suffisants ; aussi d'autres expertises en écritures furent-elles organisées au cours du supplément d'information.
    Monique JACOB épouse VILLEMIN avait reçu une lettre anonyme de menaces postée à DARNIEULLES qui présentait beaucoup d'analogies avec la première lettre adressée à Jean- Marie VILLEMIN, tant par la teneur que par l'aspect. Elle fut soumise à l'expert Denis KLEIN, qui, dans un rapport du 6 décembre 1989 considéra qu'elle était de la même main que la première lettre anonyme, ce qui tendait à disculper Bernard LAROCHE puisque lors de son expédition il était décédé et pouvait faire suspecter Christine VILLEMIN bien qu'elle fût alors tenue de résider chez sa grand-mère maternelle à PETITMONT en Meurthe-et-Moselle et étroitement surveillée. En effet l'inculpée était à cette époque en mauvais termes "avec sa belle-mère qui avait pris le parti de son neveu Bernard LAROCHE et s'était constituée partie civile contre elle.
    Par la suite l'expert KLEIN qui disposait de moyens d'investigation nouveaux et plus performants, a demandé à réexaminer cette pièce et il a été chargé, concurremment avec un autre expert messin, Madame Isabelle DAVIDSON, d'étudier la lettre postée à DARNIEULLES et de la comparer ainsi que les autres lettes anonymes à des écrits de Christine VILLEMIN, de Bernard LAROCHE dont plusieurs spontanés et contemporains des pièces de question, ainsi qu'à des échantillons spontanés et provoqués des écritures de Michel VILLEMIN, de Ginette LECOMTE épouse de celui-ci, de Marcel JACOB, jeune frère de Monique VILLEMIN et de son épouse née Jacqueline THURIOT dont le graphisme n'avait jamais encore été soumis à expertise bien qu'il y ait eu certaines raisons de penser qu'ils n'étaient pas étrangers à l'assassinat de Grégory VILLEMIN ou du moins aux agissements du Corbeau.
    Au terme d'une étude très approfondie et minutieuse illustrée par de nombreuses photographies, les experts KLEIN et DAVIDSON ont fait connaître en conclusion de deux rapports du 10 décembre 1991 :
    - qu'eu égard à la présence de plusieurs sillons de foulage la lettre postée à DARNIEULLES semblait une imitation de modèles préexistants réalisée au moyen d'un calque (étant observé que la presse avait publié à maintes reprises des reproductions des écrits du Corbeau),
    - que Michel VILLEMIN, Ginette LECOMTE son épouse et Marcel JACOB devaient être mis hors de cause en l'absence d'analogies entre leurs écrits et les pièces de question ;
    - qu'il y avait des similitudes troublantes entre les lettre anonymes rédigées en caractères typographiques d'une part et les écritures de Jacqueline THURIOT épouse de Marcel JACOB ainsi que de Christine VILLEMIN d'autre part, singulièrement entre le graphisme de cette dernière et la lettre Q4, c'est-à-d

    ire celle commençant par les mots "SI VOUS VOULER QUE JE M'ARRETE" mais qu'il y avait également des discordances qui n'autorisaient pas à leur en imputer la rédaction.
    - que les documents en caractères d'imprimerie ne paraissaient pas l’oeuvre de Bernard LAROCHE ; qu'en revanche, malgré quelques rares divergences, de nombreuses concordances de forme permettaient d'attribuer les lettres en écriture cursive, à savoir la lettre du 17 mai 1983 commençant par les mots "je vois que rien à changer..." et la lettre postée à LEPANGES le 16 octobre 1984 ainsi que leurs enveloppes, documents rédigés par une main gauche particulièrement habile, à Bernard LAROCHE qui possédait une grande maîtrise du geste graphique de la main gauche.
    Cet avis qui contredit les conclusions des précédents experts, qui est corroboré par la découverte d'un foulage et qui rejoint, au moins en partie, les opinions exprimées par Mesdames JACQUIN-KELLER et BERRICHON-SEDEYN et certaines énonciations du rapport des experts LAUFER et GLENISSON, interdit en l'état, d'accuser Christine VILLEMIN d'avoir écrit les lettres litigieuses.

    VINGT-TROISIEME ET VINGT-QUATRIEME CHARGES

    Le 15 avril 1985 le service régional de police judiciaire de NANCY a découvert au domicile de Jean-Marie et de Christine VILLEMIN des cordelettes semblables à celles ayant servi à ligoter leur fils Grégory et le 23 avril suivant, les policiers ont découvert chez une dame BILLIET, à GRANDVILLERS (Vosges) un tuyau d'arrosage lié par deux morceaux d'une cordelette également semblable provenant du domicile de Jean-Marie VILLEMIN. Or ce type de ficelle serait peu courant dans la région. Seul Georges JACOB, frère de Monique VILLEMIN, aurait possédé une pelote de la même cordelette dont ni le fabricant ni le distributeur n'ont pu être identifiés. Dans un rapport du 4 juillet 1985, les experts ROCHAS et DAVID ont indiqué que ces cordelettes étaient rigoureusement identiques aux liens de la victime.

    Jean-Marie VILLEMIN a prétendu que cette cordelette lui avait été donnée par son père, ce que celui-ci a formellement contesté. Il a soutenu qu'il avait remis un morceau de cette cordelette à Bernard LAROCHE pour lui permettre d'attacher une règle de maçon sur le toit de sa voiture, mais il a été démenti sur ce point par son père Albert VILLEMIN et par son frère Gilbert VILLEMIN. Il s'ensuivrait que l'inculpée serait la seule personne à avoir disposé à portée de la main d'une ficelle semblable à celle utilisée par l'assassin.

    Une telle conclusion apparaît hâtive si l'on considère :
    - qu'au début de l'enquête les gendarmes n'avaient découvert aucune cordelette au domicile des époux Jean- Marie VILLEMIN,
    - que si Christine VILLEMIN était l'assassin de son fils, il serait surprenant que cette femme intelligente et d'une grande présence d'esprit n'ait pas fait disparaître, alors qu'elle en avait eu le loisir, un indice aussi compromettant pour elle,
    - que les perquisitions du service régional de police judiciaire de NANCY ont eu lieu les 15 et 25 avril 1985 à une époque où Jean-Marie VILLEMIN était incarcéré pour l'assassinat de son cousin Bernard LAROCHE, où Christine VILLEMIN résidait chez sa grand-mère Jeanne BLAISE à PETITMONT (Meurthe-et-Moselle) et où leur maison de LEPANGES était inoccupée,
    - que le sieur Martial DAVIDE, ami des époux VILLEMIN, avait déménagé leur pavillon au cours de la semaine ayant suivi le meurtre de Bernard LAROCHE et qu'il n'y restait plus rien sauf quelques objets dans le grenier,
    - que néanmoins les enquêteurs et des témoins ont alors constaté à l'extérieur et à l'intérieur de cette maison et de ses dépendances, de la cave au grenier et jusque dans des chéneaux un grand nombre de ficelles et de cordelettes de toutes sortes,
    - que les seuls fragments présentant une parfaite similitude avec les liens de Grégory VILLEMIN sont un cordeau prélevé dans le jardin de Georges JACOB, l'un des deux morceaux de ficelle ayant servi à attacher le tuyau d'arrosage de Jean-Marie VILLEMIN, découvert chez la dame BILLIET et deux morceaux de cordelettes trouvés dans la cave du pavillon de la rue des Champs, que Georges JACOB qui possédait une quantité importante de cordelette de cette nature en a utilisé une partie pour aligner les plantations de son jardin, en a donné des segments à plusieurs journalistes au mois de février 1988 et qu'il en avait fourni une longueur de plus de cinquante centimètres à des fonctionnaires du service régional de police judiciaire de NANCY au mois de juillet 1985 ainsi que l'a révélé le supplément d'information,
    - qu'il n'est pas exclu qu'il en ait donné à d'autres personnes ou que des tiers aient pu s'en procurer chez lui à son insu, ou à d'autres sources,
    - que les témoins Gilbert et Colette MELINE, Martial DAVIDE et Marie-José BILLIET qui, les trois premiers ont été requis d'assister à des perquisitions à l'ancienne demeure des époux Jean-Marie VILLEMIN et au domicile de laquelle, s'agissant de la dernière, une perquisition a été effectuée parce que des meubles ayant appartenu à l'inculpée et à son mari avaient été entreposés dans son grenier, ont affirmé très catégoriquement que les cordelettes saisies par les fonctionnaires du service régional de police judiciaire de NANCY n'avaient pas été placées sous scellés en leur présence; que Marie-José BILLIET a même contesté être l'auteur de la signature figurant sur l'étiquette du scellé concernant les cordelettes entourant le tuyau d'arrosage et a déclaré qu'elle n'était pas sûre qu'il y en ait eu deux ;
    - que les enquêteurs de la police judiciaire ont certes déclaré que leur procédure avait été parfaitement régulière, mais qu'un doute est néanmoins permis à ce sujet en raison de la concordance des affirmations contraires ;
    - que le 19 novembre 1987 Gérard DITTINGER, mari d'une soeur de Christine VILLEMIN, longuement entendu par Monsieur le Président SIMON, a raconté qu'au mois d'avril 1985 il avait été requis par le Commissaire CORAZZI, du service régional de police judiciaire de NANCY, d'assister à une perquisition dans le pavillon des époux Jean-Marie VILLEMIN à LEPANGES, que toutefois les policiers lui avaient interdit d'entrer dans la maison, qu'à cette occasion il avait remarqué que deux tuiles du toit avaient été enlevées et posées l'une sur l'autre; qu'il l'avait signalé aux policiers mais que ceux-ci avaient refusé de le noter dans leur procès-verbal en prétendant qu'elles avaient été déplacées par le vent, alors pourtant qu'elles n'étaient pas exposées au vent dominant et qu'elles étaient empilées; qu'ils avaient néanmoins accepté de lui faire la courte échelle pour les remettre en place, qu'il avait également attiré leur attention sur la présence d'un long morceau de cordelette dans une gouttière du toit mais qu'ils avaient répondu qu'elle ne les intéressait pas,
    - qu'entendu environ un an plus tard le Commissaire CORAZZI a prétendu que les deux tuiles étaient seulement soulevées, vraisemblablement par un coup de vent.
    Certains journalistes ont accusé le service régional de police judiciaire de NANCY d'avoir fabriqué des preuves pour accabler l'inculpée. Ce n'est pas établi, mais on peut supposer que l'assassin, s'il n'est pas Christine VILLEMIN, des personnes de son entourage ou des tiers ayant la vocation de justiciers comme il y en eut des multitudes dans la présente affaire, se sont introduits subrepticement dans la maison des époux VILLEMIN et dans ses dépendances qui étaient aisément accessibles, pour y déposer des cordelettes accusatrices. Cette hypothèse se trouve corroborée par le témoignage d'une dame Régine THELLIER qui a vu un homme sur le toit de leur pavillon.
    Quant aux contradictions et peut-être aux mensonges de Jean-Marie VILLEMIN au sujet de l'origine des cordelettes qu'il avait détenues et de l'emploi qu'il en avait fait, ils peuvent s'expliquer par son désir de fortifier les charges pesant sur Bernard LAROCHE et de disculper son épouse, mais ils ne sauraient constituer une présomption de culpabilité à l'encontre de celle-ci.
    En définitive il est, en l'état, impossible d'affirmer que Christine VILLEMIN détenait au moment du crime une cordelette semblable à celle ayant ligoté son fils et qu'elle était la seule à la posséder.

    VINGT-CINQUIEME CHARGE

    Selon la Cour de NANCY et les réquisitions initiales du ministère public, Christine VILLEMIN aurait menti le 10 octobre 1984 en racontant à sa contremaîtresse, pour excuser une absence, qu'elle avait dû se rendre à la gendarmerie à la suite d'appels du Corbeau.

    Elle a reconnu avoir effectivement inventé ce prétexte. Son mari a prétendu que c'était sur son conseil. Isolé d'autres charges un tel mensonge ne saurait servir à prouver la culpabilité de la mère de Grégory VILLEMIN.

    En définitive aucun des vingt-cinq éléments de conviction initialement retenus par le ministère public à l'encontre de l'inculpée ne justifie le renvoi de celle-ci devant la juridiction de jugement.
    Et la longue instruction complémentaire menée à DIJON, bien qu'elle ait été conduite dans toutes les directions possibles, sans parti pris, non seulement n'a pas apporté de charges nouvelles contre Christine VILLEMIN, mais a mis encore davantage en évidence l'une des faiblesses de l'accusation, à savoir l'absence de mobile du crime qui lui est imputé.
    La vie privée de la mère de Grégory qui avait déjà été étudiée à EPINAL, a été de nouveau explorée avec une extrême minutie. Toutes les personnes l'ayant connue, des plus proches aux plus éloignées, les membres de sa famille et de sa belle-famille, ses voisins, ses compagnes de travail, tous ceux ayant été en relation avec elle à des titres divers ont été questionnés. Nul n'a pu fournir une explication valable.
    Après une brève liaison de jeunesse avec son condisciple Bruno MAGRON qui l'avait abandonnée pour une autre fille et qu'elle n'avait jamais revu, Christine BLAISE avait rencontré à l'âge de seize ans Jean-Marie VILLEMIN dont elle était tombée amoureuse et s'était attachée à lui. Le seul incident survenu entre eux en 1979, une gifle de Jean-Marie suivie d'une fugue de Christine chez sa mère durant quarante-huit heures et d'une réconciliation, était resté sans lendemain. Les deux jeunes gens qui étaient très épris l'un de l'autre, s'étaient mariés le 20 janvier 1979 après avoir vécu en concubinage à partir du mois de septembre précédent et ils sont restés depuis lors très unis, même dans les pires épreuves. Aucune infidélité de l'un ou de l'autre n'a pu être établie.
    Certaines personnes ont prétendu que Christine VILLEMIN avait été la maîtresse de Bernard LAROCHE parce que, selon ses propres déclarations, celui-ci lui aurait fait des avances qu'elle avait repoussées le 11 juin 1977 à l'occasion du mariage de la soeur de Jean-Marie. Un sieur
    Michel CORNILLIE, tenancier de l'Hôtel de la Poste à DOCELLES, a soutenu qu'un chauffeur routier lui avait rapporté avoir vu Christine VILLEMIN rejoindre Bernard LAROCHE en forêt afin d'entretenir avec lui des relations intimes. Mais ce chauffeur, Bruno BONTEMPS, entendu puis confronté à CORNILLIE, a formellement démenti les allégations de celui-ci qui apparaissent sans le moindre fondement.
    Selon d'autres hypothèses Grégory VILLEMIN serait né d'une liaison illégitime et cette situation serait devenue à ce point intolérable à l'inculpée qu'elle aurait voulu supprimer le fruit de son adultère. Rien n'est venu accréditer une telle supposition. Bien au contraire le supplément d'information a révélé que Grégory VILLEMIN présentait aux pieds une particularité anatomique héritée de son père et de son grand-père paternel.
    Certains ont imaginé que cet enfant avait surpris des rapports de sa mère avec un tiers et que celle-ci aurait pu avoir intérêt à éliminer un témoin gênant. Il s'agit là d'une supposition gratuite qu'aucun indice ne vient étayer. Il en est de même d'une prétendue jalousie de Christine VILLEMIN qui aurait pris ombrage de l'amour de son mari pour Grégory. Toutes les personnes entendues, particulièrement celles qui étaient les mieux placées pour observer le comportement de l'inculpée, telles la nourrice Christine JACQUOT et l'institutrice de la victime, ont souligné l'intérêt qu'elle portait à son fils, les gestes et les mots d'affection qu'elle lui prodiguait tout en sachant se montrer ferme quand il le fallait. Une compagne de travail de Christine VILLEMIN a relaté la fierté amusée avec laquelle elle racontait les espiègleries de Grégory. Celui-ci qui a été qualifié d"'enfant roi" était en avance pour son âge, plein de vie, intelligent, épanoui et donnait l'impression d'être heureux et choyé, ce qui n'eût pas été le cas s'il avait été mal aimé.
    Le couple, qui gagnait largement sa vie et était bien logé, n'avait pas de problème financier ou familial qui aurait pu inciter l'épouse à faire disparaître son fils. Suivant certaines rumeurs Christine VILLEMIN aurait été lasse de vivre dans une contrée froide et austère comme les Vosges et aurait souhaité s'installer dans le midi de la France. L'existence d'un tel projet, nié par l'inculpée et rendu invraisemblable par son attachement à sa mère, fixée à BRUYERES, et par les avantages de sa situation à LEPANGES-sur-VOLOGNE, n'est pas. établie. Au surplus sa réalisation n'impliquait nullement la disparition de Grégory. Les détracteurs de l'inculpée ayant soutenu que l'affliction de celle-ci après le crime était simulée, Monsieur le Président SIMON s'est efforcé de recueillir des renseignements à ce sujet. La sincérité et la profondeur de la détresse puis de l'accablement de Christine VILLEMIN ont été certifiés par les témoins les plus dignes de foi, tels les premiers enquêteurs, Monsieur Jean-Jacques LECOMTE, Conseiller à la Cour d'appel d'AIX-en-PROVENCE qui en 1984 et 1985 était procureur de la République à EPINAL, Madame Françoise THIRIET, directrice de l'école maternelle de LEPANGES, par ses beaux-frères Lionel VILLEMIN et Bernard NOEL, par Martial DAVIDE et bien d'autres encore. Cette absence de mobile à l'assassinat de l'enfant par sa mère dont le commissaire CORAZZI du service régional de police judiciaire de NANCY, principal artisan des accusations portées contre l'inculpée, a dû convenir au cours du supplément d'information, a conduit la presse, l'opinion publique et les magistrats chargés de l'affaire à envisager d'autres éventualités, tout d'abord crise de folie ou d'un moment d'aberration.

    L'étrangeté du crime imputé à cette jeune femme, épouse et mère en apparence irréprochable, a déterminé le juge d'instruction d'EPINAL à ordonner successivement deux expertises psychiatriques et trois expertises médico-psychologiques. Les onze experts parisiens et lyonnais, dont plusieurs étaient inscrits sur la liste de la Cour de cassation, chargés de visiter Christine VILLEMIN n'ont pas constaté chez elle un état de démence ou une anomalie mentale et ont indiqué que sa personnalité présentait l'aspect de la banalité. Tous ont admis son bon niveau intellectuel. Certains ont estimé qu'elle était immature et semblait encore adolescente, mais qu'elle était néanmoins parfaitement maîtresse d'elle-même. Ils ont noté une certaine anxiété, ce qui n'avait rien de surprenant de la part d'une femme qui venait de perdre son fils unique dans des circonstances dramatiques, qui malgré ses protestations d'innocence était accusée de l'avoir tué, et dont le mari était emprisonné pour l'assassinat d'un de ses cousins. Aucun n'a décelé chez elle des troubles mentaux ou des traits de caractère pouvant rendre compte des manifestations d'une haine implacable et du crime monstrueux qui lui étaient imputés. Deux psychologues ont écrit, il est vrai, que le meurtre d'un enfant par sa mère était le crime le plus naturel qui soit et n'impliquait pas de constitution psychopathologique spécifique, assertion qualifiée d'absurde par l'inculpée.
    Les appréciations des experts ont été dans l'ensemble confirmées par les enquêtes relatives à sa personnalité. L'enfance, la scolarité, la vie conjugale et professionnelle de l'inculpée ne recèlent rien d'anormal ou de pervers et donnent l'image d'une jeune femme équilibrée. Les renseignements recueillis à son sujet sont favorables bien que plusieurs de ses collègues lui aient reproché d'être fière et moqueuse, ce qui lui attirait certaines antipathies. Très tôt orpheline de père, elle a été élevée par sa mère. C'était une élève moyenne et elle a échoué au BEPC faute de s'être réveillée à temps le matin d'une des épreuves. Son ménage était bien tenu et sa contremaîtresse la considérait comme une très bonne couturière.
    La seconde explication proposée, en l'absence de mobile, est celle d'un accident déguisé en crime. Grégory se serait noyé ou aurait été électrocuté en prenant un bain et sa mère, afin d'échapper au reproche de l'avoir mal surveillé, aurait mis à profit l'existence du Corbeau pour tenter d'attribuer à celui- ci un assassinat. Une telle hypothèse doit être écartée car, malgré sa présence d'esprit, Christine VILLEMIN, prise au dépourvu par un tel évènement, n'aurait pas eu le temps, après avoir d'abord préparé le bain de son fils et tenté de le ranimer, d'effacer les traces de l'accident, de concevoir un tel scénario, d'habiller et de ligoter le cadavre, de le transporter dans la Vologne aux abords de DOCELLES, d'écrire une lettre, de la poster, de simuler des recherches et de téléphoner à son beau-frère Michel. VILLEMIN après avoir tenté de joindre ses beaux-parents, le tout en l'espace de vingt-cinq ou trente minutes. Toutes les investigations menées en direction de Christine VILLEMIN étant demeurées infructueuses et tendant au contraire à rendre à la fois invraisemblable et impossible sa participation à l'assassinat litigieux, la Cour doit examiner les charges pesant sur des tiers.

    B - CHARGES PESANT SUR BERNARD LAROCHE
    Il n'est pas question de proclamer la culpabilité de Bernard LAROCHE. Ce n'est pas le rôle de la Chambre d'accusation, juridiction d'instruction, et l'extinction de l'action publique mise en mouvement contre cet inculpé l'interdit. Il est toutefois nécessaire d'examiner les charges pesant sur celui-ci puisque la Chambre d'accusation de NANCY dont le ministère public avait, un temps, adopté les motifs, a considéré qu'elles étaient inexistantes afin de concentrer tous les soupçons sur Christine VILLEMIN et, le cas échéant, en vue de rechercher s'il n'aurait pas eu des complices ou ces coauteurs qui resteraient à découvrir.

    Après que Jacky VILLEMIN, sa femme et ses beaux-parents, les époux JACQUEL eurent été mis hors de cause à la suite de la vérification de leurs alibis, les enquêteurs qui étaient convaincus que le crime provenait de l'entourage des parties civiles, entendirent systématiquement tous les membres des familles VILLEMIN et JACOB. Les gendarmes questionnèrent notamment Bernard Albert LAROCHE, né le 23 mars 1955 à EPINAL, neveu de Monique JACOB épouse d'Albert VILLEMIN, qui habitait à AUMONTZEY (Vosges) un pavillon édifié à flanc de coteau, à environ un kilomètre de la maison de ses oncle et tante qu'il dominait.
    Bernard LAROCHE, devenu orphelin le lendemain de sa naissance à la suite du décès de sa mère, Thérèse JACOB, avait été élevé à AUMONTZEY par ses grands-parents maternels Léon et Adeline JACOB chez lesquels son père, Marcel LAROCHE, homme très bon, d'une parfaite droiture et unanimement estimé, s'était installé jusqu'à son décès survenu en 1981. Depuis une douzaine d'années Bernard LAROCHE travaillait au tissage ANCEL de GRANGES-sur- VOLOGNE à trois kilomètres de son domicile et il avait été récemment promu contremaître. En 1976 il avait épousé Marie-Ange BOLLE, née le 2 mai 1957 à CIREY-sur-VEZOUZE (Meurtheet-Moselle), ouvrière à la Société vosgienne de profilage, mais son entente avec celle-ci semblait médiocre. De leur union était issu, le 4 septembre 1980, un fils, Sébastien, légèrement handicapé par un kyste à la tempe droite ayant nécessité la pose d'un drain derrière l'oreille. Son père était très attaché à cet enfant dont il s'occupait beaucoup. A leur foyer vivait depuis plusieurs mois sa jeune belle-soeur Murielle BOLLE, surnommée Bouboule, née le 15 juin 1969, élève au CES de BRUYERES, qui était chargée de garder Sébastien dont la santé exigeait une surveillance constante. Durant la journée, les membres de la famille LAROCHE se rendaient très souvent à deux cents mètres de leur domicile chez une soeur de Thérèse JACOB, Louisette JACOB, femme un peu simple d'esprit mais très dévouée à sonn neveu Bernard auquel elle rendait de nombreux services.
    Bernard LAROCHE était, apparemment du moins , en excellents termes avec son oncle Albert et sa tante Monique VILLEMIN, qui le considéraient un peu comme un fils, et avec ses cousins germains, surtout avec Jacky, l'enfant naturel légitimé en compagnie duquel il avait été élevé durant les premières années de son enfance, chez ses grands-parents, et plus encore avec Michel VILLEMIN et l'épouse de celui-ci, née Ginette LECOMTE, qu'il fréquentait tous deux très assidûment.

    Entendu le 25 octobre 1984, puis réentendu de manière plus détaillée le 31 octobre en raison des soupçons dirigés sur lui par Mesdames JACQUIN-KELLER et BERRICHON-SEDEYN, Bernard LAROCHE se déclara étranger au crime et donna de son emploi du temps au cours de l'aprèsmidi du 16 octobre 1984 le compte-rendu suivant:
    Il s'était levé à treize heures car il travaillait de nuit. En l'absence de sa femme retenue par son travail à l'usine PROFIL de GERARDMER jusqu'à vingt et une heures, il avait rentré du bois de treize heures à quinze heures trente avec l'aide de sa tante Louisette JACOB. Vers quinze heures quarante ou seize heures il s'était rendu en voiture au domicile de son cousin et ami intime Michel VILLEMIN à AUMONTZEY pour y consulter un catalogue. A seize heures trente il avait regagné le domicile de Louisette JACOB et y avait attendu jusqu'à dix-sept heures quinze son camarade de travail Jean-Pierre ZONCA avec lequel il devait acheter du vin en promotion au supermarché CHAMPION de LAVAL-sur-VOLOGNE. Cet ami n'étant pas venu, il s'était rendu à son domicile, à GRANGES-sur-VOLOGNE, en compagnie de son fils Sébastien, mais n'y avait trouvé personne. De retour chez sa tante Louisette à dix-sept heures trente il y avait rencontré sa belle-soeur Murielle BOLLE qui, sortie du collège de BRUYERES à dix-sept heures, venait d'arriver par l'autobus de ramassage scolaire et regardait la télévision. Dix minutes ou un quart d'heure plus tard il était reparti en compagnie de Sébastien au magasin CHAMPION où vers dix-huit heures il avait acheté cent cinquante bouteilles de vin, puis de là il s'était rendu un peu après dix-huit heures à BRUYERES au café de la Renaissance qui était habituellement fermé ce jour de semaine, mais où il avait néanmoins réussi à percevoir le produit d'un pari-tiercé gagnant. Au retour vers dix-huit heures trente, il avait croisé à LAVELINE-devant-BRUYERES la voiture d'Albert VILLEMIN conduite par Michel VILLEMIN ( qui se rendait à LEPANGES pour participer à la recherche de Grégory) .Il avait ensuite déposé son fils chez Louisette JACOB, avait déchargé le vin dans sa maison, était revenu dîner chez sa tante. A vingt heures il était allé coucher Sébastien et était resté à son domicile jusqu'à son départ pour l'usine à vingt heures quarante cinq.
    Entendue à son tour le 31 octobre, puis le 1er novembre 1984, Murielle BOLLE déclara que le 16 octobre précédent à dix-sept heures, lors de sa sortie du CES de BRUYERES, elle était montée dans l'autobus de ramassage scolaire dont le chauffeur avait un petit bouc et des moustaches et qu'elle était arrivée à dix-sept heures vingt à AUMONTZEY. Elle s'était rendue directement au domicile de Louisette JACOB pour y faire ses devoirs de classe. A son entrée, vers dix-sept heures vingt cinq, Bernard LAROCHE était assis dans la cuisine avec son fils sur les genoux et regardait la télévision. Dix minutes plus tard Bernard et Sébastien étaient partis pour aller chercher du vin au magasin CHAMPION de LAVAL .Ils étaient revenus peu après dix-huit heures. Après le dîner elle avait regagné le domicile de son beau-frère en compagnie de celui-ci. Intrigués par la divergence entre le récit de Bernard LAROCHE et celui de sa belle-soeur quant à l'ordre de leur arrivée au domicile de Louisette JACOB et par la discordance entre les déclarations de la jeune fille et celles de quatre de ses camarades de classe ayant affirmé qu'elle n'était pas montée dans l'autobus scolaire mais dans une voiture qui l'attendait à la sortie du collège, les gendarmes entendirent à nouveau de manière plus complète Murielle BOLLE le 2 novembre 1984. Elle commença par maintenir sa précédente version des faits, concernant notamment le chauffeur de l'autobus, laquelle était inexacte, car le 16 octobre 1984 ce véhicule avait été piloté par un chauffeur occasionnel, Jean-Marie GALMICHE, qui ne portait pas de moustaches et avait des lunettes. Confondue par ce mensonge Murielle BOLLE admit qu'elle n'avait pas dit la vérité et donna des faits la relation suivante :
    A la sortie du CES elle était effectivement montée, non dans le car scolaire, mais dans l'automobile Peugeot 305 gris vert de son beau-frère Bernard LAROCHE. Elle s'était assise à la droite de celui-ci, Sébastien se tenant à l'arrière. Ils étaient passés à CHAMP-le-DUC, à BEAUMENIL et étaient arrivés à LEPANGES-sur-VOLOGNE, localité où elle n'était jamais allée auparavant. Bernard LAROCHE s'y était arrêté deux minutes, était descendu de voiture et était revenu en compagnie d'un petit garçon inconnu, du même âge que Sébastien et coiffé d'un bonnet qu'il avait fait monter à l'arrière. Ils étaient repartis en direction de BRUYERES et s'étaient arrêtés à nouveau à LEPANGES. Son beau-frère s'était absenté un instant. Il ne tenait rien à la main et elle ignorait ce qu'il avait fait. Ils étaient repartis dans l'autre sens et après un trajet d'environ cinq minutes ils étaient parvenus dans un autre village qui, elle l'avait su le lendemain, s'appelait DOCELLES. Bernard LAROCHE était sorti avec l'enfant au bonnet tandis qu'elle-même était restée dans la voiture en compagnie de son neveu Sébastien. Au terme d'un laps de temps dont elle ne put préciser la durée, Bernard LAROCHE était revenu seul et ils étaient rentrés chez Louisette JACOB à AUMONTZEY en passant par BRUYERES. Il était alors environ dix-sept heures trente. Bernard LAROCHE était reparti cinq minutes plus tard en disant qu'il allait acheter du vin à LAVAL-sur-VOLOGNE. Il avait pris Sébastien avec lui et était revenu une demi-heure après. Pendant ce temps elle avait accompli ses devoirs au domicile de Louisette JACOB. Une photographie de Grégory VILLEMIN lui ayant été montrée, elle reconnut qu'il s'agissait bien de l'enfant qui était monté à bord de leur automobile.
    Placée en garde à vue à treize heures trente à l'issue de son audition Murielle BOLLE fut entendue à nouveau le même jour de dix-huit heures quinze à dix-huit heures quarante cinq. Elle ajouta quelques détails à son précédent récit: Arrivé à un carrefour dans les hauts de LEPANGES, Bernard LAROCHE lui avait dit, en descendant de voiture "Fais attention à Bibiche", surnom de Sébastien. Au retour ils avaient d'abord pris une route barrée dans l'agglomération de LEPANGES; précision dont l'enquête confirma l'exactitude. Au cours du trajet Grégory avait parlé à Sébastien. A DOCELLES, localité qu'elle ne connaissait pas jusqu'alors, son beau-frère avait garé sa voiture sur une place, avait ouvert la porte arrière et avait appelé l'enfant par son prénom de Grégory. Elle les avait vu partir et ne savait pas où ils étaient allés. Elle avait pensé qu'il emmenait Grégory chez un ami de sa famille. Le lendemain, 3 novembre 1984 à huit heures trente, après une nuit de repos, Murielle BOLLE maintient ses dernières déclarations et mentionna sur un croquis l'endroit où la voiture de Bernard LAROCHE était stationnée à la sortie du CES et l'emplacement de l'autobus de ramassage scolaire puis l'itinéraire qu'ils avaient suivi jusqu'à LEPANGES. Dans cette localité ils avaient grimpé une grande côte. Lorsqu'ils s'étaient arrêtés la première fois elle avait aperçu le toit d'une maison qui se trouvait plus haut sur la colline. Elle avait pensé le 17 octobre 1984, en apprenant chez Louisette JACOB l'assassinat de Grégory VILLEMIN et en voyant sur un journal la photographie de l'enfant que LAROCHE était l'auteur du crime. Mais elle n'avait rien osé dire car elle avait peur. A son avis son beau-frère était venu la chercher à la sortie du collège, ce qui ne s'était encore jamais produit, pour qu'elle garde Sébastien qui ne pouvait rester seul en raison de son handicap. Elle expliqua qu'elle avait menti au sujet de l'autobus de crainte que sa soeur et son beau-frère ne fussent inquiétés et aussi parce qu'elle avait un peu peur de ce dernier bien qu'il ne l'eût jamais menacée. Elle se déclara soulagée d'avoir dit la vérité "car c'était une chose trop grave pour la cacher." Le même jour à dix heures quinze elle affirma que sa déposition était conforme à la réalité et se dit prête à la renouveler devant le juge d'instruction. Au maréchal des logis chef BOUQUOT qui attirait son attention sur l'importance de sa déposition et sur la gravité de ses conséquences, elle répondit: "Oui c'est vrai. Je m'en souviens parfaitement. Je m'en souviendrai toute ma vie." Le 3 novembre 1984 à l'issue de sa dernière audition elle fut examinée par un médecin et elle regagna le domicile de ses parents à LAVELINE-devant- BRUYERES dès la fin de sa garde à vue qui avait cessé à dix heures trente. Son père, Lucien BOLLE, informé en fin de matinée par les gendarmes des révélations de sa fille, s'engagea sous serment à ne pas les divulguer et tient sa promesse .
    Le lundi 5 novembre 1984 la jeune fille, entendue par Monsieur LAMBERT de neuf heures quinze à dix heures trente, confirma entièrement ses déclarations aux gendarmes des 2 et 3 novembre précédents et le récit de l'enlèvement de Grégory VILLEMIN. Elle précisa que celuici était souriant et que Bernard LAROCHE était gentil avec lui. Selon ses dires ils auraient fait demi-tour à l'endroit de leur premier stationnement à LEPANGES et ils ne seraient point passés devant la maison dont elle avait vu le toit. Elle ne put décrire la place de DOCELLES où leur voiture s'était garée et prétendit n'avoir pas vu de rivière à proximité. Questionnée par le juge d'instruction, hors la présence des gendarmes, au sujet de l'attitude de ceux-ci à son égard, elle répondit "qu’ils avaient été gentils" , qu'ils ne lui avaient jamais dicté ses réponses et qu'elle avait pu parler librement. Elle assura de nouveau qu'elle avait dit la vérité et renouvela sa déposition lors d'un transport sur les lieux organisé par le magistrat instructeur auquel elle montra l'emplacement où le véhicule de LAROCHE était stationné près du collège de BRUYERES et le lieu où il s'était arrêté sur les hauts de LEPANGES, mais elle fut incapable de retrouver ensuite l'itinéraire qu'ils avaient suivi. Il est vrai qu'elle connaissait mal la région car ses parents n'avaient pas de voiture. A l'issue de ce transport sur les lieux elle rejoignit sa famille à LAVELINE-devant-BRUYERES.

    Bernard LAROCHE ayant été le même jour, 5 novembre 1984, inculpé d'assassinat et placé sous mandat de dépôt, Murielle BOLLE se rendit le lendemain au Cabinet du juge d'instruction d'EPINAL accompagnée de sa mère, Jeannine LAVALLEE épouse BOLLE, et, en présence de celle-ci, rétracta les accusations qu'elle avait portées contre son beau-frère. Revenant à sa première version des faits, elle soutient qu'elle était montée dans l'autobus scolaire le 16 octobre précédent à dix-sept heures et elle prétendit que les gendarmes l'avaient trompée en lui faisant croire que Bernard LAROCHE avait passé des aveux et l'avaient menacée d'un placement en maison de correction et d'une inculpation de complicité d'assassinat si elle n'acceptait pas de le mettre en cause.
    Ebranlés par cette rétractation et ultérieurement par les plaintes avec constitution de partie civile déposées le 24 Janvier 1985 par Bernard LAROCHE contre les gendarmes enquêteurs pour faux et usage de faux en écritures publiques, subornation de témoin, menaces de mort et diffusion de fausses nouvelles susceptibles de porter atteinte à la paix publique et le 22 juillet 1985 par les parents de Murielle BOLLE contre les militaires de la gendarmerie ayant entendu leur fille pour faux, usage de faux et subornation de témoin et induits en erreur par les investigations de certains fonctionnaires du service régional de police judiciaire de NANCY
    qui tendaient à discréditer les témoignages recueillis par leurs prédécesseurs, le juge d'instruction d'EPINAL et, après lui, les magistrats du ministère public et ceux de la Cour d'appel de NANCY écartèrent une éventuelle culpabilité de Bernard LAROCHE en considérant :
    - que Murielle BOLLE avait un psychisme fragile et avait craint d'être placée dans une maison de correction,
    - qu'elle avait rétracté les accusations portées contre son beau-frère et s'était plainte d'avoir subi des pressions et d'avoir été trompée par les gendarmes,
    - que l'itinéraire décrit par elle était incohérent et fantaisiste,
    - que les dépositions des témoins qui avaient dit avoir vu Murielle BOLLE monter dans la voiture de LAROCHE le 16 octobre 1984 ou qui avaient constaté son absence dans l'autobus de ramassage scolaire, n'étaient pas crédibles parce qu'à l'exception d'un seul ils avaient fourni des points de repère inexacts ou commis des erreurs,
    - qu'il était difficile de concevoir que Grégory VILLEMIN, enfant craintif qui ne suivait pas les adultes, ait pu se laisser prendre par un inconnu et se laisser ligoter sans se défendre et sans crier,
    - que LAROCHE ne pouvait avoir la certitude de trouver Grégory VILLEMIN seul devant la maison de ses parents et de ne rencontrer aucun témoin de son rapt,
    - qu'il était invraisemblable qu'un assassin se fit accompagner par un tiers pour commettre son crime,
    - qu'aucun indice matériel ne désignait LAROCHE comme l'assassin et que les investigations du service régional de police judiciaire de NANCY n'avaient apporté aucun élément nouveau contre lui,
    - que selon sept experts nationaux il n'était pas le scripteur de la lettre du 16 octobre 1984 et des autres écrits anonymes,
    - qu'il n'avait jamais passé d'aveu,
    - que son activité professionnelle était incompatible avec les appels du Corbeau,
    - qu'il n'avait aucune raison de tuer Grégory VILLEMIN.

    L'information judiciaire provoquée par les plaintes des consorts LAROCHE et BOLLE dont le juge d'instruction de DIJON avait été chargé par un arrêt de la Cour de cassation en date du 27 février 1985 et qui s'est terminée le 23 juin 1988 par une ordonnance de non-lieu confirmée par un arrêt de cette chambre en date du 24 novembre 1988 versé au présent dossier et le supplément d'information ordonné par l'arrêt de ce siège rendu le 25 Juin 1987 ont démontré la faiblesse de cette argumentation et ont apporté contre Bernard LAROCHE des charges nouvelles de culpabilité. Il en résulte en effet que Murielle BOLLE est d'une intelligence moyenne mais normale, qu'en dépit de sa jeunesse elle présentait déjà en 1984 une maturité certaine, que selon son entourage, famille, amis, instituteurs, elle avait une personnalité bien affirmée et était digne de foi. C'est ce que sa soeur Marie-Ange LAROCHE elle-même a déclaré au début de l'enquête. Après la mise en cause de Bernard LAROCHE les gendarmes ont questionné son père Lucien BOLLE au sujet de la fiabilité du témoignage de sa fille. Il leur a répondu que Murielle était saine d'esprit et pouvait être crue et qu'elle était en bons termes avec sa soeur Marie-Ange et le mari de celle-ci. Rien n'autorise donc à soutenir qu'elle était fragile et influençable ou qu'elle avait des tendances à la fabulation.
    Les gendarmes incriminés par les familles BOLLE et LAROCHE se sont défendus d'avoir exercé
    des pressions sur Murielle BOLLE ou d'avoir manqué de loyauté à son égard et rien de tel n'a été prouvé à leur encontre. Les investigations du juge d'instruction de DIJON ont au contraire contribué à prouver que les enquêteurs avaient usé de beaucoup de prudence et de ménagements avec elle, que pendant sa garde à vue elle avait non seulement bénéficié de temps de repos et pu se restaurer mais qu'elle avait été admise à regarder des émissions de télévision et qu'elle avait passé la nuit non dans les locaux de la brigade de BRUYERES mais au domicile d'un gendarme. Son père étant venu s'enquérir de son sort, elle lui a dit "Ca va bien. Les gendarmes c'est mes copains. Il n'y a pas de problème." Elle a été examinée pendant sa garde à vue par le docteur ROUSSEAU qui était son médecin de famille, qu'elle connaissait bien et qui la connaissait. Il lui a demandé si les gendarmes avaient été corrects avec elle. Elle lui a répondu "Oh oui. Ils ont été vachement sympas." Le docteur ROUSSEAU a constaté qu'elle ne paraissait nullement traumatisée ou émue par sa garde à vue et qu'elle était au contraire souriante et détendue.
    Au surplus si depuis le 30 octobre 1984 les enquêteurs avaient quelques soupçons touchant, Bernard LAROCHE, ils ignoraient ce qui avait pu se passer, notamment plusieurs des détails fournis par le jeune témoin, telle l'existence d'un barrage à LEPANGES en raison de travaux de reconstruction du pont de la Vologne sur le chemin départemental 30, indication dont le transport sur les lieux a révélé l'exactitude. Enfin Murielle BOLLE n'a exprimé aucune doléance contre les gendarmes lors de son audition par le juge d'instruction d'EPINAL et, mise en confiance par ce magistrat, a très librement et hors de toute influence extérieure, réitéré ses accusations contre son beau-frère.
    Quant à l'itinéraire, il est vrai que seul l'emplacement de l'autobus et de la voiture de LAROCHE ont été dessinés par elle et que c'est un gendarme qui a tracé un plan approximatif de LEPANGES qu'elle aurait été incapable de dresser de mémoire, mais c'est elle qui a indiqué avec un stylographe le chemin suivi, lequel n'apparaît pas incohérent ou fantaisiste. Si des déclarations sont très suspectes de fausseté, ce sont à l'évidence celles passées le 6 novembre 1984 devant le juge d'instruction d'EPINAL et plus tard devant les divers magistrats qui l'ont entendue. Le greffier de Monsieur LAMBERT a déclaré à Monsieur le Président SIMON qu'elle n'avait plus la spontanéité de la veille et qu'elle semblait réciter une leçon. Le supplément d'information a établi que le 5 novembre 1984, à son retour dans sa famille et à l'annonce de l'arrestation et de l'inculpation de son beau-frère elle avait été malmenée, notamment par sa soeur Marie-Ange qui l'avait violemment secouée en lui disant "Pourquoi tu as dit ça ? Pourquoi tu as dit ça?" à tel point qu'elle s'était enfuie en pleurant et avait fait une crise de nerfs. ainsi que l'ont révélé ses soeurs Francine BOLLE épouse HULING et Marie-Thérèse BOLLE épouse LAMBOLEY. Le même soir il y a eu une longue discussion entre Murielle BOLLE et sa mère.

    Le sieur Benoît BARTHEROTTE, président directeur général de la société ANCEL, employeur de Bernard LAROCHE, a signalé à Monsieur le Président SIMON l'existence d'une dame GOLBAIN, infirmière qui avait soigné pendant six ou sept ans, jusqu'à sa mort, Jeannine LAVALLEE, mère de Murielle BOLLE et de Marie-Ange LAROCHE et qui était très bien renseignée sur la famille de sa cliente, mais qui n'avait été jusque là entendue qu'une seule fois et sommairement par le commissaire CORAZZI, sous son nom de jeune fille de Jacqueline
    TAILBUIS, à propos du comportement de Christine VILLEMIN à laquelle elle avait également
    donné des soins. Cette infirmière qui voyait matin et soir Madame BOLLE, atteinte d'un grave diabète, s'était liée d'amitié à cette femme malade et malheureuse et avait reçu ses confidences. Aux dires de ce témoin, Madame BOLLE qui avait posé à sa fille toutes les questions qui la préoccupaient, avait acquis la conviction que Murielle n'avait pas menti, que Bernard LAROCHE était venu la chercher à BRUYERES, l'avait conduite à LEPANGES et avait enlevé l'enfant. Elle était toutefois persuadée que Murielle n'avait rien fait de mal et elle se refusait à croire que Bernard LAROCHE ait pu tuer lui-même l'enfant. Elle pensait qu'il avait été manipulé et peut-être relayé par un tiers. L'annonce de la mise en liberté de Jean-Marie VILLEMIN ordonnée le 24 décembre 1987 par la chambre d'accusation de DIJON qu'elle avait sans doute interprétée comme un signe de la culpabilité de son gendre, avait précipité la fin de cette femme, prématurément vieillie par vingt et une grossesses et minée par la maladie et l'inquiétude. Elle était morte une semaine plus tard.
    Madame GOLBAIN a confirmé la réalité des pressions exercées par la famille BOLLE sur Murielle, non seulement au moment de sa première rétractation, mais depuis lors. Une autre preuve de l'apparente sincérité des accusations portées par Murielle BOLLE contre son beau- frère a été acquise grâce au supplément d'information. Monsieur le Président SIMON ayant appris par une multitude de témoins, y compris Marie-Ange LAROCHE, que Louisette JACOB dont :'audition avait été négligée en raison de sa débilité mentale était, malgré sa simplicité d'esprit, douée de bon sens et d'une excellente mémoire et incapable de mentir, décida de la faire entendre d'abord par les gendarmes de la section de recherches de DIJON, puis de recueillir lui-même sa déposition et ce, à deux reprises. Par trois fois Louisette JACOB raconta que Murielle lui avait confié après le crime "en pleurant beaucoup, beaucoup" qu'elle s'était trouvée dans la voiture de Bernard LAROCHE avec Sébastien et Grégory, que Bernard était descendu avec ce dernier et était revenu seul. Le juge d'instruction et le procureur de la République d'EPINAL avaient douté de la fiabilité des témoignages du chauffeur de l'autobus de ramassage scolaire et des compagnes de classe de Murielle BOLLE parce que certains d'entre eux contenaient quelques inexactitudes. Ces témoignages auraient pourtant mérité d'être pris en considération dans la première phase de l'information car ils présentent une convergence totale sur un point essentiel: Murielle BOLLE n'était pas dans le car de ramassage scolaire quand il a quitté BRUYERES le 16 octobre 1984 vers dix-sept heures. Ce fait a été affirmé à de multiples reprises par ces témoins. Sonia PIERSON avait précisé que Murielle, au lieu de prendre le car, s'était dirigée vers une automobile vert kaki garée à côté du parc de stationnement des professeurs, au volant de laquelle se trouvait un homme, véhicule qu'elle avait vu dans les instants suivants, se diriger vers LAVAL-sur-VOLOGNE, c'est-à-dire vers LEPANGES. Claude RICHARD avait fait une déclaration semblable en donnant des précisions particulières : "J'ai vu Murielle monter à l'avant d'une 305 dont je ne me rappelle plus la couleur... j'ai vu la voiture démarrer et prendre à gauche au bout du parking. En arrivant en haut de l'escalier, j'ai revu la voiture avec Murielle dedans passer sur la route en direction de LEPANGES... je n'ai pas vu le conducteur..." .."c'est la première fois que je voyais Murielle partir en voiture". Quatre de ces témoignages ont été à nouveau recueillis avec un soin extrême au cours du supplément d'information.

    Le chauffeur Jean-Marie GALMICHE, qui n'avait jamais été entendu par la police judiciaire de
    NANCY, a longuement déposé le 26 janvier 1988 devant Monsieur le Président SIMON: Il a soutenu à nouveau que Murielle BOLLE, dont la chevelure rousse attirait les regards, n'était pas dans le car le 16 octobre 1984. C'est pour lui "une certitude" .Comme il avait dit également qu'elle y était le 23 octobre, alors que ce jour-là elle avait été absente de sa classe, ce qui avait fait douter de la solidité de son témoignage, il a ajouté : "je suis absolument sûr de ce que je dis. La petite BOLLE pouvait très bien être au collège le 16 et être rentrée chez elle par je ne sais quel moyen et n'être pas allée en classe le 23 mais être rentrée quand même à AUMONTZEY par le car que je conduisais. " Véronique DIDIERLAURENT, également entendue le 25 janvier 1988, a confirmé "qu'elle avait la conviction que Murielle BOLLE n'était pas dans le car le 16 octobre 1984". Parmi d'autres précisions, elle a ajouté ..."j'ai eu le sentiment lorsque j'ai été entendue par les gendarmes qu'ils auraient plutôt souhaité que je leur dise que Murielle était dans le car le 16 octobre... je ne reviens pas sur ce que j'ai dit." Claude RICHARD a affirmé qu'elle était absolument certaine que le 16 octobre 1984, Murielle BOLLE n'était pas montée dans l'autobus à la sortie des cours, vers cinq -heures du soir, et qu'elle s'était dirigée vers une voiture arrêtée à droite par rapport à la sortie du collège. Les gendarmes n'ayant pas mentionné sur leur procès-verbal, en novembre 1984, quelle voiture elle avait reconnue, la planche photographique D 448 lui a été présentée par l'ancien président de la chambre d'accusation. Claude RICHARD, après un examen très attentif, a désigné le véhicule n°5, c'est-à-dire la Peugeot 305 de Bernard LAROCHE ; le témoin a confirmé que c'était la première fois qu'elle voyait cette voiture qui était passée ensuite avenue de Lattre de Tassigny. Murielle était assise à l'avant droit et le véhicule se dirigeait vers LAVAL- sur-VOLOGNE, étant précisé que depuis LAVAL, et en continuant tout droit, on va à LEPANGES, DEYCIMONT et DOCELLES, mais qu'en tournant à gauche dans LAVAL, on peut rejoindre LAVELlNE ou AUMONTZEY.
    Sonia PIERSON, qui n'avait jamais été entendue par la police judiciaire, mais seulement par les gendarmes et par le juge d'instruction LAMBERT, et qui habite avenue de Lattre de Tassigny à BRUYERES, a confirmé que le 16 octobre 1984, vers seize heures cinquante cinq, elle avait dit au revoir à Murielle qui, au lieu d'aller vers l'autobus de ramassage, s'était dirigée à droite vers une automobile garée sur l'aire de stationnement des professeurs. Cette voiture était de couleur vert "neutre" et en tout cas pas d'une teinte de vert éclatant. Le témoin a précisé qu'après avoir monté des escaliers situés entre des HLM et menant à l'avenue Maréchal de Lattre, elle et sa camarade Claude RICHARD avaient vu une voiture passer devant elles en direction de LAVAL et LEPANGES. Elle avait parfaitement reconnu Murielle BOLLE dans cette automobile, mais elle n'a pu donner le signalement du conducteur. Sa camarade et elle-même s'étaient dit : "tiens, Murielle vient de passer". Au cours de cette audition Sonia PIERSON a expliqué pourquoi elle avait une certitude sur la date du 16 octobre: ..."c'est le lendemain que j'ai appris l'assassinat du petit Grégory..." En ce qui concerne le fait que précédemment elle avait donné comme autre repère, une opération chirurgicale subie par son père, elle a déclaré: "je dis très sincèrement que sur l'entrée de mon père à l'hôpital, je me suis trompée... ; j'étais très émue et impressionnée. En réalité mon père devait entrer ce jour-là à l'hôpital pour se faire opérer d'un oeil, mais il y est entré un peu plus tard. .." .Monsieur PIERSON a été hospitalisé le 12 septembre 1984 pour une blessure et il est retourné à l'hôpital les 12 et 24 octobre 1984. La planche photographique cotée D 448 a été présentée au témoin par Monsieur le Président SIMON qui lui a demandé si elle reconnaissait la voiture dans laquelle elle avait vu passer Murielle BOLLE. Sonia PIERSON a montré immédiatement la photographie n°5 en disant: "c'est celle-là" : il s'agissait de la Peugeot 3O5 de LAROCHE.
    Au cours d'un transport sur les lieux, le magistrat instructeur s'est attaché à vérifier la crédibilité des témoignages de Claude RICHARD et de Sonia PIERSON. A BRUYERES, il a chronométré le temps qu'il fallait depuis la sortie du CES pour gagner à pied l'avenue Maréchal de Lattre de Tassigny en traversant le parc de stationnement du CES et en gravissant les escaliers ainsi que la pente qui conduit au bord de l'avenue Maréchal de Lattre : ce temps est de deux minutes cinquante quatre secondes; il a parcouru, en automobile, le trajet qu'auraient pu parcourir LAROCHE et Murielle BOLLE depuis ce même parc jusqu'à l'avenue Maréchal de Lattre en direction de LEPANGES et il a chronométré ce parcours: le temps est de quatre minutes cinquante six secondes.

    Il ressort de ces vérifications que les deux jeunes filles ont pu voir le véhicule de LAROCHE sur l'aire de stationnement et le voir, à nouveau, avenue de Lattre de Tassigny. Entendue au sujet de ses contradictions, des invraisemblances de sa rétractation et des témoignages qui la démentaient, Murielle BOLLE s'est obstinée à nier sa présence dans la voiture de LAROCHE lors de l'enlèvement de Grégory VILLEMIN et à rester muette quand une question trop embarrassante lui était posée par les magistrats chargés du supplément d'information. Cette attitude s'explique, semble-t-il, par les pressions de ses proches qui, à partir de l'inculpation de son beau-frère, lui ont toujours imposé le silence. Il en fut ainsi notamment lors de l'enquête provoquée par la lettre adressée au juge d'instruction d'EPINAL par une certaine "Corinne" se disant l'amie de Murielle et relatant des confidences de celle-ci ayant trait à l'affaire, dont il sera question ci-après. Quand elle vint à DIJON le 8 février 1991 pour être entendue par le président de cette chambre; elle était escortée par l'un de ses beaux-frères et par deux de ses frères, individus réputés violents et craints de leur entourage.

    La présence de Murielle BOLLE et de Sébastien LAROCHE dans la voiture du ravisseur, jugée initialement invraisemblable par le ministère public, peut s'expliquer par la nécessité de rassurer Grégory VILLEMIN qui connaissait la première pour avoir déjà été gardé par elle, bien que celle-ci n'ait pas semblé en avoir conservé le souvenir et qui aimait jouer avec le second. En outre, au cas où Christine VILLEMIN serait sortie de sa maison au moment de l'enlèvement de l'enfant, Bernard LAROCHE aurait pu expliquer de manière très plausible que passant dans le quartier avec sa jeune belle-soeur et son fils il avait invité Grégory à se promener quelques instants en compagnie de son petit cousin, ce qui aurait pu paraître très naturel eu égard aux liens de parenté unissant les deux familles.

    Quant à la prétendue méfiance de la jeune victime il a déjà été fait justice de cet argument. Grégory VILLEMIN, enfant très vif, très éveillé, n'était nullement timide et n'avait aucune raison de craindre son oncle Bernard, Murielle BOLLE et Sébastien LAROCHE qu'il connaissait déjà.

    Les investigations du Service régional de police judiciaire n'ont certes apporté aucune charge nouvelle contre LAROCHE car elles ont été essentiellement orientées en direction de Christine VILLEMIN. Il y en avait pourtant à d'autres que la première enquête avait découvertes mais avait négligées et que le supplément d'information a exploitées et fortifiées.

    Mesdames Thérèse JACOB épouse BONATO, cousine de Jean-Marie VILLEMIN et de Bernard LAROCHE, et Françoise HATTON épouse MASSON, employées à l'usine SEB de BEAUMENIL ont rapporté les 8 et 9 novembre 1984 aux gendarmes de BRUYERES que leur compagne de travail Isabelle BOLLE, soeur de Marie-Ange LAROCHE et de Murielle BOLLE, avait déclaré le 6 novembre 1984 vers quinze heures quarante cinq à la première d'entre elles, puis un peu plus tard à toutes deux que Bernard LAROCHE était allé chercher sa belle-soeur Murielle au CES, qu'il était descendu à DOCELLES, qu'il avait arrêté sa voiture, avait ouvert le coffre et "qu'il l'avait mis à l'eau", sans autre précision ou "qu'il avait mis quelque chose à l'eau". Questionnée sur la source de cette information, Isabelle BOLLE aurait répondu qu'elle avait entendu raconter cela chez ses parents. Les deux témoins ont réitéré leurs déclarations le 20 mai 1988 devant Monsieur le Président SIMON bien qu'Isabelle BOLLE ait contesté avoir tenu de tels propos.

    Madame Simone HATTON, retraitée, demeurant aux HLM Gais Champs à LEPANGES-sur-VOLOGNE, a raconté le 13 mai 1985 au commissaire principal CORAZZI, le 21 octobre 1985 au juge d'instruction LAMBERT, le 15 mars 1989 aux adjudants DEFIX et BESSON de la Section de recherches de DIJON et le 7 juin 1989 à Monsieur le Président SIMON, qu'au cours de la semaine ayant précédé le crime, elle avait remarqué par trois fois un homme de taille moyenne, aux moustaches tombantes, aux cheveux mi-longs ondulés, aux yeux globuleux, vêtu d'une chemise gris clair et d'un blouson ou d'une veste bleu foncé, circulant tantôt dans une voiture gris vert immatriculé dans la Moselle, tantôt dans une voiture d'un vert plus foncé portant le numéro QQ 88, qui observait les enfants à la sortie de l'école de LEPANGES et scrutait les fenêtres de Madame Christine JACQUOT, gardienne de Grégory VILLEMIN. Lorsque le portrait de Bernard LAROCHE fut publié dans la presse elle avait reconnu celui-ci. L'enquête a établi qu'au cours de la semaine ayant précédé le crime Bernard LAROCHE travaillait de nuit et qu'il était donc disponible aux heures de sortie de l'école de LEPANGES.

    Le nommé Michel DERUDER, chômeur, demeurant 4, rue des Bosquets à LEPANGES-sur-VOLOGNE, qui conduisait ses enfants dans cette école et allait les y chercher, a lui aussi remarqué le vendredi, le samedi et le lundi ayant précédé le crime un homme de tailleb moyenne, au visage rond, aux moustaches tombantes et aux gros favoris circulant dans une voiture verte dont il n'avait pas relevé l'immatriculation, qui semblait guetter les enfants à l'entrée ou à la sortie des classes et s'éloignait ensuite seul, tantôt en direction de DEYCIMONT et DOCELLES, tantôt vers BRUYERES. Il l'a encore vu le lundi 15 octobre 1984 entre dix-sept heures et dix-sept heures trente assis sous deux gros hêtres à environ trois cents mètres de la maison de Jean-Marie VILLEMIN. IL tenait un fusil de chasse à la main et avait paru gêné par la présence du témoin. Celui-ci l'a encore aperçu le 16 octobre 1984 à treize heures vingt qui roulait lentement rue de l'Eglise à LEPANGES et qui s'était éloigné à vive allure à la vue du témoin qui ne l'avait plus jamais revu. Michel DERUDER dont l'épouse, Evelyne JACOB, était une cousine de Jean-Marie VILLEMIN et de Bernard LAROCHE, a prétendu qu'il n'avait pas reconnu ce dernier. Toutefois le portrait robot établi sur ses indications ressemblait à tel point à la physionomie de Bernard LAROCHE qu'une ancienne voisine de celui-ci, Madame Elise CARLIER, a cru aussitôt le reconnaître. Bernard LAROCHE, avant même la diffusion de ce portrait, avait coupé ses favoris, ce qui a paru surprenant à son entourage.

    Jean-Pierre ZONCA, collègue et ami de Bernard LAROCHE, avait déclaré le 6 novembre 1984 aux gendarmes de la section de recherches de NANCY que tous deux avaient envisagé d'acheter du vin en promotion au magasin CHAMPION de LAVAL-sur-VOLOGNE jusqu'au 20 octobre 1984 mais qu'aucun rendez-vous n'avait été fixé au 16 octobre 1984 à seize heures trente à son domicile ou à celui de Louisette JACOB. En revanche il avait dit ou semblait avoir dit le contraire aux fonctionnaires du Service régional de police judiciaire de NANCY et au juge d'instruction d'EPINAL, ce qui tendait à accréditer l'emploi du temps donné par le premier inculpé.
    Réentendu de manière approfondie le 9 février 1988 par Monsieur le Président SIMON, Jean- Pierre ZONCA a formellement démenti avoir donné rendez-vous à son ami le 16 octobre 1984 à seize heures trente. S'il en avait été ainsi il ne serait pas allé ensiler du maïs chez son ami WILMANN à CHAMPDRAY jusqu'au soir comme il l'avait fait ou, du moins, il aurait prévenu LAROCHE de son empêchement.
    De même Jean-Pierre ZONCA a émis des doutes au sujet de la venue de Bernard LAROCHE à son domicile le 16 octobre 1984 après seize heures et demie. Il a trouvé surprenant qu'aucun de ses voisins ne l'ait vu. Au terme des enquêtes Bernard LAROCHE ne pourrait se prévaloir d'aucun alibi entre sa sortie de la maison de Michel VILLEMIN à seize heures trente et son départ pour le magasin CHAMPION à dix-sept heures trente, soit pendant une heure, temps suffisant pour aller chercher Murielle BOLLE à BRUYERES, enlever l'enfant à LEPANGES et le conduire à DOCELLES.
    Il en est de même pour la période comprise le 16 octobre 1984 entre dix-huit heures vingt cinq ou trente, lorsqu'il a croisé à LAVELINE-devant-BRUYERES, entre AUMONTZEY et BRUYERES, la voiture des époux Albert VILLEMIN conduite par leur fils Michel, et la prise de son travail au tissage ANCEL de GRANGES-sur-VOLOGNE à vingt et une heures. Il a prétendu avoir passé cet espace de temps soit à son domicile, soit chez sa tante Louisette JACOB, mais il n'y a que les dépositions de sa belle-soeur Murielle BOLLE pour confirmer ses allégations dont la preuve n'est pas rapportée avec certitude.

    A ces charges anciennes, jusqu'alors méconnues, se sont ajoutés au cours du supplément d'information :
    - la redécouverte du foulage L B,
    - les conclusions du rapport des experts en écriture Denis KLEIN et Isabelle DAVIDSON, même si elles doivent être accueillies avec la prudence qui est de rigueur en pareille matière,
    - le résultat de l'enquête provoquée par les révélations de Madame CONREAUX, longuement relatée à propos de l'examen des charges pesant sur Christine VILLEMIN, éléments qui tous tendent non seulement à disculper celle-ci mais corrélativement à accabler Bernard LAROCHE.

    Aucun indice ne le désigne, il est vrai, comme l'assassin mais d'une part il a pu enlever l'enfant sans être l'assassin, d'autre part, n'ayant pas été immédiatement soupçonné, il a eu le temps de faire disparaître des preuves.

    Il n'a certes jamais passé d'aveu. Il convient toutefois de noter qu'il a été assassiné par son cousin Jean-Marie VILLEMIN cinq mois et demi après son inculpation et après seulement trois mois de détention. En outre le supplément d'information a révélé qu'ayant dégradé au cours de son adolescence, des panneaux de signalisation au moyen de fléchettes en compagnie de ses cousins VILLEMIN, il avait toujours contesté sa participation, pourtant certaine, à ce petit méfait alors que Jacky et Jean-Marie VILLEMIN avaient reconnu leurs fautes avec franchise. Ses dénégations dans la présente affaire ne sont donc pas déterminantes.

    Enfin le réexamen très minutieux des activités du Corbeau n'autorise nullement à mettre hors de cause Bernard LAROCHE car les investigations de la police judiciaire en ce domaine ont été trop sommaires et fragmentaires. Il appert du supplément d'information :
    - que Bernard LAROCHE pouvait, de sa maison, observer sinon à l’oeil nu du moins à l'aide d'une longue vue découverte le 31 octobre 1984 dans un placard de son vestibule, ce qui se passait au domicile des époux Albert VILLEMIN,
    - qu'il était informé par son cousin Michel de tout ce qui se passait dans la famille VILLEMIN ainsi qu'il l'a reconnu après avoir d'abord tenté de le dissimuler,
    - qu'il a été lui-même personnellement témoin ou averti de certains faits mentionnés par le Corbeau, telle la pose de rétroviseurs par son oncle Albert et la signature de l'acte d'achat de la maison de ses cousins Jacky et Liliane VILLEMIN,
    - que sa jeune belle-soeur Isabelle BOLLE qui avait habité un temps chez lui, a été soupçonnée par Monique VILLEMIN, qui avait cru reconnaître son rire et sa voix, d'être l'auteur d'une communication anonyme,
    - que lors d'un appel téléphonique reçu par les époux Jean-Marie VILLEMIN ceux-ci ont entendu une chanson intitulée "Chef on a soif" et qu'une cassette de cette chanson a été découverte au domicile du premier inculpé,
    - que l'amitié qui l'avait uni à Jacky VILLEMIN pouvait l'inciter à prendre la défense de celuici,
    - que le Corbeau a tenté de diriger les soupçons sur la famille JACQUEL et y a d'ailleurs longtemps réussi et que Bernard LAROCHE avait courtisé Liliane JACQUEL et avait été éconduit par elle,
    - que Bernard LAROCHE a été soupçonné d'être le Corbeau par Monique VILLEMIN et par Jacky VILLEMIN ; qu'il avait en effet téléphoné à ce dernier pour l'inviter à dîner aussitôt après un appel du Corbeau, ce qui démontrait qu'il était bien en mesure de téléphoner à ce moment là,
    - que lors de certaines communications le cliquetis d'un métier à tisser a été perçu et qu'il travaillait dans un tissage,
    - que sa maison comportait un escalier et que les destinataires de certains appels téléphoniques ont entendu, en bruit de fond, les pas d'une personne gravissant des degrés. En l'état il n'est pas démontré que Bernard LAROCHE soit le Corbeau mais, contrairement à l'opinion du juge d'instruction d'EPINAL, il n'est pas exclu qu'il le soit ou qu'il soit l'un des Corbeaux s'il y en a eu plusieurs.

    Reste, comme pour Christine VILLEMIN, la question des mobiles du crime qui lui fut imputé. Les premiers enquêteurs ont supposé que Bernard LAROCHE était jaloux de Jean-Marie VILLEMIN parce que celui-ci avait été nommé contremaître avant lui, avait une situation financière plus prospère, une meilleure entente conjugale, un enfant plus doué que Sébastien et qu'il avait été dépité du refus opposé par Christine BLAISE à ses avances. Son aigreur aurait pu être également alimentée par les vantardises de Jean- Marie VILLEMIN qui se complaisait un peu trop à faire étalage de ses succès et par la rancoeur de certains membres de son entourage, tels Michel et Ginette VILLEMIN, Jacky VILLEMIN, Marcel et Jacqueline JACOB qui enviaient eux aussi les parents de Grégory et les dénigraient peut-être auprès de lui.
    Le 6 août 1985, une lettre signée "Corinne" dont l'auteur disait avoir seize ans, être en vacances chez une marraine et devoir regagner LEPANGES le 19 août suivant, fut expédiée de PUY-L'EVEQUE, département du Lot, au juge d'instruction d'EPINAL. Le signataire qui se disait une amie de Murielle BOLLE, prétendait que celle-ci lui aurait confié sous le sceau du secret qu'elle était bien dans la voiture de son beau-frère le 16 octobre 1984 mais qu'elle avait dit le contraire par peur de ses parents. Elle accusait Bernard LAROCHE d'être le Corbeau, de savoir très bien imiter les écritures et d'avoir acheté des faux témoins, notamment Anne-Marie TEXEIRA, amie de sa femme. A l'en croire Bernard LAROCHE, amoureux depuis toujours de Christine VILLEMIN, aurait été à nouveau éconduit, peu avant le crime, par celle-ci qui lui aurait dit qu'elle était heureuse de ne pas l'avoir épousé car elle aurait eu un enfant taré comme le sien alors qu'elle avait un beau garçon. Bernard LAROCHE aurait répondu: "T'inquiète pas. Il ne sera pas beau longtemps. "
    Les nombreuses investigations auxquelles cette lettre a donné lieu n'ont pas permis d'en identifier l'auteur et d'établir si son contenu avait une part de réalité ou était totalement imaginaire. Christine VILLEMIN a contesté avoir tenu les propos qui lui étaient prêtés. Il convient toutefois d'observer que cette lettre a particulièrement inquiété la famille BOLLE qui, depuis le crime, vivait, il est vrai, en état d'alerte permanente selon l'expression de Madame GOLBAIN.
    Même si la réussite familiale et professionnelle de Jean-Marie VILLEMIN était supérieure à celle de Bernard LAROCHE, il n'y avait toutefois pas une différence suffisante entre eux pour justifier une haine aussi implacable et l'assassinat d'un enfant. En outre, le premier inculpé qui bénéficiait de l'estime et de l'affection de son oncle Albert et de sa tante Monique VILLEMIN n'avait, semble-t-il, aucune raison de les persécuter comme le fit le Corbeau.
    Monsieur le Président SIMON a supposé que les agissements de cet être malfaisant et le crime litigieux tiraient leur source de torts très graves que la famille VILLEMIN aurait eus envers la famille LAROCHE ou d'autres personnes et qui expliqueraient la vengeance dont elle avait été victime. Des années durant il s'est efforcé, sans y parvenir, de percer un éventuel secret familial.
    A certaines époques de son existence Albert VILLEMIN s'était attiré beaucoup d'inimitiés par son intempérance, sa dureté et des aventures sentimentales réelles ou supposées, mais pas au point, semble-t-il, de justifier pareille vengeance. Certains l'ont accusé d'avoir extorqué de l'argent à Marcel LAROCHE, mais cela n'a pas été démontré et il est même probable que le coupable soit un autre membre de la famille prénommé lui aussi Albert et d'avoir eu avec Thérèse JACOB, mère de Bernard LAROCHE, une liaison qui n'a pas été davantage prouvée. En 1981, après la mort de Marcel LAROCHE, Monique VILLEMIN et ses soeurs Yvette et Suzanne JACOB se seraient introduites au domicile du défunt et auraient fouillé ses affaires afin d'y récupérer, a-t-on pensé, des documents compromettants, mais elles auraient été surprises par Bernard et Marie-Ange LAROCHE qui les auraient chassées. Monique VILLEMIN et ses soeurs l'ont nié et cet épisode n'a pu être élucidé. Il a également été question d'un second bâtard dans la famille. Monique VILLEMIN a contesté cette autre naissance illégitime qui n'a jamais été démontrée. A la supposer réelle sa relation avec le crime ne serait pas établie. Monique VILLEMIN a été soupçonnée par beaucoup de ses proches de détenir la clef de l'énigme. Elle a toujours affirmé qu'il n'en était rien.
    En définitive, à l'issue de l'instruction, il existe contre Bernard LAROCHE des charges très sérieuses d'avoir enlevé Grégory VILLEMIN le 16 octobre 1984. En revanche les raisons profondes de la haine qui semble avoir dicté ce crime demeurent incertaines pour ne pas dire inconnues et en l'état il est impossible d'affirmer que Grégory VILLEMIN dont la mort demeure toujours entourée de mystère, a été tué par Bernard LAROCHE sur lequel d'excellents renseignements ont été recueillis et que ses proches disent incapable d'avoir assassiné un enfant.

    C -CHARGES PESANT SUR MURIELLE BOLLE
    Il est indispensable de les examiner puisque deux des parties civiles demandent qu'elle soit inculpée sinon d'assassinat, du moins d'enlèvement d'un mineur âgé de moins de quinze ans. L'étude des charges rassemblées contre Bernard LAROCHE à laquelle il vient d'être procédé tend à démontrer que Murielle BOLLE, en dépit de ses dénégations initiales et finales, a bien assisté à l'enlèvement de Grégory VILLEMIN et qu'en gardant son neveu Sébastien et en rassurant la victime par sa présence elle a facilité cet enlèvement. En revanche il n'est pas établi qu'elle ait su, avant d'apprendre le lendemain par la lecture des journaux, la mort de Grégory VILLEMIN, le but de l'expédition à laquelle elle avait participé.
    Rien dans ses aveux à la gendarmerie, au juge LAMBERT et à Louisette JACOB ne permet de penser qu'elle ait eu conscience de favoriser le rapt d'un enfant et son assassinat. Les confidences de Jeannine BOLLE à son infirmière et les renseignements fournis par celle-ci confortent cette opinion. Murielle BOLLE aimait en effet beaucoup les enfants et elle a été bouleversée à l'annonce du décès de Grégory VILLEMIN.
    L'intention criminelle, élément constitutif de l'infraction qui lui est reprochée, n'étant pas en l'état démontrée et semblant au contraire exclue, l'inculpation sollicitée ne saurait être envisagée. Au surplus elle serait impossible parce que la Cour n'est pas saisie du crime d'enlèvement de mineur de quinze ans mais seulement de celui d'assassinat. Les parents de Grégory VILLEMIN et sa grand-mère maternelle soupçonnent, il est vrai, Murielle BOLLE d'avoir pris une part active à la disparition de leur fils et petit-fils en lui injectant une dose d'insuline peut-être mortelle, en tout cas suffisante pour l'avoir plongé dans un coma ayant facilité sa noyade.
    Il ressort en effet des renseignements fournis le 21 novembre 1989 par Madame GOLBAIN :
    - qu'en 1984 cette infirmière administrait chaque jour à Jeannine LAVALLEE épouse BOLLE des piqûres d'un mélange d'insuline rapide et d'insuline lente de la marque figurant sur le flacon et sur l'emballage découverts au bord du Barba au moyen d'une seringue semblable à
    celle qui a été saisie, laquelle n'était pas, à l'époque, en vente courante dans les pharmacies,
    - que cette seringue n'avait, semble-t-il, pas été retirée de son conditionnement par un
    profane, mais de la manière dont elle-même procédait,

    - qu'elle laissait chez ses malades des seringues et des flacons à' insuline et que I’insuline était en vente libre dans les pharmacies,
    - que le flacon ramassé par le garde-champêtre GRANDJEAN n'était peut-être pas plein lorsqu'il avait été utilisé parce qu'il fallait remplir cinq seringues pour le vider,
    - que l'injection d'une seringue complète d'insuline à un enfant de quatre ans non diabétique aurait entraîné un coma et un état de mort apparente,
    - que deux années environ avant la mort ce sa mère survenue le 31 décembre 1987, Murielle BOLLE avait appris à faire des piqûres à celle-ci.
    Il se pourrait donc, selon les parties civiles, que Bernard LAROCHE, informé des propriétés de l'insuline, ait conçu le projet d'anesthésier l'enfant en utilisant les produits pharmaceutiques de sa belle- mère et la compétence de sa belle-soeur.
    Cette hypothèse ne saurait être écartée du fait de la découverte du flacon d'insuline et de la seringue ci-dessus décrits à proximité du lieu d'immersion possible de la victime, mais en l'absence d'autres indices et de témoignages il est impossible d'imputer une telle injection à Murielle BOLLE qui, à s'en tenir à la déposition de Madame GOLBAIN, ne savait pas encore faire des piqûres à sa mère au mois d'octobre 1984. Même si elle avait piqué Grégory VILLEMIN, il est douteux que cette jeune fille de quinze ans, peu instruite, ait compris. le but et les conséquences de l'acte demandé par son beau-frère.
    Enfin sur plainte avec constitution de partie civile déposée le 25 Novembre 1985 entre les mains du doyen des juges d'instruction d'EPINAL par les époux Jean-Marie VILLEMIN
    auxquels s'était jointe ultérieurement Gilberte CHATEL veuve BLAISE, contre Murielle BOLLE pour complicité d'assassinat, non opposition à la réalisation d'un crime, non assistance à personne en danger, abstention volontaire de témoigner et non dénonciation de crime, une information judiciaire a été ouverte de ces chefs contre personne non dénommée. Après diverses péripéties procédurales, elle a été renvoyée le 14 septembre 1987 par la chambre criminelle de la Cour de cassation devant le juge d'instruction de DIJON dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice. Elle s'est terminée le 25 avril 1988 par une ordonnance de non-lieu qui a été confirmée le 11 octobre suivant par un arrêt de ce siège. Or le ministère public, seul habilité par l'article 190 du Code de procédure pénale à requérir la réouverture de cette information ne l'a pas fait.
    Sous quelque aspect qu'on l'envisage, une inculpation de Murielle BOLLE apparaît en l'état impossible.

    D - CHARGES PESANT SUR MARIE-ANGE LAROCHE
    Les époux Jean-Marie VILLEMIN et veuve BLAISE ont également porté leurs soupçons sur Marie-Ange BOLLE, épouse du premier inculpé, en faisant observer, ce qui est vrai :
    - qu'elle n'a pas travaillé le 15 octobre 1984, veille du crime, sans raison apparemment valable,
    - qu'elle a veillé le corps de Grégory VILLEMIN avant ses obsèques plus, semble-t-il, par curiosité qu'en raison de la sympathie que lui inspiraient cet enfant et ses parents auxquels elle n'était pas intimement liée,
    - qu'au départ de l'enquête elle a téléphoné aux gendarmes de BRUYERES, le 22 octobre 1984, pour annoncer des révélations importantes: qu'en fait elle n'a fourni aucun renseignement intéressant et a, au contraire, tenté de mener les militaires de l'arme sur de fausses pistes, notamment en direction des époux Jacky VILLEMIN et des époux HOLLARD, cousins d'Albert VILLEMIN,
    - que le 4 mai 1986, elle a demandé la mise sous tutelle de sa tante par alliance Louisette JACOB, peut-être afin d'empêcher que les déclarations de celle-ci ne fussent prises en considération, qu'elle aurait tenté d'avoir accès au dossier de l'assassinat de Grégory VILLEMIN en suscitant la constitution de partie civile de certains de ses proches,
    - qu'au cours du supplément d'information elle a refusé de déposer en qualité de témoin et n'a finalement comparu qu'avec beaucoup de réticence devant Monsieur le Président SIMON,
    - qu'elle aurait annoncé de manière étonnante la mort de Grégory VILLEMIN à son mari,
    - que les époux LAROCHE formaient un couple chancelant.
    Aucune de ces considérations ne constitue à son encontre une présomption de culpabilité. L'instruction a établi que le 16 octobre 1984 Marie-Ange LAROCHE avait travaillé à l'usine PROFIL de GERARDMER jusqu'à vingt et une heures et n'a pas démontré qu'elle se fût absentée de son travail durant la journée. Sauf fausseté des dépositions recueillies ou lacunes de l'enquête elle n'a donc pu participer matériellement à l'enlèvement et à l'assassinat de Grégory VILLEMIN. Eu égard à la médiocre entente des époux LAROCHE il est peu probable que son mari, homme secret, prudent et calculateur, l'ait associée à un éventuel projet criminel. Rien ne démontre non plus qu'elle soit l'un des Corbeaux bien que ce ne soit pas impossible.
    Marie-Ange BOLLE a pu, si elle connaissait les ressentiments de son mari envers les membres de la famille VILLEMIN - en admettant qu'il les ait éprouvés et manifestés - supposer qu’il n'était pas étranger à l'assassinat de l'enfant et s'efforcer de découvrir une Vérité dont elle avait l'intuition et de détourner les soupçons qui auraient pu peser sur son conjoint et par ricochet sur elle, sans pour autant être impliquée de près ou de loin dans l'affaire.
    L'assassinat de son mari par Jean-Marie VILLEMIN n'a pu que la conforter dans ce réflexe de défense et cette quête des informations qui ne constituent pas contre elle des éléments à charge.
    Même si elle a percé tout ou partie du secret de la mort de Grégory VILLEMIN, il serait vain d'espérer en obtenir la révélation par de nouvelles auditions de ce témoin. A l'heure actuelle aucune investigation ne saurait être entreprise utilement dans sa direction.

    E -CHARGES PESANT SUR D'AUTRES PERSONNES
    Michel VILLEMIN et son épouse née Ginette LECOMTE ont été suspectés l'un et l'autre d'être les Corbeaux ou à tout le moins les informateurs du Corbeau eu égard à leur proximité des époux Albert VILLEMIN dont aucun des faits et gestes ne leur échappait, à l'animosité de Michel envers son père qui lui reprochait son analphabétisme et au caractère aigri et jaloux de ce fils déshérité par la nature, peu intelligent, presque illettré et sujet à des crises nerveuses. En outre, c'est lui qui a été le messager du Corbeau le jour du crime et, le soir du 16 octobre 1984, il était dans un tel état d'agitation que les gendarmes de BRUYERES l'avaient placé en garde à vue.
    L'information originaire et son supplément ont mis en évidence les liens très étroits qui unissaient les époux Michel VILLEMIN à Bernard et Marie-Ange LAROCHE bien que ceux-ci se fussent efforcés, tout au début de l'enquête, de taire cette intimité. Ils se rendaient de très nombreuses visites et Bernard LAROCHE avait courtisé Ginette LECOMTE à telle enseigne que certains lui ont attribué, à tort semble-t-il, le deuxième enfant de celle-ci. Elle avait été très affectée par la détention et par le décès de Bernard LAROCHE alors que d'autres drames familiaux - assassinat de Grégory VILLEMIN, mort accidentelle de son jeune beau-frère Lionel VILLEMIN - l'avaient laissée, du moins en apparence, beaucoup plus indifférente.
    Les très nombreuses investigations menées autour de ce couple n'ont toutefois pas permis d'attribuer à l'un ou l'autre de ses membres, qui étaient tous deux indisponibles au moment du crime, une participation à sa préparation ou à son exécution.
    Il se peut qu'ils aient été les auteurs de certaines communications anonymes et il est certain qu'ils ont fourni des renseignements à Bernard LAROCHE au sujet des événements de leur famille mais il n'est pas prouvé qu'ils l'aient fait en connaissance du but éventuellement poursuivi par leur cousin.
    A supposer que celui-ci soit l'auteur du crime, il était trop avisé pour avoir associé à ses agissements un homme aussi dépourvu de sang-froid que Michel VILLEMIN dont le comportement était imprévisible.
    Le 25 août 1991 Ginette LECOMTE a abandonné son mari, qui avait tenté peu auparavant de mettre le feu à leur maison, en emmenant avec elle ses deux enfants. De nouvelles auditions des conjoints après leur séparation sont restées sans résultat.

    Marcel JACOB, jeune frère de Monique VILLEMIN, et Jacqueline THURIOT son épouse, étaient en mauvais termes avec Albert VILLEMIN et ses fils, singulièrement Jean-Marie, mais excepté Jacky lequel n'était pas, en fait, le fils d'Albert. En 1972 Marcel JACOB aurait craché au visage de son beau-frère. Au mois de décembre 1982 à la suite d'un dépassement imprudent de leur voiture par celle de Gilbert VILLEMIN, les époux JACOB-THURIOT avaient insulté Albert, Gilbert, Jean-Marie et Christine VILLEMIN et auraient même menacé de les frapper avec une matraque. Marcel JACOB qui avait pris ombrage de la promotion de Jean-Marie VILLEMIN au rang de contremaître, lui avait dit "Je ne serre pas la main à un chef" et l'avait accusé de ramper devant ses supérieurs. Valérie JACOB, leur fille, a été soupçonnée par sa tante Monique VILLEMIN, qui avait cru reconnaître sa voix et son rire, d'être l'auteur d'une communication téléphonique anonyme. Elle était une amie d'Isabelle BOLLE qui avait habité chez son beau-frère Bernard LAROCHE. Marcel JACOB a été soupçonné lui aussi d'être le Corbeau parce que celui-ci avait fait mention dans l'une des lettres anonymes d'une altercation dont lui, Marcel, avait été témoin entre Jacky et Michel VILLEMIN. Son téléphone se trouvait en haut d'un escalier sonore et Albert VILLEMIN avait entendu, en bruit de fond lors d'un appel anonyme, les pas d'une personne gravissant un escalier. Les époux Marcel JACOB étaient les plus proches voisins des époux LAROCHE et l'on pouvait aller d'une maison à l'autre sans être vu par des tiers. De même que le pavillon de celui-ci, leur habitation dominait celle d'Albert VILLEMIN à AUMONTZEY. Bernard LAROCHE et Marcel JACOB, très proches par l'âge bien que le premier fût le neveu du second, avaient été élevés ensemble et étaient très liés mais au début de l'enquête Marcel JACOB s'était efforcé de dissimuler cette amitié. Invitée à comparaître le 12 décembre 1989 devant Monsieur le Président SIMON au poste de gendarmerie de XONRUPT-LONGEMER, Jacqueline THURIOT qui n'avait encore jamais été entendue, s'est abstenue de comparaître sans fournir d'explication. Entendue de manière approfondie le 24 septembre 1991 par les adjudants DEFIX et BESSON de la section de recherches de DIJON, elle a été réticente pour répondre à leurs questions. L'expertise en écriture de Monsieur Denis KLEIN et de Madame Isabelle DAVIDSON a mis en évidence certaines concordances troublantes entre son écriture en lettres d'imprimerie et les deux premières pièces de question en caractères typographiques. Marcel JACOB ressemble beaucoup à son neveu Bernard LAROCHE et après la diffusion du portrait-robot un témoin a cru le reconnaître.
    En raison de ces divers éléments de suspicion, des recherches ont été menées en direction de ce couple dont l'emploi du temps le 16 octobre 1984 n'a pu être établi avec une totale certitude. A priori ils n'étaient pas disponibles à l'heure du crime mais l'éventualité d'une absence momentanée de leur lieu de travail ne saurait être exclue. L'enquête les concernant a été entreprise trop tardivement pour avoir des chances sérieuses d'aboutir à un résultat incontestable. En l'état, il n'existe pas contre eux de présomption suffisantes pour justifier de nouvelles investigations et a fortiori une inculpation.

    Le juge d'instruction d'EPINAL avait reçu, par l'intermédiaire du journal "La liberté de l'Est" une lettre expédiée de THIONVILLE le 29 mars 1986 dont l'auteur qui l'avait signée des initiales RH disait se trouver dans un village de la Moselle, travailler dans les Vosges au service de la société PEAUDOUCE de THUNIMONT où il avait conduit le camion n° 6376 HY 59. Se prétendant atteint d'une maladie incurable il s'accusait d'avoir été payé par Bernard LAROCHE, rencontré au café "Le Salut de la Truite chez DURANT" pour tuer Grégory VILLEMIN.
    Le commissaire CORAZZI du Service régional de police judiciaire de NANCY, chargé d'exploiter les renseignements contenus dans cet écrit, avait rendu compte de ses recherches infructueuses dans un procès- verbal très sommaire du 18 avril 1986. Au cours du supplément d'information cet élément a paru mériter de plus amples investigations parce que Madame Simone HATTON, dont la déposition a été plus haut relatée, avait remarqué durant la semaine ayant précédé le crime le comportement suspect d'un automobiliste circulant dans une voiture immatriculée en Moselle.
    Une enquête plus approfondie des adjudants DEFIX et BESSON de la section de recherches de DIJON a révélé :
    - qu'il existait, à l'époque des faits, une société PEAUDOUCE à THUNIMONT (Vosges) et qu'elle était propriétaire d'un camion immatriculé 6376 HY 59,
    - qu'un restaurant à l'enseigne "Le Saut de la Truite" sis à THUNIMONT MONT était le rendezvous habituel de nombreux chauffeurs routiers et que son tenancier s'appelait René DURANT,
    - que la société PEAUDOUCE avait eu à son service un chauffeur nommé René HAIRAY qui était maladif et était mort d'un cancer le 4 juillet 1989,
    - que le camion 6376 HY 59 était conduit le plus souvent par le beau-frère de René HAIRAY qui travaillait lui aussi dans la même entreprise.
    En revanche il n'est pas établi que René HAIRAY ait eu des attaches en Moselle et ait écrit la lettre du 29 mars 1986. Les personnes de son entourage n'ont pas reconnu son écriture et l'ont estimé incapable de commettre un crime.

    Un adjudant de gendarmerie en retraite, Monsieur LE PIPEC, qui a conduit une enquête parallèle à celle de la gendarmerie et de la police judiciaire, s'est transporté sur les lieux du crime et a procédé à diverses investigations. Dans plusieurs mémoires, illustrés de plans, adressés à Monsieur le Président SIMON et lors de son audition par ce magistrat, il a émis l'hypothèse que Grégory VILLEMIN avait été victime d'un jeu d'enfants, jeu d'indiens ou transport dans une petite charrette tirée par une bicyclette, au cours duquel il serait tombé accidentellement dans la VOLOGNE. Le Corbeau qu'il situait à LEPANGES, témoin de cette chute, l'aurait aussitôt exploitée en écrivant une lettre et en téléphonant à la famille VILLEMIN afin d'assouvir sa vengeance.
    Il est exact qu'un groupe d'enfants jouait à LEPANGES et que Christine VILLEMIN avait pensé, au début des recherches, que son fils avait pu les rejoindre, mais l'enquête n'a nullement confirmé cette supposition.

    Michel CORNILLIE, tenancier à l'époque du crime de l'hôtel restaurant bar de la Poste à DOCELLES, situé non loin du lieu de découverte du cadavre de Grégory VILLEMIN, a remarqué le 16 octobre 1984, entre seize heures trente et dix sept heures dix ou quinze la présence dans son établissement d'un individu qui semblait nerveux et ne cessait de regarder sa montre et une pendule. Il en a donné un signalement précis et a contribué au dessin d'un portrait-robot ressemblant à celui réalisé sur les indications de Michel DERUDER. Il a indiqué que son ami Claude CHARLES, monteur domicilié à DOCELLES, qui lui tenait compagnie au cours de l'après-midi du 16 octobre 1984, avait fait les mêmes constatations que lui.
    Ce témoin dont la déposition n'avait pu être recueillie au début de l'enquête parce qu'il se trouvait en Egypte, a été entendu le 29 mai 1991. Il a confirmé la présence de cet homme qui semblait préoccupé mais non le signalement qu'en avait donné son ami. Cet individu suspect n'a jamais été identifié et l'on ne sait si sa présence était en relation avec l'assassinat de Grégory VILLEMIN.

    Le 19 novembre 1987 Monsieur Jean-Gustave DESCY, âgé de soixante et un ans, artiste peintre en fresques demeurant 9 quai Marcel BOYER à IVRY-sur-SEINE mais dont l’épouse était originaire de DOCELLES et qui avait une résidence secondaire à CHARMOIS-devant-BRUYERES, fut, sur sa demande, entendu par Monsieur le Président SIMON et lui révéla que le 16 octobre 1984, peu après dix-sept heures quinze, revenant de NANCY à motocyclette, il avait remarqué une automobile Renault 5 verte garée à droite de la route départementale 44 allant de BRUYERES à EPINAL, en direction d’EPINAL, à proximité du pont franchissant la route départementale 159 bis menant de CHENIMENIL à CHARMOIS. Elle était inoccupée. Le 20 octobre 1984, jour des obsèques de Grégory VILLEMIN, mais après la fin de la cérémonie, venant de DOCELLES et regagnant CHARMOIS en compagnie d'un ami, il avait aperçu une Renault 5 verte exactement semblable à celle vue le 16 octobre précédent, mais garée cette fois à droite de la route départementale 159 bis allant de CHENIMENIL à CHARMOIS, en contre bas du pont par lequel la route départementale 44 enjambe cette voie. Intrigué par la présence d'une automobile arrêtée en ce lieu, il avait dit à son ami, sur le ton de la plaisanterie: "Tiens, voilà la voiture du crime" et avait ralenti. A cet instant il avait vu un homme de cinquante ou soixante ans assez fluet, au visage émacié, aux cheveux foncés et peu abondants, vêtu d'une veste en cuir clair, une femme aux cheveux bouclés grisonnants plus corpulente que l'homme et deux ou trois autres personnes, notamment un jeune homme et une jeune fille de treize ou quatorze ans, s'engouffrer dans la voiture et partir précipitamment.
    Le témoin signala qu'à proximité du lieu où il avait vu la première automobile à l'arrêt le 16 octobre 1984, un petit chemin appelé chemin TACHET, du nom d'une ferme située non loin de là, permettait d'accéder depuis la route D44 au bord de la Vologne à DOCELLES, en amont de l'ancien pont Bailey, sans risque d'être vu, information dont une enquête démontra l'exactitude.
    Le sieur DESCY ajouta que ces renseignements pouvant présenter un certain intérêt pour la découverte de l'auteur du crime, il les avait communiqués au commissaire divisionnaire Bernard GRAVET de la Direction centrale de la police judiciaire, rue d'Aguesseau à PARIS, qui avait dressé procès-verbal de ses déclarations et lui avait annoncé qu'il serait ultérieurement convoqué, ce qui n’avait jamais eu lieu.
    Le Directeur central de la police judiciaire ayant fait savoir le 7 janvier 1988 que la trace d'un procès-verbal d'audition de Jean DESCY n'avait pas été retrouvée, ce témoin fut réentendu le 25 mars suivant par Monsieur le Président SIMON auquel il remit la carte de visite du Commissaire divisionnaire GRAVET ainsi que des photographies illustrant ses précédentes déclarations qu'il confirma en précisant que l'homme à la veste en cuir de couleur chamois qu'il avait vu le 20 octobre 1984 ressemblait un peu à Roger JACQUEL dont la photographie avait été publiée par un numéro spécial du journal l'Est Républicain. Il signala en outre l'existence, non loin du point privilégié, d'une vieille baraque en planches dans laquelle l'auteur du crime aurait pû aisément se dissimuler. Le film des obsèques de Grégory ayant été projeté devant lui Jean DESCY ne put reconnaître dans l'assistance les personnes qu'il avait aperçues le 20 octobre 1984. Il est décédé depuis lors. Le commissaire divisionnaire GRAVET, entendu le 25 mars 1988 par l'ancien président de cette chambre, admit qu'il avait effectivement reçu la visite de Jean DESCY qui lui avait fait part de ses constatations, en avoir soit pris note, soit dressé procès-verbal et affirma avoir transmis ces renseignements au Service régional de police judiciaire de NANCY alors saisi de l'enquête. Ce service a prétendu n'avoir rien reçu et tout ignorer des déclarations de Monsieur DESCY.
    Le FIGARO MAGAZINE du 27 février 1988 ayant fait état des révélations de ce témoin, le domicile de celui-ci à IVRY-sur-SEINE fut ravagé le lendemain par un incendie d'origine criminelle. L'auteur présumé des faits avait tracé les lettres J D, initiales de Jean DESCY, à la peinture noire sur la porte de l'immeuble. Bien qu'il n'ait pas contribué à l'élucidation de l'affaire, cet épisode du supplément d'information méritait d'être rapporté parce qu'il :
    - montre que des éléments dignes d'intérêt avaient échappé aux premiers enquêteurs,
    - met en évidence certains dysfonctionnements de la police judiciaire,
    - établit que les menaces d'incendie qui auraient été reçues par plusieurs témoins doivent être prises au sérieux.

    Beaucoup d'autres recherches provoquées par des lettres anonymes ou signées, par des communications téléphoniques et par des renseignements recueillis par la police ou la gendarmerie et qui ne sauraient être relatées en détail, sont restées sans résultat probant. L'auteur de l'assassinat de Grégory VILLEMIN demeure donc inconnu.

    III -DEMANDES DE SUPPLEMENT D'INFORMATION
    1) Demande de décryptement des cassettes d’enregistrement de la voix du Corbeau :
    Cette demande a été rétractée par les époux Albert VILLEMIN mais la Cour qui n'est pas liée par ce revirement, aurait le devoir d'ordonner une telle investigation si elle permettait de découvrir la vérité. Ce n'est pas le cas si l'on considère :
    - que plusieurs études des voix ont déjà été confiées à des experts et n'ont pas donné de résultat décisif,
    - que la requête des parties civiles est seulement accompagnée d'une coupure de presse relatant un fait divers et n'est étayée par aucun document scientifique,
    - que selon les informations les plus récentes contenues notamment dans le numéro 6, de la revue de la Police technique et scientifique éditée par le Ministère de l'Intérieur, des recherches sont en cours afin de permettre l'identification des voix mais n'ont pas encore abouti,
    - que même si un procédé fiable existait, sa mise en oeuvre serait très aléatoire en l'espèce dès lors que les enregistrements ont été effectués par les membres de la famille VILLEMIN de manière imparfaite et avec des appareils peu performants; que les bandes magnétiques déjà manipulées des centaines de fois par les enquêteurs et par les experts sont altérées et que la voix du Corbeau est, le plus souvent inaudible ou à peine perceptible,
    - qu'il n'est pas évident que les Corbeaux dont la voix a été enregistrée soient l'assassin ou le complice de celui-ci,
    - que le seul appel qui est manifestement l’oeuvre de l'assassin ou de l'un de ses complices, celui qu'aurait reçu Michel VILLEMIN le 16 octobre 1984 vers dix-sept heures trente, n'a pas été enregistré. En l'état actuel de la science et des pièces à conviction, de nouvelles expertises n'apporteraient donc aucune certitude quant à l'auteur du crime.

    2) Demandes de nouvelles auditions de témoins et de confrontations :
    Tant que les témoins qui prétendent ne rien savoir ou donnent des faits des versions apparemment contraires aux autres résultats de l'instruction, notamment Murielle BOLLE et les membres de la famille CLAUDON, demeureront soumis aux pressions qui s'exercent sur eux, aucune nouvelle audition, confrontation ou autre investigation ne réussira à vaincre leur obstination et à dissiper les brumes épaisses qui subsistent encore.

    PAR CES MOTIFS , LA COUR, dit et juge qu'en l'état il n'y a pas de charges contre Christine BLAISE épouse VILLEMIN d'avoir assassiné son fils Grégory Gilbert VILLEMIN, rejette les demandes de nouveau supplément d'information et dit n'y avoir lieu à suivre plus avant contre quiconque, donne mainlevée du contrôle judiciaire auquel l'inculpée est soumise, ordonne le dépôt du dossier de la procédure au greffe de la Cour d'appel de DIJON, en raison de la bonne foi des parties civiles, la décharge des frais qui seront supportés par le Trésor Public.
    Ainsi fait, jugé et prononcé à l'audience de la Chambre d'accusation de la Cour d'appel de DIJON, tenue en la Chambre du conseil, au Palais de Justice d~ ladite ville, le
    MERCREDI TROIS FEVRIER MIL NEUF CENT QUATRE VINGT TREIZE, par :
    - Monsieur MARTIN, Président de Chambre, Président de la Chambre d'accusation ;
    - Monsieur JACQUIN, Conseiller;
    - Madame KALUZNY, Conseiller ;
    Désignés conformément aux dispositions de l'article 191 du Code de Procédure Pénale, en présence de Monsieur KOHN, Avocat Général; Assistés de Madame GAUDIN, Greffier divisionnaire.

    Partager via Gmail Yahoo!

  • Commentaires

    1
    cantare.arteno@hotma
    Jeudi 14 Mai 2020 à 05:16

    depuis 1984 je suis cette affreuse histoire, j'en ais fais une chanson toujours inédite, je souhaite un jour avoir la chance de marcher dans ces villes des vosges tant citées depuis la mort du petit gregory, enfin je souligne une mere est amour et tendresse une maman ne tue pas son enfant, j'ai lu les livres ecrits par jean marie et christine puis celui ecrit ensembles 

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :